Monsieur le Président, je croyais n'avoir que 10 minutes, mais il semble que je disposerai de 20 minutes. Je vais essayer de ne pas trop vous ennuyer afin de bien terminer cette longue journée que les libéraux ont mise à notre agenda.
Nous parlons aujourd'hui du projet de loi sur la modernisation des transports. Les libéraux ont proposé cette mesure législative omnibus, je tiens à le préciser, sur les transports. Le projet de loi C-49 établira de nouveaux droits pour les passagers aériens et libéralisera les restrictions de propriété internationale des transporteurs aériens canadiens; il permettra au ministre des Transports de considérer et d'approuver des demandes d'entreprises conjointes entre deux transporteurs aériens ou plus; il mettra à jour le système de transport de marchandises du Canada; il mandatera l'installation d'enregistreur audio-vidéo dans les locomotives; il élargira le pouvoir du gouverneur en conseil afin qu'il puisse exiger que les principales compagnies de chemin de fer fournissent de l'information sur les tarifs, les services et la performance; et il modifiera la Loi maritime du Canada pour que les autorités portuaires soient admissibles à des prêts par l'intermédiaire de la Banque de l'infrastructure. C'est de cette partie en particulier que j'aimerais parler dans quelques minutes.
Je dis tout cela pour bien démontrer comme cette mesure législative est volumineuse. Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de temps pour en discuter. Elle s'inscrit dans le corps d'un projet de loi omnibus, une façon qu'a trouvée le gouvernement de nous museler afin que nous ne puissions pas mettre en évidence les lacunes de ce projet de loi.
Le rapport Emerson est un examen de la Loi sur les transports au Canada dirigé par l'honorable David Emerson. Il a été entrepris le 25 juin 2014 pour répondre à une variété de conditions et de défis changeants, notamment dans le domaine du transport du grain dans les Prairies.
Les libéraux ont présenté ce rapport le 25 février 2016. Ils ont ensuite lancé un nouveau processus, parce que tout le travail fait par l'honorable David Emerson n'était pas suffisant. Cela fait qu'aujourd'hui nous avons bien peu de temps pour en discuter. Ce projet de loi a été soumis après 18 mois de travail. Il faisait suite au travail du gouvernement précédent et contenait 60 recommandations pour répondre à une variété de conditions et de défis changeants dans le domaine du transport au Canada.
Malheureusement, les libéraux ont décidé de lancer un autre processus de consultation, et ce n'est que maintenant qu'ils présentent une autre mesure législative. Nous allons donc étudier cette mesure législative pour assurer qu'elle établit un juste équilibre entre l'industrie et les droits des consommateurs. C'est le travail rigoureux que nous allons faire ensemble, tous les partis de l'opposition, pour essayer de soutenir ce gouvernement, qui a besoin de beaucoup d'aide pour mettre en oeuvre des projets de loi structurants pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Cette loi est censée modifier la Loi sur les transports, mais qui, subrepticement, octroie des pouvoirs à la mystérieuse Banque de l'infrastructure du Canada. Cela se trouve dans un petit paragraphe parmi d'autres, et il nous fait nous poser bien des questions. À la base, nous ne sommes même pas certains de la raison de la création de cette banque de l'infrastructure.
C'est de cela que je veux entretenir la Chambre, ce soir. La Banque de l'infrastructure est financée avec l'argent des contribuables à hauteur de 35 milliards de dollars. Ces mêmes citoyens et citoyennes devront garantir ces 35 milliards de dollars si les investisseurs étrangers ne réussissent pas à terminer les projets. Ce sont donc les citoyens qui prennent les risques. Les libéraux mettent en place leur Banque de l'infrastructure pour tous leurs amis d'un peu partout, les investisseurs étrangers que notre premier ministre aime bien aller visiter à l'extérieur du pays.
En fait, le plus haut fonctionnaire chargé de la Banque de l'infrastructure a dit qu'elle avait été conçue de façon à souscrire le financement de projets élaborés et complexes.
Le terme « souscrire » signifie littéralement « écrire en dessous » et vient de l'anglais « underwrite », un terme qui signifie que s'il y a défaut de paiement, celui qui a signé est responsable de la dette.
Dans ce cas-ci, ce sont les contribuables canadiens qui assumeront tous les risques de ce projet de banque des libéraux. Quand on voit la gestion du déficit, on peut s'inquiéter de la manière dont seront gérés ces 35 milliards de dollars, si c'est vraiment comme cela que cette banque a été créée.
Je vais raconter à la Chambre la petite histoire de cette Banque de l'infrastructure.
En octobre 2015, les libéraux font la promesse de faire de petits déficits de 10 milliards de dollars et ils annoncent la création d'une banque de l'infrastructure indépendante. Nous connaissons la suite. En novembre 2016, l'annonce de la fameuse banque est finalement faite. Au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, j'ai demandé au ministre où on prendrait cet argent. À ce moment-là, ce fut le silence radio. Il n'y avait aucune réponse dans l'exercice budgétaire.
