Monsieur le Président, c’est pour moi un plaisir de pouvoir prendre part à ce débat sur le Règlement. Même s’il peut sembler technique, ce débat porte sur les fondements mêmes de tout ce que nous faisons en qualité de députés.
Les règles de procédure, ou le Règlement, déterminent quelles voix sont entendues, comment nous résolvons les problèmes difficiles auxquels notre pays est confronté aujourd’hui, comment nous établissons un juste équilibre entre des intérêts divergents et si les décisions que nous prenons répondent réellement aux attentes des Canadiens. Je dirais donc que le débat d’aujourd’hui pourrait bien être l’un des plus importants que nous aurons au cours de la présente législature.
Si nous avons un Parlement où les députés peuvent parler au nom des Canadiens, écouter ceux qui sont touchés par les décisions du gouvernement, entendre des témoignages d’experts, débattre d’idées dans un climat d’ouverture et de respect et ensuite rendre des comptes aux Canadiens sur les choix que nous faisons, alors nous nous retrouverons avec de meilleures politiques et un régime démocratique auquel tous ont le sentiment de participer. Malheureusement, tel n’a pas toujours été le cas à la Chambre. Depuis quelque temps maintenant, on assiste à un déséquilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Trop souvent, les projets de loi sont déjà en version finale lorsqu’ils sont étudiés en comité, et peu d’amendements peuvent y être apportés.
Le décorum est si peu respecté à la Chambre, tout particulièrement pendant la période des questions, que des enseignants en parlent à leurs élèves comme d’un exemple à ne pas suivre. La partisanerie et la discipline de parti nous empêchent parfois de reconnaître les bonnes idées formulées par les députés des autres partis. En outre, le Parlement n’intègre pas tous ses membres comme il pourrait le faire et il n’est pas moderne ou efficace comme il pourrait l’être. Si nous voulons que notre démocratie fonctionne, il faut commencer par améliorer cet endroit.
J’ai tenu récemment une assemblée publique dans ma circonscription sur le sujet de la réforme démocratique et parlementaire, et certaines idées que je propose aujourd’hui proviennent en fait de cette rencontre.
Nul besoin de réinventer la roue. Je propose un certain nombre de choses qui ont déjà été proposées au fil des ans dans des rapports sur la façon de moderniser la Chambre. La démocratie est un phénomène en mouvement, et nous devons constamment travailler à l’améliorer.
J'estime que nous devons en faire davantage pour améliorer l'atmosphère générale et pour rendre cet endroit plus professionnel. Pour cela, il faudrait d'abord améliorer le décorum. Nous sommes les représentants de la population et nous devons donner un meilleur exemple au pays.
À cet égard, j’aimerais parler du rôle du Président, que nous pourrions améliorer.
Actuellement, comme cela a été mentionné plus tôt, le Président reçoit des listes des whips des partis lui donnant les noms de ceux qui vont prendre la parole ou poser une question, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Auparavant, les députés se levaient et le Président avait la latitude de choisir qui allait poser une question ou faire une déclaration. En fait, les règles prévoient déjà cette possibilité. De cette façon, le Président pouvait veiller à ce que chacun puisse prendre la parole à son tour, mais il pouvait également pénaliser ceux qui cherchaient constamment à perturber les débats en ne leur laissant pas la parole tant qu’ils n’avaient pas amélioré leur comportement. Cela réduisait également la capacité des whips de choisir les questions à débattre et ceux qui allaient les soulever. Je crois que c’est une solution très intéressante, que nous devrions examiner plus en profondeur.
De plus, je crois que nous devrions évaluer les avantages et les inconvénients qu’il pourrait y avoir à donner au Président davantage de pouvoirs pour établir le programme parlementaire. Dans le Parlement du Canada, le parti gouvernemental a davantage de pouvoir pour établir le programme que dans presque tous les autres organismes législatifs. Dans un rapport sur la gestion de la Chambre, en 1993, on avait proposé pour la première fois que le Président ait davantage de pouvoirs pour l’utilisation de l’attribution de temps et de la clôture des débats.
Une solution consisterait à donner au Président un rôle d’arbitre ultime, avec l’appui d’un organe comme le Bureau de régie interne, mais réformé et plus transparent, en l’absence d’un consensus sur le nombre d’heures ou de jours supplémentaires à consacrer à l’examen d’une question. Cette solution serait un bon compromis entre le droit des députés de prendre la parole sur des sujets qui sont importants pour les électeurs de leur circonscription, le droit de l’opposition de recourir à des tactiques dilatoires raisonnables pour rallier l’appui du public et le droit du gouvernement d’amener un projet de loi jusqu’au vote.
J'aimerais également formuler un certain nombre de propositions en vue d'améliorer nos travaux en comité. Je souhaiterais que le gouvernement commence à renvoyer des projets de loi en comité avant la deuxième lecture, de sorte que les députés de tous les partis puissent se prononcer, avant que la mesure ne devienne politique ou gouvernementale à l'étape de la deuxième lecture.
Le renvoi des projets de loi aux comités après la première lecture n’est pas une idée nouvelle. En fait, cela a été proposé dans deux rapports distincts du comité de liaison, en 1993 et en 1997, ainsi que dans le Plan d’action pour la réforme démocratique, en 2004.
