Monsieur le Président, je suis heureux d’intervenir au sujet du message reçu de l’autre endroit concernant le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
J’aimerais souligner qu’il s’agit de la première occasion que j’ai de débattre officiellement d’un projet de loi en ma qualité de secrétaire parlementaire de la présidente du Conseil du Trésor et ministre du Gouvernement numérique, qui est une ministre fabuleuse, soit dit en passant.
Je tiens également à souligner qu'un grand nombre d'intervenants ont contribué à amener le projet de loi C-58 au point où il en est, à commencer par nos collègues de l'autre Chambre, qui en ont fait une étude très rigoureuse et réfléchie.
Je tiens également à souligner la contribution des parlementaires et des intervenants, en particulier celle de la commissaire à l’information et du commissaire à la protection de la vie privée, à l’élaboration du projet de loi C-58, ainsi que, bien sûr, celle de nos collègues du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, qui ont longuement étudié les amendements proposés.
J’aimerais surtout mentionner les interventions d’un certain nombre d’organisations autochtones et leur influence sur les questions dont nous sommes saisis aujourd’hui, des organisations avec lesquelles le gouvernement s’est engagé à collaborer plus étroitement sur ces questions à l’avenir.
Ensemble, les idées et les suggestions qui ont été avancées dans les lettres et dans les exposés des deux comités ont contribué à faire en sorte que les préoccupations des Canadiens soient prises en considération et reflétées dans la version finale du projet de loi.
Je rappelle à la Chambre que le projet de loi prévoit la mise en œuvre de certaines des modifications les plus importantes apportées à la Loi sur l’accès à l’information depuis que celle-ci a été adoptée, il y a plus de 30 ans, des modifications qui n’ont pas eu de précédent depuis l’avènement du Web. Cela fait partie des efforts continus du gouvernement du Canada pour mettre la barre plus haut en matière d’ouverture et de transparence.
Nous croyons en effet que l'information gouvernementale appartient en fin de compte aux personnes qu'elle sert, et qu'elle devrait être ouverte par défaut. C'est très simplement une caractéristique fondamentale d'une démocratie moderne, et le projet de loi reflète cette conviction.
Dans ce contexte, nous accueillons favorablement plusieurs des amendements proposés, qui appuieraient davantage cet objectif. Je signalerai, par contre, que deux des propositions auraient pour effet de légiférer sur des questions qui vont au-delà de l'intention du projet de loi, dont l'objet, je le rappelle à la Chambre, est d'apporter des modifications ciblées à la loi.
Ces modifications ciblées visent notamment à donner au commissaire à l’information le pouvoir de rendre des décrets exécutoires pour la divulgation de documents de l’administration fédérale et à créer une nouvelle partie dans la loi sur la publication proactive de renseignements clés.
Le gouvernement rejette respectueusement l’amendement qui limiterait à 30 jours les prorogations de délai de réponse à une demande, sans l’approbation préalable du commissaire à l’information, parce que cela va au-delà de l’objet du projet de loi.
Le gouvernement rejette cette proposition parce que ces dispositions n’ont pas fait l’objet de consultations ni d’une étude approfondie dans le contexte de l’examen ciblé qui a mené au projet de loi C-58. Cette proposition risque d’avoir des conséquences imprévues, particulièrement pour le commissaire à l’information.
Le gouvernement est d’accord avec nos amis de l’autre endroit pour dire que les dispositions relatives aux prorogations de délai méritent une étude plus approfondie. Elles seront étudiées dans le cadre de l’examen complet de la loi que le projet de loi C-58 exige et qui doit débuter dans l’année suivant la sanction royale.
Pour la même raison, le gouvernement rejette respectueusement la proposition de créer une nouvelle infraction criminelle pour l'utilisation d'un code, d'un sobriquet ou d'un mot ou d'une expression inventés dans un document à la place du nom d'une personne, d'une société, d'une entité, d'un tiers ou d'une organisation. Encore une fois, les dispositions dans la Loi sur l'accès à l'information qui concernent les infractions criminelles n'ont pas fait l'objet d'une étude ni de consultations dans l'examen ciblé, de sorte qu'il serait plus opportun de revenir sur les changements à cette disposition dans le contexte d'un examen approfondi.
