Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord, comme porte-parole en matière de sécurité publique pour le NPD, d'offrir nos pensées aux personnes qui ont été blessées dans cet horrible accident d'autobus qui a eu lieu sur l'autoroute 401, pas loin d'ici, à Prescott. Nous remercions aussi les premiers répondants qui sont sur la scène actuellement. Nous espérons que les dommages seront minimes.
Je vais me permettre de rapporter un peu d'ordre dans le débat, si je peux emprunter cette expression. On récapitule les positions des différents partis sur le projet de loi, mais il faut traiter ce qui est vraiment devant nous, soit une motion des conservateurs pour que le comité voyage. C'est une motion d'instruction pour le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, auquel je siège et dont j'ai l'honneur d'être le vice-président.
Avant de souligner quelques points qui ont été faits par rapport au projet de loi et de parler de ceux avec lesquels je suis d'accord, et d'autres avec lesquels je le suis moins, je veux parler du processus. Je pense qu'on a une belle démonstration sur pourquoi le débat sur les armes à feu n'est pas sain au Canada. Je m'explique: je ne blâme pas les citoyens ni la société civile, au contraire. J'examine plutôt la façon dont se comportent certains partis politiques à la Chambre.
Nous avons eu un marathon de votes, un filibuster, qui a essentiellement effacé la première journée de débat sur le projet de loi C-71. Il s'agissait de votes déclenchés par le Parti conservateur, l'opposition officielle. C'est son droit, je ne conteste pas cela. En revanche, par la suite, les libéraux sont arrivés le lundi matin suivant, après une fin de semaine qu'on a passée dans notre circonscription, pour déposer une motion d'attribution de temps. En tant que porte-parole en matière de sécurité publique pour la deuxième opposition, le NPD, je n'avais même pas encore pris la parole, et on avait déjà déposé, présenté et débattu une motion d'attribution de temps. C'était complètement hallucinant.
Ces gestes qui limitent le débat, conjugués à tous ces jeux procéduraux à la Chambre, ont eu un impact sur un projet de loi de grande importance. En effet, il touche les lois et les règles entourant l'utilisation et l'acquisition d'armes à feu au Canada. Tout cela est problématique. En fait, cela empoisonne malheureusement le dialogue dès le départ et cela n'aide personne à atteindre l'équilibre entre assurer la sécurité publique et penser aux personnes qui respectent la loi et qui sont propriétaires d'armes à feu.
En principe, nous ne pouvons pas être en désaccord avec la proposition des conservateurs de voyager. Comme parlementaire, je suis toujours ouvert et j'accueille toujours assez favorablement la possibilité d'étudier davantage un projet de loi. Cela étant dit, je trouve aussi cela un peu de mauvaise foi. Nous avons un comité qui fonctionne assez. Je ne suis pas toujours d'accord avec les positions du gouvernement, car de toute évidence, j'aimerais que certaines études se poursuivent plus longtemps. Nous venons de terminer l'étude du projet de loi C-59, la grande réforme sur la sécurité nationale. J'aurais certainement souhaité qu'il y ait des réunions supplémentaires et d'autres témoins, mais, somme toute, nous formons un des comités de parlementaires, j'ose dire, qui fonctionne le mieux.
Sans vouloir offenser mon collègue de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, je considère que son geste est de mauvaise foi. Il est arrivé, la veille de l'étude article par article, avec une telle motion, sans avoir tenté de collaborer avec ses collègues. Je peux dire que je n'ai pas reçu d'avis qu'on allait parler de cela et qu'il n'y a pas eu de discussion du genre. On a présenté cela, et on a interrompu les témoins en comité pour débattre des motions pour prolonger l'étude, plutôt que de réellement utiliser le sous-comité ou toute autre instance, que ce soit une conversation informelle ou autre, pour parler de cela. Je pense néanmoins que c'est important de dire qu'en principe, je ne m'oppose pas à la proposition mise en avant par le Parti conservateur.
