Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du Budget principal des dépenses. Je vais focaliser mon intervention sur un sujet qui a déjà été abordé — je veux dire, ce soir —, soit celui de la réforme du Budget principal des dépenses. Comment pouvons-nous améliorer la transparence et la reddition de comptes au Parlement à l'égard des finances publiques?
C'est un thème que le président du Conseil du Trésor a abordé au début de son mandat. Il a cherché à en parler avec les autres parties. Il a même préparé une trousse d'information pour présenter certaines de ses idées de réforme et proposer des solutions à certains problèmes sous-jacents. Dans certains cas, il peut y avoir divergence entre le budget proprement dit et le Budget principal des dépenses. Il y a aussi des différences entre les méthodes comptables utilisées pour chaque document. Le budget est préparé selon la comptabilité d'exercice, et le Budget principal des dépenses, selon la comptabilité de caisse. Les parlementaires ont parfois du mal à comprendre en quoi consistent certains postes budgétaires parce que ces postes ne sont pas rattachés à des programmes particuliers.
Tous ces enjeux ont été cernés par le président du Conseil du Trésor et étaient accompagnés de quelques propositions pour les régler. Le porte-parole du Parti conservateur pour les questions concernant le Conseil du Trésor et moi-même avons constaté que le gouvernement aurait pu accomplir bon nombre de ces réformes par des moyens administratifs. Il n'avait pas besoin de légiférer.
Prises dans leur ensemble, les réformes du président du Conseil du Trésor n'étaient pas si mal parties. Il est juste de dire que si nous pouvions les adopter en bloc, nous serions sur la bonne voie pour que les parlementaires et les Canadiens comprennent mieux les documents financiers du Parlement, et par conséquent, nous ferions preuve d'une meilleure ouverture et transparence. En fin de compte, il n'y avait pas moyen pour le gouvernement d'appliquer la solution proposée par voie administrative; les réformes étaient donc vouées à l'échec.
Cependant, la première solution était de changer le Règlement pour que le Budget principal des dépenses puisse être déposé plus tard. En soi, cela n'offre aucune garantie d'obtenir de meilleurs documents financiers plus faciles à lire. Cela ne garantit pas non plus que le budget et les budgets des dépenses seront harmonisés. Cela permet simplement au gouvernement d'attendre plus longtemps avant de déposer le Budget principal des dépenses — prolongation dont pourrait bien profiter un gouvernement sincère et bien intentionné pour déposer des documents cohérents. Cependant, d'autres types de gouvernements, que nous avons parfois vus ici, pourraient abuser de cette prolongation.
Il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement, qui a déjà un programme de réforme bien établi, semble vouloir faire valoir à tout prix — et il a mis en quelque sorte la charrue avant les boeufs — la seule chose qui nuirait à la transparence, sauf s'il s'engageait à en assurer un suivi assidu.
Nous avons raison de douter de la bonne volonté du gouvernement à ce point-ci de son mandat en ce qui concerne ce genre de choses. Nous sommes, à juste titre, bien plus sceptiques aujourd'hui quant à l'engagement du gouvernement à être ouvert et transparent que nous l'étions au début de son mandat.
Je vais prendre l'exemple de Glen McGregor, un journaliste de CTV. Il a récemment demandé, au moyen d'une demande d'accès à l'information, qu'on lui fournisse une liste détaillée du nombre total des employés — à ne pas confondre avec des informations détaillées sur les employés eux-mêmes — du Cabinet du premier ministre ainsi que leurs fourchettes salariales. Il a reçu une liste où tous les noms étaient censurés. On est loin de la reddition de comptes et de la transparence promises.
Lorsque le président du Conseil du Trésor nous demande de faire confiance au gouvernement et d'accepter de repousser la date du dépôt du Budget principal des dépenses simplement parce qu'il croit en une ouverture et une transparence accrue, puis qu'un journaliste, qui a demandé à savoir combien de personnes travaillent au Cabinet du premier ministre et à connaître leurs fourchettes salariales, sans demander quoi que ce soit au sujet des employés eux-mêmes et de leurs salaires, se fait donner une réponse qui est tout sauf ouverte et transparente, nous avons raison de remettre en question la sincérité du gouvernement et les changements qu'il propose.
Le gouvernement Harper employait la même tactique lorsqu'on lui posait des questions semblables au sujet du Cabinet du premier ministre.
Lorsque les libéraux ont été élus, ils ont dit qu'ils allaient apporter des changements, qu'ils allaient assurer une meilleure reddition de comptes et se montrer plus transparents. Or, ils nous demandent maintenant d'adopter des modifications au Règlement qui permettraient à un gouvernement qui manque de sincérité de réduire tout simplement le temps alloué pour une étude, puis ils nous font le coup de ne pas répondre à des questions légitimes sur leur personnel et sur leurs dépenses alors qu'ils pourraient facilement y répondre. Il devient de plus en plus difficile de leur faire confiance.
