Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui relativement au projet de loi C-17. Je suis désolé si je suis un peu endormi. Je n'ai pas dormi depuis samedi soir. Je voyage depuis 16 h 30 hier soir, ayant pris trois vols en tout, mais nous pouvons poursuivre.
C'est rare que nous soyons saisis d'un projet de loi à la Chambre qui ne concerne qu'une seule circonscription. Je suis donc très heureux que le projet de loi C-17 soit à l'étude aujourd'hui. Je peux également comprendre que de nombreux députés à la Chambre, sûrement tous les députés sauf la ministre et sa secrétaire parlementaire, connaissent très peu de choses au sujet de ce projet de loi puisqu'il ne porte que sur une circonscription. C'est tout à fait compréhensible. Je m'efforcerai donc d'expliquer le plus clairement possible aux députés la question sur laquelle ils devront se prononcer.
Le projet de loi élimine quatre dispositions qui ont été mises en oeuvre au moyen du projet de loi S-6 et d'un processus totalement inapproprié. Ces quatre dispositions entourent les délais, la réévaluation de projets en cours, les instructions générales ministérielles et la délégation d'attributions en la matière au gouvernement du Yukon. Les Premières Nations ont pu négocier toutes les autres modifications, mais elles n'ont jamais eu l'occasion de parler de ces quatre enjeux. Je vais donc essayer de donner aux 336 autres députés qui n'habitent pas au Yukon une idée juste de la situation.
Le 14 février 1973, les chefs du Yukon sont venus à Ottawa présenter au premier ministre Pierre Elliott Trudeau un document intitulé « Together Today for our Children Tomorrow », qui a lancé le processus de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale au Yukon. Les négociations ont duré 20 ans, jusqu'à ce que le traité moderne, l'Accord-cadre définitif, soit signé le 29 mai 1993 par les trois ordres de gouvernement: fédéral, territorial et des Premières Nations. Cet accord est protégé en vertu de la Constitution de sorte que même nous, législateurs, ne pouvons le modifier. Il est le fruit d'une collaboration et d'une négociation, qui servent parfois de modèle dans le Canada et dans le monde. Nous devons, toutefois, nous rappeler qu'il a fallu 20 ans pour y parvenir.
Une partie du traité prescrivait l'élaboration de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, là encore, une création et un modèle propres au Yukon, notre propre loi sur l'évaluation. Contrairement à la plupart des autres endroits au pays, nous ne sommes pas assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Toutefois, notre loi traite des évaluations sur les terres de tous les gouvernements: les gouvernements des Premières Nations, le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral. La création de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon a nécessité des négociations entre les trois gouvernements partenaires. Elles ont pris 10 ans. Cette loi a été adoptée en 2003 et, jusqu'à maintenant, tout va bien.
La LEESY comportait un examen quinquennal. Cet examen a duré cinq ans, de 2008 à 2012. Un examen quinquennal n'est pas censé durer cinq ans. Non seulement il a été effectué après cinq ans, mais il a aussi duré cinq ans. Cependant, on a accompli beaucoup de travail au cours de ces cinq ans. Après tout ce travail, les trois paliers du gouvernement se sont entendus sur 72 recommandations, qui ont été mises en oeuvre soit dans le projet de loi S-6, soit de façon administrative. Une fois encore, jusque-là, tout allait bien.
Cependant, à la dernière minute, vers la fin de cinq années de négociations, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il ajoutait quatre grandes dispositions au projet de loi S-6, et que ces dernières ne seraient pas négociables. Après 20 années de collaboration entre les trois partenaires au sujet de l'Accord-cadre définitif et 10 années de collaboration sur la LEESY, les députés ne seraient-ils pas outrés si un de leurs partenaires annonçait qu'il ajoutait quatre grandes dispositions au projet de loi et qu'il n'était pas disposé à négocier avec eux à leur sujet? Cela ne cadre probablement pas avec la lettre de la loi, et cela ne respecte certainement pas l'esprit de la loi. Si l'on a une loi illégale, ou une loi qui contrevient à un traité, cela importe peu ce qu'elle contient; elle doit être annulée.
Nous en sommes maintenant dans une nouvelle ère de partenariats et de collaboration avec les peuples autochtones et les gouvernements des Premières Nations. Les industries ont souvent pris l'initiative pour établir des partenariats avec les peuples des Premières Nations. Par conséquent, je poursuivrai en abordant certains éléments que d'autres ont déjà soulevés au cours du débat.
