Monsieur le Président, le député de Niagara Falls et moi siégeons ensemble au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Bien que je ne le connaisse que depuis peu de temps, je sais que c'est un homme qui a à coeur ces questions et qu'il en parle avec sincérité.
La motion dont nous sommes saisis porte sur un projet de loi qui a été adopté lors de la législature précédente, le projet de loi C-26, qui a reçu la sanction royale le 18 juin 2015. Cette mesure législative a donné lieu à la création de la Loi sur la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé. La motion dont nous sommes saisis a trait à cette loi, notamment à son application et à son financement.
J'aimerais souligner à quel point il est important pour nous de protéger les enfants des prédateurs. Je suis le père de jumelles et j'ai un autre enfant qui naîtra plus tard cette année. Je sais que tous les députés, qu'ils soient conservateurs, libéraux, néo-démocrates, verts ou bloquistes, souhaitent sincèrement protéger les enfants. Je crois que c'est un point de départ. Nous voulons que les politiques et les mesures législatives adoptées dans cette enceinte servent l'intérêt supérieur de tous les Canadiens et de tous les enfants.
Tant que ce problème existera, la Chambre devra chercher des moyens efficaces de prévenir et de stopper l'exploitation sexuelle des enfants. Je rappelle que, lors de la dernière législature, les néo-démocrates ont voté en faveur du projet de loi C-26 des conservateurs parce que cette question est importante. Le gouvernement conservateur avait promis d'agir, mais nous lui avons fait connaître notre vive déception lorsqu'il a refusé de consacrer de l'argent frais à cette question.
Aujourd'hui, les conservateurs font partie de l'opposition, et voilà qu'ils se désolent que le problème existe toujours et qu'ils accusent les libéraux de ne pas affecter les sommes nécessaires pour que la loi puisse être appliquée.
Les néo-démocrates ont toujours eu pour principe de ne tolérer absolument aucune infraction sexuelle commise contre des enfants, et ce principe n'est pas près de changer. Tous les membres de mon groupe parlementaire sont du même avis que moi. Nous sommes déçus que les libéraux et les conservateurs ne sortent pas de leur chicane et qu'ils ne cherchent pas à régler certains problèmes importants.
On a imposé des compressions budgétaires, puis pendant des années, on n'a pas consacré suffisamment de fonds à la prévention des infractions sexuelles commises contre des enfants. Il n'y avait pas assez de fonds pour réduire les risques de récidive. Le présent débat nous donne au moins l'occasion de rappeler qu'il faut absolument protéger les enfants contre les prédateurs sexuels.
Lors de la dernière législature, de nombreux témoins ont dit au comité que les peines plus lourdes ne permettaient pas de tout régler. Il faut immédiatement affecter les ressources nécessaires à la lutte contre les agressions sexuelles visant des enfants.
Lorsque les conservateurs ont présenté leur projet de loi omnibus sur la criminalité à la législature précédente, le NPD a contribué à ce que les dispositions qui portaient sur les infractions sexuelles commises à l'égard des enfants soient adoptées plus rapidement que tout le reste. Des députés du NPD ont présenté des initiatives parlementaires dans le but de prévenir l'exploitation sexuelle des enfants. L'une des grandes modifications était d'interdire l'utilisation d'un ordinateur pour organiser une infraction contre un enfant.
Le NPD s'est également battu pour assurer la survie du programme des cercles de soutien et de responsabilité, qui travaille à réduire le taux de récidive. Les chiffres du programme sont impressionnants. Par exemple, une étude mentionne une réduction de 70 % des récidives de crimes sexuels chez ceux qui participaient à un cercle de soutien et de responsabilité par rapport à ceux qui n'y participaient pas. Une autre étude parle d'une réduction de 83 %. Le programme améliore considérablement la sécurité publique, sans que ses coûts soient prohibitifs. Malgré l'efficacité de l'initiative, l'ancien gouvernement conservateur a annulé son financement.
Lorsque le comité a étudié le projet de loi C-26 à la législature précédente, nous avons présenté des amendements fondés sur des données probantes. Nous avons demandé qu'il soit indiqué explicitement que la base de données ne servirait pas à identifier les victimes.
