Madame la Présidente, je suis heureux que tous les Canadiens à l'écoute présentement puissent constater que le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et peut-être le Bloc québécois ne veulent pas retarder le processus et sont prêts à agir rapidement pour adopter ce projet de loi. Ils savent que des Canadiens meurent chaque jour dans l'attente d'un changement.
Il est déjà bien établi que le Canada est actuellement aux prises avec une urgence nationale de santé publique sans précédent. Je me réjouis d'entendre mes collègues libéraux et conservateurs utiliser ce terme de plus en plus souvent pour parler de la crise des opioïdes. Le Nouveau Parti démocratique utilise ce terme depuis novembre, parce qu'on a affaire à une urgence nationale de santé publique et que nos concitoyens en souffrent et en meurent chaque jour.
Les surdoses d'opioïdes causent la mort de 50 Canadiens chaque semaine. C'est vraiment une crise nationale. Il vaut également la peine de répéter qu'elle a beaucoup empiré au cours des derniers mois.
En 2016, dans ma province, la Colombie-Britannique, 914 personnes sont mortes d'une surdose. Il s'agit d'une augmentation de 80 % par rapport à l'année précédente. Il y a quelques mois seulement, en décembre, la Colombie-Britannique a enregistré le nombre de morts par surdose le plus élevé de son histoire, lequel s'élève à 142. C'est plus que le double de la moyenne mensuelle depuis 2015 et une hausse marquée par rapport à septembre — 57 décès —, à octobre — 67 — et à novembre — 128. Tout me porte à croire que ce chiffre sera encore plus élevé pour le mois de janvier. Alors que les conservateurs veulent débattre et mener des consultations, les néo-démocrates veulent agir et sauver des vies.
En décembre, le Bureau des coroners de la Colombie-Britannique a annoncé que les morgues de Vancouver sont souvent pleines en raison des quantités faramineuses de morts par surdoses, et que les autorités responsables de la santé devaient se tourner vers les salons funéraires pour entreposer les corps.
La crise actuelle est en grande partie due à l'ancienne stratégie antidrogue du Canada. Pendant des décennies, cette politique pénale erronée en matière de drogue s'est révélée contre-productive et a favorisé l'essor du marché illicite de la drogue non réglementé au Canada. Elle a aussi laissé peu de place aux services de santé fondés sur des données probantes, notamment les programmes de réduction des méfaits et de traitement pour les personnes souffrant de troubles liés à la toxicomanie.
Dans la dernière année de leur mandat, les conservateurs ont sabré de 15 % le budget des services de toxicomanie. Les recherches partout dans le monde montrent que la criminalisation de la drogue fait croître sa production, sa consommation et sa disponibilité, ainsi que les effets néfastes sur la santé qui sont liés à la drogue. C'est ce que la science nous apprend. Or, au cours des 10 dernières années, ce n'est pas la science qui dictait la politique en matière de drogue du Canada, mais plutôt l'idéologie.
Comme il a fallu de nombreuses années pour engendrer la crise actuelle, elle ne pourra être enrayée par une seule mesure ou un seul projet de loi. Je crois que nous le réalisons tous. L'adoption du projet de loi C-37 doit être la première étape d'un processus d'examen beaucoup plus approfondi de notre compréhension de la consommation de drogue et de la toxicomanie au Canada et de notre façon d'y réagir.
Depuis de nombreuses années, les néo-démocrates préconisent une approche en matière de consommation de drogue et de toxicomanie qui soit fondée sur les données probantes et axée sur la santé. Notre parti comprend que la consommation de drogue n'est pas attribuable à une faiblesse morale. Nous comprenons également que les approches pénales qui ne visent qu'à punir ou isoler les toxicomanes ne font qu'accroître la souffrance de gens qui souffrent déjà beaucoup.
Le Dr Gabor Maté, un médecin canadien spécialisé dans les dépendances, a déclaré ce qui suit:
Les dépendances ne résultent pas toutes d’un abus ou d’un traumatisme, mais je crois qu'elles peuvent toutes être reliées à une expérience douloureuse. Une blessure est au centre de tous les comportements de dépendance. Elle est présente chez le joueur, l'accro à Internet, l'acheteur compulsif et le bourreau de travail. La blessure peut être moins profonde et la souffrance moins insupportable, et elle peut même être entièrement masquée — mais elle est là.
