Madame la Présidente, je me serais attendu à ce que les conservateurs manifestent un peu plus d’enthousiasme à l’égard des modifications assez substantielles proposées dans le projet de loi C-75 et qui visent le bien de notre pays.
Avant les dernières élections, nous, les libéraux, avons pris des engagements, et nous concrétisons maintenant certains de ces engagements au moyen de ce projet de loi. C’est déjà une bonne chose.
J’aimerais revenir sur la question de la justice en général. Si nous demandions aux Canadiens et à divers intervenants quelles sont leurs attentes à l’égard du système judiciaire, je pense qu’ils mentionneraient trois attentes principales.
La première, ce serait d’assurer la sécurité de nos collectivités, ce qui est également très important pour le gouvernement libéral et, j’ose croire, pour l’ensemble des députés. Ce projet de loi nous permettra de réaliser des progrès considérables sur le plan de la sécurité de nos collectivités.
La deuxième attente serait de protéger les victimes. On aimerait croire que le système de justice a tout intérêt à protéger les victimes. Quand je dis « protéger les victimes », je veux dire que nous devrions faire tout notre possible pour empêcher qu’il y ait des victimes en premier lieu. Je vais y revenir brièvement.
La troisième attente, ou priorité, c’est d’obliger les contrevenants à répondre de leurs actes.
Ces trois priorités recevraient l’assentiment de tous les Canadiens. Le projet de loi C-75 va encore plus loin sur ces trois principes.
Il y a une différence entre l’approche des conservateurs en matière de justice et celle du gouvernement actuel. En d’autres mots, il existe une différence entre l’approche de Stephen Harper en matière de justice et celle adoptée par le gouvernement libéral sur les enjeux de justice, que ce soit dans ce projet de loi ou dans des mesures législatives précédentes.
Nous devons reconnaître que la plupart des détenus sortiront un jour de prison. Ils retourneront dans nos collectivités. Nous avons donc la responsabilité de nous assurer que notre système favorise leur intégration. Si nous y parvenons, nous empêcherons qu’il y ait de nouvelles victimes à l’avenir. De ce côté-ci de la Chambre, nous y croyons.
À écouter les discours des députés d’en face, que ce soit sur ce projet de loi ou sur d’autres mesures législatives, on a l’impression que dès qu’une personne entre dans le système carcéral, elle ne réintégrera jamais la société. Il y a de fortes chances que bon nombre de ces personnes ne la réintègrent pas.
Nous devons toutefois nous doter d’un système qui fonctionne pour l’ensemble des Canadiens et qui pourra assurer la sécurité de nos collectivités, protéger les victimes et faire en sorte que les délinquants soient tenus responsables de leurs actes.
Les conservateurs ont tort de donner l’impression que le gouvernement cherche à minimiser les conséquences de crimes graves.
En vertu de ce projet de loi, les députés de l’opposition disent que nous érigerions trop d’actes criminels en infractions mixtes. Par conséquent, ils essaient de donner la fausse impression que ces contrevenants seraient exposés à des conséquences moins graves lorsqu’il s’agit du poids de la loi et de l’incarcération, des amendes ou autres.
Il est important de reconnaître que nous avons des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et des actes criminels. Toutefois, dans ce projet de loi, il y aurait une troisième composante, les infractions mixtes. Nous disons qu’il s’agit d’une liste de crimes pour lesquels la Couronne aurait un certain pouvoir discrétionnaire afin d’aider à déterminer si une infraction constituerait un acte criminel.
À l'étape de la deuxième lecture, j’ai eu l’occasion d’écouter une partie du débat. Je me souviens d’une intervention qui mérite d’être répétée, car je crois que la plupart des gens qui suivent le débat pourraient comprendre les différences. C’est ce que nous entendons par pouvoir discrétionnaire. À l'étape de la deuxième lecture, donc, je me souviens d’un député conservateur, et le hansard le confirmera, qui disait « un enlèvement est un enlèvement » et que c’est un crime grave, point à la ligne. C’est un acte criminel, et il faut donc enfermer la personne et la mettre à l’ombre pendant de nombreuses années.
