Monsieur le Président, je dirais que c'est avec une grande déception à plusieurs égards que je prends la parole sur le projet de loi C-49.
D'abord, le projet de loi est porté par le ministre, dont je dois taire le nom à la Chambre, mais qui était astronaute dans une carrière précédente. J'avoue que j'ai une admiration pratiquement sans bornes pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes qui se portent à la carrière d'astronaute. Chaque fois, on découvre des personnalités absolument extraordinaires, dotées d'un curriculum vitae hors du commun.
Alors quand le ministre des Transports, ancien astronaute — j'imagine qu'on l'est toujours —, me répondait à la Chambre qu'il étudiait, pour moi, cette réponse avait une immense valeur. Je reconnais l'intellectuel qu'il est et je me disais que l'aboutissement de sa réflexion devrait porter des fruits.
Quand je l'entends me répondre qu'il réfléchit sur la pertinence du train grande fréquence, par exemple, de prime abord, je suis motivé et j'attends impatiemment la réponse. Quand pour toutes les questions de transport contenues dans ce projet de loi C-49, le ministre nous a dit, pendant des mois et des mois, qu'il étudiait la question, je me disais que ce serait un feu d'artifice quand il déposerait enfin un projet de loi.
On est présentement dans l'attente des résultats d'une enquête sur les événements du lac Saint-Pierre, par exemple. Je me dis également que cela devrait être extraordinaire.
Or pour une des premières fois que le ministre dépose quelque chose à la Chambre, le projet de loi C-49, force m'est de reconnaître que la déception est probablement à la hauteur des attentes que j'avais.
Que trouve-t-on dans ce projet de loi pour lequel le ministre a pris un peu plus de 18 mois pour étudier, consulter, réfléchir, lire et, j'imagine, obtenir des avis de partout? On obtient trois catégories de mesures.
J'associerai la première catégorie à des coquilles vides et la deuxième à des mesures contestables. Quand je dis « contestables », je ne dis pas nécessairement qu'elles sont mauvaises. Pour certaines, elles le sont absolument et elles mériteraient d'être abrogées. Pour d'autres, elles mériteraient possiblement d'être amendées ou d'être soutenues par un argumentaire qui nous laisse voir que l'eldorado espéré est vraiment possible compte tenu de ces mesures.
Il y a quelques bonnes mesures dans le projet de loi qui, malheureusement, sont enterrées dans une multitude de mesures traitant d'à peu près tous les secteurs de transport possibles et inimaginables. Cela fait qu'encore une fois — comme c'est malheureusement trop souvent la façon de faire à la Chambre —, par un seul vote, on nous demande d'avaler des couleuvres pour adopter quelques mesures qui risquent peut-être de faire avancer les choses. C'est pourquoi ma consoeur a très bien mentionné tantôt cette demande de scinder ce projet de loi.
Allons-y donc avec les trois catégories. Je vais essayer de donner des exemples assez concrets de ce à quoi cela peut ressembler. Prenons d'abord de ce qui a été probablement, sur le plan médiatique, l'élément phare de la présentation du ministre sur son projet de loi C-49, c'est-à-dire la charte des passagers. Pour moi, c'est l'illustration parfaite de la coquille vide.
J'ai dit tantôt en posant une question au ministre que lors de la précédente législature, le NPD avait déposé son projet de loi sur une charte des droits des passagers pour lequel le ministre avait voté favorablement. Tout était là, tout était habilement rédigé et c'était le fruit d'un travail soutenu. Je donne juste un exemple de ce à quoi cela pouvait ressembler.
D'abord parlons de l'annulation d'un vol, ce qui nous est peut-être tous déjà arrivé. On prévoyait un remboursement ou un réacheminement conformément à l'article 10 de ce projet de loi. Que disait cet article?