C'est pourquoi les néo-démocrates exhortent le gouvernement à réinscrire la réduction des méfaits parmi les quatre piliers de la politique canadienne antidrogue depuis que Stephen Harper l'a retirée de cette liste. C'est pourquoi les néo-démocrates ont mené la lutte contre le projet de loi C-2 des conservateurs dès qu'il a été présenté. C'est pourquoi nous pressons le gouvernement libéral d'abroger ou d'amender le projet de loi C-2 depuis février 2016, il y a un an, alors que la crise des surdoses d'opioïdes ne faisait que commencer.
L'automne dernier, le NPD a proposé avec succès une motion au Comité permanent de la santé pour qu'il se penche sur la crise des surdoses d'opioïdes. Le Comité a publié un rapport contenant 38 recommandations à l'intention du gouvernement fédéral. Je souligne que la plupart de ces recommandations n'ont pas encore été mises en oeuvre.
Nous avons été les premiers à demander qu'on déclare une urgence nationale de santé publique. Une telle déclaration donnerait à l'administratrice en chef de la santé publique du Canada le pouvoir de prendre des mesures extraordinaires pour coordonner une réponse nationale à la crise. Encore aujourd'hui, c'est une mesure que le gouvernement libéral refuse de prendre.
En décembre dernier, nous avons essayé d'accélérer l'étude du projet de loi C-37 parce qu'il y avait un besoin criant de remédier à la crise aussi rapidement que possible, mais notre tentative a de nouveau été bloquée par les conservateurs.
En effet, le projet de loi C-37 continue d'être retardé parce que les conservateurs refusent de reconnaître l'importance cruciale de la réduction des méfaits et les données qui prouvent que les centres de consommation supervisée sauvent actuellement des vies.
Aujourd'hui, je suis attristé de voir que les conservateurs n'ont toujours pas appris de leurs erreurs, et je suis profondément troublé de constater qu'ils continuent de comparer les centres de consommation supervisée et leur approbation aux processus d'approbation des pipelines.
Après cette offre bizarre de remplacer le processus d'approbation des centres de consommation supervisée par celui des pipelines lors de la réunion du comité de la santé, la députée conservatrice de Lethbridge a prétendu que ces établissements de santé devraient obtenir la même approbation sociale que les projets énergétiques avant d'être autorisés à sauver des vies. La députée a soutenu que nous devions maintenir en place les barrières inutiles prévues dans le projet de loi C-2 parce que l'emplacement d'un centre a une incidence sur la collectivité dans laquelle il est situé.
Pour une fois, je suis d'accord avec la députée de Lethbridge. Il est tout à fait vrai que ces centres ont une incidence sur les collectivités: ils sauvent des vies, ils réduisent la criminalité et ils offrent une chance de rétablissement aux gens atteints d'une maladie.
Le Parti conservateur s'imagine que le gouvernement fédéral pourrait imposer aux collectivités l'établissement de centres de consommation supervisée. Or, c'est tout le contraire. Si les centres de consommation supervisée existent au Canada, ce n'est que grâce aux efforts inlassables d'activistes et de membres de la collectivité qui font don de leur temps et de leurs compétences pour fournir des services de santé vitaux fondés sur des données probantes. Parfois, ils l'ont même fait au risque de perdre leur propre liberté.
Pendant plus de dix ans, depuis 2002, le Dr Peter Centre de Vancouver a fourni des services de consommation supervisée, enfreignant ainsi les lois fédérales jusqu'à ce que le gouvernement fédéral lui accorde enfin une exemption légale.
Pour rester ouvert, le centre InSite de Vancouver a dû porter sa cause contre le gouvernement fédéral devant la Cour suprême du Canada. Soulignons que, au lieu de se conformer à l'esprit de la décision de la Cour, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a adopté le projet de loi C-2 dans le but à peine voilé d'empêcher l'ouverture de tout nouveau centre d'injection supervisée au Canada.
À l'heure actuelle, au moins trois centres de prévention des surdoses sont illégalement en activité au grand jour à Vancouver, sans exemption légale, et les employés qui y travaillent risquent des sanctions criminelles pour avoir répondu au besoin urgent de sauver des vies. Voilà pourquoi ils le font.
En fait, les centres de consommation supervisée ne nuisent pas à la société; au contraire, ils l'aident. C'est ce qui ressort clairement des données d'InSite.
Les conservateurs disent que les centres de consommation supervisée nuisent aux quartiers dans lesquels ils se trouvent, mais, pour étayer leurs affirmations, ils ne citent jamais de documents provenant de l'un ou l'autre des deux seuls centres de consommation supervisée que compte le Canada. Ces deux centres ont fait l'objet d'études et d'articles publiés dans des périodiques aussi prestigieux que The Lancet. Or, les conclusions sont sans équivoque: ces centres sauvent des vies, réduisent la criminalité dans les environs, mettent fin à la consommation de drogues dans les rues et réduisent la propagation des maladies. De plus, grâce à ces centres, on ne trouve plus, sur le sol, de seringues usagées qui pourraient causer du tort aux enfants et aux autres personnes. Voilà ce qui ressort des études.
