Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole au sujet de cette mesure législative, le projet de loi C-81 qui vise à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.
Depuis le début de la présente législature il y a un peu moins de trois ans, plusieurs projets de loi émanant des députés ont été présentés à la Chambre dans le but d'améliorer la vie des Canadiens handicapés. Malheureusement, certains d'entre eux n'ont pas été adoptés. La plupart de ces projets de loi contenaient des mesures tangibles et concrètes pour les Canadiens handicapés, mesures qui auraient dû bénéficier de l'appui de tous les partis présents à la Chambre. Cependant, il est difficile de voir comment le projet de loi C-81 avantagera les personnes qu'il cherche à aider.
D'après ce qui y est écrit, la présente mesure législative a pour objet la transformation graduelle du Canada en un pays exempt d'obstacles, à l'avantage de tous, en particulier les personnes handicapées. Je crois que c'est un objectif que nous pouvons tous appuyer. L'accessibilité est un enjeu important qui peut avoir une incidence considérable sur la qualité de vie des gens, y compris leurs occupations quotidiennes. Le gouvernement devrait absolument prendre toute mesure possible pour résoudre cette question.
Comme je suis atteint de déficience auditive depuis 44 ans, je m'attendais à beaucoup plus de ce projet de loi. Ce qui pose problème, c'est lorsqu'une mesure législative présentée par le gouvernement ne vise aucun résultat concret. À mon avis, c'est ce qui se produit dans le cas du projet de loi C-81. L'intention à l'origine de cette mesure législative semble bonne, mais ses éléments et les résultats qu'elle produira ne sont pas clairs. Outre qu'il facilitera l'accès aux services fédéraux, je ne vois pas comment ce projet de loi, que le gouvernement qualifie d'historique, aidera les Canadiens handicapés.
En outre, je dois parler du temps qu'il a fallu au gouvernement pour présenter ce projet de loi à la Chambre des communes. Au pouvoir depuis maintenant trois ans, les libéraux sont presque rendus à la fin de leur mandat. Ce n'est que tout récemment qu'ils ont commencé à remplir les promesses qu'ils ont faites aux Canadiens handicapés lors de la campagne électorale de 2015. Dans les lettres de mandat, le premier ministre a demandé aux trois ministres qui, tour à tour, ont été responsables de ce dossier de présenter un projet de loi en la matière. Cependant, pour une raison ou une autre, le projet de loi n'a été présenté qu'en juin dernier, au moment où la Chambre ajournait ses travaux pour l'été et où les députés rentraient dans leur circonscription.
J'aimerais saluer la ministre de l'Accessibilité actuelle, car je pense vraiment que ses intentions sont bonnes relativement à ce projet de loi. C'est elle a mis le processus en marche, et elle est ici maintenant pour le mener à bien.
Les libéraux ont fait comme si absolument rien ne pressait dans ce dossier. J'ai l'impression qu'ils n'ont fait que remettre à plus tard jusqu'à ce qu'ils soient enfin forcés d'agir sous peine d'être critiqués pour leur inaction. Les Canadiens, handicapés ou non, méritent mieux.
En revanche, pendant la campagne électorale de 2008, le Parti conservateur s'était engagé à instaurer le Régime enregistré d'épargne-invalidité. Les élections ont eu lieu en octobre. En décembre de la même année, ce régime était instauré et à la disposition des Canadiens. Tout cela s'est fait en moins de trois mois. L'adoption du projet de loi C-81 aura exigé presque trois ans.
Autre point important, les Canadiens devront peut-être attendre six ans encore avant que de nouveaux règlements entrent en vigueur, puisque ce projet de loi n'en contient aucun. Il y a tant de choses que le gouvernement peut faire pour venir en aide aux Canadiens handicapés, mais il opte pour une mesure législative qui n'a absolument aucun effet immédiat et ne changera pas la moindre chose une fois en vigueur.
Le gouvernement conservateur comprenait l'importance de l'apport des personnes handicapées à la société et à l'économie canadiennes et il le valorisait. Comme je l'ai indiqué, le régime enregistré d'épargne-invalidité a été rapidement créé et a permis aux Canadiens ayant un handicap de jouir d'une meilleure sécurité financière. Depuis 2008, 1 005 comptes ont été créés dans le cadre de ce régime, et l'épargne qui y est accumulée dépasse le milliard de dollars.
Le gouvernement conservateur a aussi créé le crédit d'impôt pour l'accessibilité domiciliaire afin de faciliter l'aménagement de domiciles sains et accueillants pour les personnes handicapées. Il a consacré des centaines de millions de dollars à l'amélioration des emplois et des perspectives d'emploi pour les personnes handicapées. C'est le type de mesures que le public canadien attend. Nous savons qu'il est possible de les mettre en oeuvre rapidement et efficacement lorsqu'on le veut vraiment. Le gouvernement précédent a démontré que c'était possible, mais les libéraux semblent vouloir constamment saboter le travail dans ce portefeuille ministériel.
L'une des principales dispositions de ce projet de loi a pour but de créer des normes d'accessibilité que les parties soumises à la loi devront respecter. Elle précise que cela se fera en créant l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité. Le projet de loi créerait également le poste de dirigeant principal de l’accessibilité, qui serait chargé de surveiller l'application de la loi, ainsi que le poste de commissaire à l'accessibilité, dont le rôle serait de garantir la conformité.
