Monsieur le Président, je suis heureux d’avoir l’occasion de parler aujourd’hui du projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.
Le projet de loi vise à abroger les paragraphes 55(5) et 55(6), éliminant ainsi la période d’attente de deux ans pour l’imposition de mesures de sauvegarde provisoires. Je suis heureux de voir que le gouvernement a enfin fait ce premier pas pour protéger les producteurs et les vaillants travailleurs canadiens de l’acier.
Le NPD appuiera le projet de loi parce qu’il apporte une aide temporaire à l’industrie sidérurgique, mais le gouvernement n’aurait jamais dû laisser passer la date limite sans imposer des mesures de sauvegarde permanentes, comme le NPD le réclame depuis des années. Lorsque le ministre des Finances a laissé passer la date limite en avril, il a mis des travailleurs et des entreprises en grand danger. Maintenant, il modifie temporairement l’échéancier par voie législative.
Cependant, je serai très clair. Le NPD tient absolument à ce que nous considérions cette mesure comme un petit pas et qu’elle doit absolument être suivie par l’imposition, à tout le moins, de mesures de protection provisoires aux cinq catégories de produits non protégés qui restent sur les sept énumérées par le Tribunal canadien du commerce extérieur, aussi connu sous le sigle de TCCE.
Ces mesures doivent aussi protéger et stabiliser l'industrie sidérurgique canadienne à long terme. Comme j’ai moi-même travaillé dans cette industrie pendant 35 ans et que je représente une collectivité où elle occupe une grande place dans l’économie, je m’intéresse personnellement à cette question, tout comme d’autres travailleurs.
Au cours des trois dernières années et demie, nous avons essayé de régler ce problème et les nombreux autres que connaît l’industrie sidérurgique à cause de l’inefficacité du caucus multipartite sur l’acier, dominé par les libéraux. L’engagement du gouvernement envers les travaux de ce comité a été, au mieux, décevant et timide.
Les mesures contenues dans le projet de loi semblent aussi bien timides. Les sauvegardes provisoires sont certes satisfaisantes, mais le NPD demande au gouvernement et au ministre des Finances de mettre en place des mesures permanentes depuis plus d’un an. Bien entendu, cela procurerait une plus grande stabilité à cette industrie déjà ébranlée et ciblée.
Comme tant d’autres choses que fait le gouvernement, ce projet de loi, qui se veut une riposte aux droits de douane imposés par les Américains sur l’acier et l’aluminium canadiens et au problème du dumping d’acier étranger sur le marché canadien, comporte au mieux des demi-mesures.
Parlant de demi-mesures, en éliminant le délai de deux ans, ce projet de loi permettrait au gouvernement de ne mettre en place que des protections temporaires et un peu superficielles pour les catégories de produits de l’acier non protégés énumérées par le TCCE. Nous surveillerons la situation et nous nous battrons pour que le gouvernement donne suite à cela en prenant des mesures concrètes. Notre industrie sidérurgique et nos travailleurs méritent de vraies solutions pour contrer les prix d’éviction qu’offrent des importateurs d’acier de toutes les régions du monde.
Depuis des années, le NPD exhorte le gouvernement à s’attaquer au grave problème des importations d’acier bon marché qui entrent directement ou indirectement sur le marché nord-américain. Nous lui avons demandé, entre autres choses, d’accroître les ressources de l’ASFC pour lui permettre de faire enquête et de réagir à l’augmentation du dumping de produits d’acier. Le Canada ne doit pas devenir un dépotoir d’acier étranger ou une porte détournée vers le marché américain.
Il faut aussi reconnaître que, même si les États-Unis ont éliminé les droits de douane imposés aux termes de l’article 232 sur l’acier canadien, ils continuent à les imposer aux autres pays producteurs d’acier. Le Canada reste donc vulnérable à de fortes augmentations subites d’acier étranger qui transitent par notre pays vers le marché américain. C’est une position dangereuse que l’on ne devrait pas tolérer.
Toutefois, j'aimerais prendre un peu de recul et expliquer pourquoi cette question est si importante.