Les conservateurs ont tout à fait raison de dire que ces centres ont des effets sur la société. C'est tout à fait vrai: ils l'améliorent! Absolument rien ne prouve le contraire.
Les conservateurs devraient peut-être écouter le maire d'Edmonton, Don Iveson, qui a dit récemment ceci: « Le problème ne se limite pas aux sans-abri et aux toxicomanes. Pratiquement tous les quartiers sont touchés. »
La crise des opioïdes nous frappe de plein fouet. La population canadienne est déjà touchée. Chaque jour, la crise fait des victimes parmi nos amis, nos proches et nos voisins.
L'argument du Parti conservateur selon lequel les centres de consommation supervisée créeront des dépendances aux opioïdes dans des collectivités où il n'y en avait pas n'est qu'une campagne de peur sans fondement qui stigmatise profondément les Canadiens atteints de toxicomanie.
En réalité, des villes de tout le Canada demandent de pouvoir ouvrir des centres de consommation supervisée depuis des années. C'est en refusant d'accorder les exemptions prévues à l'article 56 que le gouvernement fédéral rejetait les demandes répétées de ma province et de ma ville, Vancouver. En effet, comme l'a dit le maire de Vancouver, Gregor Robertson: « Certains facteurs, comme les répercussions du centre sur la criminalité et le soutien ou l'opposition exprimés par la collectivité, ne devraient pas entrer en ligne de compte dans le processus d'approbation du gouvernement fédéral. Ce sont des questions locales, et ceux qui sont le mieux placés pour les traiter sont les responsables locaux, comme les municipalités, les autorités sanitaires et les services de police locaux, qui comprennent l'enjeu. »
Je laisse le Parti conservateur nous expliquer pourquoi il ne fait pas confiance aux autorités locales pour prendre ces décisions.
Ce sont des héros locaux, et non le gouvernement fédéral, qui oeuvrent en première ligne et qui prennent l'initiative de lutter contre la crise actuelle, depuis le début. Les efforts désintéressés de ces personnes ont indubitablement sauvé des vies et, bien que je ne puisse pas les nommer toutes maintenant, je voudrais souligner le travail herculéen de quelques personnes.
Ces personnes sont les suivantes: Ann Livingston et Sarah Blyth, fondatrices de la Société de prévention des surdoses de la Colombie-Britannique; Hugh Lampkin, membre de longue date du réseau des consommateurs de drogue de la région de Vancouver; Daniel Benson, de la Société de l'hôtel Portland; Gregor Robertson, maire de Vancouver; Kerry Jang, conseiller municipal de Vancouver; Maxine Davis, directrice générale de la Fondation contre le sida du Dr Peter, à Vancouver; Katrina Pacey, directrice générale de la Société juridique Pivot, de Vancouver; le Dr Perry Kendall, médecin-chef de la Colombie-Britannique et seule autorité médicale au pays à avoir déclaré une urgence de santé publique en Colombie-Britannique, après avoir constaté l'ampleur de la crise qui y sévit; et le Dr Gabor Maté, expert en toxicomanie de réputation internationale.
Après avoir réclamé à maintes reprises que l'on déclare une urgence nationale de santé publique, un appel auquel l'actuel gouvernement fédéral libéral n'a pas donné suite, ces organismes de première ligne et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont dû prendre la décision exceptionnelle de ne pas tenir compte de la loi fédérale en ouvrant des centres de consommation supervisée temporaires sans obtenir l'exemption nécessaire. Ces centres sont en activité en ce moment même. Ils offrent leurs services depuis des mois même si leur personnel et ceux qui y travaillent bénévolement s'exposent tous les jours à des poursuites.
Voici ce que l'ordre des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique avait à dire à ses membres le mois dernier:
Cette crise pourrait se prolonger et s'aggraver. Pendant que ces centres de prévention des surdoses sont établis partout où les services sont requis dans notre province, des infirmiers nous demandent s'ils risquent de perdre leur droit de pratique en offrant des soins dans ces centres où les conditions sont loin d'être idéales.
Les courageux travailleurs de la santé de première ligne ne devraient jamais avoir à se poser cette question.
