Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur d'intervenir aujourd'hui à la Chambre pour parler du projet de loi C-66.
Comme tous mes collègues, j'étais à la Chambre lorsque le premier ministre a présenté des excuses historiques à la communauté LGBTQ2. Les chefs de tous les partis représentés à la Chambre ont par la suite fait écho à ces sentiments. Ce fut un moment très émouvant.
Je me souviens d'avoir débattu du mariage entre personnes de même sexe à la Chambre. Je me souviens à quel point le débat avait été difficile et aussi à quel point j'étais fier d'appuyer le projet de loi. Il est très encourageant de constater les progrès qui ont été réalisés à cet égard au pays.
J'ai assisté à un événement organisé par Canadian Human Rights Voice où on rendait hommage à Todd Ross, et M. Ross y a parlé de son expérience. Il a servi dans les Forces armées canadiennes avec distinction. Cependant, encore tout jeune homme, on l'a soumis au détecteur de mensonges et il a été forcé d'avouer à deux étrangers qu'il était gai, chose qu'il n'avait encore révélée à personne, et il a été renvoyé des forces armées. C'était une expérience remarquable de l'entendre raconter son histoire et parler de ce que les excuses du premier ministre et des chefs de parti signifiaient pour lui. Ces excuses ont déjà un effet positif, on peut le constater. Elles ne sont toutefois pas suffisantes.
Le premier ministre a affirmé que de telles injustices ne se reproduiraient jamais et que nous ne ferions pas les mêmes erreurs. C'est essentiel, en effet. Il est donc absolument crucial de collaborer avec la communauté des lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queers et bispirituels afin de corriger les torts du passé et de voir à ce qu'ils ne se reproduisent plus. Nous sommes fiers de la relation que nous avons avec cette communauté, mais nous savons qu'il reste beaucoup à faire. Le projet de loi C-66 jouera un rôle essentiel à cet égard.
Pour bien des gens parmi nous, il est difficile d'imaginer qu'il y a déjà eu un temps où les gens pouvaient être poursuivis au criminel et condamnés en raison du sexe de la personne qu'ils aimaient. À cause de leur orientation sexuelle, les lesbiennes, les gais, les bisexuels, les transgenres, les queers et les bispirituels étaient humiliés et emprisonnés et se retrouvaient avec un casier judiciaire. Leur réputation était pour toujours entachée alors qu'ils n'avaient rien fait de mal avant d'être arrêtés.
Le projet de loi C-66, Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques, créerait un processus qui détruirait de façon permanente le dossier de condamnation des personnes ayant pratiqué de façon consensuelle des activités qui seraient licites aujourd'hui avec un partenaire du même sexe. Il accorderait à la Commission des libérations conditionnelles du Canada le pouvoir d'ordonner la radiation d'une condamnation ou de la refuser. À la suite de cette ordonnance, la personne dont on a radié la condamnation est réputée n'avoir jamais été reconnue coupable de l'infraction en cause.
Ce processus est très différent de ce qui existe déjà. En effet, la suspension du casier judiciaire et la réhabilitation, qui servent à lever les obstacles nuisant à la réinsertion sociale des anciens délinquants, n'entraînent pas la destruction du casier judiciaire. Elles permettent d'en faire abstraction dans la plupart des circonstances, mais le casier judiciaire peut être divulgué ou révoqué dans des cas où la sécurité publique est en jeu. De plus, la suspension du casier judiciaire et la réhabilitation ne peuvent pas être accordées à titre posthume. Les personnes décédées ne peuvent donc pas être innocentées.
En revanche, le gouvernement est pleinement conscient que ces condamnations constituent des injustices historiques et que les personnes visées ne devraient pas être considérées comme des anciens délinquants. Ces condamnations étaient répréhensibles à l'époque, et elles le sont toujours. Elles contreviennent à la Charte et à nos droits fondamentaux. Ces condamnations ont été imposées pour des actes qui n'auraient jamais dû être des crimes. Toutefois, le processus de radiation permettra de les éliminer entièrement et de façon permanente des bases de données fédérales.
