Monsieur le Président, le 11 juin 2008, le premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses historiques au sujet des pensionnats indiens. Il a reconnu que les deux principaux objectifs du système des pensionnats indiens étaient d'isoler les enfants et de les soustraire à l'influence de leur foyer, de leur famille, de leurs traditions et de leur culture afin de les assimiler à la culture dominante.
Il a dit:
« Les langues et les pratiques culturelles des Premières Nations, des Inuits et des Métis étaient interdites dans ces écoles [... ] Le gouvernement reconnaît aujourd'hui que les conséquences de la politique sur les pensionnats indiens ont été très néfastes et que cette politique a causé des dommages durables à la culture, au patrimoine et à la langue autochtones. »
Ces excuses ont marqué le début d'un effort soutenu qui visait à entamer la guérison des torts et des traumatismes intergénérationnels causés par plus d'un siècle de politiques imposées par le gouvernement fédéral aux peuples autochtones. Les excuses de Stephen Harper, qui étaient les premières à être présentées par un premier ministre dans l'histoire du Canada, ont permis un règlement final dans le contexte des pensionnats indiens et la création de la Commission de vérité et réconciliation, pour faire en sorte que l'histoire complète des pensionnats et l'expérience des survivants et des familles soient rendues publiques et pour fournir des recommandations aux fins de la réconciliation. Le rapport final comprenait 94 appels à l'action. Ce projet de loi répond aux appels 13, 14 et 15.
Il est essentiel de bien comprendre l'histoire commune complexe des peuples fondateurs du Canada, notamment l'époque où le pouvoir de l'État a servi à séparer des familles et à infliger des mauvais traitements indescriptibles aux enfants pour tenter de manière systémique de détruire traditions, croyances et langues. Il a fallu beaucoup de temps aux survivants et à leurs familles avant qu'ils ne parlent de leur vécu et de ses répercussions concrètes sur leur vie aujourd'hui, cela leur a été difficile, mais cette étape va contribuer à la réconciliation de façon constructive.
Plus de 150 000 enfants autochtones ont été arrachés à leur foyer dans le cadre du programme des pensionnats indiens, un programme amorcé avant la Confédération qui s'est poursuivi jusque dans les années 1990. Plus de 20 000 enfants autochtones ont été retirés de leur foyer et placés dans des familles non autochtones, une vague de retraits qu'on a appelée la « rafle des années 1960 ». Des générations d'enfants ont grandi sans modèle parental, sans grands-parents ni aînés, sans l'amour et la présence des membres de leur famille pour leur transmettre les valeurs familiales et culturelles de base. Ils ont grandi loin de leur famille et de leur communauté, ce qui a eu des conséquences évidentes.
En 2016, selon Statistique Canada, sur le nombre d'enfants de moins de 15 ans placés en foyer d'accueil au Canada, 14 970 étaient autochtones, soit plus de la moitié. On en voit les conséquences dans les problèmes socioéconomiques disproportionnés chez les Canadiens autochtones, comme la violence, le suicide et une vulnérabilité qui pose un risque élevé. Les énormes traumatismes systémiques subis par les Autochtones parce que le gouvernement a tenté de détruire leurs pratiques culturelles vont nécessiter une démarche de guérison qui sera longue et multidimensionnelle.
Les conservateurs sont particulièrement convaincus que les familles sont le fondement de la société; que les parents sont les premiers enseignants; que l'intervention de l'État dans la vie familiale et personnelle doit être limitée; que la langue est la pierre angulaire de la préservation des traditions, des valeurs et des pratiques culturelles au fil des générations; que chaque être humain a droit à la base à la même dignité, au même respect et à la même liberté de décision. Il n'est donc pas étonnant que ce soient les conservateurs qui aient entamé ce processus et que nous soyons favorables au principe et à l'objet du projet de loi C-91.
