Monsieur le Président, je vous remercie de me donner le temps de me prononcer sur le projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce.
D'entrée de jeu, je tiens à dire que nous allons appuyer ce projet de loi qui modifie grandement la loi actuelle sur le divorce. Les néo-démocrates appuient les objectifs déclarés de ce projet de loi sur la justice familiale, en particulier la promotion de l'intérêt supérieur de l'enfant et la prise en compte de la violence familiale dans les décisions concernant les ententes parentales.
Cette loi n'a pas été modifiée depuis 20 ans et, bien que nous n'attendions pas du tout ce projet de loi, je dois avouer qu'il était temps de réformer la Loi sur le divorce. Mes collègues et moi avons lu avec attention les 190 pages de ce projet de loi. Nous sommes heureux de voir que ce qui prime au fond, c'est l'intérêt de l'enfant.
J'étais aussi ravie d'entendre la ministre de la Justice dire que ce projet de loi devra s'appliquer au cas par cas, puisque chaque divorce est différent, chaque situation est différente et chaque couple a son histoire.
Nous sommes d'avis que nous devons continuer d'étudier ce projet de loi avec des experts et des témoins dans le but de l'améliorer, parce qu'il y a toujours matière à amélioration, et nous avons des propositions à faire au gouvernement en ce sens. Nous sommes d'avis qu'en continuant d'étudier ce projet de loi et en consultant les experts, nous aurons une perspective précise et juste.
En discutant avec des professeurs titulaires de facultés de droit, avec des avocates et des avocats, avec des parents divorcés et avec d'autres experts, nous avons eu le même écho chaque fois: il faudra voir comment l'application sera faite par les juges. C'est d'ailleurs le même son de cloche entendu de la part de l'avocat manitobain Me Lawrence Pinsky, qui mentionnait en entrevue à la CBC qu'il était trop tôt pour mesurer adéquatement les répercussions qu'aurait ou qu'aura la présente loi. Me Pinsky mentionne lui aussi que tout dépendra de l'interprétation que feront les juges de la présente loi, avis que nous partageons aussi.
Concernant le plan parental proposé dans ce projet de loi, une professeure titulaire de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa mentionne que de vouloir considérer un plan parental négocié est certes une excellente idée, dans la mesure où on n'impose pas un tel plan systématiquement, puisque cet aspect ne doit pas devenir un empêchement à obtenir une ordonnance de la cour dans les cas où il est difficile de négocier ou dans tous les cas il ne peut être utilisé lorsqu'il y a des situations de violence.
Elle ajoute que l'ajout de critères pour mieux définir l'intérêt de l'enfant est en quelque sorte une codification des critères pris en considération dans la jurisprudence. Toutefois, il faut garder à l'esprit l'intérêt de l'enfant dans sa globalité, au cas par cas, afin d'éviter que la liste ne soit pas qu'une série de critères à vérifier sans plus de réflexion. Il faut toujours garder à l'esprit que cette liste n'est pas et ne peut être exhaustive.
Nous sommes aussi d'avis qu'il faut considérer en tout temps l'intérêt supérieur de l'enfant. En ce sens, nous souhaitons voir une disposition qui inclut une représentation pour l'enfant. Nous suggérons donc que soit incluse dans la loi une prérogative afin que l'enfant soit représenté par son propre avocat et que des services et des ressources soient disponibles pour celui-ci en cas de besoin. Quand je parle de ressources, je parle de soutien psychologique, car comme on le sait, un divorce cause des soubresauts dans la vie des familles, et l'enfant qui se retrouve au coeur de ce conflit doit lui aussi, à notre avis, être représenté afin que ses intérêts soient eux aussi mis en avant.
Lors du dépôt de ce projet de loi la session dernière, le gouvernement disait que, dans sa décision, le tribunal devrait aussi prendre en compte les points de vue et les préférences des enfants. Il faut donner les moyens aux enfants d'exprimer leurs points de vue, leurs préférences, leurs craintes et leurs sentiments. Nous espérons sincèrement placer l'enfant au coeur de tout ce processus et nous assurer que sa voix sera elle aussi entendue, prise en compte et respectée.
Dans le même ordre d'idées, l'ancienne sénatrice Landon Pearson mentionne ceci:
Lorsque des parents se séparent, la vie de leurs enfants est changée pour toujours. Les parents, les membres de la famille et les professionnels qui interviennent auprès des enfants ont la responsabilité d'assurer que le changement se fait autant que possible en douceur. Les enfants ont le droit de recevoir des soins et d'être protégés contre la violence et un stress émotionnel excessif. Ils ont également le droit de maintenir des relations importantes pour eux et d'exprimer leurs opinions. Ce n'est que lorsque ces droits et tous les autres droits qui leur sont garantis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant sont respectés que les enfants pourront accepter leur nouvelle situation et s'y adapter.
