Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-48, qui vise à interdire la circulation des pétroliers le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. Les néo-démocrates sont heureux de voir que le gouvernement libéral prend enfin des mesures pour protéger cette région de la circulation de bâtiments qui transportent du pétrole brut. Ils craignent cependant que ce projet de loi accorde au ministre un trop grand pouvoir discrétionnaire quant à l'exemption de bâtiments de cette interdiction et à la définition des carburants visés. Nous espérons que le gouvernement adoptera des amendements utiles pour limiter le pouvoir du ministre et accroître les ressources destinées aux interventions en cas de déversement. Nous sommes par ailleurs vivement préoccupés par le fait que les Premières Nations et les collectivités côtières n'ont pas été consultées.
J'aimerais parler de mon collègue le député de Skeena—Bulkley Valley et du travail qu'il a accompli dans sa circonscription sur la côte nord-ouest relativement à cette interdiction de circulation des pétroliers. Il a mené des consultations auprès de nombreuses personnes dans les collectivités ainsi que des Premières Nations. Il a travaillé avec elles et s'est intéressé à leurs préoccupations. Ce qu'on lui a dit, sur une période de plusieurs années, c'est qu'un seul déversement pourrait mettre fin à leur mode de vie. Ce mode de vie repose sur l'océan: sur le saumon, le flétan, les mollusques et les crustacés, un océan en santé et propre. On lui a dit que les risques étaient trop grands, qu'ils n'en valaient tout simplement pas la peine.
Patrick Kelly, le président du conseil de la Coastal First Nations Great Bear Initiative, a rédigé une lettre d'opinion publiée le 11 février dernier dans laquelle il exprime le soutien des Premières Nations côtières à l'égard de l'interdiction frappant les pétroliers le long de la côte nord. En voici le texte:
L'océan fait partie intégrante de l'économie, des cultures et des sociétés des Premières Nations côtières. Un déversement de pétrole dans nos eaux territoriales, qui comprennent les côtes nord et centrale et les côtes de Haida Gwaii, serait catastrophique.
Nous comprenons qu'expédier des marchandises au moyen de grands navires est essentiel pour notre économie moderne. L'utilisation de combustibles fossiles est une réalité avec laquelle nous devons composer pendant la transition vers un avenir énergétique propre. Cependant, la question n'est plus de savoir s'il y aura un déversement, puisque cela s'est déjà produit. Il n'existe aucun système « de calibre mondial » pour le nettoyage des déversements de pétrole qui fonctionnera sur les côtes. Un tel système n'existe tout simplement pas.
Les Heiltsuks ne se sont toujours pas remis du déversement de diésel causé par le naufrage du Nathan E. Stewart. Il pourrait s'écouler des années avant que leurs eaux, les bancs de palourdes et les autres ressources marines se rétablissent. Les Haïdas ont évité de justesse un désastre en octobre 2014, lorsqu'un vraquier de 135 mètres, le Simushir, a subi une panne de moteur et a dérivé dans leurs eaux en raison de vents de tempête. Les Gitga’ats ont été touchés par deux déversements de pétrole, soit lorsque le Zalinski, qui contenait du mazout C, a fait naufrage et lorsque le traversier de la Colombie-Britannique, le Queen of the North, a sombré en 2006. Le gouvernement avait promis de nettoyer les dégâts, mais il y a toujours des fuites de carburant provenant des deux épaves.
Notre identité et notre culture s'éteindront si le poisson, les animaux, les plantes, nos remèdes, nos créatures et nos oiseaux sont menacés. D'anciennes pratiques industrielles et commerciales non durables ont déjà eu de graves conséquences sur notre mode de vie et nos moyens de subsistance. Par exemple, il y a eu un déclin du poisson et des pêches sur la côte.