Le dernier gouvernement conservateur a investi comme jamais et il a agi dans les dossiers de la culture autochtone, de l'éducation, du logement et de l'approvisionnement en eau potable. Il faut savoir, toutefois, que ce n'est pas en instaurant des rapports de complète dépendance envers le financement du gouvernement fédéral que les Premières Nations réussiront à bâtir l'avenir qu'ils souhaitent pour leurs enfants. Pour les conservateurs, l'autonomisation et la réconciliation économiques sont tout aussi importantes. Lorsque les communautés autochtones ont accès à des revenus sans l'intervention du gouvernement, ils peuvent les investir en fonction de leurs propres priorités, sans avoir à obtenir l'approbation d'un fonctionnaire d'Ottawa ou à faire entrer leur projet dans les catégories prévues par un programme fédéral. L'autonomisation économique des Premières Nations permet aux communautés autochtones d'investir dans leur culture et de préserver leur patrimoine pour pouvoir les chérir encore longtemps.
Joe Dion, de la Frog Lake Energy Resources, dans Lakeland, est un ardent défenseur de l'autonomisation des peuples autochtones, car elle permet de générer une prospérité durable dont profitent les communautés, les aînés et les futures générations. Ma région regorge de ressources naturelles, et de nombreux membres des communautés autochtones — partenaires, propriétaires, employeurs, entrepreneurs et travailleurs — y exploitent ces ressources de façon responsable. Je suis fière d'être la députée de tous les habitants et de toutes les communautés de Lakeland, dont l'établissement métis de Buffalo Lake, l'établissement métis de Fishing Lake, l'établissement métis de Kikino, la nation de Frog Lake, la nation de Goodfish, la nation crie de Kehewin, la nation crie de Saddle Lake, la nation d'Onion Lake et l'établissement métis d'Elizabeth.
Dans le cas de ces communautés et, hélas, d'autres communautés autochtones partout au Canada, le rêve d'autosuffisance économique est bridé par le gouvernement libéral actuel. Le programme anti-ressources des libéraux torpille le meilleur espoir de ces communautés pour vraiment mettre fin à leur dépendance au gouvernement fédéral.
Le chef Isaac Laboucan-Avirom de la Première Nation crie de Woodland a dit ceci: « Cela me frustre, en tant que membre d'une Première Nation, de devoir presque mendier, alors que nous vivons dans l'un des pays où les ressources sont les plus abondantes au monde. »
Lorsque le premier ministre libéral a opposé son veto au projet d'oléoduc Northern Gateway, Equity Partners a déclaré que ses membres étaient « profondément déçus de voir que le premier ministre — qui, pendant la campagne électorale, avait promis la réconciliation avec les communautés autochtones — nie délibérément aujourd'hui le droit au développement économique qu'ont les 31 communautés des Premières Nations et de Métis et qui est protégé par la Constitution. »
En ce qui concerne la mesure anti-pipelines des libéraux, le projet de loi C-69, Stephen Buffalo, PDG du Conseil des ressources indiennes, a fait la déclaration suivante au nom de centaines d'entreprises autochtones:
Les communautés autochtones sont sur le point de faire une percée économique majeure qui leur permettra enfin de participer à la prospérité économique du Canada [mais] le projet de loi C-69 va les arrêter dans leur élan.
À propos de l'interdiction des libéraux d'exporter du pétrole, le projet de loi C-48, qui a été annoncé, sans que les Autochtones aient été consultés, 30 jours après que les libéraux ont formé le gouvernement, Gary Alexcee, vice-président du Eagle Spirit Chiefs Council, dit: « Si elles ne sont pas consultées, les Premières Nations de la Colombie-Britannique ne pourront pas améliorer leur situation économique car elles n'ont même pas la possibilité de négocier le projet de loi C-48 avec le gouvernement. »
Il a dit:
Si le projet de loi devait être adopté, aussi bien laisser le gouvernement nous donner des couvertures contaminées par la variole pour que nous disparaissions. C'est ce que le projet de loi signifie pour nous.
Il a ajouté:
À l'heure actuelle, ce qu'on nous donne ne suffit même pas à assurer la croissance future des Premières Nations en Colombie-Britannique.
