propose que le projet de loi C-354, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis fier d'intervenir aujourd'hui pour lancer le débat sur mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-354, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, qui porte sur l'utilisation du bois dans les infrastructures de l'État.
J'ai présenté ce projet de loi à une période charnière pour l'industrie forestière canadienne et la lutte que nous menons contre les changements climatiques. Ce projet de loi pourrait jouer un rôle important sur ces deux plans. Le mode de construction des bâtiments fait actuellement l'objet d'une révolution dans le monde entier. Il s'agit de la révolution des constructions en bois massif d'ingénierie. Cette révolution a pris naissance en Europe, puis elle s'est propagée à l'Amérique du Nord, où le Canada assume un rôle de chef de file à l'égard de cette technologie. Cependant, nous devons travailler fort pour conserver notre position de leader en la matière, et le projet de loi porte sur cette révolution et ce travail. Le projet de loi a été conçu pour appuyer l'industrie forestière canadienne, qui a effectivement besoin de soutien.
Depuis 30 ans, le Canada subit les contrecoups de plusieurs différends avec les États-Unis concernant le bois d'oeuvre. Nous devons trouver de nouveaux marchés pour écouler notre bois, et il existe plusieurs façons évidentes d'y arriver. Nous pourrions avoir davantage recours au bois au pays. Nous pourrions exporter plus de bois vers l'Asie. Nous pourrions exporter du bois d'ingénierie vers les États-Unis, puisque ce produit n'est pas visé par les droits injustes imposés sur le bois d'oeuvre. Toutes ces stratégies pourraient être réalisées au moyen de projets de construction en bois massif d'ingénierie.
Revenons au projet de loi comme tel, à sa teneur et à son objectif. À première vue, il s'agit d'une mesure législative simple qui vise à appuyer l'industrie forestière. Or, c'est beaucoup plus que cela. D'abord, c'est un projet de loi recyclé, comme le sont bien des projets de loi et des motions d'initiative parlementaire présentés à la Chambre des communes. Des projets de loi du même genre ont été déposés par des députés de différents partis au cours de législatures antérieures. Comme dans ces cas, on demande au gouvernement fédéral de donner la préférence à l'utilisation du bois dans la construction de bâtiments, et ce, en tenant compte de deux facteurs importants. Ces facteurs sont des critères qui ont pour but d'aider le gouvernement à déterminer le ou les matériaux de gros oeuvre à employer dans un bâtiment. Le premier facteur est celui des coûts à vie des matériaux et le deuxième, celui de l'incidence des matériaux sur l'empreinte du bâtiment au plan des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, le projet de loi a pour but de mettre en balance ces deux types de coûts, le coût financier et le coût environnemental. Il est très semblable à la Wood First Act adoptée par la Colombie-Britannique ainsi qu'aux politiques d'approvisionnement du Québec qui favorisent l'utilisation du bois.
J'ouvre une parenthèse ici pour indiquer que rien n'empêche le gouvernement de choisir d'utiliser divers matériaux dans la structure principale d'un bâtiment. À l'heure actuelle, les grands bâtiments au Canada et dans le monde sont principalement faits de béton et d'acier. C'est ainsi que fonctionne l'industrie depuis des décennies. Cependant, le projet de loi vise à faire en sorte que le gouvernement envisage de recourir au bois en tenant compte de ces deux facteurs. Beaucoup de bâtiments sont maintenant construits avec une combinaison de bois, de béton et d'acier, et cela ne changerait pas. L'aéroport d'Ottawa, qui est une structure que je suis convaincu que de nombreux députés connaissent très bien, est un bon exemple de ces bâtiments hybrides faits en partie de bois d'ingénierie.
Mon projet de loi diffère très peu des projets de loi précédents. Ce qui a changé, c'est notre capacité d'utiliser le bois comme principal matériau de gros oeuvre dans les grands bâtiments, et c'est pour cette raison que le projet de loi tombe à pic et qu'il est si nécessaire au bien-être de l'industrie forestière et même de l'industrie de la construction du Canada. Pour profiter de ces nouvelles techniques, nous devrons inciter les concepteurs, les architectes et les constructeurs, ainsi que les agents d'approvisionnement du gouvernement qui les embauchent, à envisager d'utiliser du bois pour construire de grands bâtiments.
