Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-50. Ce matin, quand je suis arrivé, je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais c’est un sujet qui est tout à fait pertinent et qui préoccupe beaucoup un grand nombre de Canadiens. Si certains d’entre vous ne sont pas convaincus que c’est un grave sujet de préoccupation, je vais donner quelques exemples pour leur prouver.
Mais auparavant, je dois dire que c’est un sujet qui revient régulièrement sur le tapis. Je me souviens qu’entre 2000 et 2004, le Parti libéral avait connu les mêmes difficultés qu’aujourd’hui, avec l’accès privilégié et les dons qui affluaient, qui ont plus ou moins donné lieu au scandale des commandites et à l’enquête Gomery. C’était presque toujours une question d’accès aux activités de financement du Parti libéral, qui permettaient de recueillir des sommes considérables. Même après les vérifications et l’enquête Gomery, on a constaté qu’il y avait toujours 40 millions de dollars qu’on ne pouvait pas retracer.
Je me souviens de LaVar Payne, de Medicine Hat, qui demandait où se trouvaient ces 40 millions. À la suite de cela, les conservateurs ont fait adopter certains changements concernant les activités de financement des partis politiques. Les mesures proposées par le gouvernement libéral ne sont pas adéquates, aux yeux des conservateurs. Le gouvernement a dit qu’il ne sera plus possible de faire des dons importants au gouvernement fédéral, en échange de lobbying et d’influence, mais que tout sera financé par le Trésor public. Pour chaque vote qu’ils auront recueilli, le Parti conservateur, le Parti libéral, le NPD et le Parti vert recevront un certain financement. Nous estimons que le recours au Trésor public pour financer les partis politiques n’est pas la bonne solution, car le Parlement a décidé que c’est aux partis politiques qu’il incombe de financer leurs propres activités. Que c’est aux partis politiques qu’il incombe de mobiliser des membres et de lever des fonds. C’est exactement ce que nous avons fait: nous avons envoyé des lettres à nos membres pour leur dire que des élections allaient avoir lieu et que nous avions besoin de leur aide.
Le Parti libéral se retrouve pris au piège: il est obligé de dire qu’il a aujourd’hui ce qu’il n’avait plus depuis 10 ans, de l’influence. Nous avons un premier ministre qui décide des projets de loi qui seront présentés et de ce qui se fait au Canada. Nous avons des ministres du Cabinet, dans les différents portefeuilles, qui vont parler aux parties intéressées. Ce sont des vaches à lait pour le Parti libéral du Canada. Nous l'avons déjà observé, et cela a été mentionné à plusieurs reprises.
Nous l’avons observé avec la ministre de la Justice, qui vient de la Colombie-Britannique. Elle avait des centaines de nominations de juges à faire, et elle est allée rencontrer des avocats dont l’objectif était un jour d’être juges, et ce sont eux qui ont été invités à l’activité de financement, dans un cabinet d’avocats du centre-ville de Toronto. Ce sont eux qui ont payé 1 500 $ pour discuter et se faire prendre en photo avec la ministre de la Justice du Canada.
Nous l’avons observé avec le ministre des Finances qui, au cours de ses consultations budgétaires, est allé rencontrer tous les groupes d’intérêts qui veulent investir dans des emplois, des entreprises, etc. Nous l’avons observé avec le premier ministre, qui a participé à une rencontre à Vancouver avec des milliardaires chinois, qui ont payé 1 500 $ pour y participer. L’un d’entre eux voulait investir dans un établissement financier et il a donné 1 500 $ au Parti libéral du Canada. Il y en a eu un autre, à la même rencontre, qui a payé les 1 500 $ et qui voulait aussi donner 1 million de dollars à la Fondation Trudeau. Ce n’est pas la fondation du premier ministre, mais celle du père du premier ministre. Comme c’est pratique! C'est un accès privilégié à la fois aux ministres du Cabinet et au premier ministre.
