Madame la présidente, nous parlons d'un premier ministre qui voulait faire un cadeau à ses amis en leur permettant de s'en tirer à bon compte.
Pour ce faire, il devait d'abord forcer la main de l'ancienne procureure générale pour qu'elle exécute le sale boulot à sa place. Elle ne s'est pas laissé faire et a opté pour la justice au lieu de l'injustice, choisissant de préserver l'intégrité du système de justice.
L'ancienne procureure générale s'est tenue debout et elle a su résister aux manoeuvres d'intimidation du premier ministre, qui tentait de la manipuler pour parvenir à ses fins au lieu de faire respecter la justice.
Il est bien question du premier ministre du Canada, un chef de file sur la scène mondiale, une personne en qui les Canadiens ont accordé une très grande confiance. Nous avons confié à cette personne la responsabilité de diriger notre pays. Au lieu d'honorer une fonction qui exige de faire preuve d'intégrité et de responsabilité, cette personne a abusé de ses pouvoirs.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils s'inquiéter de cette situation? Ils devraient s'inquiéter, car lorsque le premier ministre s'est présenté aux élections, il a pris une série d'excellents engagements. Il a déclaré que nous devrions être transparents et honnêtes. Il a promis que son gouvernement allait s'engager sur cette voie.
Le premier ministre avait promis de laisser entrer la lumière, d'être plus ouvert, plus transparent. Il a dit « si nous faisons de erreurs, nous devons les reconnaître sur-le-champ ».
Il a aussi dit, dans la lettre de mandat adressée à l'ancienne procureure générale en tant que ministre de la Justice, « Je m'attends à ce que vous preniez les dispositions nécessaires pour vous assurer que nos initiatives sont conformes à la Constitution du Canada et aux décisions des tribunaux, et qu'elles s'inscrivent dans les traditions juridiques qui font toute notre fierté. » Il a ajouté:
Nous voulons être un gouvernement transparent, honnête et redevable envers les Canadiens et les Canadiennes; un gouvernement qui respecte les normes d'éthique les plus rigoureuses, qui porte une attention soutenue à la gestion des fonds publics et observe la plus grande prudence dans ce domaine. Je m'attends à ce que vous incarniez ces valeurs dans votre travail et que vous ayez une conduite éthique irréprochable dans tout ce que vous faites.
Le premier ministre a demandé à l'ancienne procureure générale de respecter ces principes. Elle l'a fait, lui non. À présent, c'est elle qu'on empêche de parler.
Pendant la campagne électorale, le premier ministre a également dit ceci, « Les voies ensoleillées; voilà ce qu'on peut accomplir avec la politique positive. »
Nous, députés de l'opposition, demandons au premier ministre d'adhérer à ses propres paroles: « voies ensoleillées ». Pourquoi ne pas faire la lumière sur cette affaire? Pourquoi ne pas laisser les détails faire surface? Pourquoi ne pas permettre à l'ancienne procureure générale du Canada de raconter sa version des faits?
Les Canadiens se soucient de cette affaire. De même qu'ils ont la possibilité — j'oserais même dire le privilège — d'élire des représentants, ils ont le devoir de leur demander des comptes. Bien entendu, l'opposition partage ce devoir avec les Canadiens. Nous aussi allons demander des comptes au gouvernement. Nous aussi allons insister pour que la vérité soit entendue, ce qui ne s'est pas encore produit.
Penchons-nous de plus près sur ce qui s'est passé. Pour ce faire, revenons sur ce qui a été dit par diverses personnes, à commencer par l'ancienne procureure générale elle-même. Elle a dit:
Pendant quatre mois environ, entre septembre et décembre 2018, j’ai été soumise aux démarches incessantes et soutenues de nombreuses personnes au sein du gouvernement qui ont tenté de s’ingérer politiquement dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire de procureure générale du Canada en matière de poursuite, cela dans une tentative déplacée visant à obtenir un accord de poursuite suspendue avec SNC-Lavalin.
Elle a ensuite parlé des nombreux appels téléphoniques, courriels, messages textes et réunions qui ont été utilisés par diverses personnes pour tenter de faire pression sur elle. Elle a continué en parlant des menaces voilées qu'elle a reçues. Tout cela a été exposé au grand jour lors de son témoignage initial devant le comité.
