Monsieur le Président, aujourd'hui, j'ai en main les amendements au projet de loi C-79. C'est clair que le Parti vert se tient debout face aux accords visant à protéger les droits des investisseurs, les droits des grandes entreprises mondiales.
À cet égard, je suis fière de pouvoir dire que nous sommes le seul parti représenté aux Communes qui s'est toujours opposé aux dispositions de règlement des différends entre les investisseurs et l'État chaque fois qu'un accord commercial a été débattu dans cette enceinte.
Je tiens à remercier la députée d'Essex pour son travail dans ce dossier également. Il ne fait aucun doute que le Nouveau Parti démocratique s'oppose aux dispositions de règlement des différends entre les investisseurs et l'État qui sont contenues dans l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Même si le Bloc québécois est le seul parti à s'être joint à nous aujourd'hui pour s'opposer à l'abrégement du débat, et même si le NPD, qui est le troisième parti dans cette enceinte, était prêt à accepter que le débat soit écourté, il a quand même proposé un amendement qui aurait permis la tenue d'un débat de cinq heures plutôt que de n'accorder pratiquement aucun temps au débat. Il me paraît incroyable que le compromis proposé par le NPD n'ait pas été accepté et que les deux grands partis, les libéraux et les conservateurs, se soient dépêchés de clore le débat sur ce projet de loi.
Le Partenariat transpacifique, que nous sommes en train de ratifier de façon précipitée, a été remodelé pour constituer l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, mais il est très clair que ce n'est pas un accord progressiste. On pourrait dire aussi qu'il n'est pas global non plus.
Comme d'autres avant moi, j'aimerais tout d'abord souligner les bons coups. Car il y en a, et je suis ravie des avancées qui ont été réalisées dans la nouvelle mouture de l'ALENA, qui a été rebaptisée d'un nom tout à fait digne de M. Trump, l'AEUMC. Cela dit, certains éléments du nouvel accord ont eux aussi de quoi inquiéter, à commencer par l'érosion de la gestion de l'offre, qui protège non seulement les producteurs laitiers du pays, mais aussi d'autres secteurs de l'industrie agricole. Si on autorise la mise en marché de produits laitiers contaminés aux hormones de croissance bovines au Canada, les risques pour la santé humaine seront bien réels. Nous en avons aussi contre la durée accrue des brevets accordés aux sociétés pharmaceutiques, car cela fera augmenter le prix des médicaments. Nous craignons en outre que d'autres secteurs souffrent du nouvel AEUMC, même si nous sommes soulagés que celui de l'automobile ait pu s'en tirer indemne. Nous nous réjouissons également que de nombreux secteurs ne soient pas aussi durement touchés que M. Trump avait pu le laisser entendre.
J'arrive maintenant à la vraie grande nouvelle, dont le premier ministre a d'ailleurs fait mention plus tôt aujourd'hui. Paradoxalement, c'est aussi là-dessus que portent les amendements que je veux faire valoir aujourd'hui. Bref, je ne contenais plus ma joie — et l'expression n'est pas trop forte — quand j'ai appris la disparition du chapitre 11 de l'ALENA.
Le chapitre 11 porte sur le premier mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et l'État à avoir été mis au point au monde. C’était le début d’un concept tellement antidémocratique qu’on se demande comment il a pu s’infiltrer dans presque tous les accords commerciaux que le Canada a signés depuis. Si le « grand-père » de tous les règlements des différends entre les investisseurs et l'État a fini par disparaître, sa progéniture illégitime continue de contaminer les démocraties du monde entier.
Je n’oublierai jamais la description faite de ce mécanisme par Steve Schreibman, un spécialiste du droit commercial réputé au Canada, lorsqu’il s’est battu pour obtenir le statut d’intervenant pour le compte du Sierra Club du Canada dans l’une des nombreuses affaires au titre du chapitre 11 que nous avons finalement perdues. La poursuite avait été intentée par S.D. Myers de l’Ohio qui prétendait, croyons-le ou non, qu’il investissait au Canada alors qu’il n’y avait jamais rien construit. Il prétendait en outre que ses droits avaient été violés parce que le Canada avait interdit l’exportation de déchets contaminés aux BPC. Nous avons perdu cette cause. Les députés ne le croiront peut-être pas, mais, à cette époque, un comité de règlement des différends a jugé que le Canada avait contrevenu au chapitre 11 en interdisant l’exportation aux États-Unis de déchets contaminés aux BPC, alors que leur importation était illégale selon le droit américain. Dans ce domaine du droit commercial, la seule façon de comprendre ce qui se passe est de relire Alice au pays des merveilles , car rien de tout cela n’a jamais vraiment tenu debout.
J'allais citer Steven Schreibman à ce propos. Il a déclaré que les mécanismes prévus au chapitre 11 pour régler les différends entre les investisseurs et l'État sont « fondamentalement nuisibles à la démocratie ».