Un des éléments est que le projet de loi est très important pour le secteur minier. Les conservateurs ont bien établi l'importance de l'exploitation minière pour l'économie du Yukon. Elle contribue le plus à notre PIB depuis la ruée vers l'or. C'est un point très important et c'est exactement ce que vise le projet de loi: contribuer à soutenir le secteur minier en lui assurant la certitude nécessaire pour aller de l'avant.
Je vais citer quelques interventions et lettres. Paul West-Sells, président de Casino Mining Corporation, l'une des plus grandes sociétés minières de calibre mondial, a dit ceci:
Au nom de la Casino Mining Corporation [...] je présente les préoccupations de notre société relativement à la tension qui existe dans les relations intergouvernementales au Yukon au sujet du projet de loi S-6 et aux répercussions de cette situation sur l'industrie minière du territoire.
Il a ajouté ceci:
Casino est d'avis que le plein appui de tous les ordres de gouvernement envers la LEESY rassurera l'industrie minière.
C'est exactement ce que disaient les conservateurs; ils est donc formidable qu'ils soient d'accord.
Aussi, nous encourageons le Canada, le Yukon et les Premières Nations du Yukon à se mobiliser, à collaborer et à régler les questions restées en suspens dans le dossier du projet de loi S-6.
Or, c'est exactement ce que propose le projet de loi C-17.
Je cite une autre intervention au comité de la part d'Allison Rippin Armstrong, vice-présidente aux terres et à l'environnement de Kaminak Gold Corporation, une société qui a de bonnes chances d'ouvrir la prochaine mine au Yukon:
[...] nous nous demandons si le processus de modification de la LEESY ne crée pas une méfiance accrue à l'égard des gouvernements et de l'incertitude par rapport au processus d'évaluation et de réglementation qui s'appliquera aux projets actuels et futurs au Yukon.
Comme les conservateurs l'ont souligné, à juste titre, c'est précisément cette incertitude mentionnée par la vice-présidente de cette société minière que nous cherchons à dissiper. Mme Rippin Armstrong a ajouté ceci:
Notre projet de mine aurifère à Coffee Creek n'est pas encore assujetti au processus prévu par la LEESY. Si le projet de loi S-6 est adopté et contesté devant les tribunaux, le projet de mine aurifère à Coffee Creek et notre présence même au Yukon sont incertains. Kaminak demande instamment au gouvernement fédéral de reprendre les pourparlers avec les Premières Nations et de travailler de concert avec elles pour établir un consensus sur les modifications proposées de la LEESY et éviter des contestations devant les tribunaux.
Je le répète, c'est exactement ce que fait le projet de loi. C'est ce que tout le monde demande.
Je souhaite partager une citation provenant aussi d'une lettre puisque les conservateurs insistent tant sur la leur. Tous les documents que je cite sont bien plus longs et explicites que ne le laissent paraître les citations, mais nous n'avons pas le temps de les parcourir plus amplement.
Cette lettre est signée par Sandy Silver, le premier ministre du Yukon. Comme l'ont dit les conservateurs et le NPD, il est important que les décisions soient prises par les Yukonnais. Cette lettre est signée par le premier ministre du Yukon, le grand chef, Peter Johnston, et Mike Burke, le président de la Chambre des mines du Yukon. J'insiste, il est important que l'on rétablisse la confiance dans l'industrie minière. On y lit:
Pour que le processus d'évaluation de projets en vigueur au Yukon inspire de nouveau confiance et pour respecter l'esprit des ententes définitives et des ententes sur l'autonomie gouvernementale, il est nécessaire d'abroger ces modifications et de résoudre les préoccupations de l'industrie à l'aide d'un cadre de collaboration.
Nous nous sommes réjouis lorsque le projet de loi C-17, qui élimine certaines dispositions problématiques, a été présenté à la Chambre des communes le 8 juin 2016.
[...] Le gouvernement du Yukon, les Premières Nations autonomes du Yukon, le Conseil des Premières Nations du Yukon et la Chambre des mines du Yukon espèrent que le projet de loi C-17 sera adopté, sans modifications, le plus tôt possible.
Avant de revenir sur certains points abordés pendant le débat, je tiens à mentionner qu'il revient non seulement au gouvernement fédéral, mais aussi aux gouvernements territoriaux de défendre l'honneur de la Couronne.
