Monsieur le Président, je remercie le député de ses efforts infatigables et de son excellent travail. Merci également aux députés qui ont pris le premier ministre au mot et ont consulté de bonne foi les habitants de leur circonscription sur une question fondamentale, c'est-à-dire notre mode de scrutin ou notre mode d'élection du gouvernement. Je sais que beaucoup de députés de tous les partis ont tenu des assemblées publiques et mené des consultations de toutes sortes.
J'aimerais tout d'abord citer les propos du premier ministre il y a seulement quelques mois:
Le fait est que les Canadiens s'attendent à ce qu'une personne présente des excuses lorsqu'elle pose des gestes qui ne correspondent pas aux attentes qu'ils ont à son endroit ou envers eux-mêmes.
Selon moi, le premier ministre a suscité chez les Canadiens des attentes à son propre égard. Il leur a fait croire qu'il serait différent, qu'il tiendrait ses engagements et que ses promesses n'étaient pas vides de sens.
Voyons ce qu'il a déclaré à propos de ses promesses:
Les Canadiens nous confient des tâches difficiles. Ils ne s'attendent pas à ce qu'on baisse les bras lorsque les choses sont difficiles. [...] Non, je m'en excuse, mais j'ai été élevé à faire mieux que ça. Je ne vais pas abandonner un dossier, même s'il se révèle particulièrement difficile.
De quoi parlait le premier ministre? Il parlait de la réforme électorale. En décembre dernier, il a réitéré son engagement à cet égard. Il s'agissait d'un engagement aussi clair et net que toutes les autres promesses du premier ministre et du Parti libéral. Cette promesse, faite durant la campagne, a été répétée durant le discours du Trône et des centaines de fois par la suite. Lors des assemblées publiques qu'il a organisées un peu partout au pays, à l'exception de la Colombie-Britannique, étrangement, le premier ministre s'est fait questionner à propos de son engagement à l'égard de la réforme électorale. La main sur le coeur, et regardant les Canadiens droit dans les yeux, il a affirmé qu'il était fermement résolu à mener à bien cette réforme et que les Canadiens pouvaient avoir l'assurance que l'élection générale de 2015 serait la dernière élection fédérale organisée selon un scrutin majoritaire uninominal à un tour.
Il serait normal que les Canadiens puissent croire en ce que dit le premier ministre. En effet, ils devraient avoir suffisamment confiance en son intégrité pour le croire quand il réitère sans arrêt une promesse avec sincérité et émotion. Ce n'est pas le cas. Le premier ministre est maintenant confronté au cynisme qu'il pensait pouvoir éliminer. Il a déclaré par le passé que le cynisme tuait notre démocratie et que les gens ne faisaient plus confiance au gouvernement Harper parce qu'il ne leur offrait que des promesses brisées. « Nous devons — et nous allons — faire mieux, » disait-il. Or, il est aujourd'hui la source du cynisme des Canadiens, surtout des jeunes Canadiens.
Je souhaite insister sur ce point. Au cours des dernières élections, de nombreux jeunes Canadiens ont été enthousiasmés par la campagne du premier ministre, car il promettait qu'il serait différent, qu'il parlerait différemment, qu'il aborderait les enjeux différemment, qu'il pensait comme les jeunes Canadiens, qu'il pouvait améliorer la politique, que l'époque des chefs libéraux qui promettaient une chose pour être élus puis brisaient leurs promesses sachant qu'il ne subiraient aucune sanction était révolue.
La leçon à retenir de la motion d'aujourd'hui est très simple. C'est une leçon que nous avons tous dû apprendre lorsque nous étions enfants et que nous enseignons tous à nos enfants, du moins je l'espère. Cette leçon, c'est que lorsque nous faisons une promesse, nous devons tout faire en notre pouvoir pour l'honorer, et que, si nous brisons cette promesse, nous devons présenter nos excuses. Nous devons admettre que la promesse est rompue et présenter nos excuses, puis faire des pieds et des mains pour réparer les torts et regagner la confiance perdue.
