propose que le projet de loi C-406, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (contributions de l’étranger) soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, les citoyens canadiens s'attendent fondamentalement à ce que, lorsqu'ils votent, lorsqu'ils déposent leur bulletin de vote pour choisir leur représentant local, la composition de la Chambre des communes et l'orientation politique du pays, leur voix compte. Malheureusement, lors d'élections générales précédentes, la voix de tous les citoyens canadiens a été noyée, amoindrie et minée par des entités étrangères pouvant influencer indûment le processus électoral légitime et démocratique du Canada.
L'ingérence étrangère a été largement rapportée lors d'élections dans de nombreux autres pays démocratiques; le Canada n'y échappe pas. Le processus électoral canadien est tout aussi vulnérable à l'ingérence étrangère indue qui s'est produite aux États-Unis, en Grande-Bretagne et ailleurs.
Au pays, cela se produit le plus souvent lorsque la Loi électorale du Canada est volontairement enfreinte. Des tiers enregistrés reçoivent des contributions d'entités étrangères, qui servent par la suite à financer diverses activités politiques, notamment à des fins de publicité électorale.
La nécessité d'interdire une telle ingérence étrangère est manifeste. L'ancien directeur général des élections du Canada de 1990 à 2007, Jean-Pierre Kingsley, a déclaré sans équivoque:
Nous ne pouvons tout simplement pas permettre que des fonds ne provenant pas du Canada se retrouvent dans le système électoral canadien [...] Les élections générales sont des événements nationaux, et non des événements internationaux. Les intérêts étrangers n'y ont pas leur place, et qu'ils aient trouvé un moyen détourné d'intervenir n'est pas acceptable pour les Canadiens.
Je pense que le fait que de l'argent étranger puisse influer sur nos élections ne laisse pas indifférents la grande majorité des Canadiens, indépendamment du parti qu'ils appuient. Il s'agit de veiller à ce que les élections soient équitables et que tous les candidats soient soumis aux mêmes règles.
L'année dernière, l'ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité et conseiller à la sécurité nationale, Richard Fadden, a confirmé qu'il était très probable que des pays étrangers aient tenté d'influencer le résultat de l'élection générale de 2015.
Plus tard, un rapport du Centre de la sécurité des télécommunications a conclu que des entités étrangères étaient bien placées pour influer sur les prochaines élections fédérales et que le Canada ne serait pas à l'abri de cela.
De fait, avant et durant les dernières élections fédérales, de nombreux organismes tiers enregistrés au Canada ont reçu des contributions importantes d'entités étrangères pour atteindre certains objectifs politiques.
Par exemple, la Tides Foundation, qui est basée aux États-Unis, a versé plus de 1,5 million de dollars à différents organismes tiers au Canada. Leadnow, un de ces organismes tiers et l'un des plus actifs lors des dernières élections, attribue plus de 17 % de son financement à des sources étrangères. Chacun de ces groupes a consacré des milliers et des milliers de dollars en publicité électorale lors des élections générales de 2015.
Le nombre de groupes tiers enregistrés n'a jamais été aussi élevé, tout comme les préoccupations à leur égard. Entre les deux dernières élections seulement, les plaintes concernant les groupes tiers portées par des Canadiens ordinaires ont augmenté de 750 %, passant de seulement 12 en 2011 à 105 en 2015. Malheureusement, un grand nombre de causes politiques défendues par ces groupes profitent directement aux intérêts économiques ou politiques de pays étrangers et désavantagent directement les intérêts économiques et politiques du Canada.
En tant que député de Red Deer—Lacombe, je suis particulièrement inquiet, tout comme mes concitoyens, que de nombreux tiers qui reçoivent des contributions étrangères à des fins de publicité électorale se consacrent exclusivement à miner le secteur pétrolier et gazier du Canada. Ce n'est pas un secret. Dans un contexte de faiblesse sans précédent des prix du pétrole au Canada, des entités étrangères comme la fondation Tides se sont vantées d'avoir réussi à empêcher l'acheminement du pétrole canadien vers les marchés internationaux. Leur succès peut être attribué en partie à leur capacité à financer la publicité électorale de tiers collaborateurs.
Grâce au travail dévoué de la chercheuse Vivian Krause, de nombreux cas d'influence étrangère de ce genre ont été dévoilés. Vivian a travaillé d'arrache-pied pour suivre la piste de l'argent et mettre au jour les nombreux liens entre les intérêts pétroliers étatsuniens et les groupes environnementaux canadiens, qui collaborent et qui utilisent les échappatoires de la loi électorale contre les intérêts de la population canadienne.
