Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui, après un bel été parmi les bonnes gens de Cowichan—Malahat—Langford, loin d'ici, sur la côte Ouest, sur la belle île de Vancouver. Cela a été un été fantastique au sein des différentes collectivités de ma région. Les gens m'ont fait part de commentaires vraiment excellents sur leurs priorités.
Il est intéressant de voir que le premier point à l'ordre du jour du gouvernement aujourd'hui soit le débat sur le projet de loi C-79, sur la mise en oeuvre du PTPGP, ou l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.
D'entrée de jeu, je tiens à reconnaître l'excellent travail fait par ma collègue la députée d'Essex, notre porte-parole en matière de commerce international et l'une des vice-présidents du Comité permanent du commerce international. Nous sommes tous les deux députés depuis 2015 seulement, mais elle a accepté de se charger de ce dossier complexe et difficile et a fait de l'excellent travail. Grâce à son grand talent et à son bagage de connaissances, elle a très bien servi notre caucus et, en fait, un grand nombre de Canadiens dans ce dossier. Je tiens à souligner tous ses efforts.
Quand on examine cet accord, on voit qu'il s'agit d'une simple révision de l'ancien Partenariat transpacifique. Les libéraux ont simplement décidé d'ajouter deux mots, ou ils ont réussi à convaincre beaucoup de gens de les ajouter. Lorsqu'ils présentent leurs arguments en faveur de l'accord, les libéraux ont beaucoup recours au pouvoir des adjectifs pour faire briller les avantages qu'aurait cet accord pour les Canadiens.
Le premier mot qui a été ajouté, « global », signifie qu'une chose comprend pratiquement tous les éléments ou tous les aspects qu'elle pourrait comprendre. Quand on y regarde de plus près, on voit que l'accord n'est toutefois pas aussi « global » que les libéraux veulent bien le laisser entendre. Il y a des lacunes considérables du côté des accords sur la main-d'oeuvre et de la protection de l'environnement. Il n'est pas du tout question des droits des Autochtones. Bien que les libéraux s'efforcent de présenter cet accord comme un accord global, les lacunes sont importantes.
Le deuxième mot ajouté est « progressiste ». J'expliquerai en détail, pendant mon discours, que cet accord n'a absolument rien de progressiste et que les libéraux emploient ce mot dans l'espoir de nous leurrer.
Les néo-démocrates sont préoccupés depuis longtemps par le secret qui a entouré les négociations du Partenariat transpacifique et de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Bien que le gouvernement libéral ait promis de faire preuve de transparence en matière d'accords commerciaux, nous n'avons reçu que de vagues mises à jour et des messages contradictoires. Rappelons que, pendant la campagne électorale de 2015, le premier ministre a déclaré ceci:
Le gouvernement a l'obligation d'être ouvert et honnête à propos des négociations. Il doit immédiatement faire connaître tous les détails des accords conclus. Les Canadiens ont le droit de savoir quelles seront les répercussions de cet accord sur les divers secteurs économiques au pays. Le gouvernement fédéral doit tenir parole et défendre les intérêts canadiens au cours du processus de ratification du Partenariat transpacifique, ce qui inclut la défense de la gestion de l'offre, de l'industrie canadienne de l'automobile et des entreprises canadiennes du secteur secondaire dans l'ensemble du pays.
Comme je vais le montrer, ce sont précisément ces secteurs qui subiront les effets néfastes de cet accord. C'est un phénomène que nous observons fréquemment dans cette enceinte. Après avoir fait des déclarations publiques, les libéraux se montrent toujours incapables de joindre le geste à la parole, et ce, de manière très constante.
Je précise, à l'intention des gens de ma circonscription, que l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste est un nouvel accord. Il est un peu plus récent que l'ancienne version. C'est un accord entre l'Australie, Brunéi, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam.
Les négociations en vue de conclure cet accord ont commencé en 2005 et se sont terminées en octobre 2015. Les pays ont commencé à participer aux négociations à des moments différents. Malheureusement, le Canada est arrivé plutôt tardivement, et la députée d'Essex a raison de souligner que, pour cette raison, nous n'avons pas pu être parmi les principaux acteurs des négociations et intégrer à l'accord certaines dispositions importantes.
Jusqu'ici, mes collègues ont beaucoup insisté sur l'importance du libre-échange. Je leur signale que le Canada a déjà des accords de libre-échange avec la Corée du Sud, le Chili, le Pérou et, bien évidemment, le Mexique dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. Certaines des parties à l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, et pas des moindres, ont déjà des accords bilatéraux avec le Canada. Alors en partant, les arguments de mes collègues ne tiennent pas la route.