Par ailleurs, le gouvernement a acquis la réputation d'annoncer de grands investissements pour ensuite concentrer le financement en fin de période. Les libéraux lancent de grands chiffres, par exemple, en annonçant un investissement de 180 milliards de dollars dans les infrastructures, mais seulement une fraction du montant annoncé sera dépensé pendant la législature en cours, et encore moins pendant l'année budgétaire en cours.
Le gouvernement dit que nous devrions lui faire confiance lorsqu'il veut changer la date de présentation du Budget principal des dépenses. Il prétend être sincère. Il dit qu'il veut plus d'ouverture et de transparence, mais, tous les jours, pendant la période des questions, les ministres donnent des renseignements inexacts sur l'argent qui sera réellement investi par le gouvernement. C'est ce que le gouvernement a fait, peu importe le dossier, qu'il s'agisse de la défense, du logement, des services de garde ou d'autres dossiers. J'en aurais pour 20 minutes juste à énumérer les dossiers dans lesquels le gouvernement manque de transparence et sur lesquels il présente, chaque jour, des renseignements inexacts.
J'en viens à me demander — et à juste titre, je crois — si nous pouvons faire confiance aux libéraux lorsqu'ils nous présentent leur joli bouquet de réformes pour améliorer le budget des dépenses. Ils veulent d'abord s'accorder cette petite chose et, ensuite, ils s'attendent à ce que nous ayons confiance que le reste viendra.
Nous avons entendu ce discours de la part du président du Conseil du Trésor, vraisemblablement en toute sincérité, au début de son mandat. Il est venu de nombreuses fois aux réunions du comité de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique pour dire qu'il souhaitait réformer les lois sur l'accès à l'information au pays. Il a affirmé qu'il voulait d'un gouvernement ouvert par défaut et que le premier ministre partageait son point de vue. Il a précisé que c'était prévu dans sa lettre de mandat. Il nous a dit, en comité, que le gouvernement procéderait aux réformes en matière d'accès à l'information en suivant un processus en deux étapes. Soit dit en passant, aucune réforme n'est nécessaire à l'égard des demandes d'accès à l'information afin de connaître le nombre d'employés du Cabinet du premier ministre et leurs fourchettes salariales. Les libéraux peuvent tout simplement y répondre. Ils n'ont pas besoin d'attendre une réforme pour le faire.
Si les libéraux voulaient devenir le gouvernement ouvert et transparent qu'ils envisagent en changeant le Règlement et la loi, ils pourraient le faire demain. En fait, ils auraient dû s'y mettre bien avant hier, mais ils ne l'ont pas fait.
Pour ce qui est de l'engagement du président du Conseil du Trésor à réformer en deux étapes le système d'accès à l'information, il a effectué des changements administratifs, sans toutefois modifier la loi elle-même. Nous attendons depuis longtemps. Nous étions d'ailleurs censés avoir déjà entrepris le débat sur le projet de loi à la Chambre en vue de modifier le régime d'accès à l'information, mais ce n'est pas le cas. Nous ne sommes pas en train d'en débattre à l'heure actuelle et nous n'en débattrons pas non plus prochainement. C'est le ministre lui-même qui l'a annoncé. Il nous dit qu'il ne faut pas attendre de changements, du moins pas dans un horizon rapproché.
Je soulève ce point parce qu'il est important. Si un gouvernement nous demande de lui faire confiance aveuglément alors qu'il veut changer l'étude des crédits pour que les budgets soient soumis à un examen moins rigoureux, à moins que le gouvernement ne se montre de très bonne foi, nous avons l'obligation envers les Canadiens, à titre de parti de l'opposition, de nous demander si nous pouvons faire confiance au gouvernement dans le cas de cette proposition.
Lorsqu'on sait que les libéraux sont déjà excessivement lents à communiquer de l'information dans le cadre du régime actuel d'accès à l'information et lorsqu'on connaît leur comportement dans d'autres dossiers où ils ont promis qu'ils allaient agir, mais ont manqué à leur parole, il n'est pas difficile, si on est un Canadien raisonnable, d'arriver à la conclusion que, compte tenu du bilan des libéraux, il vaut mieux privilégier le statu quo tant qu'ils ne sont pas prêts à nous offrir un train de mesures plus complet pour accroître la reddition de comptes et la transparence. Le changement proposé serait acceptable si les autres mesures étaient déjà en vigueur, mais il est inacceptable de ne procéder qu'à ce seul changement et de nous demander de faire confiance au gouvernement pour adopter plus tard des mesures qui accroîtraient l'ouverture et la transparence.