Elle a également dit que le premier ministre a fait valoir qu'une élection allait avoir lieu au Québec et, par conséquent, qu'elle devait se rallier à sa position. Elle devait faire le sale boulot du premier ministre. C'est intéressant.
Nous avons ici un cas de pressions soutenues et inappropriées, un cas où le premier ministre a effectivement intimidé l'ancienne procureure générale, a essayé de lui faire faire son sale boulot. Nous savons que, par la suite, l'ancienne procureure générale a perdu son poste de procureure générale et qu'on lui a attribué un nouveau poste au Cabinet, mais qu'elle a éventuellement donné sa démission.
Le premier ministre essaie de convaincre les Canadiens que ce n'est pas ce qui s'est passé et qu'elle a mal interprété ce qu'il essayait de faire. Cependant, pourquoi ne ferions-nous pas confiance à l'ancienne procureure générale? Le premier ministre ne préconise-t-il pas depuis le début que nous écoutions les femmes parmi nous? J'aurais surtout espéré pouvoir entendre l'ancienne procureure générale du Canada qui, j'aimerais ajouter, est la toute première femme autochtone à occuper ce poste au pays. Pourquoi ne pas écouter ce qu'elle a à dire? Pourquoi n'accorderions-nous pas d'importance à ses propos?
Comme cela n'a pas marché, le premier ministre s'est trouvé une autre excuse, à savoir protéger les 9 000 emplois à SNC-Lavalin. Cependant, aujourd'hui, nous savons que ce n'est pas non plus la bonne explication. Le PDG de cette entreprise a, en effet, déclaré que ce n'est pas du tout le cas et qu'en fait, il n'avait jamais dit cela au premier ministre.
Voilà une voix, celle de l'ancienne procureure générale, que le premier ministre a, bien entendu, essayé de faire taire.
Cependant, une autre voix s'est fait entendre: celle de Gerald Butts, le conseiller en chef du premier ministre. Il a dit « je démissionne », et il est parti. C'est intéressant.
Puis, une autre voix s'est élevée, celle de l'ancienne présidente du Conseil du Trésor. Elle aussi a dit « je démissionne » et, dans sa lettre de démission, elle a affirmé ce qui suit:
Deux grands principes sont en jeu: l'indépendance et l'intégrité de notre système judiciaire. L'un des principes fondamentaux de la primauté du droit veut que la procureure générale ne fasse pas l'objet de pression politique ou d'ingérence pour ce qui est de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire dans les affaires criminelles. Malheureusement, la façon dont le gouvernement a géré ce dossier et dont il a réagi aux questions soulevées m'a fait perdre confiance en lui.
Elle conclut sa lettre en disant ceci: « Il y a un prix à payer pour agir selon ses principes, mais le prix est encore plus élevé quand on choisit d'y renoncer. » Elle a parfaitement raison.
Trois personnes ont pris position dans cette affaire, puis une quatrième. Le greffier du Conseil privé a lui aussi remis sa démission.
Maintenant, pas plus tard qu’aujourd'hui, la députée de Whitby a également quitté son poste. Elle a affirmé qu'elle a aussi subi de l'intimidation de la part du premier ministre. Elle a raconté la fois où le premier ministre l'a appelée et où il criait tellement que son mari pouvait entendre tout ce qu'il lui disait.
Cela ne ressemble pas à un premier ministre qui souhaite réellement servir son pays. Cela ne ressemble pas du tout à un premier ministre qui prétend être féministe.
La réalité est la suivante: trois députées de son parti ont remis leur démission et sont toutes parties en disant qu'elles avaient été maltraitées par le premier ministre.
J'aimerais parler d'autres personnes qui ont pris position dans cette affaire. Jetons un coup d'oeil à ce qui se dit dans les médias.
Selon un article d'un ancien juge publié dans les médias, on peut dire qu'il s'agit d'une crise constitutionnelle.
L'ancien procureur général de l'Ontario affirme que « c'est ainsi qu'on en arrive à poursuivre les ennemis du gouvernement et à accorder l'immunité à ses amis, ce qui correspond à un système despotique. »
Le Toronto Star pense qu'on ne pourra plus jamais regarder le gouvernement de Justin Trudeau de la même façon.
Le National Post est d'avis que cette affaire avait l'air de sonner le glas pour le gouvernement libéral de Justin Trudeau.
De nombreuses observations ont été formulées...