Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole pour poursuivre ma réponse à la motion du gouvernement relative aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-48.
Comme je l'ai mentionné hier, à l'instar de millions d'autres Canadiens, je préférerais que cette mauvaise idée qu'est le projet de loi C-48 soit reléguée aux oubliettes. J'ai lu à haute voix la lettre rédigée par six premiers ministres provinciaux qui souligne les torts que les projets de loi C-48 et C-69 causent à l'unité nationale. J'ai terminé en citant le témoignage de dirigeants autochtones et d'élus concernant ces projets de loi et d'autres mesures législatives, qui ont souligné l'hypocrisie du gouvernement, qui prétend mener des consultations.
Je vais rependre là où j'en étais, compte tenu du contexte des attaques des libéraux contre l'industrie pétrolière et gazière du Canada, et je vais faire part à la Chambre de quelques-uns des témoignages, dont la plupart proviennent de dirigeants des Premières Nations, que le comité des transports a entendus lors de l'étude du projet de loi. Il ne s'agit pas de mes propos. Il ne s'agit pas des propos du chef de l’opposition ni de l'un de mes collègues. Ce sont les propos de Canadiens qui, jour après jour, travaillent fort pour offrir de bons emplois et stimuler l'économie tout en maintenant un environnement sain.
Mme Nancy Bérard-Brown, gestionnaire des marchés du pétrole et du transport pour l'Association canadienne des producteurs pétroliers, a déclaré ceci:
L'ACPP n'a pas appuyé le projet de moratoire, car il ne repose pas sur des faits ou des données scientifiques. Aucune lacune en matière de sécurité ou de protection environnementale reposant sur des données scientifiques n'a été recensée qui pourrait justifier un moratoire.
Chris Bloomer, président et chef de la direction de l'Association canadienne de pipelines d'énergie, a déclaré ce qui suit:
Le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, est un autre changement qui vient aggraver l'incertitude et avoir des répercussions négatives sur la confiance des investisseurs au Canada.
En conclusion, je dirais que des changements possiblement draconiens à la politique pour les projets futurs ont pour conséquence de rendre la réglementation incertaine, ce qui accroît les risques, les coûts et les délais pour un secteur qui a bâti la prospérité du Canada et qui emploie 270 000 Canadiens, comme l'a reconnu publiquement le premier ministre.
En procédant comme on l'a fait pour élaborer le projet de loi C-48, on crée de l'incertitude et on mine la compétitivité du Canada.
En ce qui concerne l'incidence concrète, ou plutôt néfaste, du projet de loi, Peter Xotta, vice-président de la planification et des opérations de l'Administration portuaire Vancouver-Fraser, a déclaré ce qui suit quant aux conséquences du projet de loi pour le corridor de transport de la côte Ouest:
En ce qui concerne le projet de loi C-48, l'Administration portuaire Vancouver-Fraser suppose que le gouvernement comprend l'incidence économique éventuelle d'un tel moratoire, compte tenu qu'il existe très peu d'endroits propices, en particulier sur la côte Ouest, pour le mouvement des produits pétroliers, comme l'a si bien dit mon collègue de Prince Rupert.
Malgré le fait que toute proposition à venir serait assujettie au processus rigoureux d'évaluation environnementale et d'examen réglementaire, le présent moratoire pourrait exercer des pressions sur la côte sud-ouest de la Colombie-Britannique pour développer une capacité en vue de futurs projets énergétiques.
Comme je l'ai dit plus tôt, beaucoup de représentants de Premières Nations ont témoigné devant le comité. Eva Clayton, présidente du gouvernement Nisga'a Lisims a dit:
Dans les semaines qui ont précédé le dépôt du projet de loi C-48, nous avons demandé instamment que le moratoire n'entre pas en vigueur tant que d'autres consultations n'auraient pas eu lieu et qu'il ne s'applique par à la région visée par le traité.
À notre grand étonnement, le projet de loi C-48 a été préavant que nous ayons eu l'occasion d'examiner l'approche détaillée que le gouvernement avait décidé d'adopter. Nous n'avons pas pu non plus formuler de commentaires sur les répercussions de ce projet de loi sur les conditions et les objectifs communs de notre traité, même si la région visée par le moratoire inclut la totalité des terres Nisga'a, de la région du Nass et des terres côtières figurant dans notre traité [...]
Nous aspirons à devenir une nation prospère et autonome qui peut offrir des possibilités de développement économique intéressantes à ses membres. Cette aspiration trouve son reflet dans notre traité, lequel énonce l'engagement commun des parties à réduire la dépendance de la nation Nisga'a aux transferts fédéraux au fil du temps. La nation Nisga'a prend cet objectif avec le plus grand sérieux. Cependant, le projet de loi C-48 risque de nuire à cet objectif.
