Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour parler d'une importante mesure législative. Je félicite en particulier la ministre de la Justice, qui a présenté deux projets de loi d'une importance considérable dans un laps de temps relativement court. J'admire les efforts et le travail fournis par l'intermédiaire de son ministère pour présenter le projet de loi C-16 à la Chambre. Je sais que celui-ci faisait partie de la lettre de mandat que le premier ministre a remise à la ministre. Cela montre l'importance que le premier ministre, le Cabinet, le gouvernement dans son ensemble et tous les partis politiques accordent à cette mesure législative.
J'ai écouté les nombreuses allocutions prononcées aujourd'hui et j'ai constaté que tous les partis politiques appuient le projet de loi C-16. Il est rare que nous obtenions un tel appui, et il vaut la peine de le faire remarquer.
Je tiens à souligner encore une fois le travail réalisé par la ministre de la Justice et son équipe dans ce dossier. Le projet de loi n'a pas été créé du jour au lendemain. Les mesures législatives présentées sont le fruit d'un apport considérable de nombreux intervenants d'à peu près toutes les régions du pays. Il importe de reconnaître les efforts des nombreuses personnes qui ont fait en sorte que nous puissions débattre en ce moment du projet de loi C-16.
Il est important de souligner qu'Ottawa a joué un important rôle de chef de file à l'égard de cette mesure législative. Je reparlerai de ce rôle, mais il importe également de souligner l'apport des autres pouvoirs publics.
J'ai demandé au député de Richmond Hill si je pouvais citer sa réponse une question, car elle est pertinente dans le cadre du débat d'aujourd'hui. Il a dit ceci: « nombre de provinces et de territoires au Canada ont adopté des mesures visant à protéger les droits des personnes trans et de diverses identités de genre au Canada. Dans la plupart des provinces et des territoires, l'identité de genre, ainsi que l'expression de genre, dans certains cas, figurent maintenant parmi les motifs de distinction illicite dans les lois relatives aux droits de la personne. » Le député a dit encore ceci: « Les lois sur les droits de la personne des Territoires du Nord-Ouest, du Manitoba et de la Saskatchewan interdisent la discrimination fondée sur l'identité de genre, alors que les lois sur les droits de la personne de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador interdisent la discrimination fondée tant sur l'identité de genre que sur l'expression de genre. »
Lorsque les députés réfléchissent au projet de loi C-16 et se demandent s'ils voteront pour ou contre, ils doivent se dire que le gouvernement fédéral n'est pas seulement un acteur important, mais aussi un chef de file qui doit assumer son rôle. Soulignons aussi que, bien que la plupart des provinces aient modifié leurs lois sur les droits de la personne pour que celles-ci prévoient explicitement la protection nécessaire, comme le député de Richmond Hill l'a indiqué, l'identité et l'expression de genre avaient déjà été implicitement incluses, à certains endroits, dans les motifs illicites de discrimination, comme le sexe, en raison des politiques ou des décisions des tribunaux résultant des lois en vigueur.
Il est important de souligner que même si le Nouveau-Brunswick, le Nunavut et le Yukon n'ont pas modifié leurs lois afin d'y inclure spécifiquement les notions d'identité ou d'expression sexuelles, les commissions des droits de la personne du Nouveau-Brunswick et du Yukon ont publié des lignes directrices précisant que la discrimination fondée sur l'identité sexuelle est une forme de discrimination fondée sur le sexe.
Il est également important de reconnaître que la société canadienne dans son ensemble devient de plus en plus moderne et inclusive. Cette mesure législative serait conforme aux souhaits des Canadiens et les représenterait vraiment.
En tant que représentant de la merveilleuse circonscription de Winnipeg-Nord, j'estime représenter tous ses habitants. Je tiens à ce qu'ils sentent que je défends leurs intérêts d'abord et avant tout, ce que je fais de diverses façons. Par exemple, dans les discussions de caucus, nous savons que nous pouvons dire ce que nous voulons. Nous savons qu'il existe parfois à la Chambre certaines limites concernant ce qu'un député peut dire ou ne pas dire. Je tiens toutefois à ce que mes électeurs comprennent bien que peu importe leur origine ethnique, leur religion ou leurs croyances, lorsqu'ils viennent me voir, je ne ferai aucune discrimination et que je défendrai leurs intérêts, peu importe le segment de la population auquel ils disent appartenir. Je dis cela parce que le présent débat ne devrait pas porter sur les croyances ou la religion d'une personne. Nous débattons plutôt d'un droit fondamental.
En 1948, les Nations unies ont présenté une déclaration universelle soulignant l'importance des droits de la personne. Depuis, les politiciens du monde entier ont montré leur volonté et leur intention de la respecter en proposant des idées, des résolutions et des mesures législatives visant à concrétiser les principes qui y sont énoncés.