Historiquement, nos dirigeants ont géré nos territoires et nos ressources de façon à répondre aux besoins de notre collectivité. Lorsque tout allait bien, il y avait de la richesse et des excédents, et cela favorisait le commerce, notamment le commerce entre tribus. Diriger signifiait également appliquer les lois autochtones et protéger les terres, les eaux et les ressources. Nous sommes guidés par le potlatch, nos chefs héréditaires et nos aînés, qui nous ont appris à établir un équilibre entre les besoins économiques de notre peuple et le respect de nos terres, de nos cultures et de l'environnement. Ils nous ont dit que les pétroliers présentent trop de risques pour notre existence et doivent donc être écartés de nos territoires. Des consultations ont été menées grâce au solide leadership des collectivités faisant partie de la Coalition des Premières Nations.
En tant que chefs et dirigeants, il nous incombe de laisser aux générations futures un environnement sain et une économie durable. C'est pourquoi nous travaillons de concert avec le gouvernement fédéral afin de créer une industrie des pêches qui profitera à nos collectivités. C'est pourquoi nous travaillons de concert avec le gouvernement de la Colombie-Britannique afin d'élaborer de nouvelles stratégies en matière d'énergie propre qui tiendront compte dès le début des Premières Nations.
Les Premières Nations côtières, par l'intermédiaire de leur société de crédits de carbone, sont désormais le plus important vendeur de crédits de carbone au Canada, et les recettes provenant des ventes sont réinvesties par chacune des nations pour mieux protéger leurs terres et leurs ressources. Ensemble, les nations autochtones emploient maintenant plus de 100 gardiens et intendants de l'environnement qu'elles ont formés.
Nos membres et nos communautés ont besoin d'emplois et de revenus, et nous savons que les secteurs traditionnels des ressources à eux seuls ne suffiront pas à répondre aux besoins grandissants de nos nations. Nous devons diversifier nos activités. Toutefois, l'exploitation de nouvelles ressources ou les projets industriels ne doivent jamais compromettre notre environnement naturel. Il n'y a pas de place pour les pétroliers sur notre côte. En tant qu'Autochtones qui vivons sur ce territoire depuis plus de 14 000 ans, en tant que Britanno-Colombiens et en tant que Canadiens, nous avons une responsabilité collective de protéger nos terres, nos eaux et nos ressources.
Le moratoire relatif aux pétroliers est une bonne mesure d'intérêt public; elle est même nécessaire.
Voilà une lettre très éloquente, et je suis heureux d'avoir pu la lire à la Chambre.
Je me suis lancé en politique pour préserver la qualité de vie des habitants de la côte Ouest; l'incroyable biodiversité qu'on trouve dans la province de la Colombie-Britannique; les rivières, les lacs, les forêts, les montagnes, les océans, la faune; et les communautés et les économies qui se sont développées grâce à cette abondance. Cependant, la façon dont nous vivons à présent menace cette abondance et cette biodiversité. Nous avons des espèces en péril, menacées et en voie de disparition, que ce soit le saumon, la truite arc-en-ciel, l'esturgeon, le caribou ou de nombreuses autres espèces énumérées dans la Loi sur les espèces en péril.
Il s'agit ici de véritables problèmes qui ne sont pas faciles à résoudre. Il faut donc une réelle volonté politique pour parvenir à une solution et faire les choses autrement. Nous devons trouver des façons de vivre dans les limites de nos moyens et faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, et nous devons le faire de façon équilibrée. Nous devons effectuer une transition équilibrée vers un mode de vie plus durable.
C'est ce qui m'a incité à parcourir à la nage les 1 400 kilomètres du fleuve Fraser, un des plus hauts lieux de la pêche au saumon du monde. Northern Gateway, le projet d'oléoduc d'Enbridge, aurait traversé des centaines de cours d'eau, dont des rivières et des ruisseaux où vont frayer les saumons et toutes sortes d'autres poissons, ainsi que des pentes très escarpées, des vallées montagneuses et la partie septentrionale du bassin du fleuve Fraser. Je tenais tellement à communiquer mon message sur la durabilité que j'ai nagé pendant trois semaines dans des eaux glacées à partir du mont Robson, où le fleuve Fraser prend sa source, jusqu'à Prince George. J'ai traversé le canyon du Fraser, viré vers l'ouest à la hauteur de Hope et direction de Coquitlam, ma ville, que j'ai dépassée pour me rendre jusqu'à l'embouchure du fleuve, dans le territoire de la bande de Musqueam, à Vancouver, près de la mer des Salish.
