Monsieur le Président, en suivant le débat de ce matin, je me rends compte à quel point bon nombre de députés sont passionnés par cette question.
Je tiens à remercier mon collègue d’en face, que j’ai été amené à mieux connaître par notre travail au comité de même que dans des fonctions extérieures. Je respecte tout à fait la personne. Je respecte son droit à déposer ce projet de loi et à faire en sorte qu’il soit débattu. Personnellement, j’aurais préféré que nous n’ayons pas à tenir ce genre de discussion, parce que je crois que les changements proposés à la loi pourraient avoir des répercussions pour les électeurs que je représente. Il est très courageux — et je dis cela avec le plus grand respect, surtout pour un nouveau député — de déposer un projet de loi d'initiative parlementaire que je juge à la fois vaste et ambitieux. Il y a lieu d’en féliciter le député. Nous ne savons pas quelle sera la décision finale, et nous allons voir comment les choses vont se dérouler.
Je tiens aussi à remercier le secrétaire parlementaire d’avoir indiqué, je suppose au nom du gouvernement, que la façon dont nous allons traiter de cette question se ferait dans le plus grand respect. Je vais vous donner quelques exemples concernant le projet de loi. Je ne suis pas en total désaccord avec cette mesure et je ne me pose pas de question sur les conséquences envisagées, mais plutôt sur les conséquences imprévues. C’est précisément ce dont je vais parler.
Le projet de loi a une portée très étendue. Il y est question d’enlèvement des nageoires de requin. Nous savons cependant, pour l'avoir appris dans le cadre de débats tenus sur cette question lors de législatures antérieures, que le Canada interdit déjà cette pratique dans ses eaux et que sa réglementation interdit également l’importation d’ailerons de requin. Toutefois, si à un moment donné la Chambre souhaite adopter ce texte de loi, je ne serais pas personnellement touché.
D’ailleurs, en ma qualité de zoologiste détenteur d’un diplôme en pêches et sciences aquatiques, je comprends l’importance de l’écosystème, de toute la chaîne alimentaire. Je sais que les prédateurs supérieurs ont leur place dans cet écosystème et je comprends que nous voulions éviter l’extinction de n’importe quelle espèce à cause de ce genre de pratique de prélèvement. Je serais, pour le moins, ouvert à ce genre de choses. Je pourrais très bien accepter ce point de vue. Si l’auteur du projet de loi s’en était uniquement tenu à ce genre de choses, j’aurais même pu en arriver à appuyer son texte.
Cependant, le projet de loi parle aussi de chats et de chiens en proposant une modification qui fait vibrer des cordes sensibles. J’en vois déjà certains imaginer que leur chien de poche pourrait être tué pour sa fourrure. Et je dis cela en tant que propriétaire d’animal de compagnie. J’ai toujours eu des chiens, depuis tout jeune, puisque j’ai grandi dans une famille d’éleveurs de bovins, dans le centre de l’Alberta, et que nos chiens à nous étaient employés de façon bien différente de ce qu’on connaît ailleurs.
C’étaient des chiens de travail. Nous les adorions, nous les respections et ils nous respectaient, mais nous avions, avec les Blue Heeler et nos autres chiens, des relations radicalement différentes qui donnaient de bons résultats à la ferme, parce qu’ils nous aidaient à rassembler les troupeaux, à protéger notre cheptel et ainsi de suite. La relation était tout à fait différente. Quand nos chiens se comportaient bien et qu’ils travaillaient bien, ils étaient récompensés. Quand ils se comportaient mal et qu’il fallait les corriger, nous appliquions les méthodes nécessaires pour les remettre dans le droit chemin. On apprend ce genre de chose dans les centres de dressage de chiens ou ailleurs.
