Monsieur le Président, je suis heureux d’intervenir à propos de ce projet de loi très important, auquel nous nous opposons à cause des graves préjudices découlant d’une série de négociations bâclées et de sa mise en oeuvre extrêmement inefficace de la part du gouvernement.
J’aimerais commencer par saluer le travail de la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de commerce, la députée d’Essex. Elle a fait preuve d’une éloquence extraordinaire dans ce dossier qu’elle a étudié à fond. Elle a lu l’accord et y a repéré les problèmes. Elle est d’ailleurs la seule membre du comité du commerce à avoir été sensible aux centaines de témoignages exprimés par des gens de tous horizons sur les problèmes découlant de cet accord. Elle est aussi la seule membre du comité du commerce à avoir écouté ces rétroactions et défendu les Canadiens qui les exprimaient. Nous remercions donc la députée d’Essex pour le travail qu’elle a mené dans ce dossier.
Ma présence à la Chambre s’explique en partie par mon intérêt pour les questions commerciales. Je m’y intéressais déjà avant d’occuper le poste de PDG de la grande entreprise sociale qu’est la Western Institute for the Deaf and Hard of Hearing. Cette entreprise s’occupait d’exporter toute une gamme d’appareils destinés aux personnes sourdes, devenues sourdes et malentendantes. Nous avons présenté sur notre site Web une gamme complète de produits uniques que nous ont commandés des gens des États-Unis et même d’Europe.
J'avais demandé l'appui du gouvernement fédéral à l'époque. C'était avant que je devienne député. J'avais demandé quelle sorte d'aide était disponible pour soutenir l'exportation. On m'avait dit qu'il n'y avait pas grand-chose et que je devais demander un prêt, un peu comme on peut demander un prêt pour faire des études postsecondaires. On peut s'endetter. C'est à peu près le seul moyen dont le gouvernement fédéral offre son aide aux exportateurs. C'est toujours le cas aujourd'hui, 15 ans plus tard. Nous avons un des pires bilans en matière de soutien à l'exportation parmi les grands pays industrialisés. L'Australie fournit 500 millions de dollars par année pour subventionner son secteur des exportations. Le Canada ne fournit qu'une fraction de ce montant — quelques milliers de dollars par année. D'après moi, c'est là la pierre angulaire de ce qui est devenu une politique commerciale profondément dysfonctionnelle.
Nous avons un gouvernement — avant, c'était un gouvernement conservateur, maintenant, c'est un gouvernement libéral — qui conclut des accords sans effectuer aucune analyse de leurs répercussions ou comprendre leurs conséquences économiques et qui soumet ces accords à la hâte à la Chambre des communes.
Le débat que nous avons entendu aujourd'hui n'a pas porté sur l'accord. Du côté du NPD, nous débattons de l'accord, bien sûr, parce que nous l'avons lu. Nous présentons les objections qui ont été soulevées au comité du commerce par des groupes canadiens d'un océan à l'autre. Toutefois, les conservateurs et les libéraux n'invoquent que des théories farfelues sur le commerce. Bien sûr que nous sommes en faveur du commerce, mais nous voyons deux types d'approches du commerce dans le monde.
S'agissant de gouvernements conservateurs ou libéraux, il ne semble pas y avoir grand différence entre les deux partis, comme nous l'avons vu plus tôt, lorsqu'une députée libérale s'est jointe aux conservateurs, et comme nous l'avons déjà vu lorsque des députés conservateurs ont rejoint les libéraux. Il ne semble pas y avoir de distinction entre les deux partis, si ce n'est pour les couleurs et quelques politiques. Toutefois, indépendamment du gouvernement en place, qu'il soit libéral ou conservateur, il appuie toujours un modèle de commerce descendant. C'est ce qu'ils appellent le libre-échange, mais c'est en fait un modèle descendant. Il aide certainement les lobbyistes, mais cela n'aide pas les gens ordinaires dans le pays.
Selon nous, le commerce équitable peut apporter les bienfaits du commerce, mais nous voulons veiller à ce que ces bienfaits aillent aux gens ordinaires. Il n'y a rien de pire qu'un politicien qui, sans avoir lu le texte de l'accord, ne s'en tient qu'aux notes d'allocution, affirme que l'accord doit être dans l'intérêt de tous puisque le commerce est bon et accable de nombreux secteurs de l'économie par son vote.
Attardons-nous aux incidences. Aujourd'hui, plusieurs intervenants dans ce coin-ci de la Chambre ont parlé des conséquences attendues à la suite de la signature de l'accord.
L'incidence est grande pour le secteur soumis à la gestion de l'offre, et pas seulement pour les producteurs de lait, de volailles ou d'oeufs. Lorsqu'on étudie de près la gestion de l'offre, on constate que les conséquences touchent les collectivités entières. Les libéraux se défendent en tenant de beaux discours sur la gestion de l'offre, mais, de l'autre côté, ils signent des accords et tentent de faire adopter à la Chambre des projets de loi dévastateurs pour le secteur soumis à la gestion de l'offre. Nous sommes d'avis que la gestion de l'offre est une approche réellement efficace.