Nous entendons souvent les gens dire qu'il n'y a pas suffisamment d'études et de rapports sur cette question. Dans un tel cas, le moteur de recherche Google est bien utile, car il nous aide à savoir rapidement ce qui existe à ce sujet. J'aimerais parler d'un rapport que j'ai trouvé. J'invite les députés qui ont des réserves par rapport à cette question à essayer de mieux comprendre les difficultés que de nombreux Canadiens tentent de surmonter. Bon nombre de députés essaient de changer les choses, par exemple en veillant à ce que certaines mesures législatives, comme le projet de loi C-16, soient adoptées.
Il s'agit d'un rapport rédigé par l'équipe du projet Trans PULSE, de l'Ontario. J'aimerais en lire certains extraits.
Je vais commencer par la page 1, où on souligne que ce rapport a été très efficace. Il l'est encore, d'ailleurs.
Voici ce qu'on peut y lire:
À ce jour, le projet a donné lieu à 14 articles rédigés par des chercheurs du milieu universitaire, qui ont été publiés dans des revues à comité de lecture, à cinq rapports rédigés à la demande du gouvernement ou d'organismes de services communautaires et à huit bulletins électroniques présentant un résumé des principales constatations, dans un format facilement accessible.
Je tiens à souligner que ce rapport provient de la province la plus peuplée du Canada, l'Ontario.
Le rapport pose la question suivante: qui sont les personnes transgenres en Ontario? J'adore la réponse à cette question, et je pense qu'il est approprié que je la lise.
La voici:
Les transgenres de l'Ontario sont des gens de tous âges, qui exercent des professions très variées, et on les retrouve aux quatre coins de la province, en proportion de la population.
Les députés en ont d'ailleurs parlé. Il ne s'agit donc pas d'un phénomène exclusivement urbain. Le rapport poursuit ainsi:
Ils appartiennent à tous les groupes ethnoraciaux, et 7 % d'entre eux se disent Autochtones. Nul besoin de préciser que les trans forment aussi des familles: 44 % entretiennent une relation stable et 24 % ont des enfants.
Même s'ils n'avaient peut-être pas les mots pour le dire à l'époque, 59 % des trans savaient avant d'avoir 10 ans que leur identité de genre ne correspondait pas à leur corps, et 80 % le savaient avant l'âge de 14 ans. L'identité de genre devient souvent claire des années avant que s'opère la transition sociale vers le sexe réel. Même si environ 80 % des trans de l'Ontario ont fait cette transition et vivent leur vie sociale selon leur sexe réel, la plupart à temps plein, seulement 8 % disent l'avoir fait dès l'âge de 14 ans. Il est important de signaler que la diversité des sexes et des genres est grande au sein de la communauté trans. À peu près les trois quarts des personnes trans disent avoir besoin d'une transition médicale, qui peut prendre différentes formes d'une personne à l'autre et combiner différentes hormones et inclure ou non la chirurgie. Même si les femmes trans ont davantage retenu l'attention des médias, l'Ontario compte sensiblement le même nombre d'hommes trans devenus femmes que de femmes trans devenues hommes.
C'est important.
Environ une personne trans sur cinq ne s'identifie ni comme un homme, ni comme une femme, ni même comme principalement masculin ou féminin. Elles peuvent au contraire s'identifier aux deux sexes, à aucun des deux ou encore à tout autre chose (p. ex. un autre genre traditionnellement reconnu par les Autochtones ou d'autres groupes culturels).
Le rapport s'appuie sur de vastes sondages, que j'ai trouvé extrêmement intéressants. On y parle beaucoup de la discrimination et de la violence dont les personnes trans sont victimes.
Dans notre société, les préjugés et la discrimination contre les personnes trans sont monnaie courante, et elles en subissent les contrecoups au quotidien. Outre les actes de discrimination et de violence constituant une violation aux droits de la personne, les trans de l'Ontario déclarent presque à l'unanimité faire l'objet d'une forme ou d'une autre de « transphobie quotidienne ». Par exemple, 96 % d'entre eux ont entendu quelqu'un dire que les trans n'étaient pas normaux; 73 % ont été ridiculisés parce qu'ils sont trans; et 78 % disent que leur famille a souffert ou s'est sentie embarrassée. Ces irritants quotidiens finissent par s'accumuler: 77 % des personnes trans ressentent de la crainte en songeant à leurs vieux jours et 67 % croient qu'elles vont mourir jeunes.
Le rapport fait état de certains chiffres très intéressants, mais contentons-nous de dire qu'il est très fréquent que les personnes trans subissent de la discrimination et de la violence ou doivent surmonter des obstacles structurels.
