Monsieur le Président, en commençant mon intervention, je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
J’ai l’honneur d’amorcer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois. Ce projet de loi précise le cadre législatif et réglementaire du développement de régions clés du Nord canadien, de la vallée du Mackenzie et des zones extracôtières de l’océan Arctique et de la mer de Beaufort. Ces régions ont un vaste potentiel économique, mais elles sont également écosensibles. De plus, elles contribuent à la subsistance des peuples et des communautés autochtones du Nord depuis des temps immémoriaux. Ces communautés, leurs organisations et leurs gouvernements ont leur mot à dire sur le développement de la région.
Le projet de loi dont nous sommes saisis porte sur deux lois différentes du Parlement qui ont une incidence sur le développement des ressources dans le Nord, soit la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
Je parlerai d'abord des modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Je rappelle à la Chambre qu’en mars 2014, le contrôle des terres et des eaux publiques des Territoires du Nord-Ouest a été transféré au gouvernement territorial en vertu de la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. C’est ce gouvernement qui prend maintenant les décisions en matière de mise en valeur des ressources. Il touche 50 % des recettes tirées des ressources à l’intérieur des limites annuelles définies.
Nous connaissons le bilan lamentable des conservateurs en matière de reconnaissance et de respect des droits des Autochtones, ainsi que de soutien aux habitants du Nord. Cette loi en était un parfait exemple. En 2014, par l’entremise du projet de loi C-15, la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement Harper a complètement modifié la structure des offices des terres et des eaux sans tenir de consultations adéquates et en faisant complètement fi des droits des Autochtones. Ces changements ont suscité énormément de controverse dans la région, comme le sait fort bien l'actuel député des Territoires du Nord-Ouest. Au cours de nombreuses conversations, consultations et réunions, les gens de cette région ont soulevé de nombreux points intéressants.
Le gouvernement Harper a supprimé trois organismes de réglementation, soit l’Office gwich’in des terres et des eaux, l’Office des terres et des eaux du Sahtu et l’Office des terres et des eaux du Wek’èezhìi. Il ne subsistait que l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie pour prendre en charge la responsabilité des terres et des eaux dans cette région. C’est ce que voulait le gouvernement conservateur, mais ce n’est pas ce que souhaitaient les gouvernements autochtones. Les gouvernements et les organisations autochtones ont fait valoir à juste titre que leurs pouvoirs en matière de gestion des terres et des eaux sont garantis par leurs revendications territoriales et par leurs accords d’autonomie gouvernementale et qu’ils devraient être respectés. Le gouvernement conservateur ne pouvait pas abolir unilatéralement leurs offices des terres et des eaux. Ce n’était qu’un autre triste exemple des mesures prises par le gouvernement Harper à l’encontre des droits des peuples autochtones.
En février 2015, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a prononcé une injonction qui mettait fin aux dispositions prévoyant la restructuration des offices des terres et des eaux. Elle maintenait cependant les processus réglementaires existants jusqu’à ce que le tribunal puisse donner d’autres instructions. Elle touchait également d’autres mesures prévues au paragraphe 253(2), notamment un pouvoir de réglementation pour le recouvrement des coûts et de la consultation, des sanctions administratives pécuniaires, des certificats de développement, des études régionales ainsi que le mandat des membres du conseil d’administration. Les conservateurs ont interjeté appel de cette injonction en mars 2015. Selon les intervenants, cette situation a non seulement suscité la méfiance des gouvernements et des organismes autochtones face au gouvernement canadien, mais elle a créé une incertitude qui a freiné le développement responsable des ressources de la région.
En automne 2015, s’efforçant d’encourager la réconciliation et le développement économique, la ministre des Affaires autochtones et du Nord de l’époque a rencontré les gouvernements et les organismes autochtones des Territoires du Nord-Ouest pour résoudre la situation. Elle leur a annoncé qu’elle avait demandé au ministère de suspendre son appel et d’entamer des discussions exploratoires.
Plutôt que de poursuivre cette lutte devant les tribunaux, nous avons décidé de collaborer avec les gouvernements et avec les organismes autochtones afin de trouver des solutions. En été 2016, la ministre a rencontré des gouvernements et des organismes autochtones et en septembre de la même année, elle a écrit aux parties concernées pour amorcer un processus officiel de consultation, à laquelle ont participé des gouvernements et des organismes autochtones ainsi que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et l’industrie. Ces consultations ont été approfondies et efficaces. C’est ainsi que l’on fera avancer les dossiers sur l’exploitation des ressources dans le Nord canadien.
La tentative des conservateurs de modifier unilatéralement le régime réglementaire a ramené la relation avec les Territoires du Nord-Ouest et avec les peuples autochtones en arrière de nombreuses années. Cependant, ce projet de loi nous relance sur la bonne voie. Nous collaborons maintenant avec tous ces intervenants pour faire avancer la situation.
Ce projet de loi supprime les dispositions relatives à la fusion des offices et confirme le maintien des offices des terres et des eaux du Sahtu, des Gwich'in et du Wek'èezhìi qui réglementent l’utilisation des terres et des eaux dans leurs régions administratives. Ces offices régionaux demeureront des sections de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, qui continuera à réglementer les terres et les eaux et à délivrer les permis d’utilisation des terres et des eaux dans la région de la vallée du Mackenzie où les revendications territoriales n’ont pas été réglées ainsi que pour les projets transfrontaliers.
