Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour participer à la discussion sur le projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures. Cette loi viserait le droit de négociation collective des braves hommes et femmes qui portent l'uniforme de serge rouge.
Le projet de loi est une réponse à la décision qu'a rendue la Cour suprême sur la question l'hiver dernier. La Cour a accordé au gouvernement un délai d'un an, à partir du 15 janvier, pour mettre en oeuvre un nouveau régime de négociation collective pour la GRC. Ce délai a par la suite été prolongé. La décision indiquait également que les membres de la GRC avaient le droit de se syndiquer en vertu de l'alinéa 2d) de la Charte des droits et libertés, et concluait que le Programme de représentants des relations fonctionnelles était une garantie insuffisante de la liberté d'association.
En général, je suis satisfait de la teneur du projet de loi même. Je voudrais expliquer pourquoi.
D'abord, le projet de loi n'obligerait pas les membres de la GRC à se syndiquer. Il crée un cadre fondé sur les dispositions actuelles en matière d'accréditation contenues dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, selon lesquelles les membres de la GRC peuvent, s'ils le souhaitent, former un syndicat.
Par ailleurs, il prévoit certaines protections qui sont nécessaires étant donné la nature unique du travail dans une organisation policière. Tout d'abord, un éventuel syndicat devra avoir pour mandat principal la représentation des membres de la GRC. Ainsi, il ne pourra être affilié à un autre agent négociateur ou à une association dont le mandat premier est différent et ne pourra être accrédité pour représenter un autre groupe d'employés. Autrement dit, il s'agira d'une unité de négociation pour toute l'organisation, qui sera représentée par un seul agent négociateur affecté exclusivement aux membres de la GRC et à aucun autre groupe au sein de la fonction publique fédérale. Voilà qui est important, car si les membres de la GRC décident de se syndiquer, leur syndicat devrait être constitué de membres de la GRC et leur être dévoué afin de véritablement convenir à un service de police et le représenter.
Je suis très fier de la police nationale qui oeuvre partout dans notre pays. Le quartier général de la GRC est situé ici, à Ottawa, près de chez moi. Je suis également très fier du fait que les conservateurs aient présenté un projet de loi pour aider la GRC à mieux s'acquitter de sa tâche, c'est-à-dire protéger nos rues de la criminalité et du terrorisme.
Je dois toutefois exprimer ma satisfaction quant à certaines autres restrictions prévues dans le projet de loi, qui permettent de protéger le travail effectué par le service de police national. Par exemple, les politiques relatives aux techniques d'application de la loi, aux mutations, aux nominations, aux promotions, aux mesures disciplinaires prises contre des membres de la GRC, ainsi qu'aux obligations, aux tenues réglementaires, au matériel et aux médailles sont à juste titre exclues du processus de négociation collective et sont gérées dans le contexte de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. C'est ce que ferait le projet de loi.
En outre, le projet de loi fait, avec raison, passer de 10 à 12 le nombre de commissaires à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique. Il prévoit aussi que, parmi ceux-ci, deux membres doivent avoir une connaissance exhaustive des organisations policières, de sorte que, lorsque des questions liées à l'emploi et aux relations de travail au sein de la GRC sont portées à l'attention de la commission, certaines personnes à la table posséderont les connaissances nécessaires. Il s'agit d'une proposition raisonnable.
De plus, comme pour la plupart des organisations policières partout au pays, aucun droit de grève n'est prévu au titre de la mesure législative pour des raisons évidentes: nous devons assurer la sécurité dans les rues. Même dans l'éventualité d'un différend ou d'une impasse en matière de relations de travail, on ne peut se permettre que les policiers fassent la grève. Le gouvernement a à juste titre reconnu ce fait et en a tenu compte au moment de rédiger le projet de loi.
