Madame la Présidente, je me réjouis de la tenue de ce débat parce que les libéraux ont finalement décidé d’aller de l’avant et de présenter un projet de loi visant à corriger le travail accompli par le gouvernement précédent. Le terme « travail » est un euphémisme dans ce cas, parce que cela a compliqué la tâche de plusieurs Canadiens lorsqu’est venu le temps de voter.
Comme la secrétaire parlementaire l’a dit tout à l’heure, ce projet de loi, selon ses termes, représente une « refonte générationnelle ». Le titre même du projet de loi, le fait qu’il s’agisse d’une loi sur la modernisation, le confirme. Cela donne clairement aux Canadiens l’impression que ce n’est pas une démarche qui est entreprise très souvent. Nous ne renouvelons pas très souvent les règles électorales qui régissent la façon dont nous participons tous à notre démocratie, la façon dont les partis et les tierces parties y participent et l’expérience des électeurs.
Il y avait un principe de longue date au Canada, à savoir que nous ne changerions jamais ces règles unilatéralement dans cette enceinte, qu’il s’agissait d’une mauvaise pratique et d’un acte de mauvaise foi de la part d’un seul parti qui se trouve à former le gouvernement. Cela pourrait donner aux Canadiens l’impression très nette que le parti au pouvoir établit des règles qui l’aideront aux prochaines élections.
C’est une hypothèse raisonnable. Il n’est même pas nécessaire d’être aussi cynique que certains membres du Cabinet du premier ministre pour faire cette supposition.
Depuis des générations, lorsque nous modifions les règles électorales, nous le faisons en collaboration. Malheureusement, le gouvernement précédent a rompu cette tradition en se battant contre le principe du répondant, dont il estimait qu’il posait un problème. Les néo-démocrates n’étaient pas du tout d’accord, et les faits leur ont donné raison parce qu’il n’y a pas eu de fraude massive au moment des élections et que ces changements concernaient davantage la privation du droit de vote que la protection de celui-ci.
La façon dont nous en sommes arrivés là avec le gouvernement actuel représente un élément important de cette conversation. Les libéraux ont dit que la barre était très basse et qu’ils voulaient corriger les changements apportés dans la loi sur le manque d'intégrité des élections de Stephen Harper. Ce n’était pas difficile à faire; il fallait simplement réparer une bonne partie des dommages causés par les conservateurs dans le projet de loi C-23 lors de la dernière législature.
Le gouvernement a présenté le projet de loi. Cela a pris un an, mais on pouvait lui pardonner puisque c’était un nouveau gouvernement. Puis, pendant deux ans, il ne l’a pas mis à l'ordre du jour et il est demeuré simplement inscrit au Feuilleton. Je me souviens d’avoir demandé à la ministre des Institutions démocratiques de l'époque: « Où est votre projet de loi? Sur quoi d’autre travaillez-vous? »
À l’époque, nous avions fait tout le processus de réforme électorale, comme certains de mes collègues se rappelleront bien. Le comité s’appelait le Comité spécial sur la réforme électorale. Nous avions une participation de tous les partis, y compris un représentant du Bloc et du Parti vert. Nous avons parcouru le pays, et en avons visité tous les coins et recoins. Je vois que la présidence sourit au doux souvenir de toutes ces journées que nous avons passées ensemble sur la route. Ce fut un privilège incroyable, non seulement parce que nous avons pu entendre des experts de partout au Canada nous parler de notre démocratie et de la manière d’en améliorer le fonctionnement, nous parler du vote et des différentes façons de compter les votes, mais aussi parce que nous avons pu voir comment une grande partie de l’Europe et la plus grande partie du monde, de fait, avaient changé avec le temps.
Surtout, nous avons recueilli le point de vue des Canadiens moyens, des Canadiens ordinaires. Nous avons mené un sondage en ligne. Environ 33 000 personnes, sauf erreur, y ont participé. Nous avons organisé des assemblées publiques et recueilli des témoignages dans chaque province, et nous avons aussi eu une tribune libre où les gens pouvaient prendre le micro pour nous dire en quelques mots ce qu’ils jugeaient nécessaire.
