Monsieur le Président, je remercie mon collègue d'avoir présenté cette motion, qui concerne l'engagement pris par le gouvernement à protéger la population contre la violence sexuelle, en particulier les enfants.
Je répète ce que j'ai dit dans la question tout à l'heure. Certains problèmes exigent de chacun la meilleure contribution qui soit. Nous devons nous élever au-dessus de la rancune partisane et tenir un dialogue entre adultes sur un sujet qui nous interpelle tous profondément: l'exploitation sexuelle des enfants victimes d'une agression violente. J'aurais aimé avoir moins eu connaissance des effets dévastateurs de ce genre de crime sur des enfants dont la vie ne fait que commencer. Les victimes ont beaucoup de peine à surmonter une telle épreuve et à retrouver une vie normale.
Cette question doit figurer parmi les priorités du gouvernement, qui doit garantir la sécurité et le bien-être de nos enfants. On jette le discrédit sur la Chambre des communes en entier lorsqu'on reproche à un député de faire autre chose que de chercher à protéger ses jeunes concitoyens. Il nous incombe à tous, dans le présent débat et dans tout débat sur une question aussi sensible, de ne pas succomber à la tentation de simplifier à outrance les problèmes ou de profiter de l'occasion pour marquer des points dans la joute partisane.
Le débat d'aujourd'hui est passablement constructif. Malheureusement, une partie des débats de la période des questions l'était beaucoup moins.
Avant d'aborder la substance de la motion, il est important que je commence en situant le contexte et en m'assurant que la Chambre comprend bien le traitement réservé aux délinquants sexuels dans le système actuel.
À l'heure actuelle, de robustes mesures sont en place au Canada. Le Registre national des délinquants sexuels a été créé en 2004 par l'ancienne ministre de la Sécurité publique, Anne McLellan, sous le gouvernement de Paul Martin. Ce registre, prévu dans la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, constitue un élément clé du système actuel. Aux termes de cette loi, les délinquants sexuels sont tenus de s'enregistrer auprès de la police de la localité qu'ils habitent qui se chargera de surveiller leurs activités.
La GRC assure la mise à jour de la base de données qui contient des renseignements signalétiques importants sur les délinquants sexuels reconnus coupables à l'échelle du Canada. Ces renseignements incluent une description physique, le nom, l'adresse et le lieu de travail de l'individu. Dès leur condamnation, les délinquants sexuels sont inscrits dans cette base de données que les forces policières de partout au Canada peuvent consulter. Le registre aide la police à prévenir les crimes de nature sexuelle et à enquêter sur ceux-ci. Par surcroît, il permet d'avoir la certitude que les délinquants sexuels sont enregistrés et surveillés de façon appropriée et il sert d'outil essentiel pour repérer les délinquants à haut risque.
Lorsqu'un délinquant sexuel à haut risque sort de prison, le Service correctionnel du Canada en avise les forces de l'ordre concernées et leur fournit des renseignements détaillés, notamment le profil criminel de l'individu en question et des rapports sur son comportement carcéral, de même que des évaluations psychologiques et psychiatriques. La police locale peut alors aviser la population.
Un point important à souligner à cet égard est le fait que la plupart des provinces et des territoires ont déjà adopté une loi ou des politiques en ce qui concerne les avis publics liés aux délinquants sexuels. La majorité des corps policiers du pays diffusent déjà des renseignements au sujet des délinquants sexuels remis en liberté qui, selon eux, constituent un danger pour le public. Le Canada a déjà un registre dont les forces de police peuvent se servir pour conserver la trace des délinquants sexuels. La plupart des corps de police au Canada avertissent déjà la population de la présence d'un délinquant sexuel dans la collectivité, le cas échéant.
Voilà qui m'amène à la motion à l'étude aujourd'hui et au nouveau registre que les conservateurs demandent aux termes de l'ancien projet de loi C-26.
La majeure partie des dispositions de ce projet de loi sont déjà en vigueur. Le gouvernement est en train d'en examiner les articles qui visent la création de ce nouveau registre public. J'aimerais mentionner que, même si le gouvernement Harper a adopté une mesure législative portant création du registre, il ne l'a pas créé ce registre. Il a présenté la mesure à la fin de son mandat de 10 ans, mais n'a jamais affecté de fonds à la concrétisation du registre.
J'ai entendu des députés, y compris aujourd'hui, dire qu'ils craignaient que le registre soit supprimé. On ne peut pas supprimer quelque chose qui n'a pas d'abord été mis sur pied. D'autres craignent qu'il soit annulé ou aboli. Encore une fois, on ne peut pas annuler ni abolir quelque chose qui n'a pas été créé.
La question n'est donc pas de savoir si nous devrions abolir la banque de données, mais plutôt si nous devrions la mettre sur pied. Le gouvernement examine attentivement la question et tient compte des besoins et des préoccupations des victimes, de l'importance d'aider les parents et les collectivités à protéger leurs enfants, des données au sujet de l'utilité et de l'efficacité des banques de données sur les délinquants sexuels et l'expérience des autres pays.