Nous avons aujourd'hui tenu un vote sur une façon de rendre les processus de nomination plus ouverts et transparents. Ce vote n'a pas été effectué sans raison. Il a été tenu dans la foulée de l'échec catastrophique du gouvernement lorsqu'il a tenté de désigner un candidat pour en faire un mandataire indépendant du Parlement. Le gouvernement a été parfaitement incapable de choisir un candidat capable d'occuper cette fonction, car, pour être mandataire indépendante du Parlement, une personne doit jouir non seulement de la confiance du gouvernement, mais aussi de celle de tous les partis représentés au Parlement.
Il existe des moyens d'établir des processus qui permettraient au gouvernement de désigner des candidats qui auraient le respect de tous les partis au Parlement. Nous avons suggéré un de ces moyens hier, dans notre motion de l'opposition. Après avoir critiqué la motion, le gouvernement a dit: « Tout le reste est bien, mais il y a un élément que nous ne pouvons pas accepter. » Alors nous avons amendé la motion pour régler ce problème. Malgré cela, le gouvernement a continué de refuser d'appuyer la motion.
On nous répète: « Faites-nous confiance en ce qui concerne la réforme des budgets des dépenses. Nous allons aller de l'avant avec cette toute petite partie de l'ensemble de mesures. » L'ensemble de mesures est en fait très bien, mais le gouvernement nous demande de simplement lui faire confiance pour y donner suite. Or, c'est tout simplement impossible. Par exemple, au chapitre de l'accès à l'information, nous avons récemment appris que le bilan des libéraux au cours de leurs 18 premiers mois au pouvoir est pire que celui du gouvernement précédent durant les 18 derniers mois de son mandat. Nous n'en sommes tout simplement plus au point où nous pouvons simplement leur faire confiance.
Il est essentiel d'essayer de mieux comprendre ces documents, parce que le Budget principal des dépenses donne lieu à des décisions importantes. En effet, en raison de ce budget, les installations de la Garde côtière à Gimli, au Manitoba, soit dans ma province, et à Kenora seront fermées. Un gouvernement ouvert et transparent, qui tient réellement à ce que les Canadiens soient au courant de ce qu'il fait avec les deniers publics et des décisions financières qu'il prend, aurait mené des consultations auprès des collectivités visées et aurait clairement indiqué ses intentions. Il n'aurait pas caché cette décision dans un poste budgétaire du Budget principal des dépenses ou dans l'exposé budgétaire. Les députés ministériels auraient pris la peine d'aller sur place pour expliquer les raisons qui justifient ces fermetures.
Le gouvernement pensait peut-être que ces services n'étaient pas efficaces. Or, ce n'est pas ce que disent les gens de la collectivité en question, qui, sans vouloir vous offenser, en savent beaucoup plus que nous à Ottawa. Je l'ai déjà demandé à la Chambre, et je le demande à nouveau: combien des sept députés libéraux du Manitoba savaient avant même que cette décision ne soit annoncée que les installations de la Garde côtière allaient être fermées, et quelles pressions ont-ils exercées pour éviter que cela ne se produise? Je ne sais pas s'ils ont déployé le moindre effort, mais, manifestement, ils ont échoué. Quoi qu'il en soit, il serait bien que les personnes de cette région sachent quelles mesures sont prises par les libéraux pour les représenter.
Il y a une histoire qui vient de faire la manchette dans le Winnipeg Free Press au sujet des fonds liés à Canada 150. Un journaliste a suivi les pistes de l'argent et a relevé que, de toute évidence, le Manitoba ne reçoit pas sa juste part du financement de Canada 150. Encore une fois, où sont les sept libéraux manitobains qui devraient réclamer pour nous notre juste part? Ce n'est qu'après que j'ai soulevé à la Chambre la question au sujet des Fonds d'investissement stratégique pour les établissements postsecondaires que nous avons au moins commencé à avoir des annonces au sujet de ce fonds au Manitoba. Lorsque nous parlons de la façon dont le gouvernement dépense l'argent, il est juste de demander où les libéraux manitobains en sont concernant ces dossiers, et pourquoi, dans bon nombre de dossiers, le Manitoba est systématiquement sous-représenté lorsqu'il s'agit d'obtenir sa juste part de financement.
Il est également juste de demander où le gouvernement fédéral en est lorsqu'il s'agit de traiter sérieusement avec OmniTrax, qui n'a pas fait sa juste part pour la collectivité de Churchill. Après avoir obtenu une entente de faveur pour prendre en charge les voies ferrées, OmniTrax obtient beaucoup de subventions publiques, et cet argent a été acheminé à Denver, au Colorado. Il n'a pas été réinvesti dans le chemin de fer. Maintenant qu'il y a des inondations, l'infrastructure ferroviaire est inadéquate et la ville de Churchill vit une crise, car on ne peut pas transporter de nourriture ni d'autres fournitures en ville. Nous n'avons tout simplement pas entendu la réponse rapide nécessaire pour rassurer les gens de Churchill qu'ils ne seront pas laissés pour compte par le gouvernement actuel. Je le répète: où sont-ils et où est l'argent lorsque nous parlons du Budget des dépenses et du budget?
