Monsieur le Président, j'éprouve un immense plaisir à prendre la parole sur cette motion du député d'Hamilton-Centre, à qui je voue une admiration sans bornes depuis le jour où je suis arrivé, en 2011.
Je vais rappeler rapidement le sens de la motion qui disait:
Que, de l'avis de la Chambre, un comité spécial présidé par le Président de la Chambre devrait être constitué au début de chaque législature afin de sélectionner tous les agents du Parlement.
Le 21 octobre prochain, les Canadiens et les Québécois vont se prononcer sur le prochain Parlement. C'est la première distinction à faire, et c'est peut-être la plus importante: quand les gens vont se rendre aux urnes, ils n'éliront pas seulement un gouvernement, ils vont élire 338 hommes et femmes qui vont les représenter à la Chambre et qui vont former le prochain Parlement.
Bien sûr, toutes couleurs confondues, chacun travaille fort pour que son parti ait le plus grand nombre de sièges et forme le gouvernement puisque c'est notre système actuel. Cependant, on pourrait très bien se retrouver dans une situation, où, pour faire fonctionner le gouvernement, plusieurs partis pourraient être amenés à collaborer, si tant est que la population, dans son infinie sagesse, décidât d'élire un gouvernement minoritaire.
C'est dire la priorité des parlementaires. Les gens vont, d'abord et avant tout, élire un Parlement, et, par la suite, il y aura un gouvernement qui sera appelé à former un cabinet. On connait la poutine. Je le dis parce qu'on entend tellement de ragots autour du rôle des députés de l'opposition. D'ailleurs, pour les fidèles qui suivent mes balados, ce sera le sujet de ma prochaine émission.
Le rôle du député de l'opposition est différent, mais tout aussi important que le rôle d'un député du gouvernement. En effet, dans son infinie sagesse encore une fois, la population souhaite que le gouvernement, quel qu'il soit, soit responsable et que les différents courants de pensée puissent s'exprimer à la Chambre.
Or, quand on parle des agents de la Chambre, on parle du personnel des parlementaires. Pour ceux à qui les agents du Parlement disent peu de choses, je vais donner quelques titres qui vont leur rappeler quelque chose.
Il y a, par exemple, le vérificateur général. Si un rapport est attendu annuellement, c'est bien celui du vérificateur général. En effet, comme il en a les moyens et qu'il dispose de l'équipe nécessaire, il suit à la trace les faits et les gestes du gouvernement. Il nous alerte sur les points qui devraient nous inquiéter.
Il y a aussi le directeur général des élections. Afin d'avoir un mode de scrutin impartial, neutre, fonctionnel et sans ingérence des pays étrangers, nous avons un directeur général des élections, Dieu merci.
On pourrait parler du commissaire aux langues officielles. On pourrait parler du commissaire à la protection de la vie privée, particulièrement en ces temps où les données personnelles constituent un sujet très sensible. On pourrait aussi parler du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique.
Je voudrais faire remarquer un élément très important. On dit depuis toujours, mais c'est encore tout aussi vrai, que dans toutes les situations, il faut s'assurer qu'il n'y a ni conflit d'intérêts ni apparence de conflit d'intérêts pour que ces agents du Parlement puissent non seulement faire leur travail, mais être perçus comme étant totalement libres de toute attache qui vient de l'exécutif.
Or que se passe-t-il présentement dans le mode d'affectation? L'ensemble de la procédure, ou presque, incombe entièrement à l'exécutif. On aura beau nous dire que tout est légitime, que tout est correct, qu'il n'y a aucune influence, que c'est vraiment un hasard que des nominations se retrouvent en même temps sur la liste des donateurs du Parti libéral et que personne n’avait vu cela venir. Il y a quand même là ne serait-ce qu'une apparence de conflit d'intérêts, et cela nuit à la crédibilité même de ces agents de la Chambre, dont le travail est la plupart du temps impeccable.
Cependant, avant d'être au travail, il faut s'assurer que la nomination est impeccable. Tout ce qu'on a dans le processus actuel, c'est l'obligation qu'a l'exécutif de consulter les partis de l'opposition. On peut faire dire bien des choses au mot « consulter ». On a vu récemment que faire des consultations peut être aussi simple qu'envoyer une lettre aux chefs des partis de l'opposition en disant qu'elle contient la candidature proposée. Il ne s'agit même pas d'une courte liste.