Toute la journée, nous avons affirmé qu'il est important d'assurer la prospérité des collectivités agricoles soumises à la gestion de l'offre. Le secteur soumis à la gestion de l'offre perdra des milliers d'emplois si on force l'adoption du projet de loi.
Passons maintenant à l'automobile. La députée d'Essex connaît bien ce secteur; elle y a travaillé. Les représentants de l'industrie ont affirmé que l'accord provoquera la disparition de dizaines de milliers d'emplois. Nous parlons donc d'une perte totale de 58 000 emplois, en tenant compte du secteur automobile, de celui soumis à la gestion de l'offre et d'autres industries. Pourtant, personne du gouvernement libéral n'a encore pris la parole au sujet des aspects problématiques de l'entente et du projet de loi. Les libéraux tiennent des propos ronflants sur les avantages du commerce, mais ce ne sont pas tous les accords commerciaux qui sont bons. Ce n'est pas le cas si nous torpillons des dizaines de milliers d'emplois au Canada et si nous n'avons pas mené une analyse des répercussions sur l'économie. Si nous n'avons pas fait nos devoirs, un accord n'est pas nécessairement avantageux.
Les libéraux ont souligné que quelques secteurs névralgiques, du moins à l'échelle nationale, sont soutenus et qu'il y a un potentiel de croissance dans un certain nombre de domaines. Cependant, je reviens à mon argument initial à propos de l'époque où j'étais exportateur dans une entreprise sociale qui offrait un produit unique. Le gouvernement n'était pas prêt à donner un soutien à la promotion des exportations. Pourtant, tous les autres pays le font. En ce qui concerne la Canadian Cattlemen's Association et l'industrie du boeuf, les États-Unis dépensent des dizaines de millions de dollars par année. Le gouvernement américain fournit un soutien à la promotion des exportations. Au Canada, il n'y a rien, que des miettes.
Ces secteurs réagissent entre autres à cause de l'incompétence du gouvernement dans les dossiers de la gestion du commerce et du soutien à la promotion des exportations. Ils espèrent offrir un certain avantage ou faire croître leur industrie. Cependant, le problème n'est pas de savoir si nous signons ou non un accord. Le problème, c'est le manque d'infrastructure de promotion des exportations. Ce n'est pas une situation que les libéraux ont créée de toutes pièces. Ils en ont hérité de l'ancien gouvernement conservateur.
J'ai parlé à des délégués commerciaux installés outre-mer et je me suis rendu dans divers pays, anciennement à titre de porte-parole en matière de commerce. J'ai discuté avec eux des budgets dont ils disposent pour répondre aux préoccupations concernant le manque de soutien à la promotion des exportations. Bon nombre de délégués m'ont dit qu'ils n'ont même pas le budget nécessaire pour offrir un café aux clients possibles des exportateurs canadiens. Nous avons regardé ce que le gouvernement avait fait et nous avons constaté plus tôt cette année, comme nous constatons toujours, que le déficit commercial a atteint un niveau record.
Les conservateurs ont signé un paquet d'ententes. C'est maintenant au tour des libéraux de signer un paquet d'ententes. Ils ne les examinent pas vraiment et ils ne font aucune analyse économique. Ils se contentent de les déposer à la Chambre des communes et de chanter les louanges du commerce, puis ils s'en vont. Nous sommes toutefois témoins des effets dévastateurs que subissent nos concitoyens, puisque nous sommes en communication avec des gens qui travaillent pour gagner leur vie. Le Canada connaît des déficits commerciaux records parce que les gouvernements comprennent mal les mauvaises ententes commerciales qu'ils signent et qu'ils ne saisissent pas que le soutien accordé à la promotion des exportations, qui pourraient être source de bons emplois au Canada, est insuffisant.
Aujourd'hui, nous avons pris connaissance de tous les problèmes que l'on retrouve dans cet accord. Nous avons constaté l'incapacité du gouvernement à présenter à la Chambre des communes un accord qui bénéficiera à tous les Canadiens. Nous savons avec certitude que le Canada perdra des dizaines de milliers d'emplois. Le gouvernement espère que ces pertes seront compensées par une certaine croissance dans quelques domaines, mais, en réalité, absolument aucun député ne peut affirmer qu'il possède des preuves concrètes que cet accord aura des avantages directs.
Compte tenu de toutes les lacunes de cet accord, y compris les dispositions relatives au règlement des différends entre les investisseurs et l'État, qui privent les Canadiens ordinaires de leur droit de mettre en place des politiques publiques dans leur intérêt, les députés comprendront que j'ai pris la parole pour indiquer que, pour ma part, je vais voter contre ce projet de loi et contre cet accord.