La disposition du projet de loi qui prévoit la création de l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité laisse beaucoup de questions sans réponse et aurait pour effet d'ajouter des études et des consultations à celles qui ont déjà eu lieu, sans que les personnes que l'on dit vouloir aider en bénéficient. Nous savons que le gouvernement adore étudier et consulter plutôt que d'agir concrètement et rapidement. Avec le projet de loi C-81, il crée essentiellement encore un comité, l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, qui définirait des normes. Les députés qui s'interrogent à ce sujet peuvent se dire qu'ils ne sont pas les seuls se poser des questions.
Ces questions comprennent notamment les suivantes: À quoi ressembleront les nouvelles normes? Comment seront-elles mises en oeuvre? Quel est le délai d'élaboration? Quel est le délai de consultation? Quel est le délai de mise en oeuvre? Quel est l'échéancier pour les normes? Qui est jugé qualifié pour établir ces normes? Il y a tellement de questions sans réponse. Je serais reconnaissant à la ministre de fournir le cadre et le mandat de la nouvelle organisation d'élaboration de normes d'accessibilité, ainsi que le coût de l'organisation et d'autres faits et chiffres nécessaires, dès que possible.
Un autre élément du projet de loi C-81 est un fonds de 290 millions de dollars sur six ans, soit 48 millions de dollars par année pour mettre à niveau les milieux de travail et les sites Web fédéraux. S'agit-il seulement de coûts administratifs? La création d'un bureau coûtera des centaines de millions de dollars. Si 5 000 nouveaux employés sont payés 40 000 $ par année, cela totalisera 200 millions de dollars. La création d'un poste de dirigeant principal et d'un poste de commissaire coûtera bien plus que 200 000 $. Voilà déjà un an de dépenses.
En théorie, il s'agit d'une idée extraordinaire, mais je me demande combien de personnes handicapées pourront vraiment en bénéficier. On ignore où ira tout cet argent, ce qui est problématique en soi, mais on suppose qu'au moins une partie servira à organiser des consultations. Je vois mal en quoi on aide les gens en tenant des consultations à n'en plus finir, mais bon. Comme si ce n'était pas suffisant, l'argent des contribuables servira ici à financer des objectifs abstraits qui ne sont assortis d'aucun résultat concret et qui seraient mis en oeuvre on ne sait trop quand.
À en croire la ministre, l'administration publique embauchera 5 000 personnes handicapées. Voilà qui suscite encore de nombreuses questions. S'agit-il de 5 000 nouveaux postes ou ces fonctionnaires occuperont-ils des postes laissés vacants par le titulaire précédent? Combien coûteront ces 5 000 embauches? Que leur demandera-t-on de faire? Iront-ils travailler dans différents ministères? Ces questions méritent qu'on y réponde, mais les libéraux ont bien du mal à nommer ne serait-ce qu'une seule chose que ce projet de loi permettra d'accomplir.
Les personnes handicapées du Canada méritent que leur gouvernement les aide concrètement et efficacement à améliorer leur qualité de vie de toutes les manières possibles. Il y a du bon dans ce texte de loi. Il se peut en effet qu'il facilite les relations des personnes handicapées avec l'État. On saisit toutefois encore mal l'effet qu'il aura sur les autres aspects de leur vie.
Il y a un autre élément de ce projet de loi que j'appuie, l'élément le plus précis et le plus souvent mentionné, soit qu'il établit clairement un processus de plaintes. Toutefois, il ne s’agit que d’un tout petit aspect d’une mesure législative de plus vaste portée qui devrait définir des règles et des normes sensées. À mon avis, c'est ce que les Canadiens handicapés souhaitaient.
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement présente ce projet de loi si ce n’est pour dire qu’il a fait quelque chose. Il a eu deux ans et demi pour mener des consultations, et voilà le résultat. Il rend un bien mauvais service aux personnes concernées. Il manque cruellement de substance.
Avant que je sois en mesure d'appuyer ce projet de loi, le public canadien et moi-même devons connaître les faits. À mon avis, ce projet de loi met la charrue devant les boeufs. Toutes les personnes ici présentes appuient des initiatives susceptibles de profiter aux Canadiens vivant avec un handicap, mais cette mesure législative n’a aucune portée significative et prévoit de grandes dépenses pour rien du tout.
Dans la circonscription, j’ai un ami, un jeune homme qui est né avec le spina bifida, qui est une méningocèle. Toute sa vie, il a subi chirurgie après chirurgie et il est confiné à un fauteuil roulant, ce qui ne l’empêche pas d’être un jeune homme extraordinaire. Il a réussi à trouver un travail, il travaille fort, il a déménagé et il peut même conduire. Il a même participé au marathon de Regina qui s’est tenu il y a trois ou quatre semaines. Ce jeune homme va poser ces mêmes questions: qu’est-ce que ce projet de loi lui apporte et en quoi va-t-il l’aider?
En conclusion, je dirais que les politiciens de toute allégeance reconnaissent les défis que doivent relever les gens handicapés et leur famille. Ce que ces gens demandent de la part du gouvernement libéral, ce sont des actes plutôt que des mots vides de sens, d’autres consultations et d’interminables platitudes.