Monsieur le Président, même si j'aimerais bien pouvoir éclaircir ce point pendant les 20 prochaines minutes, nous devons débattre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Je pense qu'il s'agit de la dernière occasion que j'aurai d'en parler — et même mes collègues se réjouissent de ce fait.
Il s'agit d'un accord très important, tant pour la prospérité du Canada que pour la prospérité de l'Union européenne. Il arrive au moment important où nous avons des discussions internationales plus larges au sujet du commerce.
Voyons les faits. C'est un accord commercial qui pourrait faire augmenter de 20 % les échanges bilatéraux entre le Canada et l'Union européenne et injecter 12 milliards de dollars annuellement dans l'économie canadienne. Ce serait équivalent à une augmentation de 1 000 $ du revenu de la famille moyenne canadienne ou encore à l'ajout de près de 80 000 emplois dans l'économie du Canada. Les effets sont considérables et directs. Les gens qui suivent le débat de chez eux doivent savoir que l'augmentation de 1 000 $ du revenu de la famille moyenne canadienne résulterait de l'activité économique accrue qu'entraînerait cet accord. La prospérité qui découlerait de cet accord commercial est un net avantage, mais il y en a d'autres.
Avant de parler des avantages de l'Accord pour le commerce, je tiens d'abord à répondre à certains des arguments que j'ai entendus à la Chambre tout au long du débat sur cet accord, mais aussi dans le cadre de débats sur d'autres accords. Qu'est-ce que les gens reprochent à cet accord commercial, et comment pouvons-nous ou devrions-nous répondre à ces arguments?
Nous entendons cinq principales critiques à l'égard du commerce de la part de différents partis à la Chambre et d'autres intervenants. Nous avons entendu des préoccupations au sujet des dispositions investisseur-État. Certains ont dit que nous ne devrions pas signer de grands accords commerciaux multilatéraux et que le Canada devrait plutôt se concentrer sur des accords commerciaux bilatéraux, ce que prône notamment le NPD. Nous avons entendu déclarer qu'un tel accord mettrait des emplois en danger. Nous avons entendu des gens parler de la balance commerciale. Certains ont aussi dit que le commerce est une bonne chose, mais qu'il doit être équitable. J'aborderai tour à tour chacun de ces points qui, sans toujours être des critiques, restent des arguments généralement avancés par ceux qui sont plus critiques à l'égard du commerce.
Tout d'abord, concernant la question des dispositions investisseur-État, certaines personnes critiquent le fait que les accords commerciaux comportent nécessairement un processus de règlement des différends. Lorsqu'une entreprise ou un particulier a l'impression que les promesses faites dans un accord commercial ne sont pas respectées, quelqu'un doit trancher. C'est ce processus qui sert de signal d'alarme aux détracteurs du libre-échange et leur fait dire que les accords commerciaux permettent aux entreprises privées de poursuivre le gouvernement.
Mettons cette critique du libre-échange en contexte. Nous savons tous qu'une société libre est une société où les gouvernements et les habitants sont tenus de respecter la loi. Or, la loi ne permet pas seulement à l'État d'avoir le contrôle sur la société, mais également de lier chaque acteur, qu'il soit d'ordre gouvernemental ou non, au sein d'une même société. Il y a un processus bien précis à suivre pour changer les lois, et le gouvernement doit le suivre lui aussi. Cette notion que la primauté du droit articule notre vie de toutes les façons possibles, même en ce qui ne concerne pas les accords commerciaux, puise ses racines dans nos très anciennes traditions constitutionnelles, ainsi que dans les théories du droit naturel. Le gouvernement lui-même doit observer la loi.
Même sans accord commercial, les particuliers, les entreprises et les groupes de la société civile ont la possibilité d'intenter des poursuites judiciaires contre le gouvernement afin d'obliger celui-ci à respecter la loi. Cela fait partie de la primauté du droit. Le fait que le gouvernement est tenu de respecter la loi est un élément central d'une bonne société. Dans le contexte des accords commerciaux, bien entendu, ceux-ci imposent au gouvernement certaines obligations.
Les gouvernements promettent de respecter les dispositions des accords commerciaux. Pour que l'accord veuille dire quelque chose, qu'il ait une certaine force, il est nécessaire de prévoir un mécanisme permettant à ceux qui estiment subir des préjudices lorsqu'un gouvernement ne respecte pas les dispositions de l'accord de faire appel à la justice pour contester le comportement du gouvernement en question.
