Monsieur le Président, je suis fier de prendre la parole à la Chambre des communes pour débattre du projet de loi C-235, qui vise à modifier le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
C'est un projet de loi qui porte sur la prise en compte de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, ou ETCAF, dans le système de justice pénale pour mieux répondre aux besoins de la société.
Il est incroyable qu'aujourd'hui, en 2016, nous enfermions encore des gens qui souffrent d'une maladie mentale et que nous ne tenions pratiquement pas compte des répercussions de leur incarcération sur leur état ou des résultats à long terme de cette pratique. Nous parlons plus précisément, dans le cas de ce projet de loi, de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, des résultats obtenus par le système de justice pénale et de la réadaptation souhaitable de nos concitoyens.
À Winnipeg, j'ai eu le grand privilège de rencontrer des jeunes qui sont affectés par l'ETCAF et qui veulent apporter quelque chose à la société. FASD Life's Journey, un organisme de Winnipeg-Centre, s'efforce de les aider en leur offrant de la formation et de l'aide pour qu'ils réussissent à éviter les écueils de la vie.
L'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale s'attaque au système nerveux central. Les symptômes comprennent des difficultés d'apprentissage, des difficultés dans les interactions sociales, des comportements impulsifs et débridés aux conséquences néfastes, ainsi que des problèmes de mémoire.
J'ai discuté avec ces jeunes de politique et de ce que nous faisons ici à la Chambre. C'était le mois dernier. J'ai également eu l'occasion de les voir travailler avec les tambours et utiliser des techniques traditionnelles autochtones de guérison afin d'améliorer leur vie. Ils jouaient du tambour avec une telle passion. Ils vivaient réellement dans le moment présent. C'est comme s'il n'y avait pas de lendemain. Ils ne pensaient pas aux prochains moments. Seul comptait le moment présent.
Ils ont chanté Gitchi Manitou Makwa, une chanson portant sur l'esprit du grand ours, et c'était magnifique. J'étais fier de chanter avec eux.
J'ai eu l'occasion de lire le rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel. On y lit que janvier 2016 a marqué un triste jalon, puisque 25 % de la population carcérale dans les pénitenciers fédéraux était autochtone, et 35 % des femmes incarcérées étaient autochtones. De 2005 à 2015, la population carcérale fédérale a augmenté de 10 %. Pendant cette même période, la population carcérale autochtone a augmenté de 50 %.
Tous les députés sont au courant de ces statistiques. Cette décennie en a été une de noirceur. Nous avons commencé, dans notre société, à accepter le fait d'emprisonner des personnes qui souffrent et de les laisser en prison à tout jamais. Ce sont des personnes comme James, que j'ai rencontré à la Société John Howard. James a fait de nombreux séjours en prison au cours de sa vie adulte. En tant qu'homme autochtone, il n'avait jamais reçu aucun soutien, mais il en reçoit maintenant de la part de la Société John Howard. C'est un homme qui est atteint de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale. Il fait partie de ma famille. Il fait partie de toutes nos familles. C'est mon frère. Je crois qu'il peut, lui aussi, devenir un membre productif de notre société.
Le projet de loi a été présenté par le député de Yukon. Je suis très fier du travail qu'il a accompli. Le projet de loi compte quatre recommandations, qui ont été formulées par l'Association du Barreau canadien. Cette association représente des milliers d'avocats qui traitent tous les jours avec des personnes atteintes de tels troubles.
Premièrement, le projet de loi permettrait aux tribunaux d'exiger par ordonnance qu'une évaluation soit faite afin de déterminer si la personne accusée d’un crime est atteinte de l'ETCAF. Deuxièmement, si l'ETCAF est avéré, le juge pourrait l'invoquer dans certains cas comme circonstance atténuante. Troisièmement, le projet de loi prévoit l'ajout de l'ETCAF à la liste des besoins spéciaux dont doivent tenir compte les établissements correctionnels. Quatrièmement, et c’est là le point le plus important, les délinquants atteints de l'ETCAF devraient suivre un plan de soutien externe lorsqu’ils quittent la prison, de façon à ce qu’ils ne récidivent pas immédiatement et ne manquent pas de rendez-vous avec l’agent de probation. Comme le disent souvent les juges, il faut éviter qu’ils se retrouvent dans la porte tournante d’un système défaillant et qu’ils finissent dans la circonscription que je représente, où ils engorgent malheureusement le système de justice.
Le 18 décembre 2015, la Commission de vérité et réconciliation a publié son rapport final intitulé « Honorer la vérité, réconcilier l’avenir ». Le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre en oeuvre toutes les recommandations que contient ce rapport. Ce sont des objectifs importants, mais aussi très ambitieux.
Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation touchent également le système correctionnel. Je me permets de les lire:
1. Élimination, au cours de la prochaine décennie, de la surreprésentation des Autochtones incarcérés et des jeunes Autochtones en détention.
2. Établissement de sanctions communautaires réalistes qui offriront des solutions de rechange à l’incarcération des délinquants autochtones et le ciblage des causes sous-jacentes du comportement délinquant.
3. Élimination des obstacles à la création de pavillons de ressourcement additionnels pour détenus autochtones au sein du système correctionnel fédéral.
4. Autorisation des dérogations aux peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les délinquants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisation foetale (TSAF).
5. Réduction du taux de victimisation criminelle des Autochtones.
Voilà ce que nous avons promis pendant la campagne électorale. Voilà ce que j’ai promis pendant la campagne électorale. Le projet de loi permet de changer énormément les choses et fait beaucoup pour rendre le système mieux adapté aux besoins de ces personnes.
On m’a dit que le projet de loi inquiète certains ministres de la Justice provinciaux. Ceux-ci ne doivent pas oublier les termes de leur titre, soit « ministre de la Justice ». À ce titre, ils doivent rendre justice à tous les Canadiens. Il est injuste que des jeunes atteints de troubles causés par l'alcoolisation foetale ne reçoivent pas l’appui communautaire dont ils ont besoin lorsqu’ils finissent en prison à cause de tous les mauvais choix qu’ils ont faits pendant leur vie.
Nous devrions tout faire pour que les plus vulnérables de nos concitoyens n'aboutissent pas en prison faute de ressources, de temps, d'efforts ou d'argent ou encore à cause de l'incurie crasse de la bureaucratie et de la rigidité du système.
J'ose espérer que le gouvernement appuiera cette mesure législative. J'ose aussi espérer que mes collègues parlementaires entendront l'appel du député de Yukon et reconnaîtront son excellent travail, d'abord parce qu'il est important en soi, mais surtout parce qu'il nous rapproche un tant soit peu des 94 recommandations de la Commission de vérité et réconciliation et que ce chemin, nous pouvons l'emprunter dès aujourd'hui. Mettons-nous au travail sans plus tarder.
Tapwe akwa khitwam.