Madame le Présidente, merci beaucoup. J'ai le plaisir de me lever encore une fois à la Chambre.
Je vous remercie de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-354, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois).
Je tiens à remercier le député d'Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest d'avoir proposé ce projet de loi. J'ai aimé le temps que nous avons passé ensemble à Kelowna à visiter des librairies. Je crois que nous avons siégé une journée au comité des finances. C'était véritablement un plaisir d'apprendre à le connaître.
Je suis tout à fait d'accord avec l'esprit et l'intention du projet de loi, étant donné que cela s'arrime bien avec les objectifs du gouvernement en vue de soutenir l'industrie forestière canadienne et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
J'ai écouté mon collègue et ami de Trois-Rivières, et je lui reconnais ses qualités de pédagogue. Je reconnais également son romantisme envers l'industrie forestière. Je partage ce romantisme puisque ma propre région, la région de l'Outaouais au Québec, a elle aussi été essentiellement fondée sur l'industrie du bois, les draveurs et les forestiers. Mon collègue a parlé de la CIP et nous avons également une tradition de CIP à Gatineau. Je me suis beaucoup reconnu dans ses propos. Je le remercie de son discours.
J'aimerais tout d'abord parler de ce qui a motivé ce projet de loi, c'est-à-dire le désir de soutenir l'industrie forestière canadienne, ce qui est aussi un objectif du gouvernement.
Il y a peu de pays qui entretiennent un lien aussi fort avec leurs forêts que le Canada. Le secteur forestier a contribué à l'essor du pays et il continue de contribuer considérablement au Canada d'aujourd'hui. Cette industrie a contribué 22 milliards de dollars au PIB du Canada l'an dernier.
Il y a aussi un impact significatif sur plus de 170 municipalités rurales dont les économies sont liées intimement à l'industrie papetière, aux usines de pâtes et papiers et aux autres aspects de l'industrie forestière. L'industrie emploie plus de 200 000 Canadiens.
Cela inclut 9 500 emplois dans des communautés autochtones, ce qui fait de cette industrie l'un des principaux employeurs de travailleurs autochtones.
Tourné vers l'avenir, notre gouvernement est fier de faire sa part, afin d'aider le secteur forestier à innover et à continuer d'être une composante vitale de nos collectivités et de notre économie.
Je me permets également de rappeler que le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques exige la collaboration des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, afin de favoriser un recours accru au bois dans la construction. Cette utilisation accrue sera notamment favorisée à l'aide d'une mise à jour des codes du bâtiment.
Cette approche ne présente pas les mêmes défis en matière de commerce et d'approvisionnement. Le Code national du bâtiment du Canada de 2015 autorise habituellement des constructions en bois d'au plus 6 étages.
Cependant, Ressources naturelles Canada appuie des activités de recherche et développement, afin que les mises à jour du code, en 2020 et 2025, autorisent les bâtiments en bois de 12 étages ou moins.
Ressources naturelles Canada dirige aussi des projets de démonstration, en collaboration avec l'industrie, afin d'encourager l'acceptation des bâtiments de bois en hauteur et de renforcer la position du Canada comme chef de file mondial dans la construction de bâtiments de bois.
J'ai parlé de l'utilisation du bois comme matériau de construction. Je veux maintenant attirer l'attention des députés sur les secteurs où le bois contribue à nos efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un autre élément louable du projet de loi.
Comme nous le savons, le gouvernement s'est récemment engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des flottes et des immeubles fédéraux de 80 % au-dessous des niveaux de 2005 d'ici 2050. À l'appui de la Stratégie fédérale de développement durable, le ministère des Services publics et de l'Approvisionnement augmente la durabilité des opérations gouvernementales au moyen de pratiques de construction écologique et d'autres initiatives. Je suis très impressionné par le travail que font nos fonctionnaires à cet égard.
L'une de ces initiatives est le Programme d'acquisition de services énergétiques, qui est bien connu dans la région de la capitale nationale. Ce programme nous permettra de moderniser le système de chauffage et de climatisation utilisé dans environ 80 immeubles à Ottawa et à Gatineau, y compris un grand nombre des édifices sur la Colline du Parlement et dans ses environs. Cependant, avant la réalisation de ces travaux de modernisation, on mène un projet pilote afin d'évaluer la possibilité d'utiliser des copeaux de bois comme biocombustible. Les résultats de ce projet pilote permettront de déterminer s'il serait possible d'offrir cette option à d'autres installations fédérales de chauffage et de climatisation.
Le ministère des Services publics et de l'Approvisionnement a en fait pris l'initiative d'inclure des considérations environnementales, plus particulièrement en ce qui a trait à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans la conception et l'approbation de ses projets.