Cela explique pourquoi les accords commerciaux doivent comporter un processus de règlement des différends. Il faut permettre aux entreprises, aux particuliers et aux groupes de la société civile de poursuivre le gouvernement si ce dernier ne respecte pas les dispositions de l'accord et que cela leur cause des préjudices. C'est la raison pour laquelle les accords commerciaux ont de telles dispositions. Les gouvernements doivent être tenus de respecter leurs obligations. Ils doivent respecter la loi, comme vous et moi.
Je peux comprendre qu'une personne soit contre telle ou telle disposition d'un accord commercial donné, même si je crois que, dans l'ensemble, le présent accord est très avantageux. On peut être contre certains éléments précis d'un accord commercial, mais, selon moi, on ne peut être en désaccord avec la mise en place d'un processus de règlement des différends visant à contraindre les gouvernements à respecter les normes établies dans l'accord. Pour qu'un accord commercial ait une valeur, il doit comprendre un processus de règlement des différends obligeant les parties à respecter les engagements pris dans l'accord. C'est ce qui rend les dispositions investisseur-État si importantes. Certains députés d'ici et d'ailleurs qui critiquent surtout cet aspect des différents accords commerciaux conclus par les gouvernements de par le monde devraient y réfléchir davantage.
La deuxième critique que nous avons entendue a été formulée par les députés du NPD. Ils disent qu'ils sont prêts à appuyer certains accords bilatéraux, mais ils sont généralement méfiants ou sceptiques à l'égard des accords commerciaux multilatéraux. Je sais qu'ils ont appuyé l'Accord de libre-échange Canada-Corée et qu'ils appuient, du moins pour l'instant, l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine. Ils ont toutefois insisté, dans leurs questions et leurs observations, sur le fait que ce sont des accords commerciaux bilatéraux et non des accords commerciaux multilatéraux. Leur insistance sur ce point me laisse perplexe, car j'ai de la difficulté à voir une véritable différence entre les deux types d'accords.
De toute évidence, un type d'accord touche à plus de pays que l'autre. Cependant, sur le plan philosophique, un accord commercial multilatéral permet d'obtenir plus rapidement l'accès aux marchés d'un plus grand nombre de pays. Il permet de concrétiser l'objectif d'accéder à plus de marchés et de donner aux Canadiens une plus grande liberté économique plus rapidement. Le processus de négociation d'un accord commercial multilatéral peut être plus long et plus complexe, mais il n'existe aucune raison fondamentale d'appuyer les accords commerciaux bilatéraux et non les accords commerciaux multilatéraux.
Je tiens aussi à souligner que, en décidant de tourner le dos aux accords commerciaux multilatéraux, on écarte concrètement ainsi la possibilité d'effectuer des échanges commerciaux avec certains groupes de pays qui ont déjà conclu des accords commerciaux interdisant aux pays signataires de conclure des ententes bilatérales individuelles.
Dans l'Union européenne — puisque c'est d'elle que nous parlons aujourd'hui —, un seul pays ne peut pas conclure un accord commercial bilatéral avec le Canada, parce que les conditions de l'Union prévoient que c'est à elle, comme entité collective, de signer tout nouvel accord.
L'idée du NPD d'accepter les accords commerciaux bilatéraux aurait comme effet d'éliminer les occasions d'affaires avec de grands blocs régionaux. Le hic, c'est que blocs commerciaux régionaux sont de plus en plus nombreux; cette attitude risque donc de limiter la capacité du Canada de multiplier ses rapports économiques avec d'autres pays. D'après moi, nous devrions ratisser large et viser des accords commerciaux qui englobent le plus de pays possibles pour étendre la prospérité et la liberté dans le monde.
Même si elle n'est généralement pas formulée de cette façon, la troisième critique que nous avons entendue de la part de certaines personnes au cours de ce débat est que les accords commerciaux mettent les emplois en péril. Ces personnes disent plutôt que, dans un secteur en particulier, nous allons exposer les emplois à la concurrence et que c'est ce qui les fera disparaître.
Bien entendu, ce n'est pas parce qu'on ouvre la porte à la perspective d'échanges et de concurrence qu'on perd nécessairement des emplois dans un secteur donné. La concurrence est peut-être une façon de réunir dans le secteur les conditions propices à l'amélioration, à la création d'emplois, aux améliorations technologiques et à d'autres choses qui sont avantageuses pour les consommateurs.