Ce processus sera simple pour les milliers de Canadiens visés. La demande sera gratuite. Les personnes admissibles peuvent présenter une demande directement à la Commission des libérations conditionnelles. Dans le cas de personnes décédées, un membre de la famille, un être cher ou tout autre représentant pourra présenter une demande en leur nom, ce qui est conforme à la recommandation du Fonds Égale Canada pour les droits de la personne.
Les demandeurs devront fournir la preuve que la condamnation respecte certains critères, notamment que l'acte visé par l'infraction était entre des personnes du même sexe; qu'il était consensuel; et que les participants étaient âgés d'au moins 16 ans ou qu'ils auraient pu se prévaloir de l'exemption de proximité d'âge aux termes du Code criminel.
Le dossier de la condamnation pourra être détruit dès qu'il aura été confirmé que la demande a été accordée. Cela signifie que lorsque la commission des libérations conditionnelles ordonne la radiation, la GRC doit détruire de façon permanente tout dossier de la condamnation en sa possession. La GRC doit aussi aviser tout ministère ou organisme fédéral, ainsi que toute cour de justice ou force de police provinciale ou municipale qui, à sa connaissance, conserve un dossier judiciaire relatif à la condamnation et leur demander d'en faire autant.
La radiation fait plus qu'expurger le casier judiciaire. C'est une façon de reconnaître que la condamnation était injuste et qu'elle n'aurait jamais dû exister en premier lieu, que c'était contraire aux droits fondamentaux maintenant protégés par la Charte des droits et libertés.
Cela ne veut pas dire que la radiation s'appliquera dans tous les cas. En effet, nous voulons seulement qu'elle s'applique dans les cas qui répondent aux critères. Les casiers judiciaires des personnes déclarées coupables d'activités sexuelles non consensuelles seront maintenus. Les demandes soumises pour une infraction non visée ou par un demandeur non admissible seront également rejetées. Par ailleurs, il serait irresponsable d'appliquer le processus de radiation de façon systématique, puisque cela pourrait mener à la radiation de condamnations pour des gestes qui sont encore criminels.
Cependant, le processus de radiation serait très simple pour les personnes admissibles, y compris les militaires qui, dans certains cas, ont fait l'objet de poursuites aux termes de la Loi sur la défense nationale. À cette fin, nous avons prévu une liste des infractions aux termes du Code criminel et de la Loi sur la défense nationale qui seront visées par le processus de radiation.
Les demandes devront se rapporter à des infractions incluses dans l'annexe de la loi, qui inclura d'abord les condamnations pour sodomie, grossière indécence et relations sexuelles anales.
Par la suite, la loi permettrait au gouverneur en conseil de rendre admissibles à la radiation d'autres formes de condamnation injuste en modifiant, par décret, l'annexe des infractions admissibles et, au besoin, certains critères connexes.
Étant donné qu'il est question de corriger des injustices historiques, si les dossiers judiciaires ou policiers ne sont pas accessibles, les déclarations sous serment peuvent être acceptées comme éléments de preuve.
Il est à noter que toute personne qui tente d'induire en erreur la commission des libérations conditionnelles au sujet d'une condamnation constituant une injustice historique peut être accusée de parjure.
Pour réaliser tout cela, le gouvernement a mis de côté 4 millions de dollars sur deux ans pour mettre en oeuvre le nouveau processus. Des efforts proactifs de communication seront également entrepris pour mieux faire connaître l'initiative, les critères d'admissibilité et le processus de demande aux demandeurs potentiels. Le gouvernement collaborera avec des partenaires fédéraux et des intervenants de la communauté LGBTQ2 pour informer les demandeurs potentiels.
Il nous incombe maintenant de veiller à ce que cela se fasse dès que possible.
Aussitôt le projet de loi adopté, nous pourrons commencer à recevoir des demandes. C'est pourquoi j'encourage tous les députés à adopter le projet de loi le plus rapidement possible. La Commission des libérations conditionnelles du Canada peut commencer à recevoir des demandes dès l'entrée en vigueur de cette mesure législative.