Il y a quelques semaines à peine, le 22 mars, pendant l'audition d'appel à la Cour suprême, la juge Rosalie Silberman Abella a parlé des responsabilités du gouvernement du Yukon à l'égard des Premières Nations autonomes, particulièrement parce qu'il lui incombe de défendre l'honneur de la Couronne. Je tiens à le souligner pour m'assurer que les avocats oeuvrant dans les ministères et à la Chambre des communes en soient conscients.
En 1999, donc 18 ans plus tôt, la décision du juge Vertes, de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, dans l'affaire Donald Morin c. Anne Crawford, mentionnait notamment le statut constitutionnel des territoires, lequel a une incidence directe sur leur capacité d'assumer le rôle de la Couronne.
Je ne m'attends pas à ce que quiconque à la Chambre comprenne cette mesure législative complexe, puisqu'elle s'applique uniquement au Yukon. Il s'agissait d'un traité entre trois gouvernements. C'est pour cela que j'essaie d'expliquer certains éléments.
D'abord, on a parlé du fait que les habitants du Yukon devraient décider. C'est exactement ce que vise le projet de loi. Ce qui est arrivé, c'est que quatre articles ont été ajoutés à la fin, lorsque le projet de loi S-6 a été présenté. Comme je l'ai dit, c'était formidable, en ce sens que 72 éléments ont été approuvés, soit sur le plan administratif ou dans le projet de loi S-6, 72 éléments que trois gouvernements ont négocié et sur lesquels ils se sont mis d'accord. Cependant, les quatre éléments qui ont été rajoutés à la toute fin ont vraiment irrité les habitants du Yukon. Ils n'ont pas aimé qu'on leur impose cela et qu'ils ne soient pas en mesure de négocier. Deux grandes assemblées publiques ont eu lieu de façon spontanée, et une centaine de personnes ont assisté à chacune d'elles. Les gens étaient, à juste titre, furieux que le gouvernement fédéral leur impose les quatre éléments.
Rappelons-nous qu'il y a eu 20 années de négociation pour le traité protégé par la Constitution, 10 années de négociation pour la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, et cinq années pour l'examen quinquennal. Bien évidemment, les gens ont été outrés lorsque, soudainement, quatre éléments ont été rajoutés par Ottawa à leur loi environnementale. Ils n'ont pas pu négocier, comme ils l'avaient fait avec tout le reste.
Les conservateurs ont aussi soulevé un excellent point lorsqu'ils ont parlé de la stratégie pour le Nord, qui est en cours d'élaboration au moment où on se parle. Cette fois encore, on commence par la base et on remonte. Les chefs, les premiers ministres et les Yukonnais en général auront leur mot à dire sur le cadre stratégique régissant le Grand Nord. Ce sera une excellente nouvelle, surtout ces temps-ci.
À mes yeux, la stratégie pour le Nord doit venir d'abord et avant tout des habitants du Nord. La souveraineté du Nord ne s'en portera que mieux si nous donnons la priorité aux gens, et le succès sera à l'avenant.
J'aimerais aussi parler des nouvelles évaluations. À l'époque, quand un projet était modifié — par exemple si sa portée était élargie, ce genre de chose —, alors une nouvelle évaluation devait avoir lieu au moment précis où son autorisation venait à échéance. Selon la loi, il doit y avoir une évaluation chaque fois qu'une autorisation est délivrée par un ordre de gouvernement ou un autre. Cette disposition en faisait sourciller certains, et il en a été question pendant le débat.
Comme je l'ai indiqué, 72 modifications récemment apportées à la politique et à la loi sont venues changer le système. Désormais, la période de validité des évaluations effectuées en vertu de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon ne se termine plus après cinq ans, disons, avec l'expiration d'un permis d'utilisation des eaux ou d'exploitation minière. Cette période est maintenant établie selon le bon jugement de l'office d'évaluation et du promoteur, et en fonction des particularités du projet. Ainsi, les délais des réévaluations ne sont plus fixés suivant les mêmes paramètres, comme on l'a mentionné plus tôt.
