propose que le projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel (détecteur passif), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis fier de prendre la parole au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-247. S'il est adopté, le projet de loi C-247 empêchera des blessures et des décès causés par la conduite en état d'ébriété, qui continue de causer des tragédies épouvantables qui pourraient être évitées partout au Canada. Plus précisément, le projet de loi C-247 aura un effet dissuasif et augmentera le nombre d'arrestations en permettant l'utilisation de détecteurs passifs d'alcool lors de contrôles routiers pour repérer les conducteurs ivres. Je présenterai bientôt les détails de cette proposition.
En outre, le projet de loi C-247 renommerait le crime de « conduite avec capacités affaiblies causant la mort », qui s'appellerait désormais « homicide au volant » causé par des capacités affaiblies. La nouvelle appellation indiquerait une plus grande responsabilité morale en cas de conduite avec capacités affaiblies, tout en préservant le pouvoir discrétionnaire des juges d'adapter les peines aux circonstances.
Cette modification découle d'une proposition appelée la loi de Kassandra présentée en 2015 par le député conservateur de Langley—Aldergrove. Je suis reconnaissant qu'il ait appuyé la présentation du projet de loi C-247 et je suis heureux que nous puissions travailler ensemble au-delà des lignes de parti pour empêcher la conduite avec facultés affaiblies pour le bien de tous les Canadiens.
La conduite avec facultés affaiblies touche les citoyens de toutes les circonscriptions à l'échelle du pays. Ma circonscription, Mississauga—Streetsville, n'y fait pas exception. L'été dernier, les citoyens de Mississauga—Streetsville ont perdu un homme très important dans la communauté à cause de cela. C'était un leader, un enseignant, un mentor, mais avant tout, un père et un mari. Par respect pour sa famille, je vais m'abstenir de le nommer.
Hélas, un soir de juillet 2015, un camion piloté par un chauffeur ivre est venu le heurter par-derrière alors qu'il était à vélo, et il a été déclaré mort sur les lieux de l'accident. Comme enseignant au niveau secondaire, il a passé des années à instruire et à inspirer les jeunes de ma circonscription. Ses anciens élèves et les gens qui le connaissaient m'ont parlé de l'influence positive qu'il avait sur ceux qui l'entouraient. Je crois comprendre qu'il a incité de nombreux étudiants à faire des études postsecondaires.
Sa vie a été tragiquement interrompue par un conducteur en état d'ébriété, par quelqu'un qui avait choisi de mettre la vie d'autrui en danger plutôt que d'appeler un taxi. À cause de sa mort, cinq enfants ont été privés de leur père, et une femme, de son mari. Des étudiants ont perdu leur enseignant, et des jeunes ont perdu leur mentor, cette personne qui aurait pu les aider à faire de bons choix de vie.
Peu de temps après avoir été élu, j'ai reçu un courriel d'une citoyenne que cette mort avait grandement peinée et qui s'inquiétait du fait que des tragédies absurdes comme celle-là continuent de se produire à un rythme alarmant dans notre pays. Elle m'implorait d'agir. C'est donc ce que je compte faire avec le projet de loi C-247.
Comme je l’ai dit, si on l’adopte, le projet de loi évitera des blessures et des décès dus à la conduite avec facultés affaiblies. Il y parviendra grâce à deux mesures visant à augmenter la dissuasion et le taux d’arrestation. La première mesure autorise les policiers à utiliser le détecteur d'alcool passif lors de contrôles routiers aléatoires. Que signifierait ce changement?
Actuellement, au Canada, les services policiers dressent des barrages routiers pour contrôler au hasard l’état des conducteurs. En Ontario, par exemple, il y a le programme RIDE, pour Reduce Impaired Driving Everywhere. Dans le cadre de ce programme, les agents demandent un alcootest s’ils ont des motifs raisonnables de croire que le conducteur a consommé de l’alcool, en se fiant à l’apparence et à l’odeur. Cependant, selon un rapport publié en 2009 par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, on arrête une fraction seulement des personnes qui conduisent en état d’ébriété.
Le projet de loi C-247 augmenterait le taux d’arrestation et accroîtrait la dissuasion en autorisant les policiers à utiliser un détecteur d’alcool passif aux barrages routiers ou quand ils décident d’arrêter une voiture parce qu’ils ont des motifs raisonnables de croire que son conducteur est ivre. On place l’appareil près du visage du suspect et, si on obtient un résultat positif, on aurait un motif suffisant de demander un alcootest au moyen d’un ivressomètre homologué.