Le gouvernement a annoncé le règlement du recours collectif concernant les gestes commis lors de la purge en même temps qu'il a présenté le projet de loi. Les anciens fonctionnaires, militaires et membres de la GRC touchés par l'oppression et le rejet systémiques sanctionnés par l'État pourront donc recevoir jusqu'à 145 millions de dollars.
L'entente de principe comprend également un investissement minimal de 15 millions de dollars par le gouvernement du Canada pour des projets qui commémoreront et feront état de ces événements historiques pour ne jamais oublier notre passé et ne jamais répéter celui-ci à l'avenir. Il y aura notamment des expositions organisées par le Musée canadien des droits de la personne, un monument national ici, à Ottawa, ainsi qu'une trousse pédagogique pour commémorer la discrimination historique contre la communauté LGBTQ2.
Comme je l'ai mentionné, tout cela représente un pas important, mais non une panacée. La création du pays diversifié et inclusif que nous désirons exigera une collaboration soutenue de la part de tous.
Comme l'a fait remarquer le premier ministre dans ses excuses, « La discrimination contre les communautés LGBTQ2 ne s'est pas limitée à une époque particulière. Elle dure depuis des siècles. Désormais, nous voulons être le partenaire et l'allié des Canadiens qui font partie des communautés LGBTQ2. »
C'est pourquoi nous déployons beaucoup d'efforts, et continuerons de le faire, pour nous attaquer aux problèmes qui touchent les lesbiennes, les gais, les bisexuels, les transgenres, les queers et les personnes bispirituelles.
Je suis extrêmement fier de ce que le gouvernement a accompli jusqu'à maintenant et du travail qu'il continue de faire. Il y a un peu plus d'un an, le premier ministre a nommé le député d'Edmonton-Centre conseiller spécial pour les questions touchant la communauté LGBTQ2. Par ailleurs, nous avons créé un secrétariat LGBTQ2 à l'intérieur du Conseil privé pour appuyer les initiatives du gouvernement dans ce dossier.
Grâce à l'adoption récente du projet de loi C-16, l'identité et l'expression de genre ont été ajoutées à la liste des motifs de distinction illicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le projet de loi C-16 élargit aussi la portée des dispositions du Code criminel sur la propagande haineuse afin de protéger les personnes ciblées en raison de leur identité de genre ou de leur expression de genre. Le gouvernement a présenté un autre projet de loi, le C-39, en vue d'abroger l'article 159 du Code criminel.
En outre, il travaille actuellement à l'élaboration d'une vision à long terme pour les services de collecte de sang afin de s'assurer que les pratiques en matière de dons sont sûres et non discriminatoires. En fait, dans sa lettre de mandat, la ministre de la Santé a reçu l'instruction de collaborer avec les provinces et les territoires pour atteindre cet objectif.
Le gouvernement s'apprête à adopter de nouvelles politiques et pratiques visant à éliminer la collecte inutile de renseignements liés au genre dans les formulaires gouvernementaux. En outre, l'identifiant x sera inclus dans le formulaire de demande de passeport. Ainsi, les Canadiens qui ne s'identifient ni comme homme ni comme femme recevront les mêmes services et le même soutien que tout le monde.
Le gouvernement se prépare également à souligner le 50e anniversaire de la décriminalisation de l'homosexualité, en 2019, en finançant une campagne d'information sur le combat livré pour opérer ce tournant historique et les personnes qui l'ont mené.
Par exemple, le fédéral a versé plus de 770 000 $ au Fonds Égale Canada pour les droits de la personne afin d'appuyer le projet d'exposition itinérante intitulée « Legalizing Love: The Road to June 27, 1969 ».
Par ailleurs, je suis fier de souligner que le Canada travaille résolument à la promotion des droits des membres de la communauté LGBTQ2 sur la scène internationale, notamment en tant que coprésident de la coalition sur l'égalité des droits.