De toute évidence, la mesure porte d'abord et avant tout sur la sécurité et la protection du public. Lors de l'étude de l'ancien projet de loi C-26 par le comité de la justice en 2005, le Centre canadien de protection de l'enfance a fait valoir que la diffusion d'un avis public sur les délinquants sexuels à haut risque pourrait aider grandement les familles et les collectivités, et l'ombudsman des victimes a souligné l'importance de garantir aux victimes l'accès à des renseignements utiles afin qu'elles se sentent « informées, prises en compte, protégées et appuyées ».
Nous reconnaissons ces préoccupations et, dans mon cas, je les partage. Le système de justice pénale doit toujours tenir compte des besoins des victimes, et nous devons toujours faire tout notre possible pour ne pas causer plus de tort aux victimes. La meilleure façon d'y parvenir consiste à mettre en oeuvre une politique de justice pénale qui s'est avérée efficace pour assurer la sécurité publique et qui est fondée sur des données probantes.
À cette fin, nous sommes conscients des questions qui ont été soulevées au sujet de l'efficacité des systèmes d'avis public et des conséquences imprévues que de tels systèmes pourraient avoir. J'ai mentionné certaines de ces conséquences dans mes questions plus tôt.
Dans la pratique, les banques de données publiques pourraient encourager les délinquants sexuels à vivre clandestinement ou réduire la probabilité qu'ils fournissent leurs renseignements pour les registres policiers, ce qui pourrait nuire à la capacité d'exercer une surveillance efficace de ces personnes et causer énormément de tort.
Les délinquants sexuels peuvent décider de s'installer dans des provinces où ils seront moins surveillés. Cela peut être particulièrement préoccupant, notamment en ce qui concerne le registre accessible au public dont il est question, car aux termes de la loi, seuls les renseignements déjà rendus publics pourront y être inclus. Il serait donc inutile pour certaines provinces, comme le Québec et le Nouveau-Brunswick, qui n'ont pas de système d'avis public. Des délinquants sexuels pourraient même être portés à s'y installer pour éviter de se faire remarquer.
Je m'inquiète également du fait qu'il soit possible que des personnes se servent du registre afin d'obtenir des renseignements sur des délinquants sexuels et de se charger de leur faire la leçon. Cela a déjà été le cas dans certaines provinces. Il est possible que de tels gestes soient mal dirigés, surtout si les renseignements du registre sont incorrects ou désuets.
Au moment où le projet de loi C-26 a été étudié par le comité, l'Association du Barreau canadien a fait remarquer qu'il était possible que des justiciers prennent des personnes innocentes pour des délinquants sexuels et qu'ils leur fassent du mal. On sait que des justiciers ont déjà ciblé les familles de personnes inscrites aux registres de délinquants sexuels. Il ne faut pas oublier ces préoccupations malgré les avantages potentiels de la mise en place d'un registre accessible au public. On doit examiner les données afin de déterminer, en se fondant sur les faits, si le registre proposé réussirait à rendre nos collectivités plus sûres. C'est exactement ce que nous faisons.
Une chose est sûre, toutefois: les programmes de traitement et de réinsertion, comme les Cercles de soutien et de responsabilité, ont prouvé qu'ils permettent bel et bien de réduire les risques de récidive parmi les délinquants sexuels.
Le programme communautaire des Cercles de soutien et de responsabilité, qui a vu le jour au Canada, est reconnu de par le monde pour réussir concrètement à réduire le taux de récidivisme et éviter que les délinquants sexuels ne fassent de nouvelles victimes. Créé au départ par les membres d'une église mennonite de l'Ontario, il fait appel à des bénévoles absolument fantastiques qui accompagnent et responsabilisent les délinquants sexuels, facilitent leur réinsertion et protègent la population canadienne.
Les Cercles s'adressent surtout aux délinquants qui ont commis au moins une infraction de nature sexuelle et qui ont besoin d'aide pour vivre de manière positive et éviter de retomber dans la criminalité. Ils ont prouvé maintes et maintes fois qu'ils permettent de réduire le nombre de victimes de prédateurs sexuels, ce que chacun et chacune d'entre nous souhaite par-dessus tout.
Selon les recherches menées par le gouvernement Harper, les Cercles de soutien et de responsabilité ont permis de réduire le taux de récidive des délinquants sexuels de près des trois quarts, le faisant passer de 22 à 5,6 %. À peu près aucun autre programme n'affiche un taux de succès aussi phénoménal.
Comme si ce n'était pas assez, les Cercles permettent aussi à la société d'économiser. Toujours selon les recherches menées par le gouvernement Harper, chaque dollar investi dans ce programme permet à l'appareil judiciaire et aux victimes d'économiser près de cinq fois plus. Or, malgré l'efficacité scientifiquement éprouvée du programme, le gouvernement conservateur a jugé bon de lui couper les vivres.