C’est le sang vital du parlementaire, la raison d’être même de notre présence ici, d’avoir cet accès libre aux Canadiens. Ils se sont vidé le coeur, ils nous ont parlé des réformes électorales qu’ils souhaitaient. Ils ont appuyé massivement les systèmes de scrutin proportionnel. C’est ce qu’ils nous ont dit, les experts comme le public, lorsqu'ils ont comparu devant nous.
Puis, malheureusement, à la onzième heure, dans un geste des plus maladroits et très cynique, les libéraux ont en quelque sorte mis fin au débat et, pendant des mois, ont refusé de parler de ce qu’ils voulaient faire et du genre de système électoral qui les intéressait. Le premier ministre avait donné à entendre qu’il aimait bien un système de scrutin préférentiel utilisé en Australie. Cependant, tout au début du processus du comité, les experts nous ont dit que le scrutin préférentiel ne fonctionnerait pas au Canada, que nous aurions un système uninominal majoritaire à un tour à la puissance dix. Cela fonctionnait très bien pour un parti traditionnellement centriste, un parti qui empruntait un peu de tous les côtés, en tout temps. Bon sang, qui cela pouvait-il bien aider? Ah, oui, les libéraux. L’idée a été descendue en flammes dès le départ.
Puis, le manque d’intérêt des libéraux pour faire avancer les choses est devenu évident, au point où la ministre de la Réforme démocratique de l’époque s’est levée à la Chambre pour réprimander le comité lui-même, lui reprochant de ne pas avoir fait son travail. Elle est alors devenue l’ex-ministre des Institutions démocratiques, parce que cela avait mal passé.
Nous avons ensuite vu le gouvernement prendre tellement de temps qu’il a dépassé l’échéance qu’Élections Canada avait fixée, qui était le printemps dernier. De fait, Élections Canada est venu expliquer à notre comité que, pour modifier le mode de fonctionnement des élections, il fallait que la Chambre et le Sénat adoptent une mesure législative le printemps dernier. Les libéraux ont dit « très bien », ont vu venir l’échéance et ont déposé le projet de loi le lendemain de celle-ci, une fois qu'elle eût passé.
Le comité s’est mis au travail, les conservateurs ont commencé à faire un peu d’obstruction, et il a fallu tout le printemps et une partie de l’automne avant que le gouvernement cligne des yeux et conclue une entente. C’est tellement agréable de voir les parlementaires se concerter pour trouver une solution. Les conservateurs et les libéraux ont convenu qu’il y aurait plus de dépenses préélectorales, ce qui amènerait plus d’argent dans la politique. Les libéraux étaient à l’aise avec cela. Aujourd’hui, ils sont de nouveau en colère contre les conservateurs et les choses reviennent à la normale, je suppose.
Nous discutions justement, à l’extérieur de la Chambre, de la commission aux débats. Ce même comité l’avait étudiée pendant longtemps et il avait présenté des recommandations claires, que j’ai ici. La deuxième — la plus importante — vise les débats des chefs, qui constituent un volet crucial de notre processus démocratique. De nombreux Canadiens regardent ces débats en français et en anglais pour choisir qui appuyer. Toutefois, cette stratégie s’est avérée un peu difficile lors de la dernière élection, car plusieurs chefs ne se sont pas présentés, ce qui a brouillé un peu le processus. Il y a trois ans, on a donc promis de créer une commission chargée des débats. Toutefois, pendant des mois et des mois, la nouvelle ministre libérale des Institutions démocratiques nous a dit de ne pas nous inquiéter, que si l'on ne nous consultait pas vraiment, c'est parce qu’on allait simplement se servir du rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous lui avons répondu qu'il n'y avait pas de problème, du moment que tout serait conforme aux résultats de l’étude et aux recommandations du Comité.