Je suis heureux de dire que, afin d'appuyer l'objectif d'un gouvernement à faibles émissions de carbone, Services publics et Approvisionnement Canada est devenu le premier ministère fédéral à mettre en oeuvre un plan national visant à atteindre un bilan de carbone neutre. Par conséquent, le ministère prend maintenant en compte les émissions de gaz à effet de serre dans ses décisions sur les projets immobiliers liés à l'énergie, qu'il s'agisse de nouveaux toits ou de nouveaux systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation.
Bref, nous avons déjà entrepris de nombreuses initiatives dans le cadre des activités immobilières menées au sein de Services publics et Approvisionnement Canada en vue d'appuyer l'utilisation du bois et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Je souhaite donc remercier le député d'Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest d'avoir présenté ce projet de loi, qui constituerait un outil de plus pour atteindre ces objectifs. Cela dit, ce projet de loi entrerait en conflit avec certains principes politiques et certaines obligations bien ancrés et de nature sensible du gouvernement du Canada, et donc des gens du Canada, et il aurait des conséquences peut-être involontaires. Le Comité permanent des ressources naturelles devrait envisager de modifier le projet de loi C-354 tout en maintenant les objectifs généraux pour résoudre les problèmes suivants.
Le projet de loi proposé demande que « le ministre donne la préférence aux projets favorisant l’utilisation du bois, en tenant compte des coûts y afférents et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. »
Même si elle est bien intentionnée, cette disposition pose certains problèmes, et je discuterai de deux d'entre eux en particulier.
Le premier problème concerne l'engagement du gouvernement du Canada à assurer l'équité, l'ouverture et la transparence du processus d'approvisionnement, principes profondément enracinés dans la politique de Services publics et Approvisionnement Canada. Même si les Canadiens veulent sans doute que le gouvernement appuie un secteur aussi crucial que l'industrie forestière — ce que nous faisons —, ils s'attendent aussi à ce que le gouvernement respecte le principe d'équité en matière d'approvisionnement. Dans cette optique, on doit se demander si un ministre qui représente tous les secteurs économiques et tous les Canadiens peut vraiment privilégier un matériau de construction au détriment des autres. Si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, nous nous retrouverions tôt ou tard à débattre de projets de loi semblables visant à privilégier d'autres produits.
Le deuxième problème que je tiens à soulever porte sur l'incidence du projet de loi sur les obligations commerciales du Canada. Il s'agit d'un facteur important en ce qui concerne l'approvisionnement fédéral. Selon l'interprétation et l'application des dispositions du projet de loi C-354, la mesure législative pourrait entrer en contradiction avec les obligations du Canada au titre d'accords commerciaux majeurs, comme l'Accord de libre-échange canadien et l'Accord de libre-échange nord-américain.
Par exemple, l'Accord de libre-échange canadien interdit d'exercer de la discrimination contre les produits ou les services d'une province ou d'une région. Étant donné que le projet de loi C-354 donne la préférence aux projets favorisant l’utilisation du bois, on pourrait y voir de la discrimination contre les régions qui ne produisent pas de bois.
On pourrait aussi conclure que le projet de loi indique la spécification technique en termes de « conception ou de caractéristiques descriptives » plutôt qu'en « termes de performances et d'exigences fonctionnelles », ou qu'il fait référence à un type précis de matériau excluant tout autre choix. Par conséquent, on pourrait juger que cette situation crée « des obstacles non nécessaires au commerce » au titre du paragraphe 1 de l'article 509 de l'Accord de libre-échange canadien.
L'ALENA interdit aussi les spécifications techniques ayant pour but ou pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce.
Il ne s'agit même pas d'une liste exhaustive de conséquences commerciales possibles.
En même temps, n'oublions pas que le gouvernement est déjà un important consommateur de produits du bois pour ce qui est de ses immeubles. La politique de Services publics et Approvisionnement Canada oblige les entrepreneurs à proposer des matériaux qui satisfont aux besoins d'un projet, dont les critères de durabilité et de rendement, et qui respectent le Code national du bâtiment du Canada.
En plus d'être élégant, le bois est un matériau de construction solide, résistant, écologique et durable. Environ 15 % des dépenses annuelles moyennes de 160 millions de dollars de Services publics et Approvisionnement Canada pour l'aménagement et la finition intérieure sont engagées pour des produits du bois.
Même si le projet de loi C-354, dans sa forme actuelle, présente des défis d'ordre pratique, ses objectifs sont louables. Moyennant la collaboration de tous les députés de la Chambre, le projet de loi pourrait être amendé pour éviter d'aller à l'encontre de principes et de politiques fédérales établis depuis longtemps. Le gouvernement du Canada est déterminé à laisser aux générations futures de Canadiens un pays durable et prospère.
Par conséquent, j'encourage les députés à appuyer le renvoi du projet de loi au comité pour qu'il puisse y être étudié en profondeur et amendé.