Depuis 2014, nous avons fourni du financement à hauteur de 2,9 millions de dollars à des programmes de prévention de la violence, à des campagnes de sensibilisation et à des activités de défense des communautés LGBTQ2 à l'étranger. Ces projets visent entre autres à lutter contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie dans les systèmes d'éducation.
Au Canada, nous savons que le taux d'itinérance est anormalement élevé chez les jeunes des communautés LGBTQ2. Selon une étude de Statistique Canada publiée en 2016, bien que les membres des communautés LGBTQ2 forment entre 5 % et 10 % de la population, ils représentent entre 25 % et 40 % des jeunes Canadiens sans-abri. Des installations exceptionnelles destinées exclusivement à cette population très vulnérable sont actuellement en construction à Toronto. Le Centre Égale offrira des logements d'urgence et de transition, de même que des services d'aide psychologique, aux jeunes itinérants de la communauté LGBTQ2.
La semaine dernière, le gouvernement a annoncé qu'il accordait un peu plus de 47 800 $ pour renforcer la sécurité au Centre Égale. Le financement servira à l'installation de caméras de sécurité et de systèmes de contrôle d'accès. Grâce à ces mesures resserrées, le Centre Égale offrira un milieu plus sécuritaire aux résidents, au personnel et aux bénévoles, qui auront ainsi l'esprit plus tranquille.
Je suis fier de faire partie d'un gouvernement qui tient à protéger les droits fondamentaux de tous les Canadiens. Tous doivent être en mesure de vivre sans avoir à subir la stigmatisation, la violence, la discrimination ou les préjugés, peu importe leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur expression de genre.
Malheureusement, comme nous le savons tous, à une certaine époque de notre histoire, l'attitude générale par rapport aux enjeux liés à la communauté LGBTQ2 était très différente de celle qui prévaut aujourd'hui. Des personnes pouvaient être accusées et condamnées au criminel tout simplement en raison de leur orientation sexuelle. Elles pouvaient perdre leur emploi, leur gagne-pain et leurs êtres chers. Certaines se voyaient refuser la possibilité de servir leur pays. Elles risquaient d'être intimidées, ostracisées et considérées comme des parias par leur propre gouvernement.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui fera époque. Il marque un tournant majeur et nécessaire pour corriger la discrimination qu'ont trop longtemps subie les Canadiens LGBTQ2. Nous franchissons un jalon important, mais c'est loin d'être le dernier, car, dans le contexte mondial actuel, les réponses aux appels à l'égalité arrivent peu à peu.
Pas plus tard qu'hier, l'Australie a légalisé le mariage homosexuel. Elle a ainsi suivi les traces du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de beaucoup d'autres pays. Tous cherchent aussi à réparer les torts que la discrimination a causés, des années durant, aux communautés LGBTQ2 sur leur territoire.
Encore aujourd'hui, beaucoup de personnes LGBTQ2 sont forcées de vivre dans la peur, celle du rejet, de la haine, de la violence et même de la mort, tout simplement parce qu'elles aiment qui elles aiment. Parfois, le fossé est si vaste qu'on dirait deux mondes irréconciliables. Cependant, comme on le sait, l'eau d'une rivière finit un jour par percer le roc; ce n'est pas une question de puissance, mais de persistance. Or, les appels à un monde inclusif où la diversité est valorisée sont plus forts et plus persistants que jamais. Les excuses présentées par tous les chefs à la Chambre en sont un bon exemple. Nous avons uni nos voix pour reconnaître notre part de responsabilité en ce qui concerne les erreurs du passé. Nous avons parlé de l'avenir auquel nous aspirons, pour les Canadiens, oui, mais aussi pour tous les peuples de la planète, un avenir où les droits fondamentaux de la personne sont respectés, y compris un droit aussi simple que celui d'aimer une personne sans craindre les représailles. Voilà ce que nous pouvons défendre et propager.
Je suis fier de présenter ce projet de loi et je presse instamment tous les députés d'appuyer son adoption rapide.