Monsieur le Président, je vais y aller dans un tout autre registre. Je vais parler de démocratie et de fair-play à deux vitesses.
Nous sommes aujourd'hui à discuter du Règlement et de la procédure de la Chambre des communes. Toutefois, à qui appartient la Chambre? Elle appartient au peuple. Nous ne sommes ici que des représentantes et des représentants du peuple. C'est la voix du peuple qui se fait entendre à la Chambre des communes. Du moins, il me semble que c'est cela, l'esprit de la démocratie.
Le Bloc québécois et le Parti vert, tout comme le Parti libéral, le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique, sont des partis reconnus par Élections Canada qui ont fait élire des députés à la Chambre des communes. Pourtant, actuellement, seuls les partis ayant 12 élus ou plus ont le statut de parti reconnu. Ce seuil de reconnaissance, toutefois, n'est figé dans aucune loi.
Dans la Loi sur le Parlement du Canada, la seule mention spécifique du seuil de 12 élus existe pour établir la rémunération supplémentaire des officiers d'un parti reconnu, et ce n'est pas ce que nous revendiquons. Le seuil de 12 élus est une tradition. Cette tradition sert-elle l'intérêt de la démocratie, l'intérêt du peuple, ou sert-elle d'obscurs intérêts partisans au détriment des intérêts de la démocratie?
Qui gagne quoi que ce soit à évacuer d'une partie de l'espace parlementaire des députés élus par la population? Les conséquences sont nombreuses, et les voici. Les députés d'un parti non reconnu ne peuvent siéger aux comités permanents de la Chambre. De plus, ils n'ont aucune assurance de pouvoir poser des questions lors de la période des questions orales. Ils n'ont pas non plus l'assurance de pouvoir intervenir lors des études de projets de loi à la Chambre. Tout cela, à notre avis, handicape sérieusement la capacité des élus du Bloc québécois de jouer pleinement leur rôle en tant que députés de l'opposition.
Cependant, les véritables perdants, ce sont près d'un million de Québécoises et de Québécois qui se font imposer par les partis reconnus à la Chambre une pénalité à l'urne. Pour ce qui est des budgets attribués en soutien au travail parlementaire des partis, que ce soit pour les chefs, les whips, les leaders, la recherche, le soutien ou l'informatique, ils sont déterminés par le Bureau de régie interne après l'élection générale.
À notre avis, rien n'empêcherait le Bureau de consentir des montants supplémentaires à des partis jugés actuellement non reconnus. Cela leur permettrait de se doter d'un service de recherche leur permettant de mieux remplir leur rôle, tout comme les autres députés de la Chambre des communes, et ainsi d'accomplir efficacement leur devoir de représentation des citoyens.
Ce n'est qu'une question de volonté politique. Malheureusement, celle-ci fait défaut pour des motifs partisans, au détriment des électeurs que nous représentons.
Allons voir du côté du Québec. Le Bureau de l'Assemblée nationale consent à tous les partis politiques qui ont fait élire des députés des budgets à des fins de recherche et de soutien. En vertu de l'article 108 de la Loi sur l'Assemblée nationale, tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale à la suite d'une dernière élection générale reçoivent une somme allouée à des fins de recherche et de soutien. D'ailleurs, ce serait la même chose pour des députés indépendants. Cette somme sert bien sûr à rémunérer le personnel spécialisé engagé par les partis et à couvrir les dépenses reliées au fonctionnement des services de recherche.
Revenons à la Chambre des communes, maintenant. Actuellement, le NPD, qui compte 44 députés élus, dispose d'un budget supplémentaire moyen de plus de 90 000 $ par député. C'est pour le chef, la recherche, le whip, le leader, le caucus, la traduction, l'informatique et même pour le café pendant le caucus.
Le Règlement de la Chambre tourne le dos à plus de 8 % de l'électorat canadien de la dernière élection. La Chambre des communes tourne le dos à 5 % des électeurs au Canada qui ont voté pour le Bloc et aux 3 % qui ont voté pour le Parti vert. Ce sont donc plus de 1,4 million d'électeurs qui voient les députés qu'ils ont choisis ne pas avoir les moyens convenables pour jouer leur rôle de députés de l'opposition. La démocratie en sort-elle gagnante, ou est-elle secondaire dans les critères permettant la reconnaissance des partis politiques de la Chambre? Je pose la question.
Il nous apparaît pour le moins incongru, parce que nous sommes en 2016, qu'un si grand nombre de personnes voient leurs représentants et représentantes ne pas disposer des mêmes moyens que les élus des partis comptant plus de 12 élus.
Pourtant, ce sont les électeurs qui déterminent la reconnaissance des partis en choisissant de déléguer au Parlement les députés des partis de leur choix. Ne pas tenir compte de ces électeurs équivaut à faire un parlementarisme à deux vitesses et une représentation de seconde classe.
En novembre, nous, les 200 nouveaux députés, étions tous réunis dans l'édifice John A. Macdonald, et le premier ministre est venu nous saluer. Il nous a dit que son rôle le plus important n'était pas celui de premier ministre mais celui de député représentant la circonscription de Papineau. Nous avons entendu ce discours. Le rôle de député est donc important. Qu'en est-il maintenant de ces belles paroles?
L'étude de la procédure est une belle occasion de passer des paroles aux actes en reconnaissant que les élus de tous les partis au Parlement ont besoin d'outils similaires afin de bien représenter leur circonscription. Nous partageons la volonté du nouveau premier ministre de revaloriser le pouvoir législatif et le travail des députés au-delà de la simple partisanerie. Je le rappelle, la Chambre appartient au peuple, pas aux partis.
Aussi, nous faisons appel au sens de l'équité et au fair-play des députés, souhaitables entre parlementaires légitimement élus pour apporter les changements nécessaires afin que tous les députés puissent représenter leurs concitoyens sur les mêmes bases. Autrement, il existe deux classes de législateurs. La règle du Bureau de régie interne des 12 députés élus sous une même bannière est arbitraire. Nous, du Bloc, apportons des propositions constructives. Voilà.
Si le Bureau de régie interne a consenti à une reconnaissance pour les partis comptant au moins 12 députés, il serait tout à fait logique de consentir 10/12 des moyens à un groupe parlementaire élu sous une même bannière. C'est, il nous semble, un accommodement raisonnable. Ainsi, la Chambre doit permettre à tout député élu d'avoir droit à des moyens proportionnels. Il nous apparaît légitime et essentiel que les élus du Bloc puissent se doter des moyens nécessaires pour mener à terme le mandat que les électeurs leur ont confié.
L'Assemblée nationale l'a compris, car même si Québec Solidaire n'est pas un parti reconnu et qu'il est composé de trois députés, ce parti, représenté à l'Assemblée nationale, obtient 266 900 $, soit 11 % du total des sommes allouées pour la recherche aux partis reconnus. De plus, il participe aux travaux des commissions parlementaires. C'est une question d'argent, mais c'est surtout une question de démocratie. Les députés du Bloc québécois sont évacués d'une partie fondamentale de leur travail, à savoir le travail en comité. Les députés du Bloc québécois ne peuvent présenter de motions de l'opposition, alors qu'ils sont des députés de l'opposition. Les députés du Bloc québécois ne peuvent prendre la parole sur l'ensemble des projets de loi qui sont discutés à la Chambre. Les députés du Bloc québécois n'ont pas les mêmes ressources pour étudier les projets de loi débattus à la Chambre.
Le Parlement canadien est le seul Parlement à renier ainsi les droits. Le Parlement canadien maintient une façon de procéder qui date du siècle passé et même du XIXe siècle. La Chambre des communes de Londres, prenons-la comme exemple, l'a compris, et elle maintient les droits des partis dûment élus par la population. Contrairement à la tradition du parlementarisme britannique, la Chambre des communes d'Ottawa a évacué le fair-play. Il est temps que cela change. C'est pourquoi nous en attendons davantage d'un gouvernement voulant améliorer la démocratie par la réforme du mode de scrutin. Il y a des moyens de l'améliorer maintenant. Nous n'avons pas besoin d'attendre à 2019. La reconnaissance du Bloc québécois et du Parti vert serait la preuve de la volonté des libéraux d'avoir une démocratie plus représentative des différents courants politiques au Canada et au Québec.
Enfin, dans un autre registre, contrairement à ma collègue, nous croyons qu'il serait temps de cesser de siéger les vendredis. Ce serait un incitatif à une plus grande participation des gens, en particulier des femmes. Cela permettrait de concilier le travail parlementaire, la vie sociale et la vie familiale. De plus, une plus grande présence des députés dans leur circonscription leur permettrait d'être mieux à même de connaître et de saisir directement les défis, les aspirations et les difficultés que vivent les électeurs et les électrices. Un député qui ne pourrait retourner dans sa circonscription pourrait toujours travailler d'ici, pour sa circonscription, au moyen de conférences téléphoniques ou de courriels. Nous sommes au XXIe siècle.