Le projet de loi en soi est raisonnable et équitable. Cependant, il ne peut être considéré isolément. En effet, la Chambre et le Parlement sont en train de débattre simultanément d'un autre projet de loi qui priverait les travailleurs sous réglementation fédérale du pays de leurs droits démocratiques,
Le projet de loi C-4 empêcherait ces travailleurs de tenir un scrutin secret sur les questions d'accréditation. Il est important de bien comprendre ce que cela signifie. Cela signifie qu'un syndicat pourrait prendre le contrôle d'un lieu de travail sous réglementation fédérale sans que les employés aient pu se prononcer par un vote. Autrement dit, des milliers d'employés fédéraux pourraient être forcés à payer des cotisations et être représentés par un syndicat pour lequel ils n'ont jamais eu la chance de voter. C'est particulièrement alarmant lorsque cela s'applique à la GRC, une organisation formée de personnes qui risquent leur vie chaque jour, en partie pour défendre notre mode de vie démocratique. Il est donc très paradoxal que, de tous les groupes d'employés, les membres de la GRC soient privés de leur droit démocratique le plus fondamental, c'est-à-dire le droit de tenir un scrutin secret afin de décider si un syndicat devrait être accrédité ou non.
La solution de rechange à un scrutin secret est un processus de vérification des cartes, dans le cadre duquel les personnes voulant prendre le contrôle d'un lieu de travail et former un syndicat demandent aux employés de signer une pétition. Puis, lorsqu'elles convainquent 50 % plus un des employés de la signer, le conseil estime que la majorité de l'effectif désire que le syndicat le représente à titre d'agent négociateur et l'accrédite. Cela pose un problème évident d'intimidation. En effet, quand des travailleurs doivent mettre leur nom sur papier, aux yeux de tous, ils risquent de subir des pressions indues pour favoriser une partie au détriment de l'autre. Ce serait comme si nos élections nationales se faisaient au moyen de votes à main levée. Pouvons-nous imaginer cela? Le gouvernement a dit que notre projet de loi C-525, qui permettait aux travailleurs de tenir un scrutin secret, était antidémocratique.
Le gouvernement tente actuellement de modifier le système électoral fédéral. Je me demande si les libéraux envisagent là aussi de faire disparaître le vote à scrutin secret de nos élections et de le remplacer par une sorte de pétition, de vote à main levée ou de vérification des cartes, comme on l'appelle. Tout à l'heure, la secrétaire parlementaire a cité un rapport du ministère de l'Emploi, qui montrait que, statistiquement, lorsque les travailleurs ont le droit de voter, ils sont moins portés à choisir la syndicalisation. Autrement dit, les syndicats ne se forment pas autant lorsque les gens ont la chance de voter sur la question que lorsqu'ils sont forcés de signer une pétition dans le cadre du système de vérification des cartes.
Le gouvernement ne voit pas le résultat du scrutin secret d'un bon oeil. Il n'aime peut-être pas savoir que, lorsque les travailleurs peuvent exprimer leur choix par le truchement d'un vote démocratique, ils optent pour ne pas se syndicaliser. Cependant, c'est le choix des travailleurs et non celui du gouvernement. Il est évident que les taux d'accréditation augmentent si les personnes qui demandent l'accréditation sont capables d'intimider ceux qu'elles cherchent à syndicaliser. Bien sûr, si ces personnes peuvent se pointer chez les employés à 22 heures, leur demander de signer un formulaire en leur laissant entendre les conséquences d'un refus, il n'est pas étonnant que les syndicats soient capables d'obtenir l'accréditation dans une plus grande mesure que lorsque les travailleurs ont la possibilité de passer dans l'isoloir, de remplir un bulletin de vote secret et d'exercer leur véritable droit sans que quiconque regarde par-dessus leur épaule. Cela dit, cela ne montre pas pourquoi nous devrions leur enlever leur droit de vote.
Je n'ai pas été particulièrement enchanté des résultats des dernières élections fédérales, mais je n'aurais quand même jamais l'idée d'enlever aux électeurs canadiens le droit de voter en secret. Ils ont le droit de faire le choix qu'ils veulent lorsqu'ils votent. Je pourrais vraisemblablement produire une étude qui montre que, sur certaines questions, les électeurs canadiens se prononcent différemment lorsqu'ils peuvent voter secrètement. Ce n'est pas une raison pour leur enlever le vote secret.
Qu'un travailleur canadien ou une autre personne vote différemment lorsqu'il a le droit de voter secrètement, par rapport à ce que serait son choix s'il votait sous l'oeil scrutateur d'une figure d'autorité, est précisément la raison pour laquelle le vote secret a été créé. Le vote secret est fondamental pour assurer un climat démocratique non seulement dans les relations de travail, mais aussi dans la société canadienne en général.