Le transporteur aérien offre gratuitement à chaque passager visé par le présent article le choix entre:
a) le remboursement complet du prix payé pour le billet pour la partie non complétée du parcours — et pour la partie déjà complétée si le vol n’a plus de raison d’être dans le cadre du programme de voyage original du passager — ainsi que, le cas échéant, du prix du vol de retour, dès que possible, au premier point de départ;
De plus, il y avait des montants attachés à tout cela. On parlait donc d'annulation, de retard de vol avec des mesures tout aussi précises et tout aussi bien ficelées. On parlait aussi des droits des passagers qui, parfois, doivent attendre de nombreuses minutes, voire de nombreuses heures sur le tarmac parce que l'avion est empêché de décoller pour une raison ou pour une autre, et qui n'ont, en ce moment, aucun droit. On parlait des refus d'embarquement, on parlait des droits au remboursement ou des droits de réacheminer, on parlait du droit à l'information, bref, tout était déjà bien ficelé dans ce projet de loi.
Que nous propose le projet de loi C-49? Pour ce qui est des annulations de vols, on va demander à Transports Canada de nous faire des propositions. Pour ce qui est des retards de vols, on va attendre les propositions de Transports Canada. Pour ce qui est des droits des passagers et sur l'aire de trafic, Transports Canada va probablement se pencher là-dessus. On comprendra que la litanie s'allonge et que rien, dans le projet de loi C-49, ne vient dire aux passagers ce à quoi ils ont droit au moment où on se parle.
Le ministre a simplement, comme on le dit chez nous, pelleté la neige par en avant, mais le banc de neige va finir par arriver un jour. À moi et à tous les députés de la Chambre, on va demander, en notre âme et conscience, de voter sur cela? Moi, je devrais être en faveur ou contre le vide? Cela m'apparaît un peu être une élucubration de l'esprit ou une abstraction dont je ne suis pas capable. Si le ministre n'a pas fini son projet de loi, qu'il fasse ses devoirs et qu'il revienne nous le présenter plus tard.
D'ailleurs, je trouve assez curieux que le ministre demande aux compagnies aériennes de respecter l'esprit de la loi dans l'intervalle où nous ferons l'étude sur le projet de loi C-49 et dans l'intervalle où l'Office des transports accouchera d'une certaine réglementation, que le ministre pourrait refuser par ailleurs, ce qui allongerait encore les délais.
Qu'on m'explique comment on peut respecter l'esprit du vide. Moi, je n'y arrive tout simplement pas.
La propriété étrangère des compagnies aériennes, un autre élément dont j'ai traité à travers une question tantôt, passe de 25 à 49 %. Sur quoi est-ce basé? C'est basé sur une recommandation du rapport Emerson, qui ne démontre pas hors de tout doute — je dirais même avec doute — la pertinence de cette mesure, quant à la compétitivité du marché et quant aux conclusions ou aux conséquences favorables que cette mesure pourrait avoir sur les passagers en matière de coût d'achat des billets, par exemple.
Une étude de l'Université du Manitoba démontre même exactement le contraire. Elle démontre, hors de tout doute, qu'on ne peut pas faire de lien entre l'augmentation de la propriété étrangère dans une compagnie aérienne canadienne et une résultante sur le coût des billets.
Encore une fois, pourquoi nous présente-t-on cette mesure? Je n'en sais trop rien. Le projet de loi C-49 nous laisse tout à fait dans un flou artistique, que j'ai peine à croire que nous pourrons résoudre avec le peu de temps qui nous sera accordé en comité pour étudier un projet de loi aussi volumineux que celui-là. Il y a là un autre problème, celui du rouleau compresseur libéral qui, à force d'avoir tardé à mettre en place ces mesures, si tant est qu'il y en ait dans ce projet de loi, force son adoption le plus rapidement possible.
J'aimerais revenir également sur les ententes entre compagnies aériennes, ce dont le ministre nous a aussi parlé. Encore une fois, comme on l'a vu à de multiples reprises par le passé, le projet de loi vient accroître les pouvoirs du ministre. J'avoue que chaque fois qu'une mesure vient accroître les pouvoirs d'un ministre, une petite lumière s'allume en même temps, me disant qu'il y a une inquiétude à avoir à cet égard. Quel pouvoir le ministre veut-il avoir et qu'est-ce que cela donne de plus?