Cela ne devrait pas être difficile pour certains de mes collègues libéraux qui ont déjà envoyé une lettre d'excuse aux citoyens de leur circonscription. « Je m'excuse; nous avons fait une promesse et nous ne l'avons pas tenue », disent certains de mes collègues libéraux. C'est une démarche judicieuse. C'est bien qu'ils admettent leur erreur. Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Les libéraux ne peuvent nier qu'ils ont fait une erreur, et certains d'entre eux ont choisi de l'admettre.
Or, nous attendons toujours les excuses du premier ministre. C'est étrange, car c'est lui qui a fait cette promesse et c'est lui qui l'a rompue. Il est incapable de trouver le courage de prendre la parole au Parlement et de dire aux Canadiens: « En passant, toute cette foi que vous avez en moi, toutes ces séances de discussion ouverte auxquelles vous avez participé, ce pénible sondage en ligne, MaDémocratie.ca, auquel vous avez répondu, tout cela était en fait cynique. » Tout cela était une tentative de brouiller les cartes pour arriver à cette conclusion bizarre selon laquelle le consensus général que les libéraux ont décidé d'imposer à titre d'exigence au milieu du processus, n'existe pas. Quelque 333 pages du comité sur la réforme électorale ont fait la lumière sur ce mensonge.
Le comité a entendu des experts et des données lui ont été présentées. Les libéraux n'avaient-ils pas également promis que leur gouvernement fonderait ses décisions sur des données probantes? En très grande majorité, mes collègues du Parti conservateur et du Bloc, ma collègue du Parti vert, tous ont prêté attention aux propos des experts. Ils ont ainsi constaté que, dans 90 % des cas, ces experts étaient d'avis que, si nous souhaitions changer le mode de scrutin, nous devrions proposer un mode proportionnel.
Parmi les Canadiens qui se sont présentés aux assemblées publiques, 86 % ont écrit au comité. Ils ont répondu à notre propre sondage, dans lequel nous avons osé leur demander s'ils appuyaient la réforme du mode de scrutin au Canada. Cette question, les libéraux ont oublié de la poser dans leur sondage. Notre sondage demandait également aux Canadiens, s'ils souhaitaient changer de mode de scrutin, quel autre mode ils préféraient.
Par je ne sais quel miracle, les Canadiens ont été en mesure de répondre à ces étonnantes questions, même si elles paraissent tellement déconcertantes aux yeux de certains. Quelque 23 000 Canadiens n'ont eu aucune difficulté à répondre aux questions du comité. Il n'y a pas eu de scandale.
Les libéraux ont dépensé 4 millions de dollars dans ce processus de consultation. Il y avait consensus et les seuls qui n'en faisaient pas partie étaient mes collègues libéraux. Pourquoi? Alors qu'il brisait sa promesse, le premier ministre l'a expliqué aux Canadiens. Il a un mode de scrutin préféré. Qu'importe si, au comité, ni le vote préférentiel qu'il préconisait ni les faits qu'il avait présentés n'étaient soutenus par des données. Ce qu'il voulait, c'était qu'on laisse les libéraux classer eux-mêmes les différents modes de scrutin.
Des Canadiens et des experts ont dit au comité que, si nous voulons faire en sorte que chaque vote compte et que le système électoral soit plus équitable, on ne doit pas recourir au vote préférentiel, puisqu'il ne fait que compliquer les difficultés liées au système actuel.
Lorsque le premier ministre et son équipe d'experts ont affirmé qu'il fallait modifier le système électoral, ce qu'ils voulaient dire, c'est qu'il fallait le modifier de la façon qui leur convenait. Les libéraux ont soi-disant consulté les Canadiens, mais ils ont été désolés de constater que ces derniers ne leur donnaient pas la réponse qu'ils souhaitaient entendre.
La prise de décision fondée sur des données probantes est le nouveau mantra des libéraux. Ils ne vont pas utiliser les données qu'ils ont sous les yeux. Si les données pointent dans la mauvaise direction et risquent de nuire aux chances des libéraux de former des gouvernements majoritaires jusqu'à la fin des temps, ils vont simplement faire avorter le processus. Si cela porte atteinte à la crédibilité du premier ministre, eh bien, peu importe, c'est un type très populaire qui paraît bien, et il arrivera à passer au travers.