Quoi qu’il en soit, ces chiens-là n’avaient rien à voir avec le chien de poche que j’ai depuis que je réside en ville. Malheureusement, comme il n’y avait plus assez de place pour tous les enfants à la ferme, je me suis retrouvé en ville où, depuis, j’ai un chien de poche. Ma relation avec cette chienne est radicalement différente de celle que j’avais avec les chiens de ma jeunesse. Ainsi, je ne voudrais certainement pas qu’une telle chose se produise, mais c’est moi qui ai le pouvoir de choisir; je suis le propriétaire de cette chienne, je suis son maître et je peux décider si elle se retrouvera dans un autre type de situation. J’ai ce pouvoir et cette responsabilité et je prends soin de la chienne de la famille. Je ne connais pas une seule famille qui n’aime pas son animal de compagnie. Si elle me regarde à la télévision, elle ne comprend pas un traître mot de ce que je dis, mais au moins elle me reconnaît à l’écran.
Ce qui me préoccupe dans ce projet de loi, c’est qu’il cherche à tout homogénéiser. On y part du principe que n’importe quel animal fait partie de la même expérience. Par exemple, pour les personnes qui ont toujours vécu en ville — et je ne dis pas cela de façon condescendante — et qui ont eu des chiens de poche toute leur vie, la façon de percevoir l’animal de compagnie peut être radicalement différente de celle des gens qui travaillent dans une exploitation agricole. C’est la seule raison pour laquelle je soulève cela.
Et puis, je suis chasseur et pêcheur. J’ai passé des années à étudier. J’ai un diplôme de zoologiste en pêches et sciences aquatiques. J’ai aussi un diplôme d’agent de conservation. J’ai passé des années à effectuer des recherches sur les poissons. J’ai passé des années à travailler comme agent de conservation, à protéger l’environnement, la faune et nos ressources, et je suis très fier de tout ce que j’ai accompli.
J’affirmerais que la vaste majorité des gens avec qui j’ai travaillé au sein de ce milieu sont parmi les personnes les plus éthiques et les plus responsables que j’ai rencontrées. À la lecture des dispositions de ce projet de loi, où l’on définit l’infraction comme étant le fait de tuer un animal sauvagement, en le brutalisant ou sans se soucier des conséquences de son acte, ces personnes pourront se demander si elles ne risquent pas de se retrouver en prison pour avoir pris un doré et l’avoir assommé dans le bateau avant de le rapporter à la maison.
Le parrain du projet voudrait nous faire croire qu’il n’en est rien, et je crois en sa bonne foi. Cela dit, comment le savoir avec certitude? En voici un exemple.
Les défenseurs des droits des animaux saisissent chaque occasion possible de faire avancer leur cause. Cela ne pose aucun problème. C’est leur droit. Ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent, tant que cela est permis par la loi. Nous vivons dans une société libre et ouverte, et c’est leur droit d’agir ainsi. Cependant, voici un exemple de situation où les choses peuvent déraper. Cela concerne le secteur agricole.
Nous savons qu’ils installent parfois des caméras dans les installations d’élevage pour parvenir à certaines fins. Parfois le résultat est positif et parfois il ne l’est pas. Je peux cependant affirmer qu’un certain nombre d’électeurs sont venus à moi pour me signaler, documents à l’appui, que leur exploitation faisait l’objet de harcèlement de la part de certains. Il s’agit de personnes qui arrivent sur les lieux en voiture, qui se garent en toute légalité en bordure de la route, puis qui photographient et documentent les pratiques d’élevage. J’ai moi-même entendu des appels et des enregistrements de personnes qui avaient laissé des messages de menace sur la boîte vocale d’exploitations familiales sous prétexte que le type d’élevage pratiqué par ces exploitations ne leur plaisait pas. Ce sont les mêmes personnes qui œuvrent auprès d’organismes comme PETA ou tout autre groupe de défense des droits des animaux. Je ne prétends pas que toutes ces personnes poursuivent les mêmes objectifs, mais il y en a certainement qui utilisent ce genre de méthodes et de techniques pour intimider, voire pour entraîner la fermeture des exploitations agricoles. Ces gens deviennent les détenteurs autoproclamés du droit d’agir au nom du reste de la société au regard de telles questions et recourent à ces méthodes dans la poursuite de leurs propres intérêts.
Bien honnêtement, je crains que si le projet était adopté dans sa forme actuelle, nous donnerions énormément d’occasions et de raisons à d’innombrables personnes d’invoquer la loi. Elles auraient simplement besoin d’un juge coopératif et d’un simple cas de négligence.