Ces sages propos mettent en lumière à quel point il est important de protéger l'enfant, mais surtout de le laisser exprimer ses émotions, émettre ses opinions. Pour nous, il est donc important que cet enfant ait lui aussi une représentation juste lorsque besoin est. Rappelons que Mme Landon Carter Pearson a été nommée au Sénat en 1994 et a pris sa retraite en 2005. Nous en parlons donc depuis longtemps. La sénatrice Pearson a occupé la fonction de vice-présidente du Comité permanent des droits de la personne.
L'accès pour les familles à une représentation juste et équitable est parfois limitée de façon indue, et des solutions en cour pour l'aide familiale dans un contexte de garde partagée d'enfant sont rarement faites de manière juste, proportionnelle ou économique.
Prenons par exemple quelqu'un qui fuit une situation d'abus, de contrôle ou de violence conjugale. Cette personne souvent fuit simplement le conflit en évitant le contact avec l'autre parent. Le résultat, c'est qu'il y a plusieurs enfants qui ne reçoivent pas — et par la bande des parent qui ne paient pas — les pensions alimentaires dues à des situations et besoins changeants.
Les mesures incluses dans le projet de loi C-78 sont un pas dans la bonne direction, mais il se peut qu'il n'assure pas adéquatement le paiement des pensions alimentaires dans un contexte de garde partagée d'enfant.
À cet égard, l'avocate Me Jenny Woodruff mentionne que, dans le projet de loi C-78, il aurait été judicieux de s'assurer que la pension qui est versée aux parents est appropriée et que le projet de loi C-78 n'aborde pas ceci.
En effet, il est important de s'assurer que les montants qui sont versés sont adéquats. Puisque le gouvernement prétend qu'un des buts du projet de loi C-78 est de réduire la pauvreté infantile, cet enjeu devra être révisé pour le bien-être de l'enfant et pour s'assurer que le parent, dans une situation comme je viens de décrire, puisse recevoir la pension alimentaire qui revient à son enfant.
Saluons le fait que parmi les changements de ce projet de loi, le gouvernement veut être en mesure de partager et de transmettre davantage de renseignements fiscaux aux entités provinciales sur les parents qui refusent de divulguer leur revenu.
À l'heure actuelle, les données transmises par l'Agence du revenu du Canada ne donnent aux cours provinciales que des informations de base comme le nom et l'adresse du parent de même que le nom de son employeur. Cette mesure permettra de bien évaluer la situation du parent qui, parfois, tente d'éviter une pension alimentaire. Rappelons ici que, bien que la Loi sur le divorce relève de notre Parlement et donc du fédéral, ce sont les provinces qui sont responsables de l'exécution et de l'application des ordonnances alimentaires. Il faut donc donner un plein appui aux provinces, afin qu'elles puissent s'assurer que les pensions alimentaires sont bien versées.
Un autre élément que je souhaite mettre en lumière est que ce projet de loi vise aussi à mieux réglementer le déménagement des parents ou des enfants après le divorce, d'abord en obligeant un parent à aviser l'autre parent de son désir de déménager et en donnant aux tribunaux des critères pour décider si le déménagement est dans l'intérêt de l'enfant et devrait être autorisé.
C'est certes une bonne idée, mais il faut faire preuve de prudence face à une telle décision. J'y reviendrai, parce que ce point a été mis en lumière par un organisme de ma circonscription, et je trouve important de reconnaître le travail de Mme Céline Coulombe de La Clé sur la porte, une maison d'hébergement pour femmes et enfants victimes de violence. Mme Coulombe a une expertise fine dans le domaine du travail fait auprès des femmes qui vivent des situations de violence conjugale. Elle mentionnait que, certes, ce projet de loi met en place des balises importantes et apporte son lot de mesures nécessaires, mais il faut être prudent et faire preuve de discernement, lorsque nous sommes dans une situation aussi délicate que le harcèlement et la violence conjugale.
Bien souvent, quand de telles situations surviennent, la victime cherche à fuir son agresseur et parfois dans une autre ville, voire même une autre province. Il faut s'assurer que dans de tel cas les tribunaux feront preuve de diligence et de discrétion, dans le but certes de protéger l'enfant et la victime.
Je prends la peine de le mentionner, parce que dans le projet de loi, on lit ceci:
La personne ayant du temps parental ou des responsabilités décisionnelles à l’égard d’un enfant à charge qui entend changer de lieu de résidence ou changer celui de l’enfant avise de son intention toute autre personne ayant du temps parental, des responsabilités décisionnelles ou des contacts avec l’enfant en vertu d’une ordonnance de contact.
