Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 29 mai 2018 par l'honorable député de Medicine Hat—Cardston—Warner concernant les documents publiés sur le site Web de la Gendarmerie royale du Canada relativement au projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.
Je remercie le député de Medicine Hat—Cardston—Warner d'avoir soulevé la question, ainsi que le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes de ses observations à ce sujet.
Dans son exposé des faits, le député de Medicine Hat—Cardston—Warner a soutenu que de l'information publiée sur le site Web de la GRC amenait les lecteurs à croire que le projet de loi C-71 avait déjà été adopté puisqu'il n'y était ni question du processus parlementaire ni du fait que le projet de loi devait être approuvé par le Parlement. Il a ajouté que les formules présomptueuses utilisées, notamment les expressions « [...] seront [...] toutes touchées », « deviendront aussi prohibées » et « seront touchées », démontrent qu'il s'agit d'un outrage au Parlement.
Le lendemain, le député a expliqué à la Chambre que le site Web en question avait été mis à jour le jour même et qu'on précisait maintenant que le projet de loi C-71 n'avait pas encore été adopté. Selon lui, il s'agit là d'un aveu de culpabilité.
De son côté, le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes a expliqué que cette question relevait du débat, car il n'y avait clairement aucune présomption de quoi que ce soit dans l'information concernant le projet de loi C-71 qui se trouve sur le site Web de la GRC.
Étant donné que le député de Medicine Hat—Cardston—Warner soutient qu'il y a eu outrage, la présidence doit déterminer si l'information publiée sur le site Web de la GRC tient pour acquis que le Parlement prendra une décision donnée. Le cas échéant, cela porterait atteinte à l'autorité de la Chambre.
Après avoir examiné en détail l'information pertinente sur le site Web, avant la publication des précisions, j'ai relevé des cas où certaines dispositions du projet de loi étaient effectivement présentées comme des propositions législatives au moyen d'expressions comme « modifications proposées » et « devrait être ». Malgré ces expressions, la vaste majorité de l'information était présentée comme si les dispositions entreront certainement en vigueur ou sont déjà en vigueur. Je n'ai trouvé aucune indication précisant que le projet de loi était toujours à l'étape de l'étude en comité et qu'il n'était pas encore adopté.
J'ai ensuite tenté de déterminer si les affirmations contenues dans la documentation pouvaient se rapporter à des règlements ou à des dispositions législatives en vigueur. Je suis en mesure de confirmer que, bien que certains éléments s'appuient sur des dispositions législatives ou réglementaires actuelles, de nombreux autres seraient de nouvelles mesures qui entreraient en vigueur seulement à la suite de l'adoption du projet de loi C-71.
Le député de Medicine Hat—Cardston—Warner a reconnu que certaines formules étaient au conditionnel, mais, là encore, la présidence partage la préoccupation du député selon laquelle l'information publiée sur le site Web laisse entendre que seule l'approbation du gouvernement est requise.
L'autorité du Parlement concernant l'examen et l'adoption des propositions législatives demeure incontestable et elle ne doit pas être tenue pour acquise. La présidence déplore le manque d'attention dont la GRC a fait preuve à l'égard de ce principe fondamental et le fait que la GRC a permis pendant plus de trois semaines à des citoyens et des détaillants de tirer de fausses conclusions quant à leurs obligations au titre de la loi. Modifier le site Web après coup n'allège en rien ces préoccupations. Les parlementaires et les citoyens doivent avoir l'assurance que les fonctionnaires responsables de diffuser de l'information concernant la législation prêtent attention à ce qui se passe au Parlement et fournissent des renseignements clairs et précis sur les projets de loi en question.
Le travail des députés à titre de législateurs est fondamental et la moindre indication ou insinuation que ce rôle parlementaire et cette autorité parlementaire sont contournés ou usurpés n'est pas acceptable. Le gouvernement et la fonction publique ont aussi des rôles importants en ce qui concerne la législation, mais ce sont des rôles entièrement distincts de ceux que jouent les députés en leur qualité de législateurs. En fait, le gouvernement et la fonction publique sont responsables, entre autres, de faire clairement comprendre que les lois viennent du Parlement et de nulle part ailleurs.
Comme le député de Medicine Hat—Cardston—Warner nous l'a rappelé, il y a une trentaine d'années, le Président Fraser a déclaré, à juste titre, le 10 octobre 1989, à la page 4461 des Débats dans une décision sur une question semblable:
À mon avis, c'est une situation qui ne devrait jamais se reproduire. Je m'attends à ce que le ministère des Finances et les autres ministères étudient cette décision avec soin et je rappelle à tous, dans la fonction publique, que nous sommes une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif ou de type administratif.