Cet accord a été signé officiellement par le ministre le 4 février 2016, mais le processus a été perturbé par l'accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis, qui a retiré son pays de l'accord en janvier 2017. En janvier dernier, les 11 pays restants se sont entendus sur une version révisée du PTP, qu'ils ont renommé en y accolant les deux adjectifs dont je parlais à l'instant.
Le gouvernement a toujours fait grand cas des consultations. Or, dans ce cas-ci, elles ont été confiées au Comité permanent du commerce international. Celui-ci a organisé des dizaines de séances. Il a entendu plus de 400 témoins, et au-delà de 60 000 Canadiens lui ont fait part de leurs commentaires par écrit — et je signale au passage que 95 % d'entre eux étaient défavorables à cet accord. Le gouvernement avait promis de consulter la population, mais je le répète, il s'est délesté de cette tâche pour la confier au Comité permanent du commerce international, lequel, comme tous les comités, n'a que très peu de ressources pour tenir les consultations dignes de ce nom auxquelles nous serions en droit de nous attendre quand il est question d'un accord d'une telle ampleur.
Le comité s'est rendu dans différentes collectivités, mais les services de traduction n'étaient pas vraiment satisfaisants, et les témoignages n'ont pas été transcrits pour les besoins du compte rendu. Cela pose un problème, puisque le comité doit compter sur les notes écrites au moment d'évaluer les témoignages. Il importe toutefois de souligner qu'à Montréal, 19 témoins sur 19 s'opposaient à l'accord, et, à Québec, trois témoins sur trois s'y opposaient. Lorsqu'on reçoit 8 000 mémoires et que l'on a du mal à les faire traduire, on ne peut pas affirmer qu'il s'agit d'une consultation constructive. Il aurait mieux valu que l'organe exécutif du gouvernement lance les consultations et utilise les ressources à la disposition des divers ministères pour tenir de véritables consultations auprès de tous les secteurs touchés.
Ce qui m'a le plus étonné, c'est que, sur l'ensemble des mémoires reçus par Affaires mondiales Canada, 18 000 Canadiens nous ont écrit et seulement 0,01 %, soit deux personnes sur 18 000, appuyaient le PTP. C'est un taux de réussite assez épouvantable, si l'on se fie à ces chiffres.
La députée d'Essex a passé la question en revue, mais il est vraiment important de répéter quelles sont les principales préoccupations des néo-démocrates relativement à cet accord. Il n'est pas uniquement question d'échanges commerciaux. Ces accords ont une incidence sur divers secteurs. Nos principales préoccupations ont trait aux normes du travail et aux droits de la personne. Je vais commencer par les normes du travail.
Si on compare les dispositions qui protègent la main-d'oeuvre à celles qui aident les investisseurs, on constate une nette disparité. L'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste oblige le plaignant non seulement à prouver qu'un pays membre a omis de faire respecter ses propres lois du travail, mais aussi à démontrer que l'infraction a eu une incidence sur le commerce. Le fardeau de la preuve est tellement lourd que pas une seule plainte en matière de relation de travail n'a été jugée fondée. Voilà qui est très troublant, car si on y regarde de plus près, on voit que les normes de certains pays membres comme le Vietnam sont très préoccupantes et que le Mexique a commis un certain nombre de violations des droits de la personne. Certains pays ont des normes qui sont très loin de celles auxquelles sont habitués le Canada, l'Australie, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande, et pourtant nous envisageons un accord avec ces pays. Au fond, le Canada les récompense avec des échanges commerciaux sans exiger qu'ils adoptent des normes plus élevées.
Le libellé des dispositions concernant les normes du travail est essentiellement le même que dans l'ancien PTP et, comme je l'ai mentionné en introduction, dénature le terme « progressiste ». Je veux mentionner une décision rendue dans un conflit entre les États-Unis et le Guatemala. Un groupe d'arbitres a conclu qu'aucune des dérogations au droit du travail qui avaient été documentées — y compris le meurtre d'un organisateur syndical — n'avait eu une incidence sur les échanges commerciaux. Si un organisateur syndical dans un de ces pays est assassiné ou tente d'entreprendre une grève en vue d'améliorer les conditions de vie des familles, les arbitres vont fort probablement conclure que le commerce n'a pas été touché et que l'affaire ne concerne pas ce genre d'accord.