À l'époque, Barbara Kay a rédigé une chronique dans le National Post intitulée « Ottawa's curious decision to cut funding to successful sex offender program ». Je la cite: « Le coût [des Cercles de soutien et de responsabilité] est modeste, le processus est inoffensif, le fardeau pour la société est inexistant et la réduction des méfaits est éprouvée. » La conclusion qu'elle en tire, c'est que la décision du gouvernement de mettre un terme au financement semble extrêmement malavisée.
Nous avons récemment rétabli le financement fédéral du programme, affectant 7,48 millions de dollars sur cinq ans à la Stratégie nationale pour la prévention du crime. De plus, nous avons doublé le financement annuel accordé au Système national de repérage, qui a été mis en oeuvre afin de surveiller les délinquants sexuels violents et à risque élevé ainsi que de veiller à ce que les procureurs soient tenus au courant de l'information relative à la probabilité qu'un délinquant sexuel se livre un acte de violence. Il a récemment fait l'objet d'une évaluation, qui a démontré l'efficacité de cet outil pour repérer et surveiller les délinquants à risque élevé.
Comme les députés peuvent le constater, nous réalisons des investissements dans des programmes qui se sont révélés efficaces pour assurer la sécurité de la population et nous examinons minutieusement d'autres mesures, notamment le registre qui fait l'objet de la présente motion, afin de mieux comprendre les avantages et les potentielles répercussions négatives imprévues. Tandis que nous poursuivons notre examen et notre travail pour voir à bien faire les choses en matière de sécurité publique, surtout lorsque cela concerne nos enfants, nous ne sommes pas prêts à appuyer la motion aujourd'hui.
Le gouvernement a l'intention de mener des consultations auprès des Canadiens, de divers intervenants et de spécialistes de l'application de la loi pour s'assurer de bien comprendre l'efficacité potentielle de l'initiative en question avant de décider s'il ira de l'avant avec sa mise en oeuvre.
Il faudra aussi voir à ce que tout registre futur soit compatible avec les systèmes déjà en place dans quelques provinces et territoires. Des écarts entre les façons de faire des différentes administrations risqueraient de compliquer la mise en oeuvre, notamment parce que le registre proposé ne tiendrait compte que des délinquants qui seraient déjà fichés dans un système provincial ou territorial. C'est pourquoi nous consulterons nos partenaires provinciaux et territoriaux. Ces consultations nous aideront à bien diriger nos efforts, c'est-à-dire à financer et à mettre en oeuvre des politiques en matière de justice pénale qui sont fondées sur des données probantes et aptes à protéger les enfants et à assurer la sécurité de tous les Canadiens.
Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et les fonctionnaires du ministère travailleront d'arrache-pied en ce sens dans les prochains mois. Entretemps, nous continuerons de soutenir le Registre national des délinquants sexuels déjà en place, de même que des programmes qui ont fait leurs preuves, tels que les Cercles de soutien et de responsabilité et le système national de repérage.
L'élément le plus important, c'est que les programmes que nous finançons et les mesures que nous mettons en oeuvre doivent avoir eu des répercussions positives sur la sécurité publique, preuves à l'appui. La question n'est pas de savoir qui se soucie le plus ou le moins de la protection des enfants. Nous savons que nous nous en soucions tous. La question est de savoir ce qui permet le mieux de les protéger, non pas en fonction d'une impression ou de ce qui sonnera bien aux actualités, mais en fonction de ce que nous montrent les preuves. Actuellement, nous travaillons à recueillir les faits en vue de déterminer si nous allons créer le nouveau registre et, si nous le créons, quelle sera la meilleure façon de procéder.
Il s'agit d'une question qui soulève les passions, mais il est important que le public sache que les systèmes et les mesures de contrôle qui sont en place à l'heure actuelle — qui ont été mis en place, comme je l'ai mentionné, en partie par les premiers ministres Martin et Chrétien et par des gouvernements successifs — constituent un cadre de protection des Canadiens et que, lorsque la police estime qu'une personne est dangereuse, on peut lui demander d'en avertir la collectivité. Il est extrêmement exagéré de supposer que le seul moyen de protéger les enfants, c'est le registre en question, alors que, en fait, ce registre regroupe des renseignements déjà accessibles au public.
Pour cette raison, je crois que nous pouvons entretenir un dialogue constructif au sujet de l'utilité du registre, mais, compte tenu des préoccupations bien réelles qui ont été soulevées au sujet de son utilisation abusive, il est tout à fait normal d'étudier prudemment et assez longtemps ce train de mesures successives pour bien faire les choses. Entretemps, selon les faits à notre disposition, il existe un éventail de mesures que nous pouvons prendre pour protéger les enfants, et nous les prenons. Je sais qu'il s'agit d'une priorité pour nous et pour chaque député.