C'est pourquoi le NPD a proposé au comité de la santé un amendement qui aurait permis aux ministres provinciaux de la santé de demander à la ministre fédérale de la Santé de leur fournir par écrit une autorisation d'urgence afin qu'ils puissent établir un centre de consommation supervisée pour répondre à une crise locale.
Une telle exemption permettrait de contourner le processus de demande habituel et serait accordée immédiatement pour une période allant jusqu'à un an avec possibilité de renouvellement. La ministre fédérale serait tenue de publier la demande provinciale et la réponse du fédéral dans un délai de cinq jours.
Cet amendement visait à atténuer l'influence des lointaines considérations politiques alimentées à Ottawa, dont beaucoup de députés ont parlé aujourd'hui, qui pourraient faire entrave à des interventions fondées sur des données probantes visant à répondre promptement à une situation d'urgence dans une province.
Ainsi, dans les rares cas où une province déclarerait une situation d'urgence en matière de santé publique, le ministre fédéral de la Santé pourra rapidement accorder une approbation temporaire et épargner à la province le processus de traitement de la demande, qui prend du temps. On sait qu'en situation de crise, les retards peuvent causer des pertes de vie.
Le gouvernement libéral a soutenu à maintes reprises que le projet de loi à l'étude représente tout ce qu'il peut faire en cas de crise, ce qui est manifestement faux. Il existe de nombreuses mesures que le gouvernement a choisi de ne pas prendre. Des dizaines d'entre elles pourraient être lancées pour répondre à la crise, mais le gouvernement hésite à le faire.
Récemment, la Ville de Vancouver a envoyé une liste de neuf recommandations au gouvernement fédéral pour résoudre la crise. Elle réclamait notamment une structure centrale de commandement, des réunions quotidiennes avec Santé Canada et de meilleurs services de traitement.
En Colombie-Britannique, un jury du coroner a publié récemment une liste de 21 mesures recommandées, et, en décembre, le Comité permanent de la santé a publié un rapport contenant, rien que pour le gouvernement, 38 recommandations, dont la plupart n'ont toujours pas été mises en oeuvre. Le gouvernement libéral ne fait pas tout en son pouvoir pour résoudre la crise des opioïdes. Il prend certaines mesures, certes, mais pas toutes celles qui sont nécessaires.
La première recommandation formulée à la suite de l'étude d'urgence menée l'automne dernier par le comité de la santé a été appuyée par tous les partis et consistait à déclarer que la crise des surdoses d'opioïdes constitue une urgence nationale en matière de santé publique. Cette demande a été reprise par le Dr David Juurlink, conférencier principal du sommet sur les opioïdes de la ministre de la Santé l'automne dernier, et maintenant par l'actuel ministre libéral de la Santé de la Colombie-Britannique, Terry Lake, ainsi que par des intervenants de partout au Canada. Devant le nombre croissant de décès, déclarer une urgence nationale de santé publique s'avère nécessaire pour commencer à sauver des vies dès maintenant.
De plus, au cours de son étude, le comité de la santé a appris que l'accès au traitement pour la dépendance aux opioïdes est quasi inexistant dans les communautés autochtones et que, là où il existe, il ne s'agit que d'un accès à court terme. En effet, le personnel infirmier employé par Santé Canada ne peut pas aider les Autochtones aux prises avec une dépendance aux opioïdes dans leur propre collectivité durant plus de 30 jours. Or, le gouvernement libéral n'a absolument rien prévu pour assurer, dans les communautés autochtones, un accès complet à des traitements de dépendance adaptés à la culture et offerts à long terme.
Enfin, dans son rapport récent sur la crise, le comité de la santé a formulé trois recommandations distinctes et spécifiques qui demandaient d'importants nouveaux fonds fédéraux pour des programmes publics de désintoxication et de traitement de la toxicomanie au niveau communautaire. Cependant, jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral refuse de dire qu'il consacrera des fonds à la désintoxication et aux traitements dans le budget de 2017.
Au contraire, la ministre de la Santé continue à recycler les fonds destinés à la santé mentale et à prétendre que cet argent peut être utilisé pour le traitement de la toxicomanie. Nous voulons voir de nouveaux fonds qui ciblent spécifiquement le traitement de la toxicomanie. La santé mentale est un domaine très vaste et les besoins sont nombreux au Canada; nous le savons tous. Nous avons demandé au gouvernement des fonds ciblés, mais jusqu'à maintenant celui-ci a refusé de s'engager en ce sens.