Selon la deuxième recommandation, le commissaire aux débats des chefs doit être choisi à l'unanimité par les partis de la Chambre. Cela semble être une bonne idée. Nous ne voulons pas que la personne qui définira les règles de ce débat crucial favorise tel ou tel parti ou qu’elle soit choisie par un parti et par personne d’autre. En effet, les Canadiens se demanderaient alors s'il s'agit d'une nomination partisane, ce qui ne serait pas équitable. Cette nomination ne doit pas être partisane, surtout si elle correspond au choix d'un seul parti. Autrement, il faudrait se contenter de regarder la ministre des Institutions démocratiques se présenter devant les caméras pour annoncer que le gouvernement a nommé un commissaire, qu'il a pris cette décision seul, qu'il a fixé les modalités de participation au débat et que le commissaire qu'il a nommé décidera des thèmes à débattre et des règles à observer. Les libéraux nous enjoignent unilatéralement de leur faire confiance.
Lorsqu'il est question d’enjeux démocratiques, le gouvernement semble être pris bien souvent d'une espèce de tic. Quand ils doivent décider de collaborer avec les autres ou de gouverner unilatéralement, les libéraux au pouvoir choisissent systématiquement cette dernière option. Je ne sais pas pourquoi. Du point de vue stratégique, c’est plutôt idiot parce que quand ils formulent des recommandations qu’ils sont les seuls à appuyer, ils savent bien qu’on les accusera de parti pris. Ils risquent d’être accusés de fausser les règles. Bon Dieu, je ne sais pas pourquoi ils font cela. Nous n’essayons pas de coopérer au renforcement de la démocratie pour le simple plaisir de collaborer, mais si cela ne nous motive pas assez, faisons-le déjà par stratégie politique. Malheureusement, les libéraux ne comprennent pas que s’ils collaborent avec d’autres partis pour qu’ils appuient leurs recommandations, ils s'exposeront à bien moins de controverse, et les Canadiens accepteront mieux les résultats. Pourtant, les libéraux choisissent toujours de faire les choses unilatéralement et ils prennent chaque fois une grosse claque en plein visage, alors ils cherchent quelqu'un sur qui rejeter la faute.
Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi C-76, qui présente de grandes lacunes. Le parti au pouvoir a lui-même proposé un grand nombre des 338 recommandations et amendements touchant le projet de loi. Les libéraux ont rédigé le projet de loi, puis ils ont dû le corriger. Pas plus tard qu'hier soir, nous avons voté sur des corrections aux corrections apportées au projet de loi. Le gouvernement a pris trois ans avant de présenter enfin un projet de loi sur cette question, mais celui-ci présentait de nombreux problèmes fondamentaux, dont un grand nombre n'ont pas encore été corrigés. Je vais donner un exemple, qui, à mon sens, illustre bien la situation.
Les Canadiens auraient raison de s'inquiéter si une personne tentait de tricher ou de voler des votes au cours d'une élection, ou encore si elle dépensait de l'argent illégalement. Comment Élections Canada pourrait-il faire enquête là-dessus? Il faudrait que l'organisme puisse contraindre des personnes à témoigner, et le projet de loi renferme des dispositions à ce sujet. Toutefois, contrairement à ce qu'Élections Canada souhaitait, le projet de loi ne lui accorderait pas le pouvoir d'exiger des reçus et des talons de chèque de tous les partis politiques, comme c'est le cas pour les candidats aux élections. Lorsqu'un candidat prétend avoir dépensé de l'argent, il doit prouver à quelles fins l'argent a été dépensé. Or, les partis politiques ne sont pas assujettis à la même exigence.
C'est bien étrange. Comment Élections Canada peut-il mener une enquête et découvrir que quelque chose a mal tourné ou qu'une personne a triché s'il ne peut pas recueillir de preuves? Ce serait un peu comme si la Chambre adoptait des lois pénales destinées à renforcer la protection des Canadiens, tout en empêchant la police de recueillir des preuves. Il n'est pas possible de traduire un accusé en justice en l'absence de preuves.