J’ai eu le privilège de servir dans cette enceinte en tant que ministre pendant la dernière législature. J’ai travaillé en étroite collaboration avec Jim Flaherty, Joe Oliver et notre ancien premier ministre pendant les consultations prébudgétaires, comme l’ont fait d’autres membres du Cabinet. Avant de nous rendre à des activités de financement, s’il y avait la moindre possibilité que nous nous adressions aux membres, nous n’étions alors pas autorisés à dire que nous étions ministres. Autrement dit, je me présentais simplement comme le député de la circonscription de Crowfoot — c'est ainsi qu'elle s'appelait à l’époque. Je ne pouvais pas dire que j’étais ministre parce que nous voulions être au-dessus de tout reproche.
J’ai bien aimé la question qui a été posée tout à l’heure. Le premier ministre rencontre tous ces gens, il vient voir les habitants de ma collectivité, et c’est exactement ce que nous sommes censés faire. En revanche, lorsque des lobbyistes disent, avec un clin d'oeil et un petit coup de coude entendus, être prêts à payer 1 000 $ pour participer à une réunion, cela ne va plus. Le gouvernement essaie de camoufler une pratique courante. Cela, les Canadiens ne l’acceptent pas.
Je voudrais ajouter quelque chose qui n’est pas directement lié au projet de loi. Nous avons un autre problème, qu’on a essayé de régler dans le passé et qu’Élections Canada essaie toujours de régler: c’est le fait qu’il faut attirer des jeunes en politique. Mais comment faire?
La semaine dernière, j’ai assisté à une réunion du conseil. J’avais déjà rencontré le jeune James, de Three Hills, à une activité de financement. C’était un élève de 11e année, qui allait entrer en 12e année. Il m’a demandé comment il pouvait faire de la politique, mais il n’était pas trop sûr d’être conservateur. Nous l’avons invité à notre réunion du conseil. Il a participé à la discussion et s’y est vraiment intéressé.
Si nous voulons encourager les Canadiens à participer, surtout les jeunes, il ne faut pas le faire en catimini, en leur disant « si vous voulez avoir accès au premier ministre, le tarif, c’est 1 500 $ ». C’est contraire à l’éthique et, comme l’a dit mon collègue, c’est immoral. C’est parfaitement immoral de dire: « Nous vous écouterons si vous donnez 1 500 $ au Parti libéral du Canada ».
Un député d’en face a dit que c’était aux partis de décider comment ils veulent recueillir des fonds. Mais c’est alors offrir au Parti libéral du Canada un dispositif de financement dont aucun autre parti ne dispose. C’est la raison pour laquelle les libéraux s’y intéressent. Ils s’y intéressent parce qu’ils ont un avantage par rapport aux autres partis politiques, puisque ce sont leurs ministres qui prennent les décisions.
Lorsque je quitterai cette Chambre, je voudrais pouvoir dire que je n’ai rien fait qui soit allé à l’encontre des règles que doit observer un député fédéral. Je suis convaincu que, pour le Canadien moyen, ce n’est pas un comportement honorable, et que si c’est acceptable dans des pays du tiers-monde ou d’autres pays, ça ne l’est pas au Canada.
Notre démocratie vaut la peine qu'on la protège. Elle nous enseigne que même les plus petits, ceux qui ont le moins d'influence ont les mêmes droits que les plus fortunés. C’est là une valeur fondamentale de notre pays. Le gouvernement est en train de créer un précédent fort regrettable de ce qui va se passer aux prochaines élections.
Nous avons un problème. Ce projet de loi est censé le régler, mais c’est en fait la reconnaissance par le Parti libéral qu’il est à l’origine d’un scandale qu’on appelle « accès privilégié », « accès privilégié à un ministre du Cabinet » ou « accès privilégié à notre premier ministre ». Les libéraux ont promis de régler ce problème, et le projet de loi C-50 est la solution qu’ils proposent. Ils ont déjà dit que ce sont des règles qu’ils ont établies pour eux-mêmes, et c’est exactement à quoi correspond ce projet de loi.
Je pourrais continuer, mais je vais me limiter à ceci: le député de Barrie—Innisfil et celui d'York—Simcoe ont fait deux discours tout à fait renversants. Ils y ont relaté des histoires formidables sur des problèmes et des scandales de financement qui ont marqué le Parti libéral. J'encourage tout un chacun à lire ces discours et à communiquer avec son député pour parler de ce qu'il croit être...