Comme je l'ai mentionné, au Mexique, au Vietnam et dans d'autres pays, on a commis certaines violations graves et systématiques des droits du travail et de la personne. Je tiens simplement à souligner que, au Vietnam, en 2011, Human Rights Watch a publié un rapport assez choquant sur la façon dont les toxicomanes dans ce pays doivent essentiellement effectuer des travaux forcés dans le cadre de leur peine. Dans certains cas, des multinationales ont demandé de mettre la main sur les produits de ces travaux forcés. Si ce genre de conditions existaient au Canada, nous serions absolument révoltés. Il s'agit d'une pratique qui appartient au passé, à juste titre, et je crois que la plupart des Canadiens, s'ils en apprenaient l'existence, seraient furieux, avec raison.
On sait qu'il existe des témoignages documentés rendus par des gens se trouvant dans ces camps de travaux forcés. Lorsqu'ils refusent de travailler, ils se font battre ou subissent toutes sortes d'abus. Voilà le genre de choses qui inquiètent les Canadiens. Nous voulons savoir comment les autres pays appliquent les droits du travail et de la personne lorsque nous signons des accords de libre-échange. Ces droits sont importants pour nous. Ils sont importants pour nos valeurs, et nous voulons qu'ils se reflètent dans notre politique étrangère.
L'autre pays sur lequel je tiens à insister est Brunéi, car jusqu'en 2014, l'homosexualité y était illégale et passible d'une peine de 10 ans d'emprisonnement. Toutefois, la loi a changé cette année-là, et l'homosexualité est maintenant passible de lapidation. Brunéi est l'un des pays signataires de l'accord de partenariat. Or, on aime prendre la parole à la Chambre et dire à quel point l'accord de partenariat est progressiste. Pourtant, l'un des pays membres à qui nous donnons accès à l'économie canadienne, Brunéi, a encore une terrible façon de gérer un droit qui est cher aux Canadiens et que nous avons défendu à maintes reprises en tant que parlementaires à la Chambre.
Les Canadiens veulent savoir si c'est le genre de pays à qui nous voulons donner le privilège de faire du commerce avec le Canada. Je suis d'avis qu'un pays dans le monde qui veut commercer avec un pays comme le nôtre, qui veut accéder à notre économie, profiter de notre main-d'oeuvre et de nos produits exceptionnels ainsi que vendre ses produits ici, doit montrer une certaine volonté de défendre les valeurs humaines fondamentales. À mon avis, ce devrait être le point de départ.
Les députés du NPD ne sont effectivement pas d'accord avec cet accord de partenariat, car ce n'est pas qu'une question de commerce. C'est une question de comportements qui existent dans des pays avec qui nous cherchons à bâtir des partenariats.
Je vais passer à d'autres droits, à savoir les droits autochtones et environnementaux. Les changements climatiques sont sans doute le plus grand problème du XXIe siècle, mais ils ne sont mentionnés nulle part. Ils vont avoir des conséquences pour tous les habitants de la Terre. Nous partageons tous la même planète. Comment allons-nous vivre? La façon dont nous relèverons ce défi donnera le ton pour le XXIe siècle. Pour des pays comme le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et le Mexique, qui contribuent grandement aux changements climatiques en raison de leurs émissions, c'était l'occasion parfaite d'agir.
Par ailleurs, étant donné que le gouvernement se plaît à proclamer encore et encore qu'aucune relation n'est plus importante à ses yeux que celle qu'il entretient avec les Premières Nations, pourquoi n'y a-t-il aucune mention des droits des Autochtones dans l'Accord? Tous les pays membres comptent des populations autochtones considérables. Si nous voulons vraiment mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce devrait être le point de départ de nos relations internationales. Nous devrions en faire la promotion et la prendre au sérieux. Je peux dire à mes collègues que les Premières Nations, les Métis et les Inuits de partout au pays ont le gouvernement à l'oeil. Oui, les discours et les engagements sont les bienvenus, mais ils doivent se traduire par des actions concrètes. Nous voyons les libéraux manquer à leurs obligations, encore et encore.
Il suffit de repenser au printemps dernier à la Chambre. C'était formidable de voir le gouvernement libéral joindre les députés néo-démocrates pour garantir l'adoption du projet de loi C-262. Cependant, quand est venu le temps de prendre d'agir concrètement et que nous avons souhaité, par l'entremise de la députée d'Edmonton Strathcona, insérer un libellé dans le projet de loi C-69 qui serait à la hauteur des visées du projet de loi C-262, les libéraux ont rejeté absolument tous les amendements proposés. Je le répète, c'est bien beau les discours et les promesses, mais les Canadiens voudront un jour savoir où sont passées les mesures concrétisant les engagements pris.