Les producteurs d’acier canadiens génèrent plus de 14 milliards de dollars en ventes annuelles et fournissent plus de 22 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Tout cela se fait dans 19 usines réparties dans cinq provinces. La production d’acier sert de point d’ancrage à une vaste chaîne d’entreprises secondaires des secteurs de la fabrication, de la construction, de l’automobile et de nombreux autres secteurs de l’économie canadienne.
Je sais que dans la région du Grand Hamilton, l’industrie sidérurgique fournit plus de 10 000 emplois directs et environ 30 000 emplois indirects.
L’industrie sidérurgique est fortement ancrée à Sault Ste. Marie grâce à Algoma Steel et à Tenaris Algoma Tubes. À elles seules, ces deux entreprises contribuent directement à plus de 41 % du produit intérieur brut de la collectivité. Environ 30 % de la main-d'oeuvre locale travaille directement ou indirectement dans le secteur de l’acier, ce qui représente plus de 9 000 emplois.
Dans la région de Windsor-Essex, la société Atlas Tube, située à Harrow, en Ontario, emploie 220 travailleurs et exporte pour plus de 250 millions de dollars de produits chaque année. Il est intéressant de souligner que cette entreprise est la productrice d’acier de construction la plus efficace au monde.
Une autre société sidérurgique, EVRAZ, emploie plus de 1 800 travailleurs dans l’Ouest du Canada, notamment à l’usine de tuyaux de Regina.
Soulignons également que l’industrie sidérurgique canadienne est un chef de file mondial par ses normes de travail et environnementales. Nous devrions tous en être fiers.
Le dumping est une forme de prix d’éviction lorsqu’un pays exporte son produit à un prix inférieur à celui du marché, ce qui étouffe la concurrence et crée un monopole mondial. Bon nombre de ces entreprises étrangères sont en mesure d’offrir des prix plus bas précisément parce qu’elles n’appliquent pas de normes de travail et environnementales.
Depuis des années, nous demandons au gouvernement de prendre des mesures de sauvegarde contre le dumping d’acier étranger. L’Association canadienne des producteurs d’acier a demandé à maintes reprises au gouvernement d’être proactif dans la recherche de solutions au problème du dumping d’acier, qui a nui à l’ensemble de l’industrie sidérurgique. Le gouvernement s’est contenté de ne réagir — en prenant des mesures temporaires, qui plus est — qu'aux droits de douane que Donald Trump a imposés aux industries canadiennes de l’acier et de l’aluminium.
Dès la première année de cette législature ou presque, nous avons eu un avant-goût de ce qui s’en venait. Le gouvernement n’arrêtait pas de répéter qu’il savait ce qu’il faisait. Cependant, voici à quoi se résume la situation: les actions entreprises unilatéralement par le gouvernement se sont avérées un vrai gâchis. Le gouvernement a tenté de corriger ses erreurs mais, ce faisant, il les a multipliées. Aujourd’hui, nous nous retrouvons à débattre de ce projet de loi.
De toute évidence, ce n’est pas suffisant. Les libéraux auraient dû mettre en place des mesures de sauvegarde permanentes dès leur arrivée au pouvoir. Ils savaient déjà que le dumping illégal d’acier polluant au Canada était une préoccupation majeure pour notre industrie sidérurgique.
En avril, le gouvernement a décidé d’autoriser l’expiration des mesures de sauvegarde en vigueur sur les importations de cinq types de produits sidérurgiques. En raison de la législation actuelle, ces mesures de sauvegarde ne pourront être rétablies avant deux ans, indépendamment des menaces qui pèsent sur le secteur canadien de l’acier. Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui permettrait au gouvernement de déroger à la période d’attente de deux ans et d’imposer de nouveau les mesures de sauvegarde. C’est bien, mais ce n’est pas assez.
Il est toujours intéressant de jauger la réaction aux mesures législatives du gouvernement en consultant ceux qui seront touchés.