Ce sont des mots extrêmement durs à lire, mais ils reflètent le profond sentiment de trahison que de nombreuses Premières Nations éprouvent maintenant en ce qui concerne le gouvernement libéral actuel.
Comme ministre du cabinet fantôme conservateur en matière de ressources naturelles, je parle presque toujours des nombreuses communautés et organisations autochtones qui veulent réaliser des projets miniers et énergétiques sur leur territoire parce que la majorité des communautés autochtones veulent exploiter les ressources et s'associer à des entreprises pour créer des possibilités pour leur membres et pour les futures générations.
Il existe également de nombreux exemples d'initiatives que les communautés autochtones veulent financer et qu'elles ont commencé à mettre en oeuvre partout au Canada pour préserver leur langue et leur culture. Le collège Blue Quills est un exemple remarquable. Anciennement, l'établissement avait pour vocation d'anéantir les familles et les cultures autochtones. Aujourd'hui, il fait figure de chef de file en matière de protection des langues, des religions et des pratiques culturelles autochtones, pour aujourd'hui et pour l'avenir.
Le collège Blue Quills, situé à St. Paul, dans le comté de Lakeland, était un pensionnat indien. Aujourd'hui, c'est le plus grand centre de la région pour la formation liée aux langues et aux cultures autochtones ainsi que pour la sensibilisation aux réalités culturelles.
L'histoire du collège remonte à 1865; le campus actuel a été construit au début des années 1930 et était, à l'origine, un pensionnat indien. Blue Quills est l'un des premiers établissements d'enseignement postsecondaire dirigé par des Autochtones et qui accueille des étudiants des Premières Nations et d'autres communautés de partout au Canada. Le collège offre plusieurs cours d'enseignement du cri, ainsi que des cours d'anthropologie et des cours interdisciplinaires sur la communication des Autochtones au moyen l'art, de la danse et de la langue.
Le collège Lakeland, établi à Vermilion — qui a aussi un campus à Lloydminster —, offre un programme spécialisé pour les enseignants qui travailleront auprès d'élèves autochtones. Il offre également un programme axé sur la participation d'aînés autochtones sur le campus.
Ces programmes sont financés en partie grâce au soutien financier des Premières Nations de la région signataires de traités. Ces mêmes Premières Nations qui participent à l'exploitation responsable des ressources naturelles sont préoccupées par le fait que leur avenir et leur prospérité financière future sont menacés par les décisions des libéraux qui nuisent à l'industrie pétrolière et gazière dans ma région.
Il incombe à tous les députés de poursuivre les efforts pour parvenir à une véritable réconciliation. J'aimerais citer Taleah Jackson, une jeune femme de Saddle Lake, guide culturelle de l'Université Blue Quills et des services à l'enfance et à la famille du Centre-Nord de l'Alberta. C'est une jeune femme qui m'inspire beaucoup. Voici ce qu'elle a dit:
Ma langue me tient à coeur. Même si je ne la parle pas couramment, je reconnais la valeur et la beauté de la langue de mes ancêtres. Surtout, la langue est la clé de nos cérémonies, de nos histoires, de nos protocoles, de notre identité et de notre mode de vie. On m'a dit un jour que lorsque nous parlons notre langue, nous parlons avec le coeur, et que le Créateur entend nos prières. Nous devons respecter les locuteurs de notre langue, ainsi que nos aînés, qui ont joué un rôle essentiel dans la préservation des langues autochtones et qui ont protégé nos langues sacrées.
Je suis tout à fait d'accord avec Taleah parce que, en protégeant les langues autochtones du Canada, nous protégeons notre patrimoine canadien commun.
C'est le 6 décembre 2016 que le premier ministre libéral actuel a promis de présenter ce projet de loi sur les langues autochtones et, depuis, deux ans se sont écoulés. J'espère que les libéraux fourniront aussi un plan concret pour l'atteinte des objectifs du projet de loi C-91.