À la Chambre, nous célébrons aujourd'hui cette réussite. J'en suis très heureuse. Je tiens à remercier officiellement la ministre des Affaires étrangères de son travail extraordinaire. Elle a réussi à conclure un accord avec l'administration incohérente et imprévisible qui est présidée par l'occupant actuel de la Maison-Blanche. Peu importe leurs allégeances politiques, les Canadiens devraient être heureux de ce dénouement. En tant que Canadiens, nous avons beaucoup plus de choses en commun entre nous qu'avec ceux qui tentent de se faire du capital politique en dénigrant un gouvernement qui a réussi à conclure un accord, malgré le monde sens dessus dessous qui caractérise la présidence américaine actuelle.
Nous célébrons l'élimination du chapitre 11 de l'ALENA, ce qui est tout un exploit. Pourquoi, alors, le gouvernement a-t-il inséré dans le PTPGP le chapitre 9, qui aura le même effet, mais en mettant en cause d'autres pays? Si la Chambre adopte le projet de loi C-79 et, du coup, le PTPGP, qui n'intègre pas l'amendement que j'avais proposé, le Canada sera assujetti à la même règle. Ainsi, des sociétés établies en Australie, à Brunei, au Chili, au Japon, en Malaisie, au Mexique — l'ALENA comportait déjà des dispositions sur le règlement des différends entre les investisseurs et le Mexique —, en Nouvelle-Zélande, au Pérou, à Singapour et au Vietnam auront des droits supérieurs à ceux des sociétés canadiennes.
Il y a une autre vérité concernant les accords qui doit être dite. En réalité, le Canada ne court aucun risque si le Chili, le Mexique ou le Vietnam décide de se prévaloir des mécanismes de règlement des différends entre les investisseurs du Partenariat transpacifique. Je peux faire une telle affirmation parce qu'il existe une tendance. Elle a été découverte grâce à l'examen de centaines de cas par deux grands groupes de réflexion de l'Union européenne, à savoir le Corporate Europe Observatory et le Transnational Institute. Les deux groupes ont examiné des centaines de cas où des sociétés étrangères ont poursuivi des gouvernements nationaux. Y avait-il une tendance? Les gouvernements remportaient-ils généralement leur cause? Les sociétés remportaient-elles généralement leur cause? Il y a bel et bien une tendance, mais elle n'est pas liée aux sociétés ou aux gouvernements. La tendance est la suivante: la puissance économique la plus importante gagne toujours.
Par conséquent, lorsque Philip Morris, une société américaine, a décidé de poursuivre l'Uruguay parce que le pays a osé placer des mises en garde relatives à la santé sur les étiquettes des cigarettes, l'Uruguay allait perdre sa cause et c'est effectivement ce qui s'est produit. Si une société américaine comme Ethyl Corporation, SDMyers, AbitibiBowater ou, dans le pire des cas, Bilcon décide de poursuivre le Canada, la société américaine gagnera et le Canada perdra.
Inversement, les entreprises canadiennes qui intentent des poursuites contre des entreprises américaines n'ont presque jamais gain de cause parce que le Canada est une plus petite puissance économique. Voilà pourquoi il est extraordinaire que les États-Unis aient demandé la suppression de ces dispositions et que ce soit le Canada qui les ait utilisées. J'espère que, tout au long des négociations, nous les avons gardées en réserve comme monnaie d'échange en cas de besoin, mais le Canada n'aurait jamais dû se battre pour conserver le chapitre 11 de l'ALENA. Il est carrément révoltant.
À preuve, le rapport « Profiting from Injustice » dont le sous-titre dit ceci « Comment les cabinets juridiques, les arbitres et les financiers alimentent l'explosion des cas d'arbitrage en matière d'investissement ». Essentiellement, c'est une forme d'exploitation. En gros, des cabinets d'avocats, des arbitres, des financiers et des avocats se sont enrichis grâce aux poursuites intentées aux termes du chapitre 11 et d'autres cas de l'ISDA. Par surcroît, les arbitres offrent leurs services à titre de juge et il n'y a pas de tribunal. Les arbitres sont des avocats qui, dans un même cabinet juridique, représentent souvent des entreprises qui poursuivent des États. Rien ne justifie la présence de telles dispositions dans l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP.
Voici un autre précédent en plus de la suppression de ces dispositions du texte de l'ALENA. Dans l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne, certains États ont choisi de ne pas adopter les dispositions sur le règlement des différends investisseur-État, tout en souscrivant à l'ensemble de l'accord.
Les dispositions sur les différends investisseur-État sont anti-démocratiques. Elles ne contribuent en rien aux échanges commerciaux mais ont tout à voir avec le transfert de droits démocratiques à des entreprises. Il faut adopter l'amendement que j'ai présenté et supprimer ces dispositions du PTPGP.