Je suis sûr que l’utilisation du détecteur d’alcool passif lors des contrôles routiers aléatoires sera jugée conforme à la Charte. Je le crois parce que, dans l’arrêt Dedman c. La Reine, la Cour suprême a conclu que les interceptions aléatoires dans le cadre du programme RIDE en Ontario sont constitutionnelles parce que la conduite automobile est « une activité qui nécessite un permis, c'est-à-dire assujettie à une réglementation et à un contrôle en vue de la protection de la vie des personnes et de la propriété ». La conclusion juridique qu’on peut en tirer, c’est que la conduite automobile est une activité autorisée, en vertu d’un permis, mais qui est soumise à des limites raisonnables à cause du risque qu’elle représente pour les autres usagers de la route. L’utilisation du détecteur d’alcool passif, en ce sens, est une limite raisonnable qui est beaucoup plus efficace pour arrêter les conducteurs ivres que les méthodes de détection utilisées actuellement dans les contrôles routiers.
Le groupe Mothers Against Drunk Driving Canada a appuyé le projet de loi C-247 et vanté les mérites du détecteur d’alcool passif. Le directeur général de MADD Canada, Andrew Murie, estime que l’utilisation du détecteur d’alcool passif par les policiers réduira considérablement le nombre de conducteurs ivres sur nos routes. Selon lui, ce projet de loi d’initiative parlementaire permettra à la police de maximiser la technologie disponible pour détecter les personnes ivres interceptées lors d’un contrôle routier. Il a ajouté que MADD Canada apprécie les efforts déployés pour réduire le nombre d’accidents, de blessures et de décès attribuables à l’alcool.
Permettez-moi maintenant d’évoquer la seconde mesure incluse dans le projet de loi C-247. Comme je l’ai indiqué, le crime de « conduite avec capacités affaiblies causant la mort » serait remplacé par le crime d’« homicide commis au volant d’un véhicule automobile ». Ce changement reflète une plus forte culpabilité morale, ce qui est approprié. La décision de prendre le volant d’un véhicule quand on est ivre témoigne d’un manque total de considération pour les autres, et les conséquences tragiques en sont prévisibles. La condamnation doit être à la mesure de cette culpabilité.
Pour donner un exemple récent de l’état actuel du droit, Marco Muzzo vient d’être condamné à dix ans de prison pour avoir tué trois enfants et leur grand-père. Cette tragédie est la suite directe de sa décision de prendre le volant avec un taux d’alcoolémie près de trois fois plus élevé que la limite autorisée.
Selon le Code criminel du Canada, il y a homicide quand une personne, directement ou indirectement, par n'importe quel moyen, cause la mort d'un être humain. La conduite en état d’ébriété causant la mort serait une forme d’homicide coupable parce qu’elle est moralement et légalement répréhensible. Dès qu’une personne ivre prend le volant, elle met la vie des autres en danger. Les mots ont du poids, ils ne sont pas vides de sens, et cette culpabilité doit se refléter dans le droit canadien. J’ajoute que le changement proposé préserve la discrétion judiciaire d’adapter la peine aux cas particuliers.
La proposition, qui est de nommer le crime de conduite avec capacités affaiblies causant la mort pour ce qu’il est vraiment, soit un homicide commis au volant d’un véhicule automobile, a initialement été déposée sous le titre de loi de Kassandra en mémoire de Kassandra Kaulius, de Surrey, en Colombie-Britannique, une jeune fille de 22 ans victime d’un chauffard dont les facultés étaient affaiblies. Le député conservateur de Langley—Aldergrove a déposé la loi de Kassandra sous la forme du projet de loi C-652 à la législature précédente, et je suis heureux qu’il ait appuyé le projet de loi C-247.
La semaine dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer les parents de Kassandra, Markita et Victor. Quand je leur ai parlé de mon allocution d’aujourd’hui, Victor a souligné que le 3 mai marque le jour même où leur merveilleuse fille de 22 ans a perdu la vie, il y a maintenant cinq ans.
Kassandra a toujours été une fille joyeuse et enthousiaste qui aimait le sport. Ses parents se souviennent qu’à trois ans déjà, elle courait partout dans le jardin en faisant des joutes sportives avec ses frères et sœurs. Sa passion pour les sports n’a fait qu’augmenter en vieillissant. Elle faisait partie de l’équipe de volley-ball, de basket-ball et de balle molle de son école secondaire. Elle a fini par recevoir des bourses aux étudiants-athlètes. Elle rêvait de devenir enseignante.
D’une part, ce projet de loi nous vient d’un enseignant qui savait inspirer ses élèves et qui leur a été enlevé injustement. D’autre part, une partie de ce projet de loi porte le nom d’une jeune femme qui rêvait de devenir enseignante et qui a perdu injustement la vie.
Je tiens aussi à mentionner l’organisme Families For Justice. Markita et Victor ont travaillé très fort pour fonder cet organisme qui vise à sensibiliser la population à la conduite avec facultés affaiblies. Ils ont recueilli plus de 100 000 signatures pour appuyer leur cause. J’admire beaucoup les efforts qu’ils ont faits pour offrir du soutien et des services de counseling aux familles qui ont perdu un proche.