Ken Neumann, directeur national du Syndicat des Métallos, avait ceci à dire:
Nous espérons que la mesure annoncée aujourd’hui sera adoptée rapidement au Parlement, avant le congé d’été. Entre-temps, les travailleurs et les producteurs canadiens ont besoin d’un engagement non équivoque de la part du gouvernement fédéral précisant qu’il mettra en œuvre des mesures de sauvegarde ou d’autres mesures rigoureuses pour défendre notre industrie [...] Le gouvernement doit montrer qu’il est prêt à appliquer ces mesures de sauvegarde et d’autres mesures de façon rétroactive pour protéger le secteur canadien de l’acier des hausses soudaines possibles des importations [...] Ces mesures de sauvegarde ainsi que d’autres mesures doivent être adoptées de nouveau pour stabiliser le secteur canadien de l’acier et protéger les travailleurs et les producteurs canadiens d’une augmentation subite des importations.
Pour ce qui est des hausses soudaines des importations, de nombreux producteurs canadiens étaient très préoccupés par une chose en particulier. Ils souhaitaient que les droits de douane soient levés, mais ils ne voulaient pas que, en échange, on établisse un système de quotas, qui freinerait la croissance de l'industrie sidérurgique au Canada. Le gouvernement a dit qu'il avait écouté les producteurs et qu'il n'imposerait pas de quotas. Cependant, il a prévu ce qu'il appelle des « augmentations subites » pour répondre aux inquiétudes. Le gouvernement pense que, en utilisant l'expression « augmentation subite » plutôt que le mot « quota », il peut duper les producteurs. Cependant, je pense que cette expression est tout simplement une autre façon de qualifier les quotas. Nous ne sommes pas certains de son sens.
Récemment, le Syndicat des Métallos a demandé au gouvernement d'avoir recours aux articles 53 et 55 du Tarif des douanes, qui confèrent au Cabinet fédéral le pouvoir de réagir à l'imposition de droits de douane et d'exercer des représailles à l'endroit de pays qui s'adonnent au dumping. Par exemple, le gouvernement pourrait imposer une surtaxe sur des marchandises qui sont importées dans des conditions où elles causent ou menacent de causer un dommage grave à des producteurs nationaux. Or, le gouvernement libéral a refusé de faire cela.
Dernièrement, le Syndicat des Métallos a envoyé une lettre au gouvernement dans laquelle il exprime ses réserves au sujet du nouvel accord de libre-échange nord-américain. Il y est question de ses inquiétudes par rapport à l'industrie de l'acier. On peut y lire ceci: « L'Accord Canada—États-Unis—Mexique n'aurait jamais dû être signé sans que les droits de douane sur l'acier et l'aluminium soient supprimés. Nous nous réjouissons que ces droits aient finalement été abolis, mais quelques détails quant à la manière dont ils le seront nous inquiètent, car il semble que les États-Unis pourront appliquer légalement de nouveaux droits s'il y avait une hausse des importations par rapport à la moyenne historique. » Est-il question de quotas ou d'une hausse soudaine de l'offre? « Les mesures insuffisantes de protection et de stabilisation du marché canadien de l'acier nous rendent vulnérables aux augmentations subites des importations. En plus de menacer l'industrie canadienne, ce problème nous rend vulnérables à l'imposition de nouveaux droits de douane et nuit à notre capacité de réagir. Les mesures que pourra prendre le Canada seront limitées; il pourra seulement imposer à son tour des droits sur les mêmes produits. Cela nous empêchera d'imposer, en guise de représailles, des droits de douane équivalents, mais qui s'appliquent à des produits réellement fabriqués aux États-Unis. » Je poursuis: « Selon nous, le Canada ne devrait pas ratifier l'Accord tant que les détails concernant les droits de douane ne sont pas finalisés. Nous devons nous assurer de ne pas approuver de dispositions qui permettraient d'imposer de nouveaux droits de douane ou qui correspondraient en fait à des quotas. »
Catherine Cobden, présidente de l’Association canadienne des producteurs d'acier, a aussi dit ceci, au sujet du projet de loi:
L’annonce faite aujourd'hui par [le ministre des Finances] représente une étape importante pour que le Canada puisse réagir rapidement aux changements des marchés mondiaux de l’acier causés par la surcapacité et les mesures commerciales prises par d’autres pays. Les mesures de sauvegarde sont un outil commercial important pour empêcher le détournement des importations étrangères sur le marché canadien de l’acier. Les producteurs d'acier canadiens croient que ces mesures commerciales sont toujours nécessaires dans le contexte mondial actuel.