Les libéraux ont affirmé que les gens ne portent pas attention, que personne ne se soucie du système électoral ou de la promesse du premier ministre. Un Canadien m'a demandé d'appuyer une pétition, et j'ai accepté. C'était une pétition électronique. Nous y avons recours à la Chambre depuis quelques années déjà. En novembre dernier, mon concitoyen avait lu le texte d'une entrevue avec le premier ministre dans Le Devoir.
Le premier ministre y affirmait que la réforme électorale était un enjeu important lorsque Stephen Harper était au pouvoir et que les Canadiens étaient mécontents, mais que ceux-ci sont heureux maintenant. Le premier ministre disait donc que les Canadiens ne se soucient plus de la réforme électorale parce qu'il est qui il est.
Mon concitoyen a entendu ce message et a craint, à juste titre, que les libéraux soient sur le point de rompre leur promesse, et c'est pourquoi il nous a envoyé une pétition. Celle-ci n'a pas attiré beaucoup d'attention. Quelques milliers seulement de Canadiens l'ont signée en ligne il y a à peine quelques semaines. Eh bien, en date d'aujourd'hui, 92 500 Canadiens sont allés sur le site et ont fait savoir qu'ils veulent que les libéraux respectent leur promesse et qu'ils tiennent à cette promesse.
Les Canadiens, particulièrement les partisans libéraux, m'ont exprimé leur complète consternation dans les tribunes radiophoniques, dans les courriels qu'ils m'ont envoyés et dans les médias sociaux. Ils pensaient que le premier ministre était différent, ou ils sont dégoûtés parce que c'était justement pour s'opposer à ce type de manigances qu'ils ont voté pour lui. Ils ne voulaient plus voir ce genre de situation. Ils voulaient quelque chose de mieux, comme le premier ministre le leur avait promis à maintes reprises.
Je tiens à dire ceci aux personnes qui prétendent que les Canadiens n'étaient pas préoccupés par la représentation proportionnelle mixte ou le scrutin à vote unique transférable lorsqu'ils se sont levés ce matin, que ce dossier est trop dans l'ombre pour avoir de l'importance dans un contexte politique et que nous avons actuellement des questions plus cruciales à régler: ce dossier pourrait avoir un effet boule de neige. Beaucoup de Canadiens se soucient de l'intégrité et de la promesse du premier ministre. Ils veulent savoir qu'ils peuvent lui faire confiance lorsqu'il donne sa parole, ce qui n'est plus le cas.
Il est possible que ce dossier devienne un brasier très dangereux. Même s'il brûle d'une flamme intense et peut être étouffé, il arrive que les gens qui quittent les lieux d'un brasier qu'ils pensaient avoir éteint découvrent par la suite que le feu couvait dans les racines. C'est une situation qu'on observe dans ma région de la Colombie-Britannique. Mon collègue de Prince George connaît ces types de brasiers. Ils sont les plus dangereux, car ils peuvent refaire surface à tout moment.
Ces brasiers sont si violents et ils brûlent si longtemps qu'ils talonneront le gouvernement jusqu'au moment où il se présentera aux élections et où il aura le culot d'affirmer que, la dernière fois, il n'a pas dit la vérité, qu'il a induit les gens en erreur et qu'il avait d'autres préoccupations plus importantes, mais que, maintenant, les gens peuvent de nouveau lui faire confiance.
Voici ce que je veux dire pour terminer. À l'époque où nous vivons, où règne tant d'incertitude dans le monde, où on assiste à une montée du populiste et dangereux mouvement de la droite alternative aux États-Unis et en Europe, ce qu'il faut vraiment pour s'immuniser, c'est un système électoral équitable. Il est paradoxal de constater que le premier ministre — qui a été élu pour faire diminuer le cynisme, susciter l'espoir et hausser les attentes et qui est tenu par le lien sacré et de la confiance qui lie les élus aux électeurs — tourne le dos à la proposition même qui immuniserait le pays contre les dangereux mouvements que l'on voit apparaître dans le monde.
Les libéraux doivent présenter des excuses. Ils doivent revenir sur leur décision et ils doivent faire ce qui s'impose en tenant leur promesse. Les Canadiens n'en attendent pas moins.