Je tiens maintenant à parler plus en détail du bois d'ingénierie, de sa fabrication, des raisons qui font de lui un matériau de construction sensé, sécuritaire et économique ainsi que de sa correspondance aux objectifs de lutte contre les changements climatiques du Canada. On utilise deux grands types de bois d'ingénierie dans la construction des grands bâtiments. Le premier type, ce sont les poutres en lamellé-collé fabriquées à partir de bois de construction de dimensions courantes qu'on colle ensemble pour former de magnifiques poutres, pouvant parfois atteindre un mètre de largeur par un mètre d'épaisseur, afin de supporter les planchers, les plafonds et le toit d'un bâtiment. On peut utiliser ces poutres au lieu des grandes poutres d'acier qu'on utilise actuellement. Le deuxième type, c'est le bois lamellé-croisé, qui est fabriqué sensiblement de la même façon que les poutres en lamellé-collé, mais qu'on façonne en panneaux d'une épaisseur d'environ huit ou neuf pouces. Ces panneaux peuvent remplacer une partie du béton qu'on utilise pour les murs et les planchers. Les poutres et les panneaux sont fabriqués avec une extrême précision, beaucoup plus précisément que lorsqu'on emploie du béton ou de l'acier. Ces matériaux sont fabriqués hors chantier dans une usine de fabrication, et on les achemine ensuite au chantier de construction au fur et à mesure qu'on en a besoin pour les y assembler afin de construire un bâtiment, étage pas étage. Il s'agit d'une façon très efficace de construire un bâtiment.
Dans la construction traditionnelle, la préparation du chantier dure un certain nombre de semaines ou de mois, selon la complexité du projet et, bien souvent, les conditions météorologiques. Le temps froid ou pluvieux, qui est courant au Canada, peut entraîner des retards. On construit ensuite le bâtiment en commençant par la fondation en béton, les poutres en acier et les charpentes en béton; on verse le béton, on le laisse sécher et on passe ensuite à l'étage suivant. La météo peut entraîner encore d'autres retards. Dans les grands bâtiments en bois, la fondation de béton se fait essentiellement de la même façon que dans les autres projets de construction, mais comme les poutres et les panneaux sont fabriqués hors du chantier, ils peuvent être construits pendant la préparation du chantier. Ils sont assez légers pour qu'on puisse les transporter sur de longues distances.
Cet automne, l'Université de la Colombie-Britannique a inauguré la résidence pour étudiants Brock Commons. Cet immeuble de 18 étages est la plus grande tour de bois du monde. Seules les fondations et les gaines d'ascenseur sont faites d'acier ou de béton. L'immeuble Brock Commons a été construit avec du bois d'ingénierie fabriqué dans les usines de Structurlam situées à Penticton et à Okanagan Falls, à 400 kilomètres de là. Il a été construit en neuf semaines, à raison de deux étages par semaine, c'est-à-dire à peu près deux fois plus rapidement que la normale pour les tours de ce genre. À ce rythme-là, les économies sont importantes.
La construction de bâtiments en bois de grande hauteur est non seulement efficace, mais elle peut aussi jouer un rôle considérable dans l'atteinte des cibles de la lutte contre les changements climatiques. Nous sommes à un moment dans l'histoire où nous devons prendre des mesures audacieuses pour lutter contre le problème global des changements climatiques. Nous devons réduire nos émissions de dioxyde de carbone et accroître la séquestration du carbone. Le Conseil du bâtiment durable du Canada a calculé que, en ce qui concerne notre utilisation énergétique, les bâtiments représentent environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre, soit beaucoup plus que tout autre secteur. De plus, le Programme des Nations unies pour l'environnement a établi que ce genre de constructions constitue l'option offrant le plus grand potentiel pour réduire considérablement la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre au moindre coût. La manière dont nous construisons les bâtiments et le matériau employé peuvent jouer un rôle clé dans ces réductions.