Il s'agit d'une des activités les plus difficiles que j'ai faites de ma vie — nager pendant trois semaines dans des eaux froides —, mais cela m'a enseigné une chose. J'ai appris à être résolu et je me suis engagé à faire tout mon possible pour encourager les gens à faire la transition vers un mode de vie durable, ce qui comprend la transition juste et équitable vers une économie à faibles émissions de carbone en délaissant progressivement le pétrole et le gaz en faveur de formes d'énergie renouvelables.
Les raisons sont claires. Les données scientifiques sont on ne peut plus probantes. Les pays du monde entier produisent tellement de carbone en brûlant du pétrole, du charbon et du gaz qu'ils changent le climat. Nous avons maintenant excédé 400 parties par million, un sommet historique. Nous sommes en bonne voie d'atteindre un réchauffement moyen de deux degrés Celsius, ce qui aura, selon les scientifiques du monde entier, des conséquences dramatiques sur la civilisation humaine, les économies, les collectivités et tous les autres êtres vivants avec qui nous partageons la planète. Les conséquences ne se feront pas seulement sentir à l'avenir. Nous les ressentons actuellement sous forme d'inondations, d'incendies et d'impacts sur la planète.
Par conséquent, il faut parfois savoir dire non. Il faut rejeter les choses qui nous causeront du tort. Nous en avons justement l'occasion. L'interdiction des pétroliers au large de la côte nord de la Colombie-Britannique est la chose à faire.
Une autre occasion nous est offerte avec le projet de pipeline de Kinder Morgan. Ce projet, s'il est réalisé, augmentera de 700 % la circulation de pétroliers au port de Vancouver et dans la baie Burrard. Depuis deux ans, le député de Burnaby-Sud s'emploie à sensibiliser la population aux effets néfastes du projet de Kinder Morgan et à montrer que les risques en dépassent largement les retombées. Tout comme moi, il sait que c'est dans les moments comme celui-ci que nous devons nous opposer fermement et de façon raisonnée aux projets qui ne favorisent pas la prospérité du pays plein d'avenir que nous aimons tant. Pire encore, ce projet nuira à notre qualité de vie et à celle des prochaines générations.
Je suis très déçu que le gouvernement donne toujours son aval au projet d'oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan. Cet oléoduc fera tripler la quantité de pétrole extrait des sables bitumineux qui est acheminée vers la côte britanno-colombienne, où il sera chargé dans des pétroliers et transporté en pleine mer, dans le fragile habitat de l'épaulard résident du Sud et d'autres espèces marines. En plus d'augmenter considérablement le bruit d'origine humaine et la fréquence des collisions, ce projet augmentera aussi les risques de déversements catastrophiques d'hydrocarbures dans l'habitat de l'épaulard, qui auraient de terribles effets pour cette espèce en péril emblématique et pour l'ensemble de l'écosystème de la mer des Salish.
Le gouvernement nous dit de ne pas nous inquiéter, que son prétendu plan de protection des océans est à toute épreuve. Le problème c'est que, en cas de déversement de pétrole, le gouvernement n'a pas de plan d'intervention visant les mammifères marins. Comme de nombreux députés et moi-même l'avons dit à maintes reprises à la Chambre, les pétroliers transporteraient du bitume dilué alors qu'il n'existe actuellement aucune technologie pour nettoyer cette substance. Une telle technologie n'existe tout simplement pas. Par surcroît, le relief accidenté de la côte de la Colombie-Britannique et les conditions météorologiques souvent difficiles peuvent compliquer énormément les efforts d'intervention.
