Merci, monsieur le Président. Je vous suis reconnaissant d'avoir rendu cette décision. Je propose:
Que la question des documents publiés par la Gendarmerie royale du Canada au sujet du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu, soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Je suis reconnaissant que le Président ait examiné les faits présentés à la Chambre et qu'il ait rendu une décision à la lumière des faits que je trouve très convaincants. Pour ceux que cela intéresse et qui en entendent parler peut-être pour la première fois, je vais répéter brièvement ce qui s'est passé.
Au début d'avril, la Gendarmerie royale du Canada a commencé à expliquer certains éléments du projet de loi C-71 à la population canadienne sur son site Web. Les propos publiés faisaient croire à la population que le projet de loi C-71 avait, dans les faits, été adopté par le Parlement, que ses dispositions étaient déjà en vigueur et qu'elles devaient être respectées.
L'information figurait dans le « Bulletin spécial no 93 à l'intention des entreprises » où on trouve des formules présomptueuses, notamment les phrases suivantes « Comme les armes à feu CZ ne seront pas toutes touchées par les modifications relatives à leur classification » et « les entreprises devront déterminer si leurs armes à feu seront touchées par ces modifications ». Le bulletin précise également que les armes à feu Swiss Arms (SA) deviendront aussi prohibées. Le bulletin indique les étapes à suivre par les propriétaires d'armes à feu SA, car le projet de loi C-71 devrait les toucher. Il est ensuite question des droits acquis et de la façon d'éviter la possession illégale d'une arme à feu, comme si le projet de loi C-71 avait déjà, dans les faits, été adopté.
Voci certaines des expressions utilisées dans le bulletin: « ne seront pas toutes touchées », deviendront aussi « prohibées » et « seront touchées ». On aurait pu utiliser « ne seraient pas », « deviendraient » et « pourraient être » touchées.
Un peu plus loin dans le même bulletin, publié sur le site Web de la GRC, il est dit « Les propriétaires d'entreprise seront encore autorisés à céder une partie ou la totalité des armes à feu CZ ou SA touchées de leur stock à un particulier titulaire d'un permis en bonne et due forme jusqu'à ce que les dispositions du projet de loi C-71 entrent en vigueur ». Avant de penser que la formulation laisse entendre que le projet de loi entrera en vigueur, précisons qu'on ne reconnaît pas qu'il doit tout d'abord être adopté par le Parlement, comme on le sait aujourd'hui.
Le deuxième document que la GRC avait publié sur son site Web s'intitulait « Quelles seraient les répercussions du projet de loi C-71 pour les particuliers? » Dans ce document en particulier, on utilise aussi des termes très présomptueux. Une bonne partie du document contient des éléments similaires à ceux dont j'ai relevés dans le Bulletin spécial no 93 à l'intention des entreprises. Il y est notamment mentionné: « Si votre arme à feu SA figurait dans la liste du projet de loi C-71, elle serait classée comme une arme à feu prohibée ». Encore une fois, il est dit « figurait dans la liste », comme si le projet de loi C-71 était déjà adopté et non une mesure actuellement à l'étude à la Chambre.
Plus loin dans le même document, on peut lire: « Pour exercer des droits acquis à l’égard de vos armes à feu CZ/SA actuellement sans restriction ou à autorisation restreinte, vous devez remplir les critères ci-dessous ». Encore une fois, on énumère les conditions que doivent respecter les propriétaires d'armes à feu. Je précise que ces conditions sont, par coïncidence, énoncées exactement, presque mot pour mot, à l'article 3 du projet de loi C-71. Rien n'indique que ces propositions se limitaient à cela. Il s'agissait de propositions soumises à l'examen d'un comité de parlementaires et non de propositions approuvées ou en vigueur.
J'ai reçu un certain nombre d'appels à ce sujet avant que la question ne soit portée à notre attention. Les groupes de propriétaires d'armes à feu respectueux des lois au pays ont manifesté leur inquiétude.
Un des passages dont j'ai fait mention tout à l'heure explique les exigences en matière de droits acquis et comment éviter d'être en possession d'une arme illégale, en l'occurrence: « Si votre arme à feu SA figurait dans la liste du projet de loi C-71, elle serait classée comme une arme à feu prohibée ».