Les libéraux parleront abondamment des lettres d'accompagnement qui couvrent une partie de ces questions. Toutefois, comme l'a souligné à juste titre la députée d'Essex, les lettres d'accompagnement ne sont pas exécutoires, à moins qu'on en fasse spécifiquement mention dans le texte même de l'Accord. De plus, si le contenu des lettres d'accompagnement est si important et utile, pourquoi n'a-t-on pas fait l'effort de les inclure dans l'accord principal?
Je veux également aborder la question du règlement des différends entre un investisseur et un État, car il s'agit de l'une des pires choses qui se trouvent toujours dans l'Accord et que nous n'approuvons absolument pas. En donnant aux sociétés le droit de poursuivre les gouvernements locaux dûment et démocratiquement élus, ainsi que les gouvernements provinciaux et, même, le gouvernement fédéral, on crée essentiellement un outil permettant d'entraver la démocratie. Nous croyons que notre capacité à adopter des lois en matière de santé publique ainsi que des lois pour protéger l'environnement au pays doit avoir préséance sur les intérêts des multinationales et sur la possibilité pour ces dernières de contester nos lois, un point c'est tout. Je crois que la plupart des Canadiens sont d'accord avec moi. Il s'agit en fait d'un outil permettant aux grandes entreprises de faire payer les gouvernements qui mettent en place des règlements.
Si on songe à toutes les lois fédérales existantes, à tous les domaines où un ministre a le pouvoir de réglementer, à tous les règlements qui sont modifiés à un moment ou un autre et qui sont publiés dans la Gazette du Canada en vue d'une période de consultation, on peut se demander ce qui se passe derrière des portes closes entre les représentants de l'industrie, ceux de l'industrie internationale et les ministres. Nous menace-t-on de poursuites si nous adoptons tel ou tel règlement? Je crois que bien des éléments tendent à nous le faire croire. Nous savons que les mécanismes de règlement des différends entre un investisseur et un État ont fait exploser le nombre de réclamations contre des États. Au milieu des années 1990, il y en a eu quelques dizaines. Aujourd'hui, nous en sommes à près de 600 cas connus. La tendance n'est pas près de s'inverser, et plus nous ajouterons ce type de dispositions aux accords commerciaux auxquels nous sommes partie, plus les multinationales s'en serviront pour contester le pouvoir démocratique et souverain des gouvernements locaux d'adopter des lois pour protéger les gens qu'ils représentent.
Pour conclure, je vais parler d'agriculture, et plus particulièrement de gestion de l'offre. Je tiens à souligner que les Producteurs de grains du Canada, la Canadian Cattlemen's Association et le Conseil canadien du canola tireront profit de cet accord. J'en suis ravi. Selon les résultats des votes tenus à la Chambre, nous savons que les libéraux et les conservateurs vont appuyer cet accord. Cependant, ce qui me pose un problème, c'est que des ministres libéraux parlent à maintes reprises de défendre la gestion de l'offre. Or, j'ai sous la main des citations provenant des Producteurs laitiers du Canada, des Producteurs de poulet du Canada et des Producteurs d'oeufs du Canada, qui dénoncent à l'unanimité les concessions faites par le gouvernement dans les secteurs soumis à la gestion de l'offre.
Ces secteurs fournissent de bons revenus à des exploitations agricoles familiales qui sont souvent les piliers des petites collectivités comme celles de ma circonscription, Cowichan—Malahat—Langford. Le système de gestion de l'offre leur a permis de résister aux perturbations des cours internationaux ou nationaux. Nos contrôles des importations jouent un rôle clé dans ce système. Cependant, si on commence à nuire aux créneaux spécialisés — alors que les Canadiens ont exprimé le souhait de favoriser la production locale de produits laitiers, d'oeufs et de poulet —, nous affaiblissons des secteurs qui jouent un rôle fondamental dans nombre de régions rurales du pays. J'en ai contre le fait que le gouvernement libéral affirme régulièrement qu'il appuie la gestion de l'offre sans toutefois joindre le geste à la parole.
Les Canadiens s'attendent à mieux lorsque leur gouvernement signe ce genre d'accords commerciaux. Ils s'attendent à ce que nos valeurs guident le gouvernement dans leur négociation et, lorsque le gouvernement parle de normes du travail, de droits de la personne, de normes environnementales et de droits des Autochtones, à ce qu'il aille jusqu'au bout et qu'il y ait un mécanisme pour les faire respecter. Toutes ces choses sont malheureusement absentes de cet accord, qui tourne en ridicule le mot « progressiste ». Pour ces raisons, je vais faire front commun avec le caucus néo-démocrate pour exprimer nos réserves et voter contre cet accord.