Nous avons également proposé un amendement qui obligerait le ministre à fournir un rapport annuel au Parlement pour rendre compte de l'efficacité de la loi. Comme je l'ai dit plusieurs fois à la Chambre, cela a trait à notre capacité à obliger le gouvernement à rendre compte des programmes qu'il gère. Nous estimions que le fait de fournir ce rapport annuel au Parlement permettrait aux parlementaires de juger de l'efficacité du programme du gouvernement, de l'obliger à rendre des comptes, et peut-être de fournir la pression nécessaire pour mettre en oeuvre certains changements qui s'imposent. Nous voulons savoir clairement que les mesures sont efficaces, et nous devons voir les preuves pour confirmer ce fait. Malheureusement, ces amendements bien intentionnés ont été rejetés par le gouvernement conservateur de l'époque.
Voici certaines initiatives prises par les conservateurs lorsqu'ils étaient au pouvoir, à partir de 2006. Ils ont mis en oeuvre de nouvelles peines d'emprisonnement obligatoires pour sept infractions existantes au Code criminel. Ils ont interdit à quiconque de fournir du matériel sexuellement explicite à un enfant en vue de faciliter la perpétration d'une infraction sexuelle contre cet enfant. Ce processus est souvent appelé la « préparation de l'enfant ». Ils ont renforcé le registre des délinquants sexuels. Ils ont haussé l'âge du consentement de 14 ans à 16 ans. Ils ont aussi mis en place des mesures législatives visant à obliger les fournisseurs de services Internet à signaler la pornographie juvénile en ligne.
Ces importantes mesures visaient à mettre un terme à l'exploitation sexuelle des enfants. Le hic tient au fait que, en 2014, le ministre de la Justice a déclaré, lors de son témoignage devant le comité, que les infractions sexuelles contre les enfants avaient augmenté de 6 % au cours des deux années précédentes. Il va sans dire que cette donnée remet en question tout ce qui a été fait s'il manque de ressources. Il est relativement facile de modifier une loi, mais si des ressources financières suffisantes ne sont pas prévues pour son application, elle devient rapidement inutile.
J'attire l'attention sur un élément important. Sur une période de cinq ans, à l'époque où les conservateurs étaient au pouvoir, la GRC a retenu plus de 10 millions de dollars en fonds qui étaient destinés au Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants et à d'autres projets. Ces compressions ont été faites dans le cadre du plan d'action pour la réduction du déficit du gouvernement, à titre de contribution de la GRC. Je souligne qu'elles ont été effectuées en dépit du fait que le nombre de signalements publics sur des cas d'exploitation d'enfants avait augmenté de façon exponentielle.
Je voudrais maintenant parler un peu du registre des délinquants sexuels, que la police est actuellement la seule à pouvoir consulter. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition oblige les pénitenciers fédéraux à prévenir la police lorsqu'un délinquant à haut risque est libéré, et un avis peut être diffusé pour en informer la population. En général, la police publie un communiqué contenant de l'information de base sur le délinquant, y compris une photographie. Si la législation provinciale le permet, la police pourra publier de l'information dans le cas où il y aurait un risque important pour le public. Toutefois, les conservateurs soutiennent, dans la motion d'aujourd'hui, que les citoyens devraient avoir accès à davantage d'information sur les personnes qui habitent dans les environs.
Je voudrais donner l'exemple du système employé par la province du Manitoba, qui a créé un comité consultatif sur les avis publics. Ce comité est composé de personnes qui oeuvrent dans les domaines de la justice pénale et des services de santé mentale et qui possèdent l'expertise nécessaire pour déterminer si un délinquant est susceptible de commettre d'autres crimes. On trouve, dans ce comité, des représentants du public en général, des services de police de Winnipeg et de Brandon, du Service des poursuites du Manitoba, des Services correctionnels du Manitoba, du Service correctionnel du Canada et du ministère de la Santé du Manitoba. Tous ces organismes collaborent.
Après avoir soigneusement examiné un cas, le comité recommande les mesures à prendre, qui peuvent varier. Dans certains cas, aucune information ne sera communiquée, tandis qu'à l'autre bout du spectre, un avis public sera largement diffusé. Tout dépend des particularités de la personne remise en liberté. Le comité peut même recommander à la police de prendre d'autres mesures pour garantir la sécurité publique, comme de la surveillance.
Les conservateurs ont fait valoir que le public devrait avoir libre accès à ces renseignements. Or, l'approche du Manitoba offre un modèle de programme efficace qui permet de prendre une foule de mesures adaptées à diverses circonstances.