Par ailleurs, pensons à un projet en cours depuis 10 ou 20 ans et dont la période de validité de l'évaluation et des permis — qu'il s'agisse de permis d'utilisation des eaux ou autre — est échue. Les conclusions ne seront peut-être pas les mêmes, car beaucoup de facteurs peuvent avoir changé, comme le climat, la faune et la flore et les répercussions de la route sur celles-ci, ainsi que les effets des résidus miniers sur l'air et l'eau. Même si les activités liées au projet demeurent les mêmes, il y aurait probablement lieu d'apporter des modifications.
Le système proposé, qui donne pouvoir de décision à l'office et aux autorités et selon lequel les évaluations ne sont menées qu'au besoin, est fort sensé.
Nous avons parlé des obstacles à l'exploitation minière et de l'effet dissuasif de certaines mesures pour les investissements. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un point extrêmement important qui est soulevé par les conservateurs parce que c'est exactement ce que le projet de loi viserait. Il éliminerait ces obstacles qui maintenaient les évaluations dans une impasse. J'expliquerai plus tard comment le projet de loi y arriverait et mettrait fin à cette incertitude. La ministre en a parlé en partie dans son discours.
Je tiens à parler des obstacles qui plongent les évaluations dans une impasse. Le partenariat entre les trois ordres de gouvernement qui ont signé le traité est unique au pays. Tous les gouvernements effectuent des tâches précises dans le cadre de l'évaluation. Si nous devions changer cet accord et ainsi irriter grandement l'une des parties, les modifications seraient probablement illégales en plus de ne pas respecter l'esprit du traité. Une incertitude monstre serait créée dans le processus d'évaluation.
Nous devons d'abord définir qui formera l'office. Celui-ci est constitué des trois parties. Si l'une des parties prend les décisions, il y aura évidemment un problème. Comme l'a aussi dit le NPD, il faut tenir compte de l'article 35 sur les droits ancestraux, selon lequel les Premières Nations doivent, encore une fois, donner leur accord. Elles ont toutes des terres visées par un règlement sur lesquelles elles exercent un contrôle absolu; elles prennent leurs décisions en fonction des recommandations de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Selon l'Accord-cadre définitif, le Yukon est divisé en 14 territoires traditionnels des Premières Nations. Celles-ci exercent une certaine influence sur les questions touchant leur territoire traditionnel en vertu du traité, ce qui inclut les grandes portions de terres qu'elles ont cédées.
Ces trois ordres de gouvernement exercent une influence considérable sur le processus. Si nous les fâchons en les circonvenant et en ne respectant pas le principe d'honneur de la Couronne ou en n'agissant pas de bonne foi lors des négociations, il est évident que cela créera une énorme incertitude quant à la réalisation d'évaluations environnementales. C'est pourquoi nous avons sous la main des lettres provenant de sociétés minières et de la Chambre des mines parce que les représentants de ce secteur veulent bien négocier les choses à l'avenir et travailler en partenariat avec les parties concernées. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a d'excellents partenariats entre les Premières Nations et les sociétés minières du Yukon, qui découlent de l'initiative de ces dernières.
Finalement, je veux parler des délais. C'est une autre question qui sera difficile à comprendre pour les personnes qui ne viennent pas de la circonscription. Il semble que nous éliminions tous les délais, mais ce n'est pas le cas. En principe, les délais sont établis dans les règles et, comme nous le savons, les règles doivent être assujetties à un processus. S'il s'agissait de leur circonscription, les autres députés ne préféreraient-ils pas que les décisions soient prises par des économistes, des spécialistes de l'environnement, des spécialistes des Premières Nations ou des experts du gouvernement du Yukon, plutôt qu'elles soient imposées par Ottawa? C'est exactement ainsi que cela fonctionne. C'est comme les décisions du comité de direction, qui sont dictées par les règles de l'Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon. Il y a bel et bien des délais.
Enfin, comme nous l'avons déjà entendu quelques fois, même sans délai, l'Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon a maintenu un très bon bilan et il prend des décisions plus rapidement que ce que prévoient les délais dans presque tous les cas. D'une certaine façon, il s'agissait d'une solution à un problème qui n'existe pas.
Optons pour un nouveau départ. Tenons des négociations qui, certes, pourront être difficiles, mais qui comprendront les trois signataires légaux du traité et auxquelles le gouvernement fédéral, les gouvernements des Premières Nations, le gouvernement du Yukon et l'industrie prendront part en collaboration. Espérons que nous tous, les parlementaires, joindrons notre voix à ce partenariat afin de mettre derrière nous la situation actuelle et de bâtir un pays juste et prospère pour tous les Canadiens.