Il y a déjà un problème là, et il y a un problème encore plus grand dans le mode de scrutin, qui devait être changé. On l'a vu avec les conservateurs et on le voit avec les libéraux, un gouvernement se fait élire avec 39 % du suffrage. Or c'est 39 % d'un taux de participation qui environne 50 %. Ce gouvernement se retrouve soudainement avec 100 % des pouvoirs et la responsabilité de nommer 100 % des agents du Parlement. Il y a vraiment là un vice de procédure auquel il fallait s'attaquer.
Dieu merci, on a cette proposition franchement simple. Malgré tout le talent que je reconnais au député d'Hamilton-Centre, sa motion ne réinvente pas la roue. Nous ne sommes pas les premiers à être conscients de ce problème de potentiel conflit d'intérêts ou de neutralité qui ne semble pas tout à fait objective. La preuve, c'est que la Nouvelle-Zélande et d'autres Parlements ont déjà adopté des mesures qui vont dans le sens de ce qui nous est proposé par le député d'Hamilton-Centre et qui auraient pour objet de redonner aux élus les pleins pouvoirs par l'intermédiaire d'un comité multipartite.
On a déjà vu, d'ailleurs, une amorce de ce que cela pourrait donner quand il y a eu ce comité formé de députés de tous les partis chargé d'analyser la réforme du mode de scrutin. D'ailleurs, grâce au NPD, le projet de loi était allé un peu plus loin pour permettre à des députés qui appartiennent à des formations politiques qui ne sont pas officiellement reconnues à la Chambre de siéger à ce comité. C'est là réunir l'ensemble des parlementaires et s'assurer que le choix final ne dépend jamais d'un seul parti, mais du plus large consensus tissé entre les parlementaires, puisqu'il s'agit de leurs employés.
Il s'agit de nos employés. Quand le gouvernement dépose son budget à 15 heures, et que je dois réagir dans les médias à 15 h 45, c'est difficile pour moi d'analyser un document de 200 pages. Heureusement, il y a le directeur parlementaire du budget qui, sur cette question comme sur bien d'autres questions budgétaires, travaille 365 jours par année, moins les vacances, à temps plein, pour nous fournir une information crédible et objective exempte de toute partisanerie politique. Ce que nous voulons pousser davantage, c'est qu'elle soit exempte de toute apparence de contribution politique. Voilà vraiment un pas dans la bonne direction.
Le député, dans sa grande sagesse, surtout grâce à son expérience des procédures parlementaires, et compte tenu du temps qui avance et de la session qui achève, s'est dit qu'il n'était pas certain du résultat de cette motion, même si on votait tous en faveur de celle-ci. D'ailleurs, je vois difficilement quelle raison on peut invoquer pour dire que ce n'est pas une bonne idée. J'ai essayé d'en trouver quand même, pour me faire l'avocat du diable. On pourrait penser concéder un pouvoir à l'exécutif dans le but de l'obtenir plus tard en se disant qu'à la prochaine élection, nous serons au pouvoir et nous ferons nos propres choix. Ce serait une mauvaise idée, car cela détruirait à peu près tous les principes que j'essaie de mettre en place depuis le début de cet exposé.
On pourrait se dire que cela a toujours été ainsi, que ce doit être une tradition britannique et qu'on ne brisera pas les choses. Eh non, il faut faire avancer les choses et aller plus loin. Je pense que cette motion va dans le bon sens. On pourrait se dire que nous n'avons pas la structure pour le faire. C'est exactement ce que fait cette motion: elle nous donne la structure pour le faire, et il ne tient qu'à nous de nous donner les moyens d'aller de l'avant. Je souligne que cela ne coûte rien. Cela ne prend qu'un germe de gros bon sens pour reconnaître le bien-fondé de la proposition dont nous débattons.
Des raisons pour voter contre cette motion, malgré mes recherches, je n'en ai trouvé aucune. J'ai bien hâte d'entendre les différents points de vue. Les échos que j'entends m'indiquent déjà qu'on semble se diriger vers un très large consensus. Cependant, je me permettrai de présenter un amendement à la motion, qui est proposé le député d'Hamilton-Centre lui-même qui, voyant le temps filer, s'est dit qu'il faudrait peut-être aller plus loin que la question de principe et mettre en place un projet pilote qui nous permettrait d'aller plus loin.
Voici comment se lit l’amendement:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant les mots « de l’avis de la Chambre », de ce qui suit: « au cours de la présente législature, un comité mixte spécial coprésidé par les deux présidents des deux chambres du Parlement devrait être créé à titre de projet pilote pour lancer le processus de sélection du poste vacant de vérificateur général du Canada ».
On revient au mot « Parlement » et non au mot « gouvernement ».
On a donc là une occasion en or de faire nos premiers pas vers cette nouvelle mouture et d’ouvrir tout large l’autoroute pour cette prochaine législature.