Roger Paiva, le directeur général de Gerdau Steel, avait, quant à lui, ceci à dire: « Nous vous demandons de nous aider à convaincre le gouvernement du Canada de prolonger les sauvegardes provisoires relativement à l'acier. Celles-ci ont stabilisé le marché canadien des barres d'armature. Elles assurent des emplois à la classe moyenne dans votre circonscription et ailleurs. Elles contribuent à la croissance de l'économie tout en protégeant l'environnement. Montrez que vous êtes pour les bons emplois dans le secteur de l'acier et encouragez [le ministre des Finances] à prolonger les sauvegardes. »
Enfin, voici ce que pense Francis Miner d'lvaco, à Hawksbury:
L'Union européenne et un certain nombre d'autres autorités territoriales ont récemment mis en œuvre des mesures de sauvegarde sur les produits sidérurgiques à la suite des restrictions imposées au marché américain par les tarifs de l'article 232. En l'absence de mesures de sauvegarde, le Canada sera laissé seul et la production nationale de l'acier sera fortement exposée à des volumes importants d'acier importé à bas prix qui seront détournés dans le pays. Cela place les producteurs canadiens dans une position concurrentielle très désavantageuse et met en péril des milliers d'emplois. [...] Sans la prorogation d'une mesure de sauvegarde sur le fil machine, les conditions du marché pour les producteurs au Canada continueront de se détériorer.
Je suis entièrement d’accord avec lui au sujet du fil machine. J’ai travaillé dans ce domaine durant 35 ans. Nous le transformions en fil de la finesse d’un cheveu ou d’un diamètre de quatre centimètres. Nous l’utilisions pour fabriquer des joints sphériques ou des pièces d’automobile, comme du fil pour le volant de direction. Il servait à faire des clôtures, une foule de choses. Notre marché était prospère, mais à cause des droits de douane et des mesures de sauvegarde, il a périclité. La compétitivité d’Hamilton a pris un dur coup.
Il est clair que le secteur canadien de l’acier a encore d’énormes défis à relever. Le Canada ne peut continuer à être l’un des rares pays au monde à laisser l’acier étranger envahir ses marchés. Le gouvernement fédéral doit protéger nos producteurs et nos travailleurs.
J’ai discuté avec de nombreux travailleurs de l’acier, de partout au pays, et également dans ma propre région. Ils parlent tous du sentiment d’insécurité qui les habite. Même s’ils se réjouissent de la levée des droits de douane sur les produits canadiens de l’acier et de l’aluminium, ils sont nombreux à ne pas faire confiance au gouvernement dans ce dossier.
Quand le premier ministre a visité l’usine Stelco pour annoncer la levée des droits de douane, l’un des travailleurs lui a demandé à quoi il avait dû renoncer pour réussir à les faire lever. Le premier ministre n’a pas répondu à la question. Comme nous l’avons appris dans de récents reportages, ce pourrait être beaucoup plus que ce que le gouvernement a d’abord laissé entendre.
J’ai appris que les travailleurs de Stelco, même s’ils se réjouissent de la levée des droits de douane, accueillent cette nouvelle avec une bonne dose de scepticisme. Comme beaucoup de travailleurs du pays, ils craignent que le gouvernement ne soit pas assez ferme face aux États-Unis et d’autres pays pour défendre les travailleurs et le secteur de l’acier.
Comme l’a récemment fait remarquer le président de la section locale 8782 du syndicat des Métallos à Nanticoke, on pourrait penser que le gouvernement d’Ottawa aurait intérêt à protéger les intérêts du Canada et du secteur, et aussi la sagesse de le faire, mais ce ne semble pas être le cas.
En terminant, je tiens à dire que j’ai écouté les observations du député de Durham et que je suis d’accord avec l’idée que nous devrions tous travailler de concert dans ce dossier. Tous les partis doivent travailler ensemble. Nous avons compris que le gouvernement ne pouvait pas agir unilatéralement. Il a commis trop d’erreurs. Nous devons faire les choses correctement, c’est-à-dire protéger non seulement les entreprises canadiennes, mais aussi les travailleurs canadiens. La seule façon d’y arriver, c’est de travailler ensemble. J’invite donc tous les députés à travailler sans relâche au sein d’une seule et même équipe.