Je poursuis ma lecture du rapport. Voici ce qu'on y lit au sujet de la violence:
Les trans sont la cible d'actes de violence directement dirigés contre eux: 20 % ont été agressés physiquement ou sexuellement parce qu'ils sont ce qu'ils sont, et 34 % ont été verbalement menacés ou harcelés sans être nécessairement agressés. Nombreux sont ceux, toutefois, qui ne sont pas allés voir la police. En fait, 24 % des personnes trans disent avoir été harcelés par des policiers. Elles sont aussi victimes de violence dans un contexte institutionnel, comme en prison: 6 % des participants au projet Trans PULSE ont déjà été en prison et le tiers d'entre eux disent avoir déjà subi de la violence en raison de leur genre [...]
Je continue:
La majorité (57 %) des trans de l'Ontario évitent les toilettes publiques parce qu'ils craignent pour leur sécurité [...]
Parmi ceux qui disent avoir subi de la violence physique ou sexuelle parce qu'ils sont trans, 97 % disent éviter au moins un type d'espace public [...]
La discrimination et la violence peuvent avoir de lourdes conséquences sur la participation sociale et la santé.
On ne badine pas avec la santé mentale et le suicide. J'ai ici un graphique très intéressant qui nous apprend que la proportion de personnes trans ontariennes qui disent avoir eu des idées suicidaires au cours de la dernière année parce qu'elles ont été victimes d'agressions ou de harcèlement transphobiques par le passé est en hausse.
Nous devons réfléchir aux objectifs poursuivis par le projet de loi C-16. Le Canada célèbre la diversité et l'inclusion. Aucun Canadien ne devrait avoir peur d'être lui-même. Comme il l'avait promis, le gouvernement a présenté une mesure législative proposant d'inclure l'identité de genre aux motifs de distinction illicite figurant dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la liste des caractéristiques qui distinguent les groupes identifiables protégés par les dispositions du Code criminel sur les crimes haineux.
Le gouvernement est d'avis que chaque personne devrait pouvoir vivre selon l'identité de genre qui est la sienne et être protégée contre la discrimination, la propagande haineuse et les crimes haineux. Nous ferons tout pour que les Canadiens trans et de diverses identités de genre soient protégés contre la propagande haineuse et les crimes haineux. Grâce au projet de loi C-16, la protection contre la discrimination fondée sur l'identité de genre ou l'expression de genre sera inscrite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La Loi canadienne sur les droits de la personne a été adoptée par le Parlement en 1977. En la parcourant, je suis tombé sur un passage — celui qui en énonce l'objet — qui mérite d'être lu à haute voix. Le voici:
La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.
Je crois que tous les Canadiens comprennent l'importance de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Certains organismes, comme la Commission canadienne des droits de la personne, mènent des enquêtes sur des questions, puis renvoient ces questions au Tribunal des droits de la personne. Nous disposons de mécanismes, qu'il s'agisse de lois ou de formalités administratives, qui visent à ce que la discrimination soit marginalisée dans notre pays.
Nous sommes saisis aujourd'hui d'une mesure législative qui renforcerait la Loi canadienne sur les droits de la personne, loi acceptée par une grande majorité de Canadiens. C'est ce que le gouvernement se propose de faire, c'est-à-dire reconnaître que les personnes transgenres font l'objet d'une discrimination qui va bien au-delà de ce que vit le Canadien moyen. Il faut inclure ce type de discrimination dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Les députés qui ont écouté les discours de ce matin savent que ce débat transcende les allégeances politiques. Je remercie tous les députés qui ont exprimé leur opinion, mais je tiens à souligner que ce débat ne devrait pas porter sur les convictions religieuses, mais sur les droits de la personne. Il devrait porter sur la discrimination et sur le rôle que les parlementaires peuvent jouer pour la combattre.
Il est question de la façon dont le Canada peut être un chef de file dans ce dossier qui remonte à 1948, année de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le premier ministre a demandé à la ministre de la Justice de faire de ce projet de loi une priorité afin qu'il soit adopté pendant la première année du mandat du gouvernement actuel.
En tant que parlementaires, nous savons à quel point il est important de dénoncer la violence, l'intimidation et la discrimination. Lorsque l'occasion se présente, nous n'hésitons pas à adopter des mesures législatives qui permettent de protéger ces droits et de promouvoir l'égalité.
Je remercie tous les députés de donner leur avis, que je respecte, mais je crois que ce débat porte d'abord et avant tout sur les droits de la personne. Nous avons le devoir de bien représenter l'ensemble des résidants de nos circonscriptions, quelles que soient leurs origines ou leurs convictions. Lorsque nous devons nous prononcer sur un projet de loi qui permettrait de promouvoir l'égalité, nous avons le devoir de l'appuyer.
Je crois comprendre que certains députés de l'opposition ont certaines réserves. Essayons d'y répondre en permettant au projet de loi d'être renvoyé à un comité, qui se penchera sur ces questions, en vue de prendre une décision finale à l'étape de la troisième lecture. J'encourage tous les députés à appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture afin qu'il soit renvoyé à un comité qui écoutera ce que des gens du public et d'autres intervenants ont à dire à ce sujet. Ce serait une façon formidable de souligner l'importance de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée il y a de nombreuses décennies.