Il incombe à la Chambre de se montrer honnête envers elle-même. Le gouvernement fédéral adopterait-il une approche aussi tiède, aussi prudente si ces décès étaient causés par un autre problème de santé? Dans une perspective d'avenir, nous devons délaisser nos préjugés pour pouvoir sauver nos êtres chers. Donna May, fondatrice et animatrice du groupe mumsDU, un regroupement de mères qui s'emploient à sauver des toxicomanes, a vu sa fille toxicomane, Jac, mourir à 35 ans. Je la cite:
La plupart de gens croient que la pire épreuve que j'ai eue à traverser a été sa mort, la mort d'un enfant, la mort de ma fille unique. Ils se trompent complètement.
La pire épreuve de toute ma vie a été de me rendre compte que ma méconnaissance du problème de toxicomanie de ma fille m'avait empêchée de profiter de plusieurs années avec elle, des années qui ne reviendront jamais. On ne peut plus se rattraper une fois que son enfant est mort! Tout ce que je peux faire maintenant, c'est parler de mon expérience et de ce que j'ai appris depuis, dans l'espoir d'aider d'autres parents.
La toxicomanie demeure l'un des rares problèmes pour lesquels la discrimination en matière de soins de santé est encore acceptable. Toutes les données dont nous disposons nous montrent pourtant que cela ne tient pas la route. Si nous voulons que la toxicomanie soit enfin traitée comme une maladie, ce qu'elle est, il faut reconnaître que nous avons souvent tendance à craindre les personnes souffrant de toxicomanie, à les stigmatiser et à les méconnaître, ce qui influence grandement notre façon d'aborder la crise actuelle.
C'est pourquoi je considère que les changements législatifs proposés, attendus depuis trop longtemps, ne vont pas assez loin et pas assez rapidement. Nous avons besoin d'un financement et d'une coordination du fédéral pour lutter contre cette crise dès maintenant et à long terme. Le Dr Evan Wood, de l'Université de la Colombie-Britannique, a parlé au comité de la santé du fait qu'aucun des gouvernements fédéraux qui se sont succédé ne s'était décidé à traiter la toxicomanie comme un problème de santé.
Il a dit ceci:
Imaginez qu'une personne souffre d'un problème médical grave, par exemple une crise cardiaque. Cette personne sera amenée dans un environnement de soins intensifs et confiée aux soins d'une équipe médicale dont les membres sont spécialisés en cardiologie. Ensuite, les membres de l'équipe cardiovasculaire suivront des lignes directrices et des normes établies pour diagnostiquer le problème de santé et proposer un traitement efficace. Malheureusement, au Canada, puisque nous n'offrons aucune formation en toxicomanie à nos fournisseurs de soins de santé, ces derniers ne savent pas quoi faire et ils finissent souvent par mettre les patients à risque.
En plus du manque de formation chez les fournisseurs de soins de santé, le manque général d'investissement dans ce domaine signifie qu'il n'y a pas de normes et de lignes directrices [ou de lits] liées au traitement de la toxicomanie.
Voici ce qu'a affirmé le Dr Mark Ujjainwalla, directeur médical de Recovery Ottawa:
Le problème auquel nous sommes confrontés ici, c'est que les opioïdes ne représentent pas la cause réelle des problèmes de dépendance. Le véritable problème, c'est l'incapacité du système de soins de santé actuel de traiter les dépendances. La dépendance est une maladie biopsychosociale qui touche 10 % des membres de la société, probablement davantage si vous comptez les familles, et c'est le problème médical qui reçoit le moins de financement dans notre société.
De plus, c'est un problème de santé qu'on peut facilement prévenir et traiter. C'est dommage que les gens ne s'en rendent pas compte. Lorsque ce problème touche votre famille ou vous-même, vous pouvez ressentir la douleur et la souffrance et vous assistez en direct au déroulement de cette tragédie.
En terminant, j'implore la Chambre de tirer une leçon de ce qu'a fait l'Estonie, un pays qui a récemment surmonté une crise des opioïdes très similaire à celle que connait le Canada. Le chef du service de prévention de la toxicomanie de l'Estonie a dit: « Je crois que le plus important est de ne pas perdre de temps. Si vous voulez vraiment apprendre de notre expérience, sachez que c'est l'erreur que nous avons faite. Vous avez déjà les solutions, n'en cherchez pas de nouvelles. »
On peut dire que l'histoire dresse un portrait peu reluisant de ceux qui hésitent en temps de crise. Bien franchement, ce ne sont pas les livres d'histoire qui devraient nous garder éveillés la nuit; ce sont les vies que nous continuons de perdre chaque jour de causes entièrement évitables.
Les Canadiens comptent sur nous pour montrer la voie à suivre en temps de crise. Il est temps pour nous d'être à la hauteur.