Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation et exportation de nageoires de requin), aussi appelé Loi interdisant l’importation et l’exportation de nageoires de requin.
Le gouvernement du Canada demeure fermement résolu à gérer les populations de requin dans le monde entier, les objectifs de conservation et de protection étant la priorité.
L'enlèvement des nageoires de requin s'entend de la pratique consistant à couper les nageoires d’un requin vivant avant de le rejeter à la mer. L'animal mutilé se noie, étant donné qu'il coule au fond de l'océan, impuissant.
J'espère que cette image cause un malaise. Elle le devrait. Les Canadiens nous ont dit être scandalisés par cette pratique et souhaiter que nous y mettions fin. C'est l'objet du projet de loi S-238, ce qui est une bonne chose.
Mes collègues de la Chambre des communes et du Sénat connaissent probablement tous le film Sharkwater, sorti en 2007. Ce documentaire captivant, qui met en vedette Rob Stewart et Paul Watson, est parfois tellement choquant qu'il est difficile à regarder.
Le film suit le duo de biologiste et de conservationniste qui unissent leurs forces pour combattre les braconniers qui tuent illégalement les animaux pour leurs nageoires. Dans le film, de belles scènes sous-marines contrastent avec des images de cruauté animale flagrante, ce qui a déclenché un mouvement mondial contre la coupe de nageoires des requins.
Cet automne, M. Stewart figurait dans la suite du même documentaire, intitulée Sharkwater Extinction: Le film. Cet autre documentaire expose au grand jour l'existence d'une véritable industrie de l'enlèvement illégal des nageoires de requin. Cette fois encore, il a pour coeur le traitement cruel qui est réservé aux requins et leur déclin rapide vers l'extinction. On y voit également les complots criminels et la corruption teintée de violence — mettant souvent en danger M. Stewart et son équipe — qui caractérisent cette industrie encore très lucrative. Malheureusement, M. Stewart est mort en janvier 2017. Il était alors en Floride pour le tournage de Sharkwater Extinction: Le film.
Ces deux documentaires laissent leur marque partout dans le monde. On sent de plus en plus de compassion et de sympathie pour cet animal longtemps craint et mal compris. Les gens prennent également conscience que le massacre dont les requins sont victimes risque fort d'entraîner leur extinction, et que les gouvernements ne font rien pour y mettre un frein.
Au Canada, l'enlèvement des nageoires de requin est illégal depuis 1994. Cela dit, et c'est là que le bât blesse en bonne partie, il est toujours permis d'en importer de pays où cette pratique est légale. Les municipalités du pays ont donc beaucoup de mal à adopter des règlements en ce sens, même si elles ont été nombreuses, depuis 2011, à tenter d'interdire la possession, la vente et la consommation de produits à base d'ailerons de requin. Je pense par exemple à Brantford, à Oakville, à Toronto, à Newmarket et à Mississauga, en Ontario, ainsi qu'à Calgary, en Alberta, qui ont toutes eu un tel règlement pendant un certain temps. Dans certains cas, l'interdiction tient toujours.
Cependant, ces interdictions locales sont problématiques. Certaines d'entre elles ont été renversées lorsqu'elles ont été contestées devant les tribunaux. Le problème principal est que l'autorité des gouvernements municipaux ne couvre pas les questions relatives à l'importation de nageoires de requin, même si les tribunaux ont accepté que la pratique de la coupe des nageoires de requin est inhumaine. Puisque ces interdictions ne bénéficient pas d'une irrévocabilité légitime au niveau local, il y a un besoin croissant de prendre des mesures fédérales relativement à cette question importante.
Comme nous l'avons entendu, en 2013, un projet de loi d'initiative parlementaire visant à interdire l'importation de nageoires de requin au Canada a été rejeté à la Chambre. Nous sommes maintenant saisis d'une autre occasion, qui nous a été offerte par le sénateur Michael L. MacDonald, sous la forme du projet de loi S-238. Je demande aux députés d'examiner attentivement le projet de loi S-238 et les solutions législatives qu'il propose au problème mondial grandissant de l'enlèvement des nageoires de requin.
Le projet de loi propose d'interdire l'importation et l'exportation de nageoires ou de parties de nageoires de requin séparées de la carcasse ainsi que de produits en étant dérivés, ce qui serait une excellente mesure. La modification de la Loi sur les pêches et l'inscription dans la loi de l'interdiction de pratiquer l'enlèvement des nageoires de requin témoignerait du leadership mondial du Canada dans ce dossier et de son opposition à cette pratique cruelle. Cela dit, j'ai suivi attentivement le débat sur le projet de loi à l'autre endroit, et, comme cela y a été soulevé, les modifications que le projet de loi S-238 propose d'apporter à la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial pour interdire l'importation et l'exportation de nageoires de requin pourraient se révéler problématiques.
La mise en oeuvre du projet de loi S-238 tel qu'il a été amendé par l'autre endroit aurait certaines répercussions. En ce qui concerne la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, les amendements proposés n'établissent pas de distinction entre les produits de requin provenant d'une pêche durable et ceux qui proviennent de l'enlèvement des nageoires de requin. Cette situation ne serait pas conforme aux obligations du Canada en vertu du droit commercial international, car le Canada risquerait alors de contrevenir aux obligations de non-discrimination. Il contreviendra à cette obligation s'il interdit l'importation de produits de nageoires de requin et de produits qui en proviennent sans interdire tout commerce intérieur de ces produits.
En effet, un examen des implications juridiques d'une interdiction quasi complète de l'importation de nageoires de requin par le Canada, comme le propose le projet de loi S-238, a révélé que cela comporterait vraisemblablement un risque important de violation de nos obligations envers l'Organisation mondiale du commerce.
Les mesures commerciales peuvent être efficaces pour lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée et pour faire la promotion des pratiques de pêche durables. Toutefois, ces exigences doivent être conformes aux obligations du Canada en matière de commerce international à titre de membre de l'Organisation mondiale du commerce. Je suis certain qu'il y a une voie à suivre qui nous permettra de respecter nos obligations commerciales, mais surtout de mettre fin à la coupe des nageoires de requin.
Je prends maintenant quelques instants pour résumer la situation.
L'enlèvement des nageoires de requin est interdit au Canada depuis 1994, conformément aux conditions prévues dans les permis en vertu de la réglementation générale sur les pêches, laquelle découle de la Loi sur les pêches.
En 2016, le Canada a mis en oeuvre une mesure de gestion obligatoire pour que tous les requins pélagiques soient débarqués au Canada avec leurs ailerons intacts. Tous les pêcheurs sont tenus de respecter cette exigence.
Le projet de loi S-238 propose d'inscrire dans la Loi sur les pêches une interdiction concernant l'enlèvement des nageoires de requin et d'interdire l'importation au moyen de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.
Le gouvernement est résolu à mettre fin à la pratique de l'enlèvement des nageoires de requin tout en respectant ses engagements commerciaux internationaux.
La coupe des nageoires de requin est une pratique cruelle; de cela, je suis convaincu. En tant que Canadien et en tant qu'intendant de notre monde naturel, je ressens la responsabilité de prévenir la cruauté envers tout animal et la décimation de n'importe quelle espèce. C'est pourquoi j'attends avec impatience le débat rigoureux qui aura lieu en comité au sujet de ce projet de loi.
Le projet de loi S-238 indique que les Canadiens ressentent eux aussi ces nobles sentiments. Les méthodes qu'il propose pour atteindre les buts visés sont peut-être imparfaites, mais il nous incombe de faire tout notre possible pour mettre fin à l'enlèvement des nageoires de requin. Je suis convaincu que c'est la voie à suivre.