Je vais aussi traiter de façon plus substantielle des points qui ont été soulevés concernant l'étude et le projet de loi. Il y a quelque chose que je trouve hallucinant. En effet, jeudi dernier, une représentante de l'Assemblée des Premières Nations est venue témoigner. D'ailleurs, mon collègue a mentionné ce témoignage. Elle avait des points très importants à soulever; au NPD, on ne s'est jamais cachés. C'était quelque chose de très important. Je me souviens d'un des derniers débats déchirants sur les armes à feu au Canada.
En ce qui concerne le respect de leurs droits comme chasseurs et pêcheurs, Jack Layton avait dit que les Premières Nations avaient une place importante. Respecter ces lois, c'est considérer l'importance des peuples autochtones.
Jeudi dernier, on a entendu des conservateurs dire que c'était faux, qu'on n'avait pas consulté les Premières Nations et qu'il fallait les respecter, alors que la veille, ils se sont opposés au projet de loi de mon collègue d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, qui visait à mettre en oeuvre de façon légale le respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je trouve contradictoire qu'ils disent ce soir à la Chambre que les représentants de l'Assemblée des Premières Nations disaient qu'on ne les avait pas assez consultés, alors qu'on a eu l'occasion d'inclure dans le projet de loi le fait qu'on doit respecter les Premières Nations au Canada. C'est quelque chose de contradictoire et c'est le moins qu'on puisse dire.
Par ailleurs, il y a aussi cette campagne de désinformation selon laquelle on on est en train de réintroduire un registre des armes à feu, alors que ce n'est pas du tout le cas.
Je me permets de retourner dans le passé, à un débat qui a eu lieu en 2012 sur le projet de loi du gouvernement conservateur pour éliminer le registre des armes à feu. Rick Hanson, qui était chef de police à Calgary à l'époque, est venu témoigner en faveur du projet de loi, c'est-à-dire contre l'existence du registre des armes à feu, disant qu'il était représenté par des députés conservateurs. Je pense qu'on peut tirer la conclusion que c'était un témoin invité par les conservateurs.
Je vais lire ce qu'il a dit en anglais, la langue dans laquelle il s'est exprimé en comité. Deux aspects clés de son témoignage sont reliés à des éléments qui sont dans le projet de loi C-71. Il parle d'abord des permis de possession d'armes à feu:
Dans le cas d'une personne qui vend une arme à feu, le libellé doit préciser que le cessionnaire doit présenter un permis valide l'autorisant à acquérir et à posséder une telle arme à feu, et que le cédant doit demander au directeur de lui confirmer que le permis est valide.
C'est une proposition présentée par un chef de police qui était contre le registre des armes à feu. Des députés conservateurs et des gens qui viennent en comité tentent de nous dire qu'il s'agit d'un registre des armes à feu. En fait, c'est simplement un numéro de référence, un simple geste bureaucratique pour indiquer que le permis a été vérifié. Cela s'arrête là. On est très loin d'un registre des armes à feu. Tous les témoins des deux côtés du débat ont abondé en ce sens.
Je peux dire, en primeur, que je vais proposer un amendement en comité pendant l'étude article par article, afin d'aborder certaines inquiétudes des propriétaires d'armes à feu. Au lieu d'avoir un numéro de référence pour chaque arme à feu vendue dans une transaction d'un individu à un autre, que ce soit un numéro de référence qui démontre qu'on a vérifié la validité du permis pour chaque transaction. J'ai posé la question à un témoin en comité, et plutôt que de me répondre, il a décidé de passer à côté de la question et de parler d'autres points qu'il voulait aborder
Je veux soulever un autre aspect du témoignage de M. Hanson. Il a dit:
[I]l faut rétablir l'enregistrement aux points de vente. Ce processus existait avant le registre des armes à feu et était utile pour deux raisons. Tout d'abord, il permettait la vérification appropriée des magasins d'armes à feu pour garantir le respect de la loi qui les empêche de vendre des armes aux personnes qui n'ont pas de permis appropriés. C'est un point de départ lorsque l'on détermine qu'une arme à feu a été utilisée pour commettre une infraction criminelle.
