Madame la Présidente, avant d'exposer mes arguments justifiant mon appui envers la motion de l'opposition, j'aimerais dire à quel point je suis déçu des députés libéraux membres du comité de la justice qui ont mis fin à l'enquête sur les allégations d'ingérence politique auprès de l'ex-procureure générale. La majorité libérale au sein du comité de la justice a muselé son propre comité de la justice pour dissimuler la vérité, ce qui est véritablement antidémocratique, à défaut d'être illégal.
Aussi extraordinaire qu'ait été le témoignage de l'ex-procureure générale, nous ne pouvons oublier que le premier ministre utilise son pouvoir et son Cabinet pour s'assurer que nous n'entendions pas le reste de l'histoire. Il est inconcevable que le premier ministre ne permette pas à l'ancienne procureure générale de répondre à des questions directes concernant les rencontres et les interactions qu'elle a eues après qu'il lui ait retiré son portefeuille alors qu'elle reconnaît elle-même qu'elles sont pertinentes.
S'il y a un jour où les allégeances politiques n'ont pas leur place à la Chambre, c'est bien aujourd'hui. Mon discours d'aujourd'hui vise à convaincre les députés libéraux d'appuyer la motion demandant au premier ministre de lever complètement le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif aux renseignements confidentiels du Cabinet afin de permettre à la députée de Vancouver Granville de raconter le reste de son histoire. Nous devons aller au fond de ces allégations d'ingérence politique exercée auprès de l'ex-procureure générale par le premier ministre lui-même et d'autres hauts placés du gouvernement libéral, comme en fait état le témoignage fourni. Ne pas le faire serait une grave injustice envers la primauté du droit et les principes démocratiques que nous avons été élus pour honorer.
Je sais que les citoyens communiquent avec mes collègues libéraux, par courriel, par téléphone ou en personne, à propos de ces graves allégations d'ingérence politique. Ils communiquent aussi avec les députés conservateurs.
À quand remonte la dernière fois où les grands réseaux d'information ont diffusé une séance d'un comité parlementaire du début à la fin? À quand remonte la dernière fois où des millions de Canadiens ont lu la transcription ou suivi une réunion de comité d'aussi près que celle qui a eu lieu il y a quelques semaines seulement? Certains pensaient que cette affaire n'intéressait que ceux qui évoluent dans la bulle politique d'Ottawa. Ils se trompaient. Nous ne sommes pas à l'école, ce n'est pas un cours de sciences politiques. C'est la réalité. Les gens regardent ce qui se passe, ils s'y intéressent de près et ils veulent des réponses. Ils n'ont rien à faire de la partisanerie. Ils veulent les faits, point.
Si les députés ne votent pas en faveur de cette motion aujourd'hui, je ne sais pas si les Canadiens pourront un jour connaître toute la vérité telle qu'est est. Peut-être que les libéraux veulent vraiment camoufler toute l'affaire, faire fi de la vérité.
Si des députés libéraux votent en faveur de cette motion et que l'ancienne procureure générale a la possibilité de parler, cela pourrait très bien se répercuter sur le sort politique de bon nombre de libéraux en octobre, j'en suis conscient. Cela dit, si notre désir d'être réélu passe avant notre volonté de connaître la vérité et de défendre et d'exiger la justice, même quand ce n'est pas facile, à mon avis, il faut peut-être penser à changer de carrière. Quelle que soit notre allégeance politique, nos convictions à tous devraient l'emporter sur la partisanerie, même si ce n'est que pour cette fois-ci, et nous pousser à défendre une valeur importante.
Nous n'avons pas été élus pour protéger les gens qui occupent des postes influents. Notre rôle n'est pas de reléguer les injustices aux oubliettes comme si elles n'étaient que de simples embêtements. Nous avons été élus pour défendre la primauté du droit et les autres piliers de notre démocratie, et pour toujours faire passer en premier lieu les intérêts des Canadiens.
En politique, nous devons faire des choix déchirants. Aujourd'hui, nous vivons un moment déterminant, et un peu d'introspection ne nous ferait pas de tort. J'aimerais que tous les députés libéraux se demandent comment ils auraient voté si un procureur général avait fait de telles allégations de pressions inappropriées de la part d'un gouvernement conservateur ou néo-démocrate. Chacun connaît la réponse. Nous savons tous que l'argument qui consiste à dire « ce n'était pas illégal » est abject et franchement malhonnête. Si tel est le baromètre pour distinguer ce qui est bien de ce qui est mal, c'est un jour sombre pour notre démocratie.
Si cette affaire a fait la une de tous les journaux et a été présentée dans tous les bulletins de nouvelles, c'est que ces accusations n'ont pas été portées par un député de l'opposition, mais plutôt par l'ancienne procureure générale, une actuelle députée libérale qui est prête à tout mettre en jeu.
De toute ma carrière politique, je n'ai jamais assisté à un événement aussi stupéfiant que le témoignage de l'ancienne procureure générale devant le comité de la justice. Le gouvernement et le premier ministre ont un million de raisons d'espérer qu'elle ne livre pas le reste de l'histoire.
Cependant, je ne vois absolument pas pourquoi elle voudrait comparaître de nouveau devant le comité de la justice, si ce n'est que pour dire la vérité et faire en sorte que nous sachions exactement ce qui s'est produit. Pensons-y un instant.
L'ancienne procureure générale savait pertinemment qu'elle s'exposait à des problèmes évidents lorsqu'elle a témoigné, mais elle en a fait abstraction. Elle a été la cible d'une offensive incessante menée par des gens qui souhaitent qu'elle disparaisse tout simplement. Certains sont même allés jusqu'à la dénigrer et mettre ses motifs en doute. Il y en a qui se moquent éperdument de la vérité et qui se soucient seulement de leur propre survie politique. Tout au long de cette affaire, elle a surmonté ces circonstances très difficiles et éprouvantes.
C'est pourquoi je demande à mes collègues libéraux de voter en faveur de de la motion. L'ancienne procureure générale était prête à dire la vérité, peu importe les conséquences. J'implore ses collègues libéraux de faire preuve de la même audace. Ils devraient se joindre à leurs collègues libéraux qui ont dénoncé la situation.
Personne ne demande à ces députés de déchirer leur carte de membre du Parti libéral ou d'abandonner leur caucus. Je ne leur demande pas de faire défection ou d'adhérer aux principes conservateurs. Ce n'est pas une question d'idéologie, et cela n'a même rien à voir avec les prochaines élections. Tout ce que je leur demande, c'est qu'ils laissent à leur collègue libérale, l'ancienne procureure générale, la chance de raconter toute l'histoire. Je leur demande de la laisser donner le témoignage nécessaire pour que le comité de l'éthique puisse accomplir son travail.
Je rappelle à ceux qui croient que l'ancienne procureure générale doit quitter son caucus qu'elle ne s'est pas tout à coup rendu compte qu'elle ne souhaitait plus être une libérale. Elle est fière d'être libérale, et le fait qu'elle souhaite se représenter en octobre témoigne de ses principes.
Nous devons nous montrer à la hauteur et mettre de côté notre allégeance politique. Demandons au gouvernement de lever complètement le secret professionnel et le secret du Cabinet et laissons l'ancienne procureure générale terminer son témoignage.