Il ne fait aucun doute que l’enlèvement est un crime très grave. Les Canadiens l'admettent. Le gouvernement reconnaît qu’il s’agit d’un crime grave. Les conservateurs demandent pourquoi nous érigerions en infraction mixte ce crime en particulier. Je vais donner aux députés un exemple concret. Je crois que les électeurs que je représente comprendraient pourquoi il est important qu’on en fasse une infraction mixte.
Quand on pense à un enlèvement, la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est une personne qui se trouve dans la cour de récréation d’une école et qui identifie une victime potentielle, la jette dans une fourgonnette, disparaît et commet toutes sortes de gestes horribles, ou qui enlève peut-être une personne pour le commerce du sexe. Il y a toutes sortes d’histoires d’horreur sur les enlèvements. Pour ma part, je veux que ces personnes soient enfermées, mais il y a un « mais ».
Par exemple, des divorces surviennent tous les jours, et certains de ces divorces sont très émotifs et concernent de jeunes enfants. Parfois, lors d’un divorce, il y a toutes sortes de problèmes avec lesquels un enfant devra souvent composer. Il peut arriver qu’un enfant passe une mauvaise semaine ou une mauvaise journée et qu’il décide de ne pas rentrer chez lui auprès du parent qui en a la garde à 100 %, et d’aller voir plutôt le parent qui n’a pas la garde. Le premier parent dit alors que l’enfant a disparu et a été enlevé. L’un des parents n’avait pas le droit d’avoir la garde de cet enfant à ce moment-là, mais l’enfant s’est rendu chez celui-ci, peut-être en larmes, ou peu importe la situation. Le fait est que l’enfant n’aurait pas dû se trouver chez ce parent et que, par conséquent, il y a maintenant une accusation d’enlèvement.
Je crois qu’il y a une grande différence entre cette dernière situation et la première situation que j’ai décrite. Si les députés croient que ce que je viens de dire est exact et se produit dans la vie, ils devraient reconnaître le besoin d’appuyer l’idée que certains crimes, certaines actions doivent être érigés en infractions mixtes.
J’ai grandement confiance en nos poursuivants et en la capacité de notre système judiciaire de prendre de bonnes décisions. Ce que nous disons, c’est que si un enlèvement comme celui du premier exemple finissait devant les tribunaux, la Couronne le verrait comme un acte criminel et la personne concernée suivrait tout un processus au bout duquel elle pourrait avoir des années d’incarcération, alors que l’autre situation pourrait être considérée comme un délit punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Nous avons vu plusieurs de ces infractions qui sont admissibles, et je soupçonne que l’on pourrait trouver des arguments pour chacune d’elle.
En ce qui concerne la loi, une des principales préoccupations soulevées par les conservateurs porte sur la question des infractions mixtes. On peut espérer qu’ils comprennent mieux maintenant. Ils ont soulevé la question à l'étape de la deuxième lecture, puis à celle du comité.
En fait, je suis très heureux que nous en soyons à l'étape de la troisième lecture aujourd’hui, ce fut un long processus pour y parvenir. La ministre de la Justice a démontré très clairement que c’était un projet de consultation, de travail avec divers intervenants du tout début jusqu’au comité permanent. J’aimerais développer un peu plus ce point.
Notre système judiciaire est un système de responsabilité partagée. Nous ne sommes pas le seul maître des questions judiciaires au Canada. Nous partageons la responsabilité avec les provinces. Cela signifie que la ministre, aidée du secrétaire parlementaire et d’autres, sans aucune doute, a consulté les provinces et les territoires et collaboré avec eux pour établir les priorités de changement. Ces changements, ces priorités, sont assez bien reflétés dans cette mesure législative. La ministre en a fait même plus, consultant les Autochtones et d’autres intervenants pour formuler le projet de loi C-75, de sorte qu’il soit prêt à être présenté en première lecture, pour ensuite passer à l'étape de la deuxième lecture puis du comité.