C'est une déclaration importante. Je suis d'accord avec le secrétaire parlementaire que la très forte majorité des entreprises qui vendent des armes à feu ont des pratiques d'affaires substantielles, appropriées et robustes. Toute entreprise respectable va maintenir ce genre de dossiers, et c'est tout à fait correct. Cependant, le fait d'avoir une loi garantit aux policiers qu'ils peuvent obtenir cette information, avec un mandat approprié, bien sûr.
C'est important de le souligner, parce que c'était dans la loi avant l'existence du registre des armes à feu, et que c'est un élément de la loi qui a été abrogé à cause du registre. Quand le registre a été éliminé, plusieurs personnes de la communauté de la sécurité publique ont dit qu'il fallait remettre cet élément dans la loi, parce que cela donne au moins un outil à la police, afin de valider et de vérifier où une arme a été vendue.
Si mes collègues conservateurs et moi avons un point en commun, c'est que nous avons des questions à poser. Comment va-t-on imposer l'uniformisation des pratiques des marchands? Quels coûts y seront associés? Quel genre de consultation sera entamée par le ministre de la Sécurité publique en développant cet aspect de la loi? Il y a des préoccupations à ce sujet.
Nous avons également des questions à poser sur les systèmes qui seront utilisés, que ce soit par Internet ou autrement, pour l'obtention d'un permis pour le transport d'une arme restreinte ou prohibée, notamment dans les cas où plusieurs demandes seront faites en même temps. Par exemple, lorsque plusieurs propriétaires d'armes à feu participeront à la même activité, ils devront transporter leurs armes à feu et donc obtenir un permis de transport. Comment va-t-on procéder dans de tels cas? Quels seront les coûts? Ce sont des questions tout à fait légitimes que nous posons en comité.
Ce qu'il faut retenir, c'est que la question des armes à feu suscite beaucoup d'émotions au sein de la population pour toutes sortes de raisons. Certaines personnes ont été victimes de crimes horribles commis avec des armes à feu, tandis que d'autres sont des propriétaires d'armes à feu légitimes et respectueux de la loi qui veulent que les politiques publiques adoptées au nom de la sécurité publique soient respectueuses du fait qu'ils s'adonnent à certains passe-temps de façon responsable. Nous reconnaissons qu'il y a là un équilibre difficile à atteindre et que cela soulève beaucoup de questions extrêmement difficiles. Nous entendons des témoignages très préoccupants et nous avons le devoir, comme parlementaires, de faire ce travail comme il faut.
Alors, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, je suis très ouvert à la proposition de mes collègues conservateurs de voyager et d'entendre davantage de témoignages, mais il faut le faire de bonne foi. J'ai entendu un député conservateur parler de financement politique, mais les libéraux en sont coupables aussi. Ils ont envoyé des courriels dans lesquels on amalgamait toutes sortes de propos de propriétaires d'armes à feu afin de collecter de l'argent. Ce n'est pas en faisant du financement politique, peu importe de quel côté du débat on se trouve, qu'on va réellement adopter des politiques publiques saines et respectueuses de toutes les communautés touchées par ce projet de loi.
Pour ma part, je vais continuer de travailler sur cette question de façon robuste et appropriée. Je reconnais tous les défis qui s'y rattachent. Il y a des mesures qui soulèvent des préoccupations, d'autres qui sont bien et d'autres qu'on devra peaufiner, puisque le diable est dans les détails. Si ce débat me permet de dire une chose, au risque de me répéter, c'est qu'on doit l'aborder de façon sérieuse et saine si on veut réellement être respectueux des personnes qui ont des préoccupations importantes au sujet de ce projet de loi.
J'ai demandé au ministre s'il était prêt à revoir les définitions prescrites par la loi — celles qui sont du ressort du Parlement — qui encadrent le travail de classification fait par la GRC. S'il y a une chose qui fait l'objet d'un consensus depuis que je suis porte-parole en matière de sécurité publique, c'est la nécessité de mettre à jour les définitions. J'espère donc que le ministre va s'y mettre. C'est une invitation que je lui lance. En clarifiant certaines définitions, on viendrait régler plusieurs des problèmes soulevés dans ces débats.
En ce qui nous concerne, au sujet de la motion dont il est question ce soir, c'est malheureusement un débat qui va devoir attendre un autre jour.