Au fond, que sont ces ententes de coentreprise, sinon un type de fusion partielle acceptée lorsque les règles de la concurrence continuent de jouer. Voilà pourquoi il y a, entre autres, le Bureau de la concurrence qui est le tribunal de la concurrence.
Or on se rappellera de la coentreprise entre Air Canada et United Continental Holdings. Ces deux compagnies aériennes avaient demandé de fusionner leurs opérations sur 15 liaisons aériennes. Le Bureau de la concurrence en avait accordé cinq, et la situation est la même aujourd'hui.
Cela signifie que, même si cela allait à l'encontre de la concurrence, dans l'intérêt public, un autre concept qui n'est pas défini dans le projet de loi C-49, le ministre pourrait bâillonner le Tribunal de la concurrence et autoriser cette coentreprise sur les 15 liaisons aériennes. Encore une fois, c'est un flou artistique qui m'empêche totalement de voter en faveur de ce projet de loi, tant et aussi longtemps que je ne comprendrai pas les tenants et aboutissants de cette entente.
Quant à la Loi sur le cabotage, les députés se rappelleront peut-être que les libéraux avaient promis, en campagne électorale, de ne pas y toucher. Voilà une autre promesse libérale que les libéraux s'apprêtent à moduler, à contourner ou, plus concrètement, à rompre.
Alors, qu'est-ce qu'on nous propose? On nous dit maintenant que le repositionnement des conteneurs, qui était jusqu'à maintenant réservé aux armateurs canadiens, sera dorénavant permis aux navires immatriculés à l'étranger. On pourrait parler de compétition et de marché compétitif, mais tout le monde sait que les armateurs étrangers n'ont pas nécessairement les mêmes règles et les mêmes obligations à l'égard de leurs employés que les armateurs canadiens. Il y a de très fortes chances que l'on n'assiste pas à ce que j'appellerais une concurrence loyale.
On permettra aussi le dragage et le transport de produits en vrac entre le port de Montréal et le port d'Halifax aux navires immatriculés dans un pays membre de l'Union européenne. J'imagine que cette mesure vise à permettre au gouvernement de se moduler selon l'entente qu'il s'apprête à signer avec l'Union européenne.
Toutefois, avant d'annoncer sa position sur une telle mesure, il faut se demander où est la réciprocité canadienne. Les navires canadiens pourront-ils faire du transport en vrac de l'autre côté de l'Atlantique? Le projet de loi est muet à cet égard. La loi est aussi modifiée pour que les ports puissent obtenir du financement auprès de la Banque de l'infrastructure, cette fameuse banque dont on ne cesse de parler parce qu'elle ne sert les intérêts de personne, sauf ceux des amis richissimes du Parti libéral.
Rappelons que l'esprit de la Banque de l'infrastructure consiste à financer des projets de 100 millions de dollars ou plus. Alors, pour un port comme celui de Trois-Rivières, je ne suis pas certain que ce soit la trouvaille du siècle. Cela fait partie des mesures qui ne sont pas très bien expliquées dans le programme.
En ce qui concerne la Loi sur la sécurité ferroviaire, il aurait été intéressant que ce projet de loi omnibus contienne une mesure claire, nette et précise concernant la voie de contournement pour nos concitoyens de Lac-Mégantic. Toutefois, on nous dit la même chose, c'est-à-dire qu'on va privilégier les intérêts des compagnies au détriment de ceux des travailleurs. Entre autres, on va obliger les compagnies ferroviaires à équiper leurs locomotives d'enregistreurs audiovisuels.