Le bilan du gouvernement et sa capacité à intervenir en cas d'urgence préoccupent beaucoup d'habitants de la côte de la Colombie-Britannique. Les interventions lors du déversement du Marathassa en 2015 dans la baie English, à Vancouver, et lors du déversement du Nathan B. Stewart près de Bella Bella ont prouvé que le plan d'intervention du Canada laisse gravement à désirer. Le gouvernement ne cesse de faire des annonces de financement pour le Plan de protection des océans, mais tout l'argent du monde ne changera pas le fait que les conséquences d'un déversement de pétrole sur la côte sauvage de la Colombie-Britannique seraient dévastatrices.
Pour conclure, je vais me reporter au résumé de ce que l'organisme DeSmog veut que les Canadiens sachent au sujet du projet de loi C-48.
Un: DeSmog indique qu'une interdiction des pétroliers n'empêchera pas les superpétroliers transportant du pétrole raffiné de s'approcher des côtes. Bien que la mesure législative proposée empêche les superpétroliers transportant du pétrole brut et des hydrocarbures semblables d'entrer dans les ports du Nord et d'en sortir en grand nombre, elle n'empêche pas la même chose pour les produits pétroliers raffinés, ce qui laisse la porte ouverte aux futurs grands projets de raffineries de pétrole sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Deux raffineries ont été proposées, une à Kitimat, appelée Kitimat Clean, qui raffinerait 400 000 barils de pétrole par jour, et le projet de raffinerie Pacific Future Energy, qui raffinerait 200 000 barils par jour. Ce sont là les quantités prévues.
Deux: l'organisme DeSmog se dit très inquiet de ce que l'interdiction ne vise pas les pétroliers transportant 12 500 tonnes ou moins de pétrole. C'est une énorme quantité de pétrole. Une fois adopté, le projet de loi empêcherait seulement les navires transportant plus de 12 500 tonnes de pétrole brut d'arrêter aux ports côtiers. C'est une grande préoccupation pour ses lecteurs.
Trois: DeSmog indique que l'interdiction des pétroliers n'empêcherait pas un autre accident comme celui du Nathan E. Stewart L'interdiction des pétroliers a été annoncée pour la première fois par le gouvernement fédéral après une visite du ministre des Transports sur le territoire des Heiltsuks pour constater un déversement de diésel du Nathan E. Stewart, une barge remplie de diésel qui a coulé. Ce déversement a eu des répercussions dévastatrices sur la pêche locale et la pêche de mollusques et de crustacés.
Selon Jess Housty, conseillère tribale de la nation des Heiltsuks, l'interdiction visant les pétroliers « ne change rien ». Elle est vivement préoccupée par la circulation des pétroliers et par les types de produits qui seront transportés au large de la côte nord, où elle habite.
Quatrièmement, DeSmog souligne que la côte sud de la Colombie-Britannique n'est toujours pas protégée dans les environs de Vancouver et de Victoria. DeSmog craint que l'interdiction visant les pétroliers ne change rien à la circulation au large de la côte sud de la Colombie-Britannique, à proximité du port de Burnaby-Vancouver, où se termine l'oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan.
Cinquièmement, DeSmog signale aux Canadiens que les détails concernant les combustibles interdits peuvent changer. J'ai d'ailleurs parlé des pouvoirs ministériels discrétionnaires. Même si l'interdiction visant les pétroliers empêche le transport de grandes quantités de pétrole brut au large de la côte britanno-colombienne et même si le projet de loi vise également des hydrocarbures lourds, qu'on désigne comme des hydrocarbures persistants à l'annexe du projet de loi, DeSmog craint que l'on puisse transporter bien d'autres types de substances nuisibles qui sont susceptibles de menacer le mode de vie des résidants des collectivités côtières.
C'est une énorme source d'inquiétude pour nombre de collectivités côtières, de nations autochtones et d'autres résidants de la côte ouest du pays. C'est un aspect de plus en plus préoccupant pour bien des résidants de ce grand pays.
L'interdiction pour les pétroliers de naviguer au large de la côte nord est un premier pas dans la bonne direction, mais il y a encore fort à faire pour intervenir relativement aux effets des changements climatiques, au rythme alarmant de la disparition des espèces et au besoin d'assurer une transition juste et équitable vers un mode de vie plus durable.