C’est là que je suis intervenu. Par mon intervention, je voulais commenter le fait qu'au comité, des membres de l'opposition ont proposé un certain nombre de changements après avoir écouté les témoignages. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a amendé le projet de loi C-75 pour, par exemple, retirer les dispositions concernant la preuve policière de routine, dont l’intention était fort louable, mais qui a eu des conséquences inattendues et indésirables, surtout pour les accusés non représentés. Il a retiré les actes de terrorisme et l’encouragement au génocide de la liste des infractions reclassées. C’est à cet amendement que je pensais quand je parlais des infractions mixtes.
Les conservateurs ont présenté cette question sous la forme d’un amendement, et nous l’avons accepté, ce qui n’arrivait jamais quand Stephen Harper était premier ministre. Le Parti conservateur n’a jamais accepté une motion de l’opposition. Pas seulement…
M. Glen Motz: C’est parce que vous n’en aviez pas de bonnes. Elles étaient horribles.
M. Kevin Lamoureux: Madame la Présidente, nous avions un grand nombre d’amendements, qui n’aboutissaient jamais avec Stephen Harper. Avec notre gouvernement, il y a eu de très nombreux amendements, même proposés par l’opposition officielle. Il s'agit ici d'un autre exemple d'amendement qui a été accepté. Par conséquent, je crois que les conservateurs acceptent le principe de ce qui est suggéré quand nous parlons des infractions mixtes et de leur importance. C’est un aspect important du projet loi.
L’autre aspect est celui des enquêtes préliminaires. Il est intéressant d’entendre les conservateurs et les néo-démocrates dire la même chose au sujet des enquêtes préliminaires. Ce qui m’a frappé, c’est ce que le porte-parole du Parti conservateur a dit aujourd’hui. Il a affirmé que le projet de loi ne réduira pas vraiment les temps d’attente. Je n’y crois pas. Le député d’en face a déclaré qu’il pouvait citer X ou Y, qui sont plutôt sceptiques quant à la réduction des temps d’attente. Je n’y crois pas. Le député d’en face devra peut-être se montrer un peu plus convaincant.
Les enquêtes préliminaires accaparent beaucoup de temps des tribunaux. Je ne suis pas avocat, mais j’ai déjà été porte-parole en matière de justice au Manitoba, et je me souviens des nombreuses frustrations des procureurs de la Couronne provinciaux et autres qui avaient à composer avec les enquêtes préliminaires. Je me souviens d’une discussion que j’ai eue avec un juge à ce sujet. Notre projet de loi a été assez bien accueilli par un bon nombre de personnes qui ont reconnu qu’il réduirait les délais.
Les néo-démocrates et les conservateurs ont exprimé un grand scepticisme à l’égard de la réduction des temps d’attente. Les conservateurs ont été un peu plus affirmatifs, allant même jusqu’à dire qu’ils ne seraient pas réduits. Ils ont dit que comme le projet de loi ne s’appliquera qu’à 3 % des causes portées devant les tribunaux, il ne sert pas à grand-chose. Ces 3 % représentent pourtant des milliers d’heures, ce qui fera vraiment une bonne différence.
Des enquêtes préliminaires étaient peut-être nécessaires il y a des années, mais cela ne fait que souligner l’importance pour notre gouvernement de s’acquitter de son engagement, à savoir réformer et améliorer le système. Il est tout simplement faux de laisser entendre que la réduction du nombre d’enquêtes préliminaires ne réduira pas les délais judiciaires. J’estime que c’est une erreur d’affirmer cela, malgré mon expérience limitée, et j’insiste sur le mot « limitée ». Quand je regarde les chiffres, 3 % représente un nombre important d’affaires judiciaires, sans parler des milliers d’heures que cela totalise. Je crois que notre projet de loi fera une différence.
Les conservateurs devraient appuyer ce projet de loi parce qu’il s’agit du genre de mesure législative que les Canadiens veulent. Il assurera la sécurité de nos collectivités. Il fera en sorte qu’il y ait plus de justice pour les victimes. Il garantira...