Calvin Helin, président et chef de direction d'Eagle Spirit Energy Holding Ltd. a déclaré:
Dans ce contexte, les Premières Nations, plus précisément la trentaine de collectivités qui ont appuyé notre projet, nous ont dit qu'elles n'appréciaient pas l'ingérence des étrangers, particulièrement ceux qu'elles perçoivent comme étant des riches héritiers, qui viennent dicter la politique gouvernementale sur les terres traditionnelles qu'elles ont gérées pendant plus de 10 000 ans.
Dale Swampy, coordonnateur chez Aboriginal Equity Partners, a dit ceci:
Nous sommes ici pour nous opposer à l'interdiction des pétroliers. Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour faire tout ce qui était nécessaire. Nos 31 chefs de Premières Nations et métis ont investi beaucoup de temps et de ressources pour négocier avec les promoteurs de Northern Gateway en espérant pouvoir bénéficier de ce projet et ainsi sortir leur communauté de la pauvreté.
Voici comment John Helin, maire de la bande des Lax Kw'alaams, parle des gens qui sont pour l'interdiction des pétroliers:
Nous voulons seulement être consultés, mais il faut que l'exercice soit vraiment significatif. On ne peut pas simplement décréter un moratoire général.
À titre d'exemple, la décision de protéger la forêt fluviale du Grand Ours située sur notre territoire traditionnel a été prise sans consulter les membres de ma communauté. Sur la photo prise au moment de l'annonce, on voit les représentants d'ONG américaines qui semblent très fiers de leur accomplissement. Nous ne pouvons pas laisser ainsi des gens de l'extérieur, des ONG et des groupes bien nantis qui s'opposent à l'exploitation pétrolière et gazière ou à quoi que ce soit d'autre, venir dans nos territoires nous dicter ce que nous devrions faire ou pas.
Contrairement à ce qu'a dit M. Helin, Caitlyn Vernon, directrice de campagne pour le Club Sierra de la Colombie-Britannique, une témoin qui appuie ce projet de loi, a en fait vendu la mèche en réponse à une question lorsqu'elle a dit:
[...] sur la côte Sud, les pétroliers présentent des risques énormes pour l'économie, les collectivités, la faune, les résidants de la région et l’épaulard, une espèce en voie de disparition qui vit dans la mer des Salish [...] Il est clair que je serais favorable à un moratoire visant l'ensemble de la côte.
Ken Veldman, directeur des affaires publiques de l'administration portuaire de Prince Rupert, a mis en perspective les opinions de Mme Vernon et d'autres personnes comme elle, y compris, je le signale, des députés du NPD, du Bloc, du Parti vert et probablement même du Parti libéral. Voici ce qu'il a dit:
Comme vous pouvez l'imaginer, il existe une grande variété d'opinions sur ce qui est un risque acceptable et ce qui ne l'est pas. Cependant, le fait est que ce risque peut être quantifié. Si vous voulez atteindre un niveau de risque zéro, alors vous avez raison de dire que la seule façon d'obtenir ce résultat est de ne permettre aucun transport maritime de pétrole.
Cela dit, si nous ne voulons assumer aucun risque, cette décision aura de très vastes conséquences sur le transport maritime au large de la côte en général.
Devant le comité, au printemps dernier, le capitaine Sean Griffiths, directeur général de l'Administration de pilotage de l'Atlantique, a aussi réfléchi aux répercussions d'un moratoire relatif aux pétroliers sur l'économie du Canada atlantique:
Des quantités importantes de pétrole et de produits pétroliers sont transportées à destination et à partir de 12 des 17 ports du Canada atlantique. C'est donc quelque chose de très courant dans cette région du pays, et ce, depuis un bon moment déjà. À titre d'exemple, on enregistre dans la baie Placentia seulement une moyenne de 1 000 à 1 100 déplacements de pétroliers par année, si bien qu'un moratoire serait certes dévastateur pour la région.
Le projet de loi C-48, le projet de loi C-88 et le projet de loi « à bas les pipelines », c'est-à-dire le projet de loi C-69, dessinent le portrait d'un gouvernement et d'un premier ministre qui sont obnubilés par l'idée de ne manquer aucune occasion de politiser et de miner le secteur canadien de l'énergie. Qu'il s'agisse de mesures législatives, de la taxe sur le carbone, de l'annulation des pipelines Northern Gateway et Énergie Est ou de l'étalage d'incompétence dans le dossier de l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain — et les libéraux ont annoncé aujourd'hui qu'ils l'approuvaient une fois encore —, le premier ministre actuel prouve, à tout coup, qu'il est un adversaire du secteur canadien de l'énergie. Si le gouvernement était vraiment convaincu que l'environnement et l'économie vont de pair, il appliquerait de véritables changements.