Quelle est la solution de rechange au libre-échange? Peut-être qu'on peut comprendre l'attrait du protectionnisme, de l'érection de barrières commerciales pour éviter à une industrie d'avoir à concurrencer celles d'autres pays. Or, à long terme, le protectionnisme ne crée pas d'emplois, il les détruit parce que, lorsqu'on limite l'accès aux marchés d'une industrie, les investissements qui auraient pu être faits ici sont faits ailleurs. À long terme, les nouveaux investissements effectués dans un environnement protectionniste ne créent pas d'emplois dans l'avenir.
De ce côté-ci de la Chambre, le Parti conservateur pense non seulement aux entreprises et aux emplois qui existent aujourd'hui, mais aussi aux entreprises et aux emplois qui n'existent pas encore, mais qui le pourraient dans les bonnes conditions. Quand on va de l'avant avec un solide plan commercial, c'est dans le but, oui, d'avantager les consommateurs et les entreprises en leur donnant accès à de nouveaux marchés, mais aussi de donner la chance à des entreprises qui n'existent pas encore de voir le jour.
Cet accord permettrait au Canada de favoriser considérablement la création d'entreprises. Nous aurions un accès préférentiel aux marchés des États-Unis et de l'Union européenne. J'ajoute même que, si le gouvernement s'engage dans cette direction, le Canada pourrait aussi accroître ses échanges commerciaux avec les grandes économies et les démocraties de l'Asie-Pacifique qui partagent ses vues. C'est une occasion en or.
Cela dit, le Canada s'ouvre à la concurrence commerciale, mais il ne doit pas prendre de mesures qui nuisent à la compétitivité de sa propre industrie. Je crains que le gouvernement libéral ne prenne des mesures qui nuisent à la compétitivité du Canada, comme les nouvelles taxes et les nouveaux impôts, la taxe sur le carbone, l'augmentation des charges sociales, l'abolition du crédit à l'embauche pour les petites entreprises, la hausse du fardeau fiscal des petites entreprises.
S'il est vrai que les mesures fiscales qu'impose le gouvernement font courir des risques à l'économie et nuisent à la compétitivité du pays, de façon générale, l'ouverture du Canada à la concurrence et aux retombées commerciales sera tout de même avantageuse et créera des emplois à long terme. Les barrières protectionnistes ne favorisent pas l'investissement ni la création d'emplois. En fait, le protectionnisme fait perdre des emplois.
L'un des autres points que nous entendons de la part de ceux qui critiquent le libre-échange, c'est qu'il faut faire très attention à la balance commerciale. Il ne faut surtout pas accuser de déficit commercial et il faut toujours essayer d'avoir plus d'exportations que d'importations. Soyons bien clairs sur l'objectif du commerce. Fondamentalement, l'objectif du commerce est d'améliorer le niveau de vie et la qualité de vie de la population canadienne.
Certaines personnes pensent encore que le commerce est ce qu'il était au XVIIe siècle, c'est-à-dire une espèce d'économie mercantiliste où la seule chose qui compte, c'est le rapport entre les exportations et les importations. Nous avons entendu ces critiques, du gouvernement même, disant que nous avons un déficit commercial et que c'est catastrophique, même si on ne sait pas trop pourquoi. En réalité, contrairement à un déficit budgétaire, un déficit commercial n'a pas besoin d'être remboursé. Dans tout système d'échange économique, il y aura des moments où une entité fait davantage d'importations que d'exportations, et vice versa.
Enfin, j'aimerais parler de la question du commerce équitable. Dans le dossier du commerce, il arrive souvent que des gens se disent en faveur du libre-échange, mais qu'ils s'interrogent sur le commerce équitable. Lorsque des États participent à des négociations commerciales, ils ne déterminent pas eux-mêmes quels produits feront l'objet d'échanges commerciaux. Ils ne fixent pas les prix ni les modalités commerciales qui s'appliqueront entre les pays. Ils négocient plutôt dans le but de favoriser les échanges commerciaux entre les acteurs privés des pays visés. Évidemment, il appartient à ces acteurs privés de faire du commerce et des échanges qu'ils perçoivent comme étant dans leur intérêt. Les gens ne participent pas à des échanges qui ne leur sont pas avantageux. C'est clairement le cas dans les interactions normales.