Dans l'actuel projet de loi, on peut lire ceci:
Lorsqu’il examine [...] les effets de la violence familiale, le tribunal tient compte des facteurs suivants:
a) la nature, la gravité et la fréquence de la violence familiale, ainsi que le moment où elle a eu lieu;
Tout cela est bien suggestif. Je comprends bien que, dans l'actuel projet de loi, tout est à la discrétion des tribunaux, mais il faut être très vigilant, afin de s'assurer en tout temps de la sécurité de l'enfant et du parent qui fuient une situation jugée risquée.
Je dis donc qu'il faudra être très vigilant.
Je suis fière des organismes de ma circonscription qui font un travail incroyable au quotidien dans le cadre de divorces et pour les femmes victimes de violence conjugale. Le Petit pont, un organisme communautaire présent à Saint-Hyacinthe et à Longueuil, permet la création et le maintien du lien parent-enfant dans un milieu neutre, familial et harmonieux en contexte de séparation ou de conflit. L'intérêt de l'enfant et sa sécurité, tant physique que psychologique, sont les priorités de l'organisme.
Le Petit pont intervient hors du domicile des parents pour ne laisser aucune place aux interprétations et pour que chacun soit traité de façon équitable par des professionnels. Parents et enfants reçoivent des services de supervision des droits d'accès, ainsi que des services d'information et d'accompagnement des familles. L'organisme cherche à reproduire un milieu de vie qui s'apparente au milieu familial. Les locaux sont adaptés pour tous les âges et permettent de trouver une routine quotidienne et de diminuer le stress lié au contexte de la supervision.
Nous avons consulté l'organisme Le Petit pont au sujet du projet de loi C-78, et je tiens à souligner le travail incroyable de son directeur général, M. Martin Tessier. Celui-ci nous a donné son avis éclairé. D'abord, il nous a dit qu'ils étaient d'avis que l'intérêt de l'enfant était primordial. Il disait trouver cela intéressant, comme nous en avions discuté, d'inscrire dans l'acte de mariage des dispositions en cas de séparation qui viendraient baliser des éléments importants qui tiennent à coeur aux époux lorsque la relation est bonne, plutôt que de déterminer ces éléments importants lorsque la relation est détériorée, voire conflictuelle. Par exemple, il pourrait s'agir de la garde d'enfants, des visites, des droits d'accès, de la pension, de la séparation des biens, du déménagement, de l'éducation des enfants, etc.
Finalement, il ajoutait que, comme les gens mariés, les conjoints de fait devraient se munir d'une entente de vie commune, d'un testament et d'une planification financière comportant des dispositions en cas de séparation. L'essentiel, selon lui, est de sensibiliser la population aux multiples aspects qui sont souvent trop négligés, comme la législation, les ententes et les statistiques. Tout cela est très juste. Je remercie M. Tessier pour ses recommandations et ses suggestions avisées.
Dans ma circonscription, nous avons le privilège de compter sur le professionnalisme de la maison d'hébergement La Clé sur la porte, un organisme qui accueille des femmes de toutes les régions du Québec depuis 37 ans. En plus d'être situé à Saint-Hyacinthe, il a deux autres points de service à Acton Vale et à Beloeil. Il s'agit d'une maison d'aide et d'hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants qui, depuis 1981, a accueilli plus de 4 000 femmes et tout autant d'enfants. Pour moi, il est impératif de consulter ces gens dans le cadre de l'étude du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, car leur expertise est fine et leur point de vue est un incontournable.
La Clé sur la porte a une approche entièrement axée sur la sécurité des femmes et des enfants. En effet, en poussant la porte de la maison d'hébergement, les victimes reçoivent un accueil chaleureux dans un lieu où règne un climat de confiance, de respect et d'entraide. Les victimes y sont en sécurité. Les intervenants les écoutent, les soutiennent et les accompagnent dans leurs décisions. Un accompagnement post-hébergement est également organisé par l'association afin de s'assurer que ces femmes reprennent le cours de leur vie dans les meilleures conditions.
Les membres de l'organisme mènent aussi un travail actif de prévention et de sensibilisation. Ils se rendent dans les écoles secondaires, où ils animent des ateliers sur la violence dans les relations amoureuses, ainsi que dans les organismes et établissements sociaux, communautaires et scolaires ou chez d'autres groupes intéressés, où ils tiennent des conférences sur la problématique de la violence conjugale.