Examinons, de façon hypothétique, des changements que le gouvernement pourrait adopter. Il pourrait utiliser les études scientifiques indépendantes pour renforcer notre système de sécurité de classe mondiale pour les navires-citernes en apportant de changements qui protégeraient non seulement nos eaux territoriales, mais aussi les eaux de tout pays avec qui nous commerçons. Il pourrait exiger que tous les superpétroliers transportant du brut dans les eaux canadiennes aient une double coque, puisqu'une double coque possède deux couches de surface étanches complètes et qu'elle est beaucoup plus sûre. Il pourrait même aller un peu plus loin et inspecter tous les navires-citernes étrangers à leur première visite dans un port canadien, puis tous les ans par la suite, et exiger que ces navires-citernes respectent les mêmes normes que les navires battant pavillon canadien.
Le gouvernement pourrait également, hypothétiquement, étendre le programme national de surveillance aérienne et y octroyer du financement à long terme. Il pourrait intensifier la surveillance dans les régions côtières, y compris dans le Nord de la Colombie-Britannique. Il pourrait faire en sorte que le programme de surveillance aérienne ait accès à du matériel de télédétection capable de déceler les éventuels déversements à partir d'images satellites.
En théorie, le gouvernement pourrait conférer plus de pouvoirs à la Garde côtière canadienne, notamment pour intervenir en cas d'incidents et pour établir un système de commandement d'intervention. Il pourrait modifier les lois afin de fournir des mesures d'intervention de rechange, telles que l'utilisation d'agents de dispersion chimique et la combustion du pétrole déversé en situation d'urgence. De plus, il pourrait clarifier l'autorité de la Garde côtière canadienne pour ce qui est du recours à ces mesures et de leur autorisation lorsqu'il est probable que cela présente un avantage environnemental net.
Ce gouvernement pourrait créer un comité indépendant d'experts sur la sûreté des pétroliers, qui serait chargé de consulter les gouvernements provinciaux, les organismes autochtones et les intervenants du secteur maritime. Le gouvernement pourrait ensuite mettre en œuvre les mesures recommandées par ce comité. Il pourrait chercher avant tout à prévenir les déversements, à les nettoyer rapidement s'ils se produisaient et à faire en sorte que les pollueurs paient la note.
Le gouvernement pourrait aussi moderniser le système de navigation maritime et faire du Canada un chef de file en instaurant un système de navigation électronique et en aidant les autres pays à en instaurer un. C'est d'autant plus important que la navigation électronique, en permettant aux armateurs et aux autorités maritimes de disposer de données exactes en temps réel sur les dangers pour la navigation, les conditions météorologiques et l'état des océans, réduit le risque que des déversements se produisent.
Dans les régions où la circulation de pétroliers est dense ou pourrait l'être, comme le Sud-Est de la Colombie-Britannique, Saint John et la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick, Port Hawkesbury, en Nouvelle-Écosse, et le golfe du Saint-Laurent, au Québec, il lui serait aussi possible d'instaurer des partenariats de planification des mesures d'intervention. Il pourrait établir une étroite collaboration entre ces régions ainsi qu'avec les communautés autochtones de façon à trouver des solutions aux problèmes particuliers concernant la circulation des pétroliers là-bas.
Ce gouvernement hypothétique pourrait renforcer le régime fondé sur le principe du pollueur-payeur en apportant des modifications législatives et réglementaires qui permettraient de retirer la limite de responsabilité par incident de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires et de mettre ainsi à disposition le montant total pour tous les incidents. On ferait ainsi en sorte d'indemniser les demandeurs admissibles et de récupérer les coûts en imposant une redevance à l'industrie. En outre, l'indemnisation pourrait être élargie de sorte que ceux qui auraient perdu des revenus en raison d'un déversement d'hydrocarbures seraient indemnisés même si leur propriété n'a pas été directement touchée.
Tous ces changements pouvaient être apportés par un gouvernement vraiment soucieux de protéger l'environnement et de maintenir en même temps la croissance de l'économie. Attendons un peu; nous ne parlons pas d'un gouvernement hypothétique. Chacun des changements que je viens de mentionner a été apporté par l'ancien gouvernement conservateur. Contrairement au gouvernement libéral, nous avons écouté les experts, ce qui nous a permis d'apporter des changements réels et pratiques qui ont changé la donne.