J'aimerais que le gouvernement le reconnaisse et modifie son projet de loi afin que les membres de la GRC aient le droit de se prononcer, par un vote, sur leur éventuelle syndicalisation. En fait, les Canadiens considèrent eux aussi que le scrutin secret est un droit. Ce principe est pour ainsi dire inscrit dans notre ADN démocratique. L'accréditation syndicale au moyen d'un scrutin secret n'est ni nouvelle, ni controversée. En Ontario, c'est même obligatoire. En Colombie-Britannique aussi. Or, je rappelle que ces deux provinces sont actuellement dirigées par des gouvernements libéraux. La Saskatchewan, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador exigent elles aussi la tenue de scrutins secrets, et aucune d'elles n'est dirigée par des conservateurs.
Que ce soit le NPD, les libéraux, le Parti saskatchewanais ou qui que ce soit d'autre qui soit aux commandes, partout au pays, les milieux de travail assujettis à la réglementation provinciale doivent tenir un scrutin secret pour qu'un syndicat soit accrédité. Au Québec, qui arrive au deuxième rang national pour le taux de syndicalisation, ce principe obtient l'appui de la vaste majorité des gens.
Selon un sondage mené en août 2009, 71 % des Québécois estiment que l'accréditation d'un syndicat devrait obligatoirement faire l'objet d'un scrutin secret. Aux États-Unis, selon divers sondages, 80 % des gens sont du même avis. On ne peut donc pas prétendre que cette question intéresse seulement les républicains et les démocrates du sud de la frontière. Partout en Amérique du Nord, l'opinion publique est très largement favorable à la tenue d'un scrutin secret lorsqu'un syndicat souhaite obtenir son accréditation.
Je soulignerai par ailleurs le fait que si les membres de la GRC sont forcés de se joindre à un syndicat particulier sans avoir la chance de voter, ce syndicat aura de la difficulté à s'établir en tant que représentant légitime des travailleurs pour lesquels il deviendra l'unité de négociation.
J'ai également prévenu le gouvernement d'un problème politique, soit le fait que, s'il prive les employés de la GRC de la capacité de tenir un scrutin secret sur la syndicalisation, il risque bien d'apprendre que de l'intimidation se produit au travail et ces cas feront mal paraître la décision du gouvernement d'enlever ce droit fondamental aux membres de la GRC.
Je demande au gouvernement d'envisager un amendement au projet de loi qui préserverait la formule actuelle de scrutin secret qui se trouve dans la loi régissant les relations de travail de la fonction publique et qui ferait en sorte que les hommes et les femmes qui revêtent l'uniforme de la GRC se voient conférer ce droit fondamental de la personne advenant une inévitable campagne d'accréditation. Ainsi, s'ils choisissent de se syndiquer au moyen du mécanisme du vote, alors nous, à la grandeur du pays, respecterons le résultat de ce vote et la légitimité du syndicat qu'il produira.
Il ne s'agit pas d'un concept radical. Dans cinq provinces, les lieux de travail sous réglementation provinciale accréditent leurs syndicats au moyen d'un scrutin secret. C'est un principe fondamental de la démocratie.
Au fond, je crois que les députés du gouvernement libéral comprennent et partagent cela, et je vais expliquer pourquoi.
J'ai écouté tous les commentaires des libéraux au sujet de l'abrogation proposée du projet de loi C-525, qui a été adopté par le gouvernement conservateur pour établir le droit de vote par scrutin secret. Toutefois, ils ne prononcent jamais les mots « scrutin secret » lorsqu'ils parlent du projet de loi. Ils disent que le projet de loi, qui est maintenant une loi, rend l'accréditation plus difficile et la révocation plus facile, mais ils ne disent pas comment. Ils disent qu'il réduit les taux de syndicalisation, mais ils ne disent pas pourquoi. Le projet de loi ne fait qu'une chose. Il remplace le système de vérification des cartes par un vote par scrutin secret. Toutefois, les députés ministériels ne peuvent se résoudre à prononcer ces deux mots: « scrutin secret ».
Pourquoi? Parce que, à mon avis, ils savent que s'ils se prononcent ouvertement contre le droit de vote des travailleurs sous réglementation fédérale, sous prétexte qu'il n'est pas conforme à la façon dont le gouvernement conçoit les relations de travail, ils feront rire d'eux partout au pays. Tout le monde, d'un bout à l'autre du pays, reconnaît que le processus décisionnel démocratique passe par un scrutin secret.
En fait, monsieur le Président, vous êtes élu par scrutin secