Monsieur le Président, je remercie la Chambre d'avoir accepté.
C'est sans aucun doute la dernière fois que je prends la parole à la Chambre. Alors que je prends la parole ce soir, je tiens à remercier la foule de gens qui sont venus écouter ce discours.
Je prends la parole ce soir au sujet du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.
Cette mesure législative vise à éliminer l'isolement préventif dans les établissements correctionnels, à remplacer ces installations par de nouvelles unités d’intervention structurée, à introduire des détecteurs à balayage corporel pour les détenus, à établir des paramètres d'accès aux soins de santé et à officialiser les exceptions pour les délinquants autochtones, les délinquantes et les délinquants atteints de troubles de santé mentale diagnostiqués.
Comme nous nous sommes fondamentalement opposés au projet de loi dans sa forme initiale, nous nous opposons à la motion du gouvernement concernant les amendements du Sénat.
De ce côté-ci de la Chambre, nous croyons que ce projet de loi pourrait rendre les prisons plus dangereuses tant pour les délinquants que pour les agents correctionnels. J'expliquerai pourquoi dans un instant.
L'établissement de Drumheller, qui est un établissement à sécurité moyenne, est situé dans ma circonscription, Battle River-Crowfoot. Au fil des nombreuses années où j'ai représenté cette circonscription, j'ai établi de très bonnes relations avec bon nombre des braves gens qui y travaillent.
Il arrive régulièrement que des agents correctionnels s'adressent à mon bureau de circonscription pour demander de l'aide, pour régler des affaires et des problèmes à l'établissement où ils travaillent. Je n'appuierais jamais un projet de loi qui pourrait mettre leur vie plus en danger qu'elle ne l'est déjà du fait qu'ils travaillent dans un domaine dangereux. Mon bureau compte actuellement 20 dossiers actifs et 50 dossiers inactifs, mais aussi des dossiers non réglés d'agents correctionnels de Drumheller concernant des problèmes de paie attribuables au système Phénix et d'autres problèmes. Ils ne sont pas les seuls. Près des deux tiers des fonctionnaires ont des problèmes de paie non réglés plus de trois ans après le lancement du système Phénix.
Voilà maintenant que le président du syndicat national qui représente les agents correctionnels soulève de graves questions au sujet de la possibilité bien réelle que certaines nouvelles mesures soient mises en place dans l'établissement. L'une d'elles est le premier centre d'injection supervisée pour détenus. Le Service correctionnel du Canada n'a pas confirmé et n'a pas nié que cela se fera d'ici la fin du mois.
Comme le président national Jeff Wilkins l'a dit dans un article du National Post publié le 9 juin: « Les agents correctionnels s'opposent farouchement à l'échange d'aiguilles dans les prisons et à la façon dont ce programme est actuellement mis en oeuvre. » Il dit que c'est un programme dangereux pour les gardiens, qui ont la tâche de distribuer les aiguilles aux détenus dans leur cellule, un programme qui n'a pas mis fin au partage d'aiguilles et qui dépasse l'entendement puisque les détenus ne devraient même pas pouvoir se procurer ces drogues.
Un des électeurs de ma circonscription m'a écrit ceci: « En tant qu'agent correctionnel, je m'oppose au programme d'échange d'aiguilles qui est proposé et qui va indéniablement à l'encontre de l'objectif de la lutte contre la drogue que nous visions en prison. Y a-t-il un moyen pour moi et d'autres collègues d'exprimer nos préoccupations à notre député? »
Je lui ai dit que j'étais tout à fait disposé à les écouter et à en discuter avec eux. Cependant, je ne pouvais pas lui promettre que le gouvernement libéral l'écouterait. En fait, je lui ai dit que j'allais faire part de ses préoccupations au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, mais que je n'étais pas du tout convaincu qu'il serait réceptif à ces préoccupations.
Après 19 ans à la Chambre et un certain nombre d'années à titre de porte-parole du parti en matière de sécurité publique pour l'opposition officielle, de 2001 à 2005 environ, j'ai appris que, lorsqu'il est question de justice, sous les gouvernements libéraux, les détenus et leurs droits priment sur ceux des victimes et des agents correctionnels.
Je siège à la Chambre depuis 19 ans et je me suis souvent battu pour défendre les droits des victimes, pour faire modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de mettre fin à des choses comme la libération d'office, et pour promouvoir l'idée que la protection de la société doit être un principe directeur du système judiciaire.
Je m'oppose aux peines avec sursis prescrites à l'origine par les libéraux, qui ont permis à des violeurs et à d'autres délinquants violents de purger leur peine dans leur maison. Les habitants de ma circonscription sont d'accord avec moi là-dessus.
Je m'oppose également aux programmes d'échange de seringues dans nos établissements correctionnels et aux centres d'injection. Je suis tout à fait d'accord avec le président du syndicat pour dire qu'au lieu d'offrir des programmes d'échange de seringues et des centres désignés dans les prisons pour que les détenus puissent s'injecter des drogues, nous devrions peut-être avoir des installations médicales plus près de ces prisons pour traiter les surdoses de drogue qui pourraient résulter de la consommation.