Ce ne sont là que quelques-uns des problèmes.
Je sais gré à mon collègue du Parti conservateur d’avoir soulevé la question de la réforme des budgets des dépenses, car elle est importante, et nous devons nous y atteler. Toutefois, il faut souligner que cette réforme doit se faire selon un enchaînement convenable qui donne aux députés qui ne font pas partie du gouvernement les outils nécessaires pour demander des comptes au gouvernement chaque fois qu’il y a lieu de le faire. Sans cette approche, nous sommes réduits à faire pression sur le gouvernement pour qu’il procède à ces réformes.
Une autre question importante s’agissant de réforme porte sur l’engagement que le gouvernement avait pris de procéder à la réforme électorale. Je pense que sa prise de position dans ce dossier témoigne clairement de sa nature et explique pourquoi, de ce côté-ci de la Chambre, on ne peut pas lui faire confiance.
Le gouvernement avait promis bien clairement que le système majoritaire uninominal à un tour ne serait plus utilisé après les élections de 2015. Les libéraux ont dépensé beaucoup d’argent pour briser cette promesse. Ils ont mis sur pied un comité spécial qui s’est déplacé dans tout le pays, ce qui a fait perdre leur temps aux Canadiens qui demandaient des mesures concrètes et qui n’étaient pas payés pour aller témoigner devant ce comité. S’ils avaient été payés — puisque le temps, c’est de l’argent —, la facture aurait été beaucoup plus élevée. À son retour, le comité a présenté son rapport, qui a été mis de côté par la ministre de l’époque.
Les libéraux ont alors eu le culot, sachant qu’ils n’avaient aucune intention de tenir leur promesse, de dépenser littéralement des millions de dollars dans un sondage bidon conçu pour faire diversion et leur donner une porte de sortie, sous la forme de ce comité spécial. En dépit de leur prétendu souhait d’un Parlement dans lequel tout le monde collaborerait, les libéraux espéraient que les partis de l’opposition ne collaboreraient pas. C'est pourtant ce qu'ils ont fait, offrant ainsi au gouvernement libéral une solution qui aurait dû lui permettre de tenir sa promesse.
C’est le monde à l’envers lorsque les partis de l’opposition s’efforcent de tenir les promesses que le gouvernement a faites et auxquelles il a renoncé. C’est pourtant ce qui s’est passé. Non seulement les partis d’opposition ont travaillé fort, mais ils étaient prêts à faire des compromis qui auraient permis au gouvernement de tenir sa promesse. Les libéraux n’en ont pas voulu. Ils ont préféré dépenser des millions de dollars pour un sondage et tenter de masquer le fait qu’il aurait pu y avoir un consensus si le gouvernement avait fait preuve de leadership.
De quoi aurait l'air un gouvernement qui agit en chef de file digne de ce nom? J'imagine, par exemple, que le chef d'un parti ferait une promesse électorale qui serait intégrée à la plateforme de son parti et qui serait reprise en choeur par ses collègues candidats un peu partout au pays. Une fois ce parti élu, il donnerait suite à cette promesse. C'est ainsi que les choses devraient se passer et c'est exactement ce que les Canadiens se sont dit lorsqu'ils ont voté. Il est évidemment faux de prétendre qu'il n'y a pas de consensus ou que le gouvernement n'avait pas reçu le mandat de prendre l'initiative d'une réforme démocratique.
Quoi qu'il en soit, les libéraux n'ont pas tenu parole. Ils ont laissé tomber les nombreux Canadiens qui les ont élus dans ce but précis. Puis, lorsque vient le temps d'examiner les dépenses qu'ils prévoient, ce qui est très important, ils nous demandent de leur faire confiance parce qu'ils vont mettre en oeuvre le reste du programme si nous acceptons d'examiner de moins près les dépenses du gouvernement, même s'il n'agit manifestement pas de bonne foi, vu la quantité de promesses non tenues qu'il laisse dans son sillage. Voilà ce que les libéraux nous demandent de faire, et ils ne devraient pas se surprendre que la réponse soit négative. Nous ne croyons pas pouvoir leur faire confiance.
Le NPD s'opposera au Budget principal des dépenses pour ces raisons, à tout le moins, ainsi que pour d'autres raisons que je n'ai pas eu le temps d'expliquer.