Comme le déclare l'architecte Michael Green dans le livre The Case for Tall Wood Buildings, « [l]e bois est le principal matériau de construction que nous utilisons aujourd'hui et il pousse grâce au soleil. Lorsqu'il est exploité de façon responsable, il est sans contredit l'un des meilleurs outils dont disposent les architectes et les ingénieurs afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'emmagasiner le carbone dans nos bâtiments. » L'entreprise FPInnovations a calculé que chaque mètre cube de bois dans un bâtiment permet de séquestrer une tonne de carbone. Cela revient à dire qu'un bâtiment en bois de 20 étages permet des économies en dioxyde de carbone qui équivalent à 900 voitures de moins sur les routes chaque année.
Nous pouvons faire tout cela et aider le secteur forestier en même temps. Comme je l'ai dit plus tôt, ce secteur traverse une période difficile depuis 30 ans en raison des tarifs déloyaux sur le bois d'oeuvre. Partout au pays, des scieries ont fermé; des dizaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi et un grand nombre de régions rurales sont durement touchées.
Nous pouvons aider le secteur forestier de deux façons: en trouvant de nouveaux débouchés et en créant des possibilités de valorisation au Canada. On peut faire les deux avec le bois d'ingénierie. Si plus d'infrastructures en bois sont construites, cela va stimuler automatiquement le marché ici et, comme le bois d'ingénierie n'est pas assujetti aux tarifs sur le bois d'oeuvre, nous vendrions davantage sur le marché américain. La Chine explore activement l'idée de construire avec du bois d'ingénierie. Si le Canada pouvait obtenir ne serait-ce qu'une minuscule part de ce marché, ce serait une belle victoire pour notre pays.
Au comité des ressources naturelles, nous sommes en train de faire une étude sur le secteur de la valeur ajoutée dans le secteur forestier canadien. Le bois d'ingénierie et les grands bâtiments de bois ont maintes fois été présentés comme offrant la plus grande possibilité de réaliser des gains sur ce front. Bill Downing, président de Structurlam, à Penticton, a mentionné que son entreprise venait de décrocher un contrat pour reconstruire le campus de Microsoft, dans la Silicon Valley, avec du bois d'ingénierie. Pour honorer ce seul contrat, il a commandé pour 4 millions de dollars de bois de construction à des scieries de Canfor. La somme de 4 millions de dollars, c'est un très gros chèque pour n'importe quelle entreprise canadienne, même une grande entreprise comme Canfor, et cet argent va se retrouver dans des collectivités rurales de l'intérieur de la Colombie-Britannique.
En raison de leurs facettes inconnues, toute nouvelle technologie et tout changement suscitent des préoccupations. L'une des questions que l'on me pose le plus souvent porte sur la sécurité incendie des grands bâtiments de bois. J'ai parlé à un chef de pompiers qui m'a dit qu'il éprouvait un sentiment d'alarme dès qu'il entendait le mot « bois ». Or, les bâtiments en bois massif ont le même taux d'inflammabilité que les bâtiments en acier et en béton. Tout d'abord, les grosses poutres et les panneaux utilisés sont complètement différents des ossatures en bois auxquelles nous sommes habitués. Le feu n'a pas le même effet lorsqu'il entre en contact avec une poutre d'un mètre de large que lorsqu'il entre en contact avec un deux par quatre. C'est comme tenir une allumette qui brûle près d'une grosse bûche. Des tests ont démontré que la surface tend à se carboniser, mais que le feu s'éteint. Même un bâtiment avec des poutres et des panneaux apparents surpasse la norme de temps de sortie qui est de deux heures en cas d'incendie.
Le Forest Products Laboratory du Service des forêts des États-Unis a publié cette année les résultats d'un test réalisé sur une maison de deux étages. Il semblerait que le bois d'oeuvre lamellé-collé s'éteigne de lui-même une fois que l'intérieur de l'immeuble a été détruit par le feu.
La résidence universitaire Brock Commons a été conçue avec des caractéristiques précises visant à renforcer la sécurité. Les panneaux et les poutres ont notamment été enveloppés de plaques de plâtre. Les architectes ont souligné que c'était inutile, mais qu'il serait peut-être utile d'inclure ce genre d'éléments jusqu'à tant que la technologie devienne plus fréquente et que les Canadiens se sentent plus à l'aise avec les grands bâtiments de bois.
D'autres m'ont demandé s'il y avait suffisamment de bois au Canada pour fournir le matériel nécessaire à ce nouveau secteur. Les forêts de l'Amérique du Nord peuvent produire l'équivalent du volume de bois utilisé dans la résidence universitaire Brock Commons, un très grand immeuble, toutes les six minutes.
On m'a également demandé quelle était la réaction d'autres secteurs industriels. Fait intéressant, l'Association canadienne du ciment, qui était au Parlement il y a quelques semaines pour faire du lobbying pour son industrie, a principalement demandé au gouvernement de tenir compte de deux éléments particuliers dans ses choix de matériaux pour les infrastructures: les coûts du cycle de vie et la réduction des gaz à effet de serre. C'est exactement ce que je propose dans ce projet de loi.
La réalité, c'est que, depuis un siècle, l'industrie de l'acier et du béton sont dans une situation de duopole en ce qui a trait aux matériaux utilisés dans les grands projets de construction. Cette transition vers la construction de grands bâtiments de bois n'entraînerait pas, du jour au lendemain, des pertes considérables pour l'une ou l'autre de ces industries. Nombre de bâtiments seraient encore construits avec de l'acier et du béton, mais, pour l'industrie forestière, même une légère hausse de sa part de marché serait une grande amélioration. Ce projet de loi vise simplement à ce que le gouvernement fédéral envisage l'utilisation du bois, puisque les méthodes de construction ont évolué. L'industrie du bois a juste besoin qu'on l'aide à pénétrer le marché.
J'ai été encouragé par les gestes du gouvernement à cet égard. Par exemple, au cours des quatre prochaines années, Ressources naturelles Canada investira près de 40 millions de dollars dans des projets et des activités qui favoriseront l'utilisation accrue du bois comme matériau de remplacement écologique dans le cadre des projets d'infrastructure. Les fonds serviront notamment à financer des activités de recherche et de mise à l'essai essentielles afin de démontrer le potentiel du bois et de convaincre ainsi des constructeurs d'intégrer ce nouveau matériau dans de nouveaux projets de construction.
Il existe déjà de nombreux exemples. Ainsi, Chantiers Chibougamau a construit beaucoup de ponts avec des poutres en lamellé-collé pour l'industrie minière du Nord du Québec. De plus, son bois d'ingénierie a servi à la construction du centre d'entraînement des Sabres de Buffalo. L'architecte a d'abord proposé d'employer de l'acier mais a ensuite constaté que le bois serait plus économique. Quand Frank Gehry, architecte de renommée mondiale, a transformé le Musée des beaux-arts de l'Ontario, il a utilisé des arches en lamellé-collé de sapin fabriquées par Structurlam à Penticton, en Colombie-Britannique. Quant au centre récréatif Rocky Ridge de Calgary, d'une superficie de 284 000 pieds carrés, on y trouve le plus grand toit de bois en Amérique du Nord, bâti lui aussi par Structurlam. Il s'agit là de bâtiments emblématiques. J'espère, grâce au projet de loi à l'étude, promouvoir l'utilisation de bois d'ingénierie dans des structures plus conventionnelles, comme les immeubles de bureaux et les entrepôts.
Les décisions du gouvernement en matière d'approvisionnement pourraient grandement contribuer à la croissance de l'industrie canadienne du bois d'ingénierie. Bill Downing, de Structurlam, explique que la décision de la Colombie-Britannique, qui a choisi de donner priorité au bois, a été d'une importance capitale pour la réussite de l'entreprise. C'est maintenant l'un des principaux fabricants de bois d'ingénierie en Amérique du Nord, tout comme Chantiers Chibougamau.
Les entreprises forestières du pays voient dans ce nouveau secteur une façon d'assurer leur survie, voire leur prospérité. Si le gouvernement décidait de mettre l'accent sur cette nouvelle technologie pour ses propres achats, toutes ces entreprises en bénéficieraient. J.D. Irving s'est rendu en Europe pour y explorer le secteur de la construction en bois massif, un secteur en plein essor. La France a l'intention de bâtir 30 % des nouveaux immeubles résidentiels en bois au cours des 30 prochaines années.
Les bâtiments de bois sont sécuritaires et économiques, ils ont belle apparence et contribuent à la lutte contre les changements climatiques. Je demande à tous les députés de penser au bois, de stimuler le secteur canadien du bois d'ingénierie et de préserver la vigueur de l'industrie forestière en appuyant le projet de loi C-354.