À l'échelle internationale, les gens se demandent souvent si le commerce est équitable et qui sort gagnant de tel ou tel accord commercial. J'ai déjà fait valoir cet argument. Quand je vais à l'épicerie, qui sort gagnant de la transaction? Est-ce moi ou le magasin? En fait, les deux en sortent gagnants. Le magasin obtient mon argent et, en échange, j'obtiens les produits dont j'ai besoin. Dans les échanges qui profitent aux deux parties, on ne se demande pas qui sont les perdants et les gagnants; tout le monde en sort gagnant.
Par conséquent, lorsqu'un gouvernement participe à des négociations commerciales, il ouvre la porte à un échange qui est susceptible de profiter à des personnes dans chacun des pays visés. Dans certains cas, par exemple en l'absence de mécanismes appropriés en matière de protection de l'environnement ou des droits des travailleurs, l'accord négocié donne lieu à des situations inéquitables. En général, cependant, comme ces accords n'entraînent pas d'échanges commerciaux obligatoires, il n'y a pas lieu de craindre que, par exemple, un accord entre le Canada et l'Union européenne crée des situations inéquitables. Nous accordons à des particuliers et à des entreprises privées la liberté d'entretenir des relations commerciales qui leur sont avantageuses, tant à eux qu'à leurs clients et aux gens avec lesquels ils échangent des services ou des produits.
J'espère que, pour les députés des autres partis qui écoutent, je saurai répondre à nombre des principales critiques qu'on entend sur les accords commerciaux, des critiques concernant les dispositions investisseur-État, les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux, l'emploi, la balance commerciale et les questions d'équité.
Si je puis me permettre, durant le temps qui m'est imparti, je vais faire quelques commentaires sur l'avenir de notre programme en matière de commerce.
Je félicite le gouvernement de prendre des mesures pour mettre en oeuvre plusieurs initiatives commerciales qui ont été lancées par le gouvernement précédent et, dans le cas du présent accord, qu'il avait signé. C'est tout à l'honneur des libéraux d'aller de l'avant avec un accord commercial dont ils ont hérité.
Par ailleurs, ils ont aussi hérité du Partenariat transpacifique, mais ils se traînent les pieds dans ce dossier, qui n'a pas avancé. Bien entendu, les signaux que nous recevons de l'administration américaine laissent planer l'incertitude. Quoi qu'il fasse, il est capital que le gouvernement montre l'exemple pour le commerce dans la région Asie-Pacifique. Il existe une énorme possibilité pour le Canada d'élargir son activité économique dans cette région. La logique la plus élémentaire voulant qu'il soit dans notre intérêt de miser sur nos relations dans la région du Pacifique demeure. C'est important, car nous devons conclure des accords commerciaux avec des pays démocratiques aux vues similaires comme le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, des pays qui ont les mêmes valeurs que nous, et nous devons nous en servir pour définir les conditions des échanges commerciaux d'une manière qui soit conforme avec la primauté du droit dans cette région. C'est pour nous une occasion et nous devons prendre les devants et parler clairement de la valeur de ces échanges.
Il faut travailler avec les Étatsuniens pour continuer de les mobiliser à la libéralisation des échanges dans la région Asie-Pacifique également. J'ai toujours été un grand partisan du Partenariat transpacifique et je continuerai de l'être. Peu importe la manière dont nous progresserons, j'encourage le gouvernement non seulement à aller de l'avant avec certains des accords que nous avons signés, mais aussi à entreprendre de nouvelles initiatives commerciales qui tiennent compte des nouveaux enjeux et des nouvelles réalités, et à tenir compte des débouchés et des besoins dans la région Asie-Pacifique en particulier.
Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, on connaît les avantages du libre-échange et en particulier de cet accord. On évalue qu'il pourrait rapporter annuellement 12 milliards de dollars à l'économie canadienne. C'est l'équivalent d'ajouter 1 000 $ au revenu familial moyen et près de 80 000 nouveaux emplois à l'économie du pays. Pour ce faire, il faut exposer l'industrie actuelle à la concurrence, et il faut offrir aux consommateurs la chance d'accéder à des échanges commerciaux beaucoup plus vastes. Ainsi, personne n'y perd, car le Canada et l'Europe prospèrent et se renforcent ensemble.
J'espère que nous irons de l'avant avec l'Accord et qu'on assistera à l'élaboration continue de nouvelles initiatives commerciales qui permettront au Canada de parvenir à une prospérité commune avec d'autres pays également.