En fait, ce projet de loi abroge les dispositions des conservateurs qui contestaient les droits dont jouissent les organes directeurs autochtones en vertu de leurs accords sur les revendications territoriales globales. D’autres dispositions de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie qui figuraient dans la Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, mais qui ont été interrompues par l’injonction du tribunal, seront également réintroduites dans ce projet de loi.
Plus précisément, le projet de loi prévoit que le gouverneur en conseil prendra des règlements concernant le recouvrement des coûts au titre de la consultation des Autochtones. Les certificats préciseront les conditions dans lesquelles un projet peut être lancé. Des sanctions administratives pécuniaires peuvent maintenant être imposées au moyen de règlements concernant les infractions liées à ces certificats. Des dispositions permettront de mettre sur pied des comités pour la réalisation d’études régionales. Le projet de loi prévoit également la prolongation du mandat des membres de l’Office afin de leur permettre de mener à bien une poursuite déjà en cours. Cela permettra d’assurer la continuité du processus et de la prise de décisions.
Nous établissons la voie à suivre pour le développement de la vallée du Mackenzie. C’est une façon d’aller de l’avant qui reconnaît les droits des gouvernements et des organisations autochtones et qui procurera une certitude à l’industrie. Lorsque nous écoutons les habitants du Nord dans le cadre de l’élaboration de politiques qui les concernent, de grandes choses sont possibles et elles ouvrent la voie à une plus grande prospérité pour tous les habitants du Nord.
La deuxième partie du projet de loi concerne la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui régit le forage pétrolier et gazier au large des côtes de l’Arctique. Ces activités de forage en mer donnent lieu à un certain nombre de défis techniques et logiques, notamment une courte saison d’exploitation et les glaces sur la mer. Nous n’avons pas encore la technologie qui nous permet de relever ces défis, mais je suis convaincue que des solutions technologiques permettront d’entreprendre des forages en mer en toute sécurité à l’avenir.
Pour en arriver à ces solutions, nous devons être guidés par des connaissances sur la nature des défis. Ces connaissances seront façonnées par la science, y compris l’océanologie et la climatologie. Nous avons besoin de données probantes pour prendre des décisions efficaces qui nous aideront à atteindre l’objectif de développement responsable des ressources. Cette science en est encore à ses premiers balbutiements. La technologie suivra de près. Entretemps, nous devons prendre des mesures pour protéger un environnement sensible et vulnérable dans la mer de Beaufort et l’océan Arctique.
En décembre 2016, le premier ministre a annoncé un moratoire sur les nouveaux forages extracôtiers dans nos eaux arctiques. Le moratoire sera revu tous les cinq ans dans le cadre d’un examen scientifique. Cet examen, mené en collaboration avec nos partenaires du Nord, fournira des données probantes qui orienteront les futures activités pétrolières et gazières.
Le projet de loi dont nous sommes saisis complétera le moratoire de 2016 et protégera les intérêts des titulaires de permis en maintenant les conditions rattachées à leurs permis pendant la durée de l’interdiction des activités pétrolières et gazières. Les permis ne cesseront pas d’être valides pendant le moratoire. Cela nous permettra de maintenir les droits existants jusqu’à ce que l’examen scientifique quinquennal soit terminé. À ce moment-là, nous aurons une meilleure compréhension des plans stratégiques et des décisions possibles à prendre en collaboration avec nos partenaires du Nord, les gouvernements autochtones et les gouvernements du Nord.
Je suis heureuse d’informer la Chambre que les entreprises qui détiennent actuellement les droits existants sur le pétrole et le gaz et nos partenaires du Nord appuient le développement responsable de l’Arctique extracôtier et la voie stratégique à suivre. Ils comprennent l’importance de protéger l’environnement unique de l’Arctique tout en menant des activités pétrolières et gazières de manière sûre et responsable, de façon à créer des emplois et à stimuler la croissance économique dans les communautés autochtones du Nord. Ils comprennent l’importance d’un examen fondé sur des données scientifiques pour la prise de décisions futures en matière de développement extracôtier dans l’Arctique.
Ces modifications sont équitables pour les titulaires de droits existants et elles nous permettent de procéder à un examen sérieux des données scientifiques afin de mieux comprendre les répercussions et les avantages potentiels de l’extraction pétrolière et gazière dans la mer de Beaufort. Cela dénote une gestion saine et durable conforme à ce que notre gouvernement fait déjà en matière d’activités scientifiques dans le Nord.
Le projet de loi dont nous sommes saisis donne l’assurance que les gouvernements et les organisations autochtones auront une voix forte dans le développement des ressources sur leurs territoires. Notre objectif est de mettre en place un régime robuste qui protégera le riche environnement naturel du Canada. Il soutiendra un secteur des ressources résilient tout en respectant les droits et les intérêts des peuples autochtones.
Ce projet de loi s’inscrit dans un cheminement continu vers une véritable réconciliation avec les peuples autochtones et la protection de nos terres et de nos eaux. De cette façon, nous pouvons favoriser les perspectives et la croissance économiques et protéger l’environnement pour les générations futures.
J’invite tous les députés à se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi et ainsi les désirs, les espoirs et les aspirations des habitants du Nord canadien.