De prime abord, si le but était de donner des outils supplémentaires au Bureau de la sécurité des transports, ou BST, pour qu'il puisse enquêter après un accident et faire en sorte que ce qui a causé cet accident ne se reproduise plus jamais, on pourrait dire que les enregistreurs audio-vidéo sont peut-être l'équivalent de la boite noire dans l'aviation et peuvent être acceptables. Là où cela n'est plus du tout acceptable, c'est quand on permet aux compagnies ferroviaires d'avoir elles aussi accès à ces enregistrements audio et vidéo pour, potentiellement, des mesures de sécurité, mais pour, tout aussi potentiellement, surveiller le travail de leurs propres employés. Il faudra aussi se demander si une mesure comme celle-là, qui permet au patron d'aller voir par caméra ce que son employé fait à longueur de journée, vient brimer le droit à la vie privée. Il faudra se poser cette question.
Il faudra surtout se demander en quoi le fait d'avoir un enregistreur audio-vidéo dans une locomotive vient d'une quelconque façon régler le problème de fatigue des pilotes de locomotives. Il y a là un problème qui n'est absolument pas résolu. Soi-disant pour des éléments de sécurité, on passe complètement à côté de la question principale et du principal facteur de risque, qui est la fatigue humaine. C'est absolument incroyable. Voilà pour cet élément.
Ma collègue a abondamment parlé des transports de grains en prenant la parole avant moi. Il y a dans cette section du projet de loi C-49 quelques lueurs d'espoir qui pourraient répondre à des préoccupations que les agriculteurs ont depuis longtemps et potentiellement répondre au problème des normes qui vont être caduques à partir du 1er août. À cet égard, j'ai un grave problème de compréhension. Compte tenu du temps qu'il faut allouer à un projet de loi pour qu'il obtienne la sanction royale, même dans un système rapide, je vois difficilement comment la sanction royale pourrait descendre du Sénat comme la colombe du ciel avant le 1er août.
Il y a un caractère d'urgence à ces mesures, sans compter que les mesures qu'on nous propose, pour un bon nombre, semblent intéressantes sans qu'on puisse en faire la démonstration et sans qu'on ait le temps de consulter les principaux intervenants touchés pour voir si, par exemple, les nouvelles mesures proposées sur l'interconnectivité répondent à leurs besoins et si les nouvelles mesures et les nouvelles façons de calculer le revenu minimal garanti répondent à leurs attentes. Il y en a plusieurs.
Je parlerai de deux choses. On peut voir, à la mesure de ce que je suis en train d'expliquer et que je n'aurai pas le temps de terminer, que cela m'apparaît vraiment difficile de voter en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture. Cela étant dit, même en votant contre à l'étape de la deuxième lecture, je vais me faire un devoir de faire le maximum de travail en comité pour proposer des amendements qui viennent solidifier ce projet de loi. Ils nous permettraient aussi, si les libéraux font la démonstration de la pertinence du projet de loi C-49, de voter pour ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
En ce sens, pour être logique et accorder la priorité aux éléments qui touchent le transport du grain et voir ensuite les autres projets, parce que les échéances sont moins urgentes, je demande le consentement unanime de la Chambre pour déposer la motion suivante: Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, on modifie le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d'autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, déposé au Parlement le 16 mai 2017, en supprimant tous les articles suivants: a) Les articles 3 à 13 et 22 à 59 concernant le transport des grains, que les articles mentionnés dans la section a) de cette motion forment le projet de loi C-51, Loi modifiant les ententes temporaires sur le transport des grains, que le projet de loi C-51 soit réputé avoir été lu une première fois et que l'impression en soit ordonnée, que l'ordre portant deuxième lecture dudit projet de loi en prévoie le renvoi au Comité permanent des transports, que le projet de loi C-49 conserve le statut qu'il avait au Feuilleton avant l'adoption du présent ordre, que le projet de loi C-49 modifié soit réimprimé et que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter des modifications ou corrections de forme nécessaires pour donner effet à la présente motion.
Voilà la motion, qui est simple. Elle demande que l'on retire du projet de loi C-49 tout ce qui touche le transport du grain, afin d'étudier rapidement ce projet de loi et de respecter l'échéance du 1e août . On se pencherait sur le reste du projet de loi par la suite.
Voilà à la fois ma proposition et ma conclusion.