Nous devrions et nous pouvons en faire tellement plus pour mettre fin au commerce de la drogue dans les établissements correctionnels, qui mène à des surdoses, des décès et des guerres des gangs dans nos prisons. Les Canadiens seraient d'accord pour dire qu'il est insensé qu'on réussisse à faire entrer de la drogue dans les prisons, sans parler de l'énorme quantité de drogues et du nombre d'aiguilles qui y circulent.
Ce phénomène n'est certainement pas nouveau. Il perdure depuis des années. La seule solution proposée par les libéraux est de donner aux détenus ce qu'ils veulent. Je ne suis pas d'accord.
Je suis parfaitement conscient que bon nombre de détenus sont des toxicomanes, et que beaucoup d'entre eux ont été incarcérés à cause d'actes criminels liés à leur dépendance. Ils ont besoin d'aide. Ils n'ont pas besoin de plus de drogues, et surtout pas des drogues qu'ils achètent en prison ou qu'ils obtiennent en faisant un troc. Le fait que le Service correctionnel du Canada ne peut pas empêcher l'introduction de drogues dans les prisons canadiennes nuit assurément à sa réputation.
Comme je l'ai signalé plus tôt cette année, la dernière fois que j'ai parlé du projet de loi, le Service correctionnel a certes essuyé beaucoup de critiques au cours des dernières années. Lors de mon intervention, j'avais mentionné l'un des rapports de l'automne du vérificateur général du Canada, qui avait été publié en 2017. Il s'intitulait « La préparation des détenues à la mise en liberté ». L'objectif du rapport était de déterminer:
[…] si Service correctionnel Canada avait offert des programmes, mené des interventions et assuré des services en santé mentale à l’intention des délinquantes en détention sous responsabilité fédérale, y compris les délinquantes autochtones, de façon à répondre judicieusement à leurs besoins particuliers et à favoriser leur réinsertion dans la collectivité.
Nous avons entendu la secrétaire parlementaire parler de programmes correctionnels ce soir, et le projet de loi à l'étude concerne également les délinquantes autochtones.
Comme l'a indiqué le vérificateur général:
En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, Service correctionnel Canada est tenu de fournir des programmes et des services qui répondent aux besoins des délinquantes.
Le rapport précise ceci:
Dans l’ensemble, nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas mis en œuvre de processus de détermination de la cote de sécurité initiale spécialement conçu pour les délinquantes [...] Ainsi, certaines délinquantes risquaient d’être détenues dans des installations dont le niveau de sécurité n’était pas approprié [...]
De plus, le vérificateur général a tiré la conclusion suivante, qui est très pertinente au débat ce soir:
Nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas confirmé si ses outils avaient permis d’identifier correctement les délinquantes atteintes de troubles mentaux ni si le niveau de soins approprié leur avait été attribué.
J'ai aussi parlé du rapport 6 du vérificateur général, qui a été publié à l'automne 2018. Il porte sur la surveillance des délinquants dans la collectivité. On peut y lire que même si le nombre de délinquants libérés sous surveillance dans la collectivité avait augmenté et devait continuer à augmenter, Service correctionnel Canada n’avait plus de place pour accueillir des délinquants dans la collectivité. En dépit du nombre de dossiers en attente et de recherches montrant qu’une libération progressive, sous surveillance, des délinquants augmentait leurs chances de réussir leur réinsertion sociale, Service correctionnel Canada n’avait pas de plan à long terme pour faire face à la pénurie de places d’hébergement.
Le vérificateur général a également constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas géré adéquatement les délinquants sous surveillance dans la collectivité. Les agents de libération conditionnelle n’ont pas toujours rencontré les délinquants aussi souvent qu’ils auraient dû le faire. Ils n’ont pas non plus toujours surveillé si les délinquants respectaient les conditions particulières imposées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Aujourd'hui, j'implore encore une fois le gouvernement libéral de veiller à ce que Service correctionnel Canada respecte son mandat à la lettre. La sécurité des Canadiens dépend du succès de la réadaptation et de la réintégration sociale des délinquants après leur libération. Comme tenu des conclusions du Bureau du vérificateur général, je crois que l'inquiétude au sujet de la sécurité des Canadiens dépasse largement le projet de loi C-83.
J'implore l'actuel gouvernement de se soucier enfin des personnes qui font face au danger tous les jours, en instaurant des politiques et des mesures pour les protéger. Si seulement il avait pris le temps de les consulter, je suis certain que, grâce à leurs idées fondées sur des années d'expérience, Service correctionnel Canada serait en mesure d'exécuter son mandat.
Je suis reconnaissant qu'on m'ait donné l'occasion d'intervenir ce soir. Je répondrai avec plaisir aux questions.