Je me suis entretenue avec Céline Coulombe, la coordonnatrice de La Clé sur la porte, qui m'a exprimé certaines de ses inquiétudes concernant le projet de loi, dont je tiens à faire part à la Chambre. Le premier sujet de questionnement est l'éventuelle volonté de remettre en avant la médiation familiale. Le projet de loi qui est devant nous comporte des éléments visant à encourager les parents à utiliser d'autres voies que les tribunaux pour s'entendre, dont le mécanisme de règlement des différends familiaux et la médiation. Certes, il est clair que cette alternative est une bonne idée pour réduire l'engorgement des tribunaux, mais ce moyen représente aussi un danger pour la victime dans les cas de violence conjugale.
Mme Coulombe m'a d'ailleurs signifié que ce point avait fait l'objet d'une lutte de la part des groupes de défense des droits, et il a été résolu que les victimes pouvaient s'y soustraire. Ce droit ne devrait pas être remis en question. Il faut donc faire preuve de vigilance, une fois de plus.
La deuxième source d'inquiétude pour La Clé sur la porte et pour Mme Coulombe est l'obligation d'aviser l'autre parent en cas de déménagement, y compris dans le contexte d'un jugement criminel. Lorsqu'une telle procédure est en cours, l'agresseur fait l'objet d'un interdit de contact. Ainsi, il est essentiel qu'il ne connaisse pas le lieu de résidence de sa victime. On sait bien que même si le tribunal interdit les contacts, les victimes doivent souvent prendre d'autres mesures pour assurer leur sécurité et celle de leurs enfants.
Le fonctionnement en vase clos des tribunaux donne lieu à des situations où les jugements au criminel ne sont pas considérés lorsque vient le temps de trancher la question de l'accès aux enfants.
Dernièrement, dans ma circonscription, nous avons bien malheureusement été témoins de cas où des femmes ont été tuées ou ont été à risque de l'être au moment où elles allaient porter leur enfant chez leur ancien mari. Une seule de ces situations en est une de trop. Il faut faire preuve de vigilance et s'assurer que les femmes et les enfants sont protégés.
Enfin, la coordonnatrice de La Clé sur la porte a souligné le fait qu'on se préoccupe, avec raison, des traumatismes que le divorce cause aux enfants, mais qu'il faut se rappeler que vivre dans la peur dans un foyer où règne la violence est un traumatisme beaucoup plus important. De plus, la violence ne s'arrête malheureusement pas le jour de la séparation ou encore le jour où le jugement est rendu. Obliger les victimes à se prêter à un exercice de règlement de conflits ou de médiation, c'est les mettre en danger.
Je connais bien l'organisme La Clé sur la porte pour y avoir travaillé. Au moment où j'y travaillais, j'étais récemment divorcée et j'étais mère monoparentale. Heureusement, je n'ai pas vécu de violence.
Je travaillais de nuit, et chaque nuit où j'étais à La Clé sur la porte, je côtoyais des femmes qui vivaient beaucoup d'insomnie. Ces femmes venaient me rencontrer et me confier ce qu'elles vivaient. Ce qui me touchait le plus lorsque j'écoutais leurs histoires, c'était de réaliser que cela pouvait arriver à chacun d'entre nous. Souvent, elles n'avaient pas vu venir cette situation, et elles s'y retrouvaient bien malgré elles.
Il est important, en définissant mieux le projet de loi sur le divorce, de garder en tête que cela s'adresse à des gens qui vivent une période de grande vulnérabilité. Il faut s'assurer de mettre en place tous les éléments qui permettent d'assurer leur sécurité et qui permettent aux enfants d'avoir accès aux ressources auxquelles ils ont droit.
Souvent, dans une situation de divorce, chaque parent a son propre avocat. Cependant, plusieurs témoins nous ont demandé de réfléchir à la perspective que le gouvernement mette en place des mesures appuyant les provinces, pour que l'enfant, dans certaines situations, puisse avoir son propre avocat. Ce dernier serait là uniquement pour étudier la situation du divorce en cours, et pour voir si l'intérêt de l'enfant est bien protégé par le règlement qui est mis en place.
C'est dans les provinces que ce sera appliqué. Il faut donc s'assurer que les provinces ont les ressources nécessaires pour continuer à soutenir des organismes comme Le Petit Pont et La Clé sur la porte.
Devant ces éléments, je tends la main au gouvernement. À titre de porte-parole en matière de famille, d'enfants et de développement social, j'ai à coeur l'intérêt supérieur de l'enfant. Je veux que l'on s'assure que les tribunaux seront bien outillés. Je veux que l'on s'assure que les pensions alimentaires qui seront versées seront adéquates. Je veux que l'on s'assure que les victimes de violence conjugale, sous toutes ses formes, de même que leurs enfants sont protégés. Je veux que l'on s'assure que l'enfant qui est au coeur de ce conflit aura la chance d'être entendu et épaulé, s'il le souhaite.
Je suis heureuse d'avoir eu l'occasion de faire part à la Chambre de nos recommandations et de nos interrogations concernant le projet de loi.