En fait, les libéraux avaient inclus dans le projet de loi une disposition exigeant la production de reçus et de factures, mais ils l'ont enlevée. Nous avons tenté de la remettre dans le projet de loi, mais les libéraux ont dit non. Le directeur général des élections a déclaré qu'il avait besoin de ce pouvoir pour attraper les criminels. Si un individu qui travaille pour un parti se met à tricher et à voler de l'argent, Élections Canada n'en saura rien, car il ne pourra pas recueillir de preuves. Pour pouvoir tenir une enquête, il faut détenir des preuves.
Parlons de l'augmentation du nombre de femmes au Parlement. Nous nous souvenons tous du programme Héritières du suffrage. C'est un excellent programme. Le gouvernement a décidé de le financer un peu plus. Grâce à ce programme, de jeunes femmes de chacune des circonscriptions au pays viennent occuper les 338 sièges de la Chambre des communes. Elles s'y assoient. L'an dernier, elles ont pu poser des questions au premier ministre. Elles étaient bonnes. Elles étaient fermes et justes, mais surtout fermes.
Si l'on examine la situation au Parlement, à savoir si celui-ci reflète la population canadienne, si l'on plaçait tous les parlementaires sur les marches du Parlement, la première chose que l'on remarquerait, c'est que les femmes sont peu nombreuses. Elles représentent 26 % des députés. À la législature précédente, c'était 25 %. Leur proportion a augmenté de 1 %. À ce rythme-là, nous atteindrons l'égalité hommes-femmes au Parlement dans 83 ans. Les Héritières du suffrage ont dit: « Ce délai est inacceptable, monsieur le premier ministre féministe. Quand allez-vous intervenir à cet égard? »
L'une des façons d'y arriver est d'encourager plus de femmes et de personnes d'origines diverses à se porter candidats. C'est là un bon moyen. Toutefois, comme dans beaucoup d'autres domaines de la vie, l'argent est le nerf de la guerre. C'est pourquoi nous avons proposé une mesure tirée du projet de loi de notre ancien collègue Kennedy Stewart. Comme d'habitude, les libéraux ont voté contre ce projet de loi, même s'ils avaient indiqué qu'ils y étaient favorables. La mesure concernait le remboursement des dépenses des partis, ce que le public fait très généreusement, et consistait à rembourser à 100 % les partis qui s'efforcent de présenter un groupe de candidats reflétant le pays et qui s'approchent de la parité. Ainsi, les partis qui ne présentent que des candidats masculins, blancs et d'âge mûr auraient reçu moins d'argent public. Il s'agit d'une mesure qui incite à ne pas se contenter de voeux pieux et à tenter de recruter un groupe de candidats diversifié, afin d'avoir une variété de points de vue à la Chambre. Est-ce si radical comme approche? Les libéraux ont voté contre. Ils ont plutôt choisi d'offrir aux candidates féminines d'inclure des frais de garderie pour 30 jours parmi les dépenses électorales admissibles à un remboursement. Cela pourrait leur permettre de recueillir du financement et d'obtenir des services de garderie pour 30 jours. Comme si c'était cela qui empêchait les femmes de se lancer en politique: 30 jours sur 35 jours de période préélectorale.
Voyons donc! Pour un premier ministre soi-disant féministe — et je dis « soi-disant » parce que je n’ai pas beaucoup de preuves qu’il le soit —, on pourrait penser que s’il avait une proposition qui ferait en sorte que plus de femmes soient élues au fil du temps, ce serait bien, sauf s’il se satisfait de 26 %. Cela semble être le cas, puisqu’il a décidé récemment de mettre tous ses candidats sortants à l’abri d’une course à l’investiture. Il a simplement dit: « Ils sont tous protégés », ce qui revient essentiellement à dire qu’il aimerait conserver le statu quo. Je le sais parce que je crois qu’une association d’une circonscription libérale ne tenait pas à ce que son député sortant continue de la représenter et que le Parti libéral lui a répondu dernièrement de rentrer dans le rang ou de prendre la porte. C’est sans contredit un témoignage d’amour à l'intention de la base.