Le Registre national des délinquants sexuels a été établi aux termes de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. À l'heure actuelle, la base de données nationale qui contient les renseignements sur les délinquants sexuels reconnus coupables est gérée par la GRC. Elle donne accès à des renseignements à jour sur les délinquants afin de faciliter les mesures de prévention ou les enquêtes concernant les infractions sexuelles. Dans le cadre du système actuel, les personnes déclarées coupables de certaines infractions à caractère sexuel doivent s'enregistrer auprès de la police et mettre à jour leurs renseignements personnels de façon périodique en fournissant notamment leur nom, leur adresse, la nature de l'infraction commise et une photographie récente.
À l'heure actuelle, la police avise le public lorsqu'elle juge que le niveau de risque le justifie. Comme je l'ai dit, d'autres gouvernements ont mis en place leur propre protocole ou leur propre loi concernant les avis publics, et il existe certainement de très bons exemples que nous pouvons suivre.
Comme je l'ai mentionné, la mesure législative qui avait été adoptée sous le gouvernement précédent, le projet de loi C-26, a permis au gouvernement de créer une banque de données en ligne accessible au public. Les conservateurs, au moyen de la motion à l'étude, pressent les libéraux d'aller de l'avant avec ce projet de banque de données accessible au public. Toutefois, certains problèmes sont survenus relativement à la mise en oeuvre de cette banque de données.
La Presse canadienne a récemment obtenu une note de service interne envoyée au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile par ses fonctionnaires qui mentionnait qu'un certain nombre de préoccupations avaient été soulevées et que certaines personnes recommandaient que l'on renonce à l'idée d'une banque de données accessible au public. Selon la note de service, les fonctionnaires recommandaient que le gouvernement mette en oeuvre les dispositions de la mesure législative qui imposent aux délinquants sexuels inscrits de nouvelles exigences relatives au signalement de leurs déplacements et celles qui permettraient d'améliorer l'échange de renseignements entre divers organismes fédéraux.
Les fonctionnaires ont recommandé que Sécurité publique Canada et la GRC entreprennent un examen et consultent les parties intéressées pour effectuer une évaluation éclairée de la banque de données proposée et ensuite présenter des options au gouvernement. Il est important que ces questions soient réglées avant que nous allions de l'avant avec des changements radicaux qui pourraient ne pas s'avérer efficaces pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants, ce qui, je le répète, est l'objectif premier de tous les députés.
Pour ne mentionner que quelques-unes des répercussions judiciaires, le Barreau du Québec soutient depuis longtemps qu'un registre accessible au public pourrait avoir de nombreuses conséquences sociétales indésirables. En 2003, le Barreau a dit qu'on risquait d'encourager les agressions de la part de justiciers autoproclamés, de répandre la peur et de créer un faux sentiment de sécurité. Un autre problème concernant le registre fédéral, c'est qu'il n'y a pas de définition nationale du risque de récidive. Le risque est actuellement évalué différemment d'une province à l'autre. Si nous créons une banque de données publique nationale, elle devrait reposer sur une définition commune de la récidive plutôt que sur un ensemble disparate de définitions.
Je veux faire tout ce que je peux pour protéger la sécurité publique, ce qui comprend des initiatives bien financées pour mettre fin à l'exploitation d'enfants. Le problème qui se pose dans ce cas-ci, c'est qu'il n'y a pas vraiment de preuve démontrant que le fait de rendre le registre public accroîtrait la sécurité publique parce que cela permettrait d'augmenter le nombre d'arrestations ou de prédire le lieu des prochaines infractions. La police dispose déjà de toute l'information pertinente dans le registre actuel et il lui incombe de s'en servir pour protéger la population. Nous attendons les résultats de l'examen entrepris par Sécurité publique et la GRC, qui étudient présentement les mérites et les lacunes d'une banque de données publique.
Je vais conclure en disant que c'est une bonne occasion pour nous à la Chambre de discuter de la meilleure façon de mettre fin à l'exploitation sexuelle d'enfants. Je répète que, s'agissant des infractions sexuelles commises contre des enfants, la politique du NPD en a toujours été une de tolérance zéro. Il nous faut un régime efficace, bien financé et fondé sur des données probantes, et non sur des notes de discours. J'ai hâte d'entendre ce que d'autres collègues à la Chambre ont à dire à ce sujet.