Alors que les libéraux hésitent entre la paralysie et une législation drapée dans la vertu, mais qui en fait est vide et nuisible à l'économie, les conservateurs recherchent de vraies solutions. Par exemple, le gouvernement libéral est tellement soucieux des apparences qu'il vient tout juste de terminer sa troisième série d'approbations d'un pipeline que souhaitent plus de 60 % des résidants de la Colombie-Britannique.
J'ai cité la déclaration de quelqu'un qui appuie ce projet de loi. D'aucuns voudraient voir une interdiction complète du transport du pétrole.
Comme je l'ai déjà dit, ce moratoire idéologique sur la circulation des pétroliers n'est pas fondé sur des données scientifiques. C'est une chose que nous savons. C'est pour cette raison, vraiment, que nous n'avons pas proposé d'amendements lorsque le comité des transports a étudié le projet de loi. À notre avis, il n'y avait rien à faire avec cette mesure législative, et la situation n'a pas changé. J'ai entrevu une lueur d'espoir quand le comité sénatorial a recommandé que le projet de loi n'aille pas de l'avant. Hélas, ce fut de courte durée.
Voilà qui nous amène au point où nous en sommes aujourd'hui, à la motion que nous débattons. Je vais prendre quelques instants pour parler de la réponse du gouvernement aux amendements que le Sénat avait proposé d'apporter à cet épouvantable projet de loi libéral.
La semaine dernière, le Sénat a voté sur trois amendements au projet de loi C-48. L'un d'eux, proposé par un sénateur conservateur, qui aurait conféré au ministre des Transports le pouvoir de rajuster la limite nord du moratoire sur la circulation des pétroliers, aurait permis d'améliorer la mesure législative. Malheureusement, il a été rejeté par une faible majorité.
L’amendement adopté à l’autre endroit ne peut être considéré comme une amélioration à ce projet de loi. Bien que son intention semble noble, c’est en réalité une tentative futile de dissimuler le fait que ce projet de loi est un affront aux droits des peuples autochtones. L’inclusion de ces dispositions dans le projet de loi n’y change rien.
En ce qui concerne la deuxième partie de l’amendement adopté par le Sénat, je reconnais qu’il s’agit au moins d’une tentative de reconnaître que ce projet de loi constitue une attaque contre une région particulière du pays, à savoir les provinces des Prairies, qui produisent du pétrole. Cette deuxième partie de l’amendement adopté par le Sénat demande un examen législatif de cette loi ainsi qu’un examen des répercussions régionales qu’aurait la loi. La motion du gouvernement, dont nous débattons aujourd’hui, a modifié certains éléments de cet amendement du Sénat.
On se demandait bien quelles dispositions de cet amendement le gouvernement allait retenir ou rejeter. Ceux qui estimaient que le gouvernement allait rejeter la disposition qui, à tout le moins, reconnaissait indirectement que ce projet de loi était une attaque contre l’Ouest canadien sont ceux qui ont vu juste.
Voilà qui illustre encore une fois que lorsque le premier ministre ou l'un de ses ministres accusent les détracteurs de certaines mesures législatives de menacer l'unité nationale, nous sommes devant le summum du double discours. Les sénateurs qui appuient ce projet de loi ont eu la décence de proposer et d'adopter un amendement faisant écho au sentiment d'aliénation que ressentent les Canadiens de l'Ouest face aux agissements du gouvernement libéral. La motion dont nous débattons aujourd'hui a dépouillé le projet de loi de ces dispositions, ce qui marque une nouvelle étape dans le plan du premier ministre, à savoir mettre fin graduellement à l'exploitation des sables bitumineux, sans tenir compte des conséquences que cela peut avoir sur le bien-être économique du Canada.
C'est pour ces raisons que mes collègues et moi nous opposons à la motion du gouvernement sur les amendements que le Sénat a proposés au projet de loi C-48. Les conservateurs défendront toujours les intérêts du Canada. Nous appuyons le secteur des ressources naturelles, qui contribue à l'économie canadienne à hauteur de plusieurs milliards de dollars. Nous voulons protéger l'environnement du Canada — et bien sûr l'environnement mondial — au moyen de politiques concrètes et fondées sur des données scientifiques. Nous souhaitons aider les Canadiens à se trouver un emploi durable et bien rémunéré, qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille, de s'entraider, et de contribuer à créer une société plus prospère et plus harmonieuse.
Les conservateurs soutiennent les projets de loi fondés sur les données scientifiques, les recherches et les faits, ce qui n'est pas le cas de ce projet de loi.