À l'heure actuelle, pour qu'on puisse inculper une personne d'infraction criminelle, la situation doit répondre à des critères très exigeants. C'est tout à fait normal, puisque les infractions criminelles sont des infractions graves. Selon les dispositions du projet de loi, une légère négligence pourrait être traitée comme une infraction criminelle. Comment cela est-il possible?
L'extrait que voici est tiré de la section sur la peine:
[...] s’il est le propriétaire d’un animal ou la personne qui en a la garde ou le contrôle, l’abandonne volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte [— « sans se soucier des conséquences » n'est défini nulle part —] ou, par négligence, omet de lui fournir la nourriture, l’eau, l’air, l’abri et les soins convenables et suffisants;
Peut-être considérera-t-on que le propriétaire n'a pas fourni des soins suffisants s'il n'a pas brossé le poil de son chien. Il risquerait alors de se retrouver avec un casier judiciaire.
Ces éléments font frémir d'horreur non seulement certains secteurs de l'industrie, mais aussi la communauté des chasseurs et des pêcheurs.
Nous souhaitons tous que les animaux soient protégés par des normes solides. Certaines parties du projet de loi amélioreraient leur bien-être. Ainsi, je trouve tout à fait inacceptable, comme le député, d'élever des animaux pour les combats, les paris ou autre chose du genre, et je crois que presque tous les Canadiens abonderaient dans le même sens. Si le projet de loi s'en tenait là, je suis certain que le député aurait l'appui d'une forte majorité à la Chambre. J'espère, sans méchanceté, que la trop vaste portée du projet de loi l'empêchera de passer à l'étape de la deuxième lecture.
J'ai été ravi d'entendre le secrétaire parlementaire affirmer qu'il faudrait beaucoup plus de rigueur et de consultations pour voir à ce que tous les intervenants concernés aient leur mot à dire. Les Premières Nations n'ont aucunement participé à ces travaux. En ce qui concerne la fourrure des chiens et des chats, par exemple, les Premières Nations utilisent traditionnellement la fourrure de chiens huskys dans la confection de certains vêtements. Quel serait l'effet du projet de loi sur cette pratique?
Nous connaissons déjà la campagne ambitieuse contre la chasse au phoque. L'utilisation de l'hakapik est une méthode avalisée par les vétérinaires. Toutes les données scientifiques dont nous disposons indiquent que c'est une bonne méthode, mais elle a été tout de même vertement critiquée dans les médias du monde entier, ce qui a entraîné une croissance exponentielle de la population de phoques le long des côtes de l'Atlantique, en plus de causer des ravages dans l'économie, en particulier parmi les populations côtières vulnérables, qui ont besoin de cette activité traditionnelle pour vivre.
Beaucoup de gens utilisent des animaux, notamment les agriculteurs, les éleveurs et les autres personnes qui tirent leur subsistance de la nature. Les Premières Nations ne sont pas les seules dans ce cas. Tout ce monde veut avoir l'assurance que les députés comprennent les risques graves auxquels le projet de loi pourrait les exposer.
Je félicite mon collègue d'avoir présenté le projet de loi, mais, en mon âme et conscience, il m'est impossible de l'appuyer.
Je devrais signaler à la Chambre que mon collègue et moi avons discuté de son projet de loi. Il a eu la noblesse de venir m'en parler parce qu'il était au courant de mon point de vue sur la question. Je lui ai indiqué respectueusement que je ne pouvais pas appuyer son projet de loi. Par conséquent, il ne sera aucunement surpris de constater que j'ai pris la parole à ce sujet aujourd'hui.
Les éleveurs, les agriculteurs, les chasseurs et les pêcheurs pourront toujours compter sur moi pour défendre leurs intérêts. Je veillerai toujours à ce que nous préservions les activités traditionnelles et je m'opposerai à tout changement susceptible d'avoir des conséquences nuisibles imprévues sur ces secteurs économiques, comme ce pourrait être le cas si ce projet de loi était adopté.