Avant de commencer, monsieur le Président, je dois dire que je suis ravi de revoir ma collègue de Scarborough-Centre de retour à la Chambre après sa récente maladie. Nos circonscriptions se touchent, et je sais que c’est une travailleuse acharnée. Si elle appuie le projet de loi C-71, c’est qu’elle connaît très bien le terrain et qu'elle a travaillé fort dans ce dossier avec ses concitoyens.
C’est pour moi un honneur de parler du projet de loi C-71. J’ai la chance de présider le Comité permanent de la sécurité publique et nationale. À ce titre, j’ai gardé une certaine neutralité lors des débats, ce qui ne m’empêche pas d’avoir une opinion bien arrêtée au sujet du projet de loi C-71.
Après avoir entendu 39 témoins, examiné 101 mémoires et délibéré plus de 18 heures, nous avons saisi la Chambre de ce projet de loi amendé. Il y a eu en outre d’intenses consultations tenues par le ministre et son secrétaire parlementaire, tant au sein du caucus qu’à l’extérieur.
Le projet de loi C-71 a une portée relativement modeste et il vise à accomplir trois ou quatre choses.
Premièrement, il vise à confier la décision entourant la classification des armes à feu non plus au gouverneur en conseil, c’est-à-dire au gouvernement — autrement dit, aux politiciens —, mais plutôt à la GRC.
Deuxièmement, il accorde des droits acquis à certains particuliers à l’égard de deux ensembles d'armes prohibées, l'un étant tchèque et l'autre suisse. Puis, à une date précise qui est déjà passée, soit le 30 juin, il rétablit la classification d'arme prohibée pour ces armes et interdit d'en faire l'acquisition. En vertu de l'ancienne loi ou du décret du gouverneur en conseil, ces armes à feu n'étaient pas prohibées.
Troisièmement, il élargit le champ de la vérification des antécédents.
Quatrièmement, il exige que les vendeurs tiennent un registre des ventes et qu'un acheteur potentiel présente un permis valide. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet au cours de la matinée.
En outre, deux changements très importants ont été apportés. Le premier a été adopté à l'unanimité par le comité, et je cite l'amendement: « Il est entendu que la présente loi ne permet ni n’exige l’enregistrement des armes à feu sans restriction ». Autrement dit, il a été unanimement convenu que ce projet de loi n'est pas un registre des armes à feu. Cet amendement a été proposé par un député conservateur, porte-parole en matière de sécurité publique.
Comme mes collègues le savent, le terme « registre des armes à feu » entraîne les deux côtés du débat dans des paroxysmes de peur et de dégoût, ce qui n'est pas particulièrement utile pour mettre fin à ce dialogue de sourds. Cela semble se produire chaque fois que des armes à feu font l'objet du débat à la Chambre. Apparemment, il faut à tout prix s'opposer à tout ce qui pourrait faciliter le traçage efficace d'une arme par la police, même s'il s'agit de résoudre un crime.
Le deuxième changement élargit la portée de l'enquête au sujet de quiconque cherche à obtenir un permis. Par exemple, il est bon d'examiner la vie en ligne de quelqu'un, et il est également bon d'examiner les antécédents de comportement violent et menaçant d'une personne. Cet amendement a également été adopté à l'unanimité après un vigoureux débat entre les membres du comité.
À mon avis, l'arbitre du système de classification des armes devrait être la Gendarmerie royale du Canada, et non le gouverneur en conseil. Le premier des deux principaux arguments contre le retrait du système des mains du gouverneur en conseil stipule qu'il n'y a pas de droit d'appel. Cet argument présume qu'il devrait y avoir un droit constitutionnel de contester la classification de la GRC ou celle du gouverneur en conseil.
À mon avis, lorsque ceux qui participent au lobby pro-armes pensent qu'une arme a été classée dans une catégorie trop restrictive, c'est-à-dire prohibée ou restreinte, il n'y a personne auprès de qui ils peuvent faire des représentations pour reclasser cette arme — ni député ni ministre, et pas pendant une campagne électorale ni après une élection. Il y a beaucoup de raisons à cela. Je ne comprends pas pourquoi les gens penseraient que moi, un politicien qui ne connaît pas particulièrement bien la classification des armes à feu, je devrais avoir mon mot à dire sur la question de savoir si une arme devrait être prohibée, à autorisation restreinte ou sans restriction en fonction de son calibre, de la grosseur du canon, de sa capacité de tir, etc. C'est une responsabilité qui ne devrait relever que de la GRC.
Le deuxième argument est que la GRC fait des erreurs. Je ne connais personne qui ne fasse pas d'erreurs. Je ne connais aucune organisation qui ne fasse pas d'erreurs ou qui soit toujours cohérente, pas même les tribunaux ni notre assemblée.
Toutefois, il existe un certain nombre d'entités administratives et quasi judiciaires dont les décisions sont définitives et ne peuvent faire l'objet d'aucun recours. La classification des armes à feu me semble être l'un des domaines du droit administratif où il convient que la police effectue la classification et prenne la décision finale. Je tiens à souligner que toute décision administrative peut faire l'objet d'un appel, quelle qu'elle soit.
Personnellement, je préfère tenter ma chance avec une organisation qui travaille avec des armes à feu au quotidien, plutôt qu'avec des membres du Cabinet ou des députés.
Les armes à feu énumérées dans le projet de loi C-71, les armes à feu suisses et tchèques, dont les détenteurs ont bénéficié d'un droit acquis jusqu'au 30 juin, ont été classées dans une catégorie moins restrictive. Cela illustre bien le problème: certaines personnes voudraient qu'elles soient classées comme restreintes, d'autres les classeraient comme interdites et d'autres encore les classeraient comme non restreintes. Je crois qu'il serait plus sage de confier cette décision à la GRC.
Enfin, le projet de loi C-71 exige qu'une entreprise tienne un registre des ventes d'armes à feu. On pourrait penser que c'est évident, et c'est apparemment le cas depuis un certain nombre d'années dans un certain nombre de pays. Le projet de loi C-71 en fait une exigence. Nombreux sont ceux qui sont convaincus qu'il s'agit d'un registre déguisé. Apparemment, les documents commerciaux détenus par de multiples entreprises privées à travers le pays constituent un registre déguisé dans l'esprit de certains. J'espère que l'amendement, tel que proposé par le député conservateur et tel qu'accepté à l'unanimité par le comité, mettra un terme à ce débat.
En conclusion, ce projet de loi est extrêmement modeste. Il est bon d'élargir la vérification des antécédents. Il est bon d'éliminer l’intervention politique dans la classification des armes à feu. Exiger la conservation des registres des ventes d'armes est une bonne chose. Le reclassement de certaines armes est une bonne chose. Je crois que mes collègues devraient appuyer ce projet de loi dans sa version amendée.