La protection de la vie privée a pris une place énorme dans les échanges que nous avons eus avec les Canadiens. Les néo-démocrates croient que les gens doivent jouir du droit à la protection de leurs données personnelles. Tandis que nous nous engageons toujours plus profondément dans l’univers des réseaux sociaux et dans la cyberéconomie, la vie privée et la protection des renseignements personnels deviennent incroyablement importantes dans le commerce, mais aussi en politique. Voici ce que disent les règles au Canada sur la façon dont les partis gèrent d’énormes bases de données sur l’électeur canadien. Elles ne disent rien. Le droit canadien ne dit rien. Donc, s’il s’agit d’un projet de loi de modernisation, d’une tentative qui n’arrive qu’une fois par génération de rendre nos élections libres et équitables et de protéger notre démocratie sacrée ici au Canada, nous pourrions penser que, puisque nous sommes en 2018, nous y trouverions quelque chose sur ces données et sur la protection des droits des Canadiens.
Voilà la menace qui a été révélée. Elle n’est pas imaginaire. Avez-vous entendu parler de Cambridge Analytica? Cette société a contacté plusieurs députés de la dernière législature, moi compris, et leur a dit qu’ils devraient retenir ses services parce qu’elle pourrait les aider à collecter des données sur leurs propres sites de réseaux sociaux, sur Twitter et sur Facebook. Elle a expliqué qu’elle trouverait les adresses électroniques connexes, ce qui est habituellement impossible. Si une personne nous aime sur Facebook, elle nous aime sur Facebook. Ça n’a rien d’exceptionnel. Toutefois, nous ne pouvons pas trouver son adresse électronique. Cambridge Analytica a déclaré qu’elle nous obtiendrait aussi les adresses des amis de ces personnes, qu’elle pourrait microcibler des personnes qui pourraient avoir des liens avec elles et qui pourraient nous intéresser.
Pour les partis politiques, c’est une manne inespérée. C’est intéressant. Cela ouvre de nouvelles possibilités. Avec les réseaux sociaux, nous pouvons maintenant hypercibler des personnes. L’époque où nous placions des publicités politiques par saupoudrage pour attirer les électeurs est révolue. Le microciblage, voilà où nous en sommes.
Jusqu’à l’an dernier, les libéraux se targuaient d’être capables de microcibler. Ils ont dit que c’est ce qui leur avait permis de remporter les dernières élections. En réalité, ils ont retenu les services de Cambridge Analytica. Ils ont octroyé un contrat public de 100 000 $ pour faire quoi? Est-ce que quelqu’un a vu le contrat? Non, parce que les libéraux ne veulent pas le rendre public. Ils ont embauché les types qui ont été pris dans une affaire appelée Brexit.
On se souviendra du Brexit. La Grande-Bretagne se souvient très bien du Brexit parce qu’elle est plongée là-dedans en ce moment même. Les électeurs anglais ont été hyperciblés. Des bases de données ont été passées au peigne fin. Les mentions « J’aime » et des groupes de partage de Facebook ont été manipulés et ils ne recevaient que plein de mythes et de désinformation sur ce que le Brexit signifiait. Depuis le lendemain du Brexit, le Parlement britannique tente de faire la lumière sur la façon dont ce référendum s’est déroulé.
Je veux que les gens, particulièrement au Québec, s’imaginent ce qui serait arrivé lors du dernier référendum au Québec si nous avions appris après coup qu’il avait été manipulé par des groupes et des organismes extérieurs, qu’un gouvernement étranger avait épluché les profils de données de Québécois et les avait ciblés un par un et avait répandu de fausses informations sur les effets de leur vote au référendum. Comment les Québécois auraient-ils réagi dans ce qui a été, au bout du compte, un vote extrêmement serré sur la sortie du Québec du Canada? Les gens auraient-ils eu des doutes sur les résultats du vote, qu’ils aient gagné ou perdu? Les perdants auraient-ils dit que le vote n’avait pas été équitable? C’est ce qui arrive en Angleterre.