Le lendemain, je suis revenu à la charge concernant la provenance de l'argent et on m'a dit qu'on prendrait les 15 milliards de dollars qui avaient été annoncés dans le programme d'infrastructure et qui devaient servir à l'ensemble des municipalités canadiennes.
Le ministre avait donc décidé de prendre cet argent et de le mettre dans la Banque de l'infrastructure pour financer des projets de plus de 100 millions de dollars dans les municipalités.
C'est là où le le bât blesse, parce que quelques semaines plus tard, j'ai eu l'occasion de poser d'autres questions au ministre des Finances et au ministre de l'Infrastructure et des Collectivités pour savoir qui pourrait vraiment profiter de ces projets de 100 millions de dollars et plus qu'ils veulent réaliser avec la Banque de l'infrastructure.
Nous nous posons des questions, parce que des projets de 100 millions de dollars et plus, il n'y en a pas dans la majorité des municipalités. Ce n'est peut-être que Montréal, Toronto et Vancouver qui peuvent se permettre de tels projets. Nous avons un peu le sentiment qu'on a détourné 15 milliards de dollars destinés à l'ensemble des municipalités canadiennes pour soutenir des projets structurants et qu'on les a placés dans une nouvelle banque de l'infrastructure créée par le gouvernement pour ses petits amis. Le gouvernement cherche encore quel genre de projets pourraient être vraiment financés dans le cadre de ce programme.
Aux mois de novembre, décembre, janvier, février, mars, avril et mai, nous avons demandé au ministre de l'Infrastructure et des Collectivités de nous nommer un seul projet de 100 millions de dollars et plus qui pourrait être réalisé dans de petites et moyennes municipalités au Canada. Chaque fois, c'était le silence radio, malgré le fait qu'à un moment donné, le ministre était entouré de toute sa cohorte de hauts fonctionnaires et d'experts lors d'une réunion en comité. Nous lui avons répété que ce n'était pas compliqué et que nous lui demandions de nous nommer un seul projet et non pas cinq ou dix. Nous voulions connaître un seul projet pour lequel une petite et moyenne municipalité au Canada pourrait avoir besoin de la Banque de l'infrastructure pour sa réalisation. Silence radio.
C'était normal, parce qu'au cours des 10 dernières années, et non pas au cours des six derniers mois ou des 10 derniers jours, le coût moyen des projets d'infrastructure au Canada n'était pas de 100 millions de dollars ni même de 500 millions de dollars, comme l'aimeraient certains investisseurs. Il était de 6,7 millions de dollars. La différence entre 100 millions de dollars et 6,7 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent. C'est tout simplement la preuve que cette banque ne servira pas à beaucoup de monde, à par le fait de sécuriser les investisseurs pour faire en sorte que ce soit l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Canada qui prennent tous les risques dans les projets.
Je pense que le premier ministre n'a pas compris quelque chose dans l'histoire de Robin des bois. En effet, au lieu de prendre l'argent des riches pour le distribuer aux pauvres, il a décidé de prendre l'argent des contribuables pour le donner à ses amis donateurs au Parti libéral. C'est là qu'on sent la malhonnêteté dans le projet de cette banque de l'infrastructure.
Par la suite, nous avons appris que Michael Sabia, le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, et les autres investisseurs qui collaborent avec la Banque de l'infrastructure recherchaient des rendements de 7 à 9 %.
Étant un ancien maire d'une municipalité de 45 000 habitants, je peux dire qu'en aucun cas je n'aurais accepté du financement à 7 à 9 %, alors que j'avais accès à toutes les obligations municipales qui me permettaient d'avoir du financement à 2 à 2,5 % au maximum.
Encore là, on pourrait se demander pourquoi une municipalité aurait besoin d'aller chercher du financement. Pas plus tard que la semaine passée, j'ai eu l'occasion de rencontrer le vice-président de l'Union des municipalités du Québec, qui est aussi maire d'une ville assez importante au Québec. Je ne veux pas le nommer pour le mettre en boîte ce soir. Il doit sûrement dormir à cette heure-ci, mais il m'écoute peut-être à CPAC. Je lui ai demandé si, pendant ses années à titre de maire et autour de la table du conseil, il lui était déjà arrivé d'avoir besoin d'aller chercher du financement dans une banque. Ce n'est jamais arrivé.
Comme il se fait tard et qu'on a tous hâte d'aller se coucher, je vous remercie, monsieur le Président, du temps de parole que vous m'avez accordé pour que je puisse parler du projet de loi C-49. Malgré tout, je considère que c'est trop peu de temps pour parler d'un projet de loi aussi important.