Toutefois, ce n'est que l'un des nombreux problèmes liés à l'influence étrangère. Tous les députés et les Canadiens, peu importe leur allégeance politique, devraient s'inquiéter de l'influence étrangère dans toutes les élections au pays.
Pourquoi permettons-nous à des entités étrangères d'influencer ainsi nos élections?
Le commissaire aux élections fédérales a enquêté officiellement sur cette question, à la demande de mon collègue le député de St. Albert—Edmonton. Le bureau du commissaire a jugé que les tiers sont assujettis à des règlements beaucoup moins sévères que les autres entités politiques, mais a conclu qu'il n'y avait pas eu d'infraction de nature technique à la Loi électorale du Canada, dans sa forme actuelle.
Ce qui revêt la plus grande importance, c'est que le bureau du commissaire aux élections fédérales a souligné qu'en vertu du paragraphe 359(4) de la Loi, il n'y a aucune exigence pour qu'un tiers enregistré signale à Élections Canada les fonds utilisés pour de la publicité électorale s'ils ont été reçus avant la période qui débute six mois avant l'émission des brefs électoraux et qui se termine le jour des élections. Donc, concrètement, les entités ou les organisations étrangères comme la fondation Tides ont actuellement le droit de faire des contributions financières non réglementées à des organismes tiers pour la publicité électorale, tant qu'ils le font à l'extérieur de la période préélectorale. Les contributions de ce genre seraient interdites à n'importe quel autre moment.
Il apparaît donc clairement qu'il existe une grave échappatoire qu'il faut éliminer dans la Loi électorale du Canada. Nous devons endiguer le flot important de financement étranger dans nos élections et rétablir la pleine souveraineté de notre processus démocratique. Voilà pourquoi j'ai présenté le projet de loi dont nous sommes saisis.
Le projet de loi C-406 s'attaquerait au problème croissant de l'influence étrangère dans les élections canadiennes en interdisant en tout temps que des contributions d'entités étrangères soient apportées à des tiers à des fins de publicité électorale. Le projet de loi C-406 modifierait aussi la Loi électorale du Canada pour inclure cette interdiction et exigerait que toute contribution non admissible soit remise par le tiers canadien au donateur ou au receveur général. Grâce à cette interdiction, les entités étrangères ne pourront plus bafouer sans honte la Loi électorale du Canada. Par conséquent, leur capacité à miner notre processus électoral et à déterminer indûment le discours politique au Canada serait grandement réduite. Ces mesures permettraient de préserver le principe souverain selon lequel les Canadiens — et seulement les Canadiens — doivent décider qui gouverne en leur nom.
Le sujet de la réforme électorale, y compris l'influence indue de la part d'entités étrangères, a été débattu dans cette enceinte récemment, dans le cadre de l'étude d'un projet de loi du gouvernement, le projet de loi C-76. Les ministériels ont alors affirmé sans équivoque qu'il s'agissait d'une question véritablement préoccupante. La députée de Whitby a notamment déclaré que « les élections canadiennes appartiennent aux Canadiens et ce n'est pas aux étrangers de dire qui a sa place et qui ne l'a pas dans cette enceinte. » De même, la députée de Humber River—Black Creek a admis que les dernières élections fédérales avaient subi l'influence d'entités étrangères et a exprimé son désir de voir une loi adoptée « pour compliquer la tâche des mauvais acteurs qui rôdent et qui tentent d'influencer nos élections. » Même l'honorable ministre des Institutions démocratiques a déclaré qu'elle appuyait des mesures qui « empêcheraient l'ingérence étrangère dans nos élections, laquelle minerait la confiance en notre démocratie. » Il s'agit de députées libérales.
Je pourrais continuer ainsi, mais, quelles que soient mes objections à certains éléments du projet de loi C-76, il demeure que des députés d'en face ont clairement indiqué que l'influence étrangère est pour eux un problème qu'il faut régler, d'autant plus qu'une autre élection approche à grands pas.