Un troisième amendement préoccupant obligerait le commissaire à l’information à se pencher sur l’application de la nouvelle partie 2 de la loi concernant la publication proactive et à faire rapport des résultats au Parlement chaque année. Charger le commissaire de surveiller la publication proactive par les institutions qui appuient le Parlement et les tribunaux pourrait porter atteinte au privilège parlementaire et à l’indépendance judiciaire. Pour cette raison, le gouvernement est respectueusement en désaccord.
Il est également proposé de retirer de la loi la capacité du commissaire à l’information de recevoir les plaintes relatives aux droits et aux prorogations de délai et de faire enquête sur celles-ci. Le gouvernement reconnaît l’intention de cet amendement, qui se rapporte à d’autres propositions déjà faites, mais le commissaire perdrait le pouvoir de recevoir des plaintes concernant la dispense du versement de droits et d’enquêter sur celles-ci; c’est un résultat qui, et les députés des deux côtés de la Chambre en conviendront j’en suis certain, n’est pas souhaitable.
De même, comme l'amendement touchant les prorogations de délai n'a pas été accepté, il faut conserver les pouvoirs de la commissaire de recevoir des plaintes concernant les délais et d'enquêter sur ces plaintes, si bien que cet amendement n'est pas nécessaire.
À ces quelques exceptions près, le gouvernement est heureux d'accepter les amendements proposés dans le message de l'autre Chambre, sous réserve de quelques rajustements techniques pour assurer le bon fonctionnement de ces dispositions.
Par exemple, nous acceptons l’amendement qui éliminerait le pouvoir du gouvernement de fixer et de percevoir des droits, à part les droits de demande. Comme il en a pris l’engagement envers les Canadiens, le gouvernement continuera de ne pas réclamer d’autres droits que les 5 $ du droit de demande.
Un amendement connexe proposé dans le message maintiendrait la possibilité qu'ont les demandeurs de déposer une plainte au commissaire à l’information au sujet de la décision de renoncer aux droits de demande. Les amendements du Sénat auraient aboli cette possibilité, mais nous estimons que le commissaire à l’information devrait continuer de surveiller la façon dont les institutions exercent le pouvoir de renoncer aux droits.
Plusieurs des amendements apportés par l'autre endroit favoriseraient et, dans certains cas, exigeraient une consultation plus poussée et une meilleure communication entre la commissaire à l'information et le commissaire à la protection de la vie privée. C'est essentiel pour que la protection de la vie privée continue d'être assurée pendant que le gouvernement s'efforce d'accroître l'ouverture de même que l'accès aux documents gouvernementaux.
Le projet de loi confère déjà au commissaire à l’information le nouveau pouvoir d’ordonner la communication de renseignements gouvernementaux. Pour garantir que cela ne compromet pas la protection des renseignements personnels, on propose un amendement qui obligerait le commissaire à l’information de consulter le commissaire à la protection de la vie privée avant d’ordonner la communication de renseignements personnels. Cet amendement vise également à donner au commissaire à l’information le pouvoir discrétionnaire de consulter le commissaire à la protection de la vie privée pendant une enquête sur une plainte touchant l’application de l’exception relative aux renseignements personnels. Ces deux amendements et d’autres amendements connexes ont été proposés par les commissaires eux-mêmes, et le gouvernement a déjà signifié qu’il les appuie. Nous croyons qu’ils renforceront la protection des renseignements personnels et le droit à la vie privée des Canadiens.
Le gouvernement accepte aussi un amendement qui maintiendrait Info Source. Les institutions fédérales continueront d’être tenues de publier de l’information sur leur organisation, leurs documents et leurs manuels. Les Canadiens voulant exercer leur droit d’accès aux documents gouvernementaux auront toujours accès à cet outil.
Comme les députés le savent sûrement, le gouvernement traite chaque année des dizaines de milliers de demandes d’accès à l’information. Il est malheureux que, dans un petit nombre de cas, les demandes soient motivées par des considérations incompatibles avec l’objet de la loi. Elles peuvent viser à harceler un employé ou une unité de travail en particulier, par exemple. Ces demandes peuvent avoir un effet disproportionné sur le système et nuire à l’efficacité des ressources consacrées aux demandes légitimes.
Le gouvernement est d'accord sur l'amendement apporté par l'autre endroit selon lequel le pouvoir des institutions fédérales de demander l'approbation de la commissaire à l'information pour refuser de donner suite aux demandes devrait être axé sur les demandes vexatoires, entachées de mauvaise foi ou constituant un abus du droit d'accès qui engorge le système. Cela donnera aux institutions fédérales un outil important pour concentrer leurs efforts sur les demandes légitimes avec l'approbation préalable de la commissaire à l'information.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'un des principaux objectifs du projet de loi C-58 est de donner à la commissaire à l'information le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires concernant le traitement des demandes, y compris la communication des documents.