Le département de la Justice des États-Unis a dit que les dernières élections américaines avaient été manipulées et que les élections imminentes de mi-mandat aux États-Unis sont elles aussi manipulées par des pirates informatiques russes et chinois. La menace est réelle et elle est actuelle. Quand nous examinons ce projet de loi de modernisation et que nous nous demandons quelles protections nous allons…
M. Gérard Deltell: Il y a 23 ans de cela.
M. Nathan Cullen: C’est très intéressant. Le vote a eu lieu le 30 octobre, il y a 23 ans. C’est fascinant. J’aurais bien aimé le savoir avant de prendre la parole parce que l’argument aurait été encore plus fort. Cela remonte à 23 ans aujourd’hui.
Des élections sont en cours aux États-Unis. Les bases de données démocrates et républicaines ont été piratées aux dernières élections. Nous avons vu les courriels qui ont été diffusés, par des agents russes en l’occurrence. Les États-Unis ont mis en garde le Canada. En réalité, nos propres services secrets, le Centre de la sécurité des télécommunications, ont mis en garde le Canada. La ministre des Institutions démocratiques a demandé à nos services secrets d’examiner notre processus démocratique et de faire des recommandations. Ils ont présenté un rapport l’été dernier et dit qu’en matière de protection de la vie privée, nos protections ne sont pas suffisantes pour protéger notre démocratie. Le rapport que la ministre a commandé à un organisme canadien dit que les mesures ne sont pas suffisamment solides.
La réponse des libéraux a été de rejeter une à une toutes les recommandations que les néo-démocrates ont présentées pour améliorer les choses. Les recommandations étaient fondées sur les témoignages du directeur général des élections, du commissaire à la protection de la vie privée, de la Civil Liberties Association de la Colombie-Britannique. De fait, pas un seul témoin n’est venu nous dire: « S’il vous plaît, ne faites rien. »
Voici ce que les libéraux ont offert dans le projet de loi C-76. Dorénavant, tous les partis doivent avoir sur leur site Web une déclaration concernant la protection de la vie privée. Rien ne précise quelle doit être la teneur de cet énoncé, si l’énoncé est exécutoire ou si manquer à une promesse aux Canadiens aura des conséquences. Holà, les Canadiens tremblent de tous leurs membres. Que les libéraux sont forts et durs. Nous devons mettre sur nos sites Web une déclaration qui n’est pas exécutoire, qui est virtuellement insignifiante. Voilà ce qu’est la protection de nos institutions démocratiques, d’après les libéraux. Seigneur, s’ils pouvaient, pour une fois, être sérieux à ce sujet.
Au comité, pas un seul témoin n’a déclaré que le statu quo était acceptable. De fait, le directeur général des élections du Canada a déclaré que la plus grosse lacune de ce projet de loi réside dans le respect de la vie privée. Le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré que ce projet de loi ne contient rien d’important concernant la protection de la vie privée. Ce sont les experts. Ce sont les chiens de garde. Ce sont les personnes en qui nous avons confiance. Nous devrions leur faire confiance.
Hier soir, quand nous avons voté au sujet de ces amendements visant à améliorer les choses, à encourager plus de femmes à participer, à permettre une meilleure protection de notre vie privée, à encourager une plus grande émancipation, les libéraux les ont rejetés de nouveau, comme ils l’avaient fait au comité. Je ne comprends vraiment pas pourquoi. Ici, nous sommes censés collaborer. Nous ne sommes pas censés avoir des désaccords fondamentaux au sujet du droit des Canadiens de voter lors de nos élections. J’aimerais tant que les libéraux joignent le geste à leurs belles paroles.