Les ministériels se plaisent à laisser entendre que le projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections, qui est actuellement à l'étude à l'autre endroit, rend redondantes les dispositions de mon projet de loi, le projet de loi C-406, qui visent à éliminer l'influence étrangère sur les élections canadiennes. Je soutiens cependant que ce n'est pas le cas. Le projet de loi C-76 comprend des dispositions qui interdisent aux tiers d'utiliser des fonds étrangers pour faire de la publicité électorale, tandis que le projet de loi C-406 interdit aux entités étrangères de verser des contributions à des tiers au pays. Ainsi, les dispositions contenues dans le projet de loi C-76 et le projet de loi C-406 se compléteraient une fois mises en oeuvre. Elles ne se chevauchent pas et ne se contredisent pas.
Comme les entités étrangères enfreignent les interdictions existantes en matière de publicité électorale qui sont prévues dans la Loi électorale du Canada, prendre d'autres mesures pour empêcher que cela se produise est la chose la plus sensée à faire. Cela éliminerait toute incertitude quant à la conformité des tiers au pays et des entités étrangères de partout ailleurs.
En veillant à ce que les interdictions légales s'appliquent à la fois aux entités étrangères qui versent des contributions et aux tiers canadiens qui les reçoivent, nous permettrons aux Canadiens d'être bien plus assurés de la sécurité et de la souveraineté de notre processus électoral, ainsi que de la légitimité de leur gouvernement.
Il est indéniable que nous vivons à une époque caractérisée par une désinformation galopante, des perturbations politiques et un flagrant manque de confiance dans les institutions traditionnelles. Selon le baromètre de confiance Edelman, le niveau de confiance des Canadiens dans les médias, les organisations non gouvernementales, les entreprises et le gouvernement a baissé en 2017, et plus de la moitié des Canadiens ont perdu la foi qu'ils avaient à l'égard du système. Cela devrait inquiéter tous les députés, d'autant plus que le baromètre indique également que la crédibilité de leurs chefs est aussi à la baisse chez les Canadiens.
C'est pour cette raison que les Canadiens méritent particulièrement de pouvoir être tout à fait certains que les élections nationales ne seront pas manipulées ou influencées par des entités étrangères.
Après la tenue d'élections, les députés devraient seulement pouvoir siéger ici parce qu'ils jouissent de la confiance des électeurs de leur circonscription. Ils ne devraient pas être élus parce que des entités étrangères préféraient qu'un candidat ou un parti plutôt qu'un autre serve leurs intérêts personnels et qu'elles sont parvenues à utiliser leurs ressources considérables pour influencer certaines élections à partir de l'étranger.
Dans moins d'un an, les Canadiens retourneront aux urnes pour se faire entendre. Si le projet de loi C-406, qui vise à empêcher toute ingérence étrangère dans nos élections, est adopté avant cette date, nous pourrons rétablir la confiance des Canadiens dans les institutions, et plus particulièrement, dans le bien-fondé du processus électoral, tout en renforçant la crédibilité du gouvernement.
Il est inquiétant de penser à ce qui pourrait arriver s'il n'est pas adopté. Sans les interdictions prévues dans le projet de loi C-406, l'issue des élections sera déterminée non pas seulement par les Canadiens et des gens qui veulent le mieux pour notre pays, mais également par des gens qui cherchent à favoriser leurs propres intérêts, qui ne sont certainement pas les mêmes que ceux du Canada.
Pire encore, si cette pratique se poursuit, les Canadiens ne feront plus du tout confiance au processus électoral ni au gouvernement lui-même, quel que soit le parti au pouvoir. La confiance des Canadiens sera très difficile à rétablir si on la perd.
Au cours des derniers mois, nous avons entendu les témoignages d'experts et de fonctionnaires responsables de l'administration des élections ainsi que de gens qui ont comme mandat de protéger notre pays et ses institutions. Ils ont tous dit que le problème d'ingérence étrangère dans nos élections est inquiétant et qu'on doit le régler avant les prochaines élections. Les députés de tous les partis ont fait écho à ce sentiment et se sont montrés favorables à la prise d'autres mesures pouvant empêcher l'influence étrangère dans nos élections.
J'espère sincèrement que tous les députés prendront cet avertissement au sérieux et qu'ils appuieront avec moi le projet de loi C-406. Les députés pourront ainsi non seulement veiller à ce que des entités étrangères ne puissent plus influencer indûment nos élections, mais également montrer à tous les Canadiens de façon claire et précise que leur voix comptent et qu'elles ne seront pas affaiblies ou noyées par ceux qui ne devraient pas avoir leur mot à dire dans notre processus électoral.