C’est également une des choses qui ont été proposées à l'assemblée publique que j'ai organisée. Ce serait une excellente façon d’assurer aux députés une participation utile et concrète aux débats.
S’agissant du mode d’élection des présidents et des vice-présidents de comité, plusieurs options permettraient de garantir que le président a la confiance de tous les membres du comité et qu’il préside aux travaux en toute neutralité. Au Royaume-Uni, les présidents de comité sont élus directement par l’ensemble des députés.
À l'Assemblée nationale du Québec, les présidents et vice-présidents des comités sont élus par une majorité de députés du gouvernement et de l'opposition.
Cela contribuerait peut-être à atténuer la partisanerie au sein des comités. Ce sont deux suggestions qui méritent d’être examinées de façon plus approfondie. J’observe également que, dans le Plan d’action pour la réforme démocratique, publié en 2004, on proposait que les comités aient le pouvoir d’examiner au préalable les nominations faites par le gouvernement. Autrement dit, le comité pourrait se renseigner sur les postes susceptibles de devenir vacants, dans le domaine qui le concerne, et demander au gouvernement de lui soumettre le nom d'un candidat potentiel avant de procéder à la nomination. À l’heure actuelle, les comités peuvent examiner les nominations, mais uniquement après coup. Cette idée mérite d’être explorée.
Je pense également que les comités devraient être plus transparents envers l'électorat et lui rendre davantage de comptes. Les réunions devraient être publiques et télévisées le plus souvent possible. De cette façon, la population s’intéresserait davantage à ce que nous faisons, et les gens seraient plus nombreux à s'investir dans le processus démocratique. Au cours de l'assemblée publique que j'ai organisée, quelqu’un a fait une proposition intéressante: aux comités, les députés d’un même parti ne devraient pas s’asseoir les uns à côté des autres; les membres du comité devraient se mélanger un peu plus. Je pense que ce serait intéressant d’essayer.
Cette institution ne ressemble plus à ce qu’elle était il y a 150 ans, lorsque des hommes blancs d’un certain âge se rendaient à Ottawa en train pour discuter strictement entre eux de ce qui convenait le mieux pour la population. Aujourd’hui, la technologie nous permet d’être en communication constante non seulement entre nous, mais aussi avec les personnes que nous représentons. Nos concitoyens veulent que nous soyons accessibles et à leur écoute et aussi que nous les consultions. Pourtant, la Chambre continue de fonctionner comme au XIXe siècle. Il faut permettre aux députés de passer plus de temps dans leur circonscription afin qu'ils écoutent ce que pensent les gens qu’ils représentent et qu'ils fassent un meilleur usage du temps qu’ils passent au Parlement.
Nous pourrions rendre la Chambre plus inclusive et propice à la vie de famille. Je voudrais proposer que nous mettions fin aux séances du vendredi. Nous avons tous deux ou plusieurs bureaux. Certains d'entre nous vivent à 14 heures d'ici. Pour ma part, j'ai la chance de représenter une circonscription proche. Il faut faire en sorte que les gens puissent siéger au Parlement à tous les stades de leur vie.
Certains s'opposeront sans doute à ma suggestion d'éliminer les séances du vendredi, puisqu'il n'y aurait plus de période des questions du vendredi. Toutefois, on pourrait instituer une période des questions du premier ministre, selon l'engagement pris par notre parti au cours de la dernière campagne électorale. De plus, nous pourrions compenser les vendredis perdus en établissant une chambre parallèle.
Il n'est pas nécessaire que ce soit les vendredis. Je pense que nous pouvons être flexibles. Ce pourrait être les lundis ou d'autres jours, mais l'idée, c'est de mieux utiliser notre temps ici et de passer plus de temps à écouter les électeurs qui nous ont envoyés ici.
Si nous avions une Chambre parallèle, comme Westminster Hall au Royaume-Uni, les députés auraient plus de temps pour parler sans devoir prolonger indûment leurs journées. Même si certaines séances de soir ont été supprimées il y a des années, il y a encore des exceptions, comme nous le savons. Par exemple, le Règlement permet de prolonger les séances en juin. Les débats exploratoires ont toujours lieu en soirée, et les motions de clôture sont systématiquement mises aux voix à 20 heures. Une seconde enceinte où débattre laisserait place à plus de débats exploratoires et de déclarations de députés.
On pourrait même proposer qu'il soit possible de tenir des débats exploratoires à la demande d'un certain nombre de députés, disons 50 de l'opposition et 50 du gouvernement. Indépendamment de l'option que nous retiendrons, nous devons étudier minutieusement les façons de rendre les heures que nous passons ici aussi productives que possible pour que nous ayons plus de temps à consacrer à notre famille et à nos concitoyens.
Faire en sorte que le Parlement fonctionne mieux pour les Canadiens est une question qui transcende les frontières partisanes, comme nous le voyons aujourd'hui, et j'ai hâte que nous discutions des idées que d'autres députés et moi avons proposées. Cet exercice nous permettra d'avoir une Chambre plus inclusive qui suscite, à juste titre, la fierté des électeurs.