Les conservateurs ont été clairs depuis le début. Des préoccupations ont été exprimées au sujet du projet de loi C-71. Les propriétaires canadiens d'armes à feu craignent beaucoup que les changements aux règles proposés dans le projet de loi C-71 exigent que la GRC soit l'autorité suprême pour la classification et la reclassification des armes à feu. Les conservateurs avaient donné au gouverneur en conseil un rôle de surveillance, mais le projet de loi C-71 est venu lui retirer ce rôle pour le confier à la GRC.
Je ne vais pas faire perdre leur temps aux députés en expliquant chacun des cas, mais la GRC a commis un certain nombre d'erreurs très graves en matière de classification et de reclassification des armes à feu. Oui, elle doit intervenir, mais elle ne peut pas et ne devrait pas tenir lieu d'arbitre ultime dans la classification des armes à feu. En réalité, la GRC est là pour appliquer la loi, et non la créer. Ce rôle nous appartient. Faut-il que les spécialistes de la GRC et les experts en armes à feu de tout le pays fassent partie du processus de classification? Oui, absolument. Devraient-ils faire des recommandations à la Chambre? Oui, tout à fait. Cependant, c'est la Chambre qui prend cette décision, et non la GRC à elle seule. Voilà l'une des nombreuses failles du projet de loi C-71.
Aux termes du régime que les libéraux proposent dans le projet de loi C-71, les propriétaires canadiens d'armes à feu, respectueux de la loi et de la réglementation sur les armes à feu, pourraient du jour au lendemain — par suite d'une rencontre avec un fonctionnaire — être déclarés criminels parce qu'ils possèdent des armes considérées illégales, alors qu'ils les ont et les utilisent depuis de nombreuses années pour le tir sportif ou la chasse. Soudainement, à la suite d'une décision unilatérale sans qu'aucun organisme de surveillance n'ait voix au chapitre, des dizaines, des centaines, voire des milliers de propriétaires d'armes à feu pourraient se retrouver en situation d'illégalité. Cette situation est carrément insensée aux yeux des Canadiens, notamment les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi. Nous voulons mettre un terme à ce manque de respect à l'égard des propriétaires d'armes à feu qui n'ont rien à se reprocher devant la loi.
Le plus troublant, au sujet de ce processus, c'est que le ministre de la Sécurité publique, qui est responsable de la GRC, aurait dû souligner très clairement aux dirigeants de ce corps policier national que cette mesure législative n'a pas encore été adoptée par le Parlement et qu'elle est encore à l'étude au comité. Le ministre est l'un des députés qui possèdent le plus d'expérience à la Chambre et il devrait exhorter les organismes qui relèvent de sa compétence à titre de ministre de la Sécurité publique à respecter le Parlement. La GRC n'est au-dessus ni de la loi ni des exigences du Parlement, notamment de la Chambre des communes.
Comme la présidence l'a indiqué dans sa décision, le fait que la GRC a changé le site Web le lendemain du jour où la question de privilège a été soulevée constitue une preuve irréfutable, et nombre de Canadiens croient également que c'est elle qui a mis en place cette disposition. Il ne faut pas s'y méprendre. Je ne crois pas un instant que la GRC a agi seule. Je suis sûr que quelqu'un a communiqué avec le bureau du ministre de la Sécurité publique pour savoir s'il fallait aller de l'avant. Je ne crois pas un instant que la GRC a agi seule. Dans bien des dossiers, dont celui du projet de loi C-71, qui ne propose rien pour remédier au problème auquel les Canadiens veulent que l'on s'attaque, soit la violence liée aux armes à feu et aux gangs, l'incapacité du gouvernement à proposer des solutions montre à quel point le gouvernement majoritaire est méprisant et déconnecté de la réalité des Canadiens.
Je remercie la présidence de sa décision et j'apprécie le fait que la présidence réaffirme aujourd'hui le rôle essentiel que le Parlement doit jouer pour assurer que les Canadiens continuent de recevoir de l'aide et de croire en la démocratie qui s'exerce à la Chambre. Pour cela, je félicite la présidence de sa décision.