La commissaire pourrait publier ces ordonnances et établir une jurisprudence pour guider les institutions et les utilisateurs du système.
Normalement, pour donner à la commissaire le temps de se préparer à assumer ce pouvoir, le projet de loi n’entrerait en vigueur qu’un an après la sanction royale. Toutefois, la commissaire a demandé que ce pouvoir lui soit accordé tout de suite après la sanction royale. Compte tenu de la valeur que ce pouvoir attribue au point de vue de la commissaire, le gouvernement a déjà indiqué qu’il appuyait cet amendement.
Un autre amendement proposait que la commissaire à l’information dépose ses ordonnances à la Cour fédérale afin qu’elles deviennent des ordonnances de la Cour fédérale. Aux termes du projet de loi C-58, les ordonnances de la commissaire à l’information sont juridiquement contraignantes sans qu’il soit nécessaire de les certifier. À notre avis, cet amendement est inutile et il ajouterait une étape au processus.
Le gouvernement examinera toutefois ces amendements dans le cadre de l’examen annuel de la loi. À ce moment-là, il aura déjà mis le nouveau système à l’essai depuis un an.
Le fait d'accorder à la commissaire à l’information le pouvoir d’émettre des ordonnances exécutoires au gouvernement et aux institutions ne constitue pas un changement anodin. Cela change les règles de l’accès à l’information. À l’heure actuelle, la commissaire à l’information doit recourir aux tribunaux lorsqu’une institution ne suit pas ses recommandations. Le projet de loi C-58 impose le fardeau de la preuve aux institutions. Si elles désirent contester une ordonnance de la commissaire à l’information, les institutions auront 30 jours pour le faire devant la Cour fédérale.
À propos des tribunaux, je rappellerais que le gouvernement a accepté un amendement qui aiderait à faire en sorte que le projet de loi C-58 n'empiète pas sur l'indépendance judiciaire. Comme la Chambre le sait, la nouvelle partie 2, qui se trouve dans le projet de loi, imposerait des exigences de publication proactive à plus de 260 ministères, organismes et sociétés d'État, ainsi qu'au Cabinet du premier ministre, aux cabinets des ministres, aux sénateurs et aux députés, aux institutions qui appuient le Parlement et aux institutions administratives qui appuient les tribunaux.
L'amendement inscrirait aussi dans la loi la publication proactive de renseignements qui présentent un grand intérêt pour les Canadiens, en particulier ceux qui assurent une plus grande transparence et une plus grande responsabilité quant à l'utilisation des fonds publics.
Cela comprend les frais de déplacement et d’accueil des ministres et de leur personnel ainsi que des hauts fonctionnaires de l’ensemble du gouvernement; les contrats de plus de 10 000 $ et tous les contrats des députés et des sénateurs; les subventions et contributions de plus de 25 000 $; les lettres de mandat et les lettres de mandat révisées; les trousses d’information pour les nouveaux ministres et sous-ministres; les listes de notes d’information pour les ministres et les sous-ministres; ainsi que les cahiers d’information utilisés pour la période des questions et pour la comparution devant les comités parlementaires.
En incluant ces exigences dans la loi, on permettra aux Canadiens d’avoir automatiquement accès à ce type de renseignements sans devoir en faire la demande. On accroîtra ainsi le niveau de transparence que ce gouvernement et ceux qui le suivront devront respecter.
Si la Chambre l’adopte, le projet de loi C-58 exigera une divulgation semblable de la part de la magistrature.
Depuis, on a soulevé des craintes au sujet des incidences de la communication des dépenses judiciaires individuelles sur l'indépendance judiciaire, qui sont exacerbées par la convention selon laquelle les juges font preuve de retenue lorsqu'ils commentent leurs jugements et ne peuvent donc pas se défendre ni rétablir les faits. L'amendement proposé dans le message qui obligerait à faire rapport des dépenses judiciaires par tribunal, plutôt que par individu, répondrait à ces préoccupations et comprendrait des mesures complémentaires pour accroître la transparence.
Le gouvernement accueille aussi favorablement et accepte l'amendement qui supprimerait des exigences particulières obligeant les individus qui demandent des renseignements à indiquer le sujet précis de leur démarche, le type de document demandé et la période de référence.