Il ne m’est pas nécessaire de rappeler à la Chambre les ravages que font les personnes qui prennent le volant avec des facultés affaiblies. Selon l’organisme MADD, la conduite avec facultés affaiblies demeure la première cause des décès criminels au Canada. Ce crime tue presque deux fois plus de personnes chaque année que toutes les catégories d’homicide combinées.
En 2010, la conduite avec facultés affaiblies a causé environ 1 082 décès, 63 281 blessures et des dommages financiers et sociaux s’élevant à 20,62 milliards de dollars. Soulignons également que, selon Statistiques Canada, 53 % des victimes adultes avaient entre 18 et 35 ans. Autrement dit, le Canada a perdu de jeunes esprits qui auraient façonné l’avenir de notre pays.
De plus, le bilan de la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies au Canada n’est pas brillant par rapport à ceux d’autres pays industrialisés. Des millions de Canadiens s’obstinent à conduire après avoir consommé de l’alcool, convaincus qu’ils ne risquent pas vraiment de se faire arrêter.
Selon les résultats d’un examen mené sur 15 pays, le Canada est le deuxième pays où l'alcool cause le plus d’accidents mortels. De plus, une étude de Transports Canada a révélé que sur huit pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Canada affiche le taux de facultés affaiblies le plus élevé chez les conducteurs tués dans un accident. Le Canada affiche aussi, parmi 13 pays, le taux d’accidents de la circulation mortels dus à l’alcool le plus élevé par rapport au nombre total d’accidents routiers mortels.
Bien que les programmes de tests d’haleine sélectifs marquent un grand progrès dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies, la majorité des conducteurs qui ont bu avant de prendre le volant ne sont pas détectés en passant aux contrôles routiers. Selon l’organisme MADD, sur les quatre à cinq millions de conducteurs qui passent par un contrôle routier chaque année, moins de 1 % subit un test d’haleine effectué à l’aide d’un appareil de dépistage approuvé.
C’est pourquoi la mesure principale que contient mon projet de loi, l’autorisation d’utiliser des détecteurs d’alcool passifs, est essentielle et se fonde sur des données probantes. Ces appareils détectent la présence d’alcool et en indiquent le volume approximatif dans l’haleine du conducteur en analysant l’air ambiant qui entoure sa bouche.
Cet appareil contient aussi une pompe qui aspire l'air au-dessus d'un senseur qui détecte l'alcool et qui donne un relevé en quelques secondes.
Les détecteurs d'alcool passifs représentent un moyen facile, fiable et non intrusif de contrôler efficacement un grand nombre de conducteurs dans un minimum de temps, ce qui, au final, sauvera davantage de vies année après année.
Les détecteurs d'alcool passifs existent depuis un certain temps. La technologie n'est pas nouvelle, mais il s'agissait cependant, à l'origine, d'unités autonomes. Il importe de signaler, lorsqu'il est question de détecteurs d'alcool passifs, que nous discutons simplement, pour l'essentiel, d'une fonctionnalité incorporée à beaucoup d’appareils de détection approuvés qu'utilisent déjà les agents de la paix. Autrement dit, l'autorisation expresse du détecteur d'alcool passif permettra vraisemblablement aux agents de continuer d'utiliser les appareils actuels, ce qui optimisera les outils qu'ils ont déjà en main.
Comme le disait Robert Solomon, professeur de droit à l'Université Western: « [...] rien n'empêche actuellement les policiers canadiens d'utiliser les détecteurs d'alcool passifs ».
Quoi qu'il en soit, il serait utile de modifier le Code criminel pour autoriser explicitement les policiers à utiliser les détecteurs d'alcool passifs. On établirait ainsi une norme nationale qui, au bout du compte, diminuerait la confusion attribuable à l'existence de 13 différentes autorités et pratiques provinciales et territoriales en matière d'application de la loi. Les policiers seraient aussi plus enclins à utiliser les détecteurs d'alcool passifs si la loi leur en conférait expressément le pouvoir. De plus, la publicité entourant l'adoption d'un programme national de détecteurs d'alcool passifs et le fait que les policiers appliqueraient désormais des méthodes de détection plus perfectionnées augmenteraient la perception qu'ont les conducteurs du risque de se faire prendre, ce qui, à la longue, aurait un effet dissuasif.
Au cours des derniers mois, j'ai consulté de nombreux agents et chefs de police partout au pays. Il est évident que l'idée de donner plus d’outils à la police fait très largement consensus.
En conclusion, le Parlement doit s'attaquer plus efficacement au problème de l'ivresse au volant. Mon projet de loi a pour but non seulement de modifier notre perception des infractions de conduite avec facultés affaiblies, mais également de réduire le nombre de décès et de blessures grâce à la technologie moderne. Il est à espérer que l'adoption du projet de loi C-247 contribuera à décourager l'alcool au volant afin de protéger les Canadiens, leurs familles et nos collectivités.
J'ai bien hâte de voir ce projet de loi renvoyé au comité et je suis réceptif aux amendements qui pourraient être proposés.