Cela faisait partie du projet de loi initial comme moyen de s'assurer que les demandes contenaient suffisamment d'information pour permettre une réponse en temps opportun.
Nous avons écouté les préoccupations de la commissaire à l'information au sujet de cet article, et, en particulier celles des organismes autochtones, qui nous ont dit que ces dispositions pourraient faire obstacle à leurs droits d'accès. Je signalerais que cet amendement, comme plusieurs autres proposés dans le message, a été propos par l'ancien président du Conseil du Trésor lors d'une comparution devant le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat, en octobre dernier.
La proposition et l'acceptation de cet amendement témoignent de l'engagement du gouvernement de garantir aux peuples autochtones l'accès à l'information dont ils ont besoin, notamment pour appuyer leurs revendications et pour demander réparation des torts passés.
Comme les députés peuvent l'imaginer, lorsque les documents datent de plusieurs décennies ou, dans certains cas, de plus d'un siècle, demander à quelqu'un d'indiquer avec précision le sujet, le type de renseignements demandés et la période de référence peut constituer un obstacle à l'accès.
J'aimerais aussi assurer à la Chambre que le gouvernement a pris à cœur les critiques formulées par les groupes autochtones, à savoir que les gouvernements ne les ont pas consultés comme ils auraient dû le faire pour l'élaboration du projet de loi C-58.
Pour répondre à ces préoccupations, le gouvernement a appuyé l’Union of British Columbia Indian Chiefs, les Directeurs nationaux de la recherche sur les revendications et l’Association du Barreau autochtone, qui ont sélectionné des chercheurs et des membres du personnel chargé des politiques des Premières Nations afin de les consulter sur les problèmes auxquels ils se heurtent en faisant des demandes d’accès à l’information. Ces organismes ont ensuite compilé et analysé les résultats de ces consultations pour les publier dans un document de travail. Ils ont également mené un examen juridique du projet de loi C 58.
Quoi qu’il en soit, nous reconnaissons la nécessité de poursuivre ce travail en collaborant de plus près avec les groupes autochtones. J’attire l’attention de la Chambre sur une lettre que l’ancien président du Conseil du Trésor a envoyée au comité du Sénat. Il y décrit en détail l’engagement d’inviter des organismes et des représentants autochtones à participer à la transformation de la Loi sur l’accès à l’information pour qu’elle reflète la relation du Canada avec les peuples autochtones, notamment pour que l’information et les connaissances des communautés autochtones soient à la fois protégées et acceptables.
Cet engagement, comme tous les engagements avec les Premières Nations, les Inuits et la nation métisse, reposera sur le principe fondamental de « rien sur nous sans nous ». Le gouvernement est déterminé à ce que l’on conçoive les programmes, les politiques et les services qui touchent les peuples autochtones en les consultant et en collaboration avec eux.
À cet effet, j'aimerais rappeler à la Chambre que le projet de loi ne constitue que la première étape de la réforme de l'accès à l'information entamée par le gouvernement. Un examen complet commencera dans l'année suivant la sanction royale du projet de loi C-58, puis sera suivi d'un examen obligatoire tous les cinq ans pour veiller à ce que la Loi sur l'accès à l'information ne soit plus jamais aussi désuète. Je me permets de préciser que le gouvernement est conscient que la mobilisation des communautés et organisations autochtones doit être un des éléments centraux de ces examens.
En conclusion, j'aimerais rappeler à la Chambre que, dans son cinquième rapport mondial publié en 2018, le baromètre des données ouvertes classait le Canada au premier rang en matière d'ouverture et de transparence, notre pays se démarquant de bien d'autres, y compris de pays dits évolués. D'ailleurs, on peut lire ceci dans le dernier rapport de l'organisation:
Les progrès soutenus du gouvernement témoignent d'une solide performance dans à peu près tous les secteurs, des politiques à la mise en œuvre. L'appui inébranlable de la classe politique est l'un des facteurs clés de sa réussite.
Le projet de loi C-58 s'inscrit dans les efforts déployés pour favoriser l'ouverture et la transparence du gouvernement.
Je remercie une fois de plus nos collègues de l'autre Chambre, qui nous ont aidés à améliorer ce projet de loi. Je suis de l'avis de la commissaire à l'information, qui estime que le projet de loi C-58 est mieux que la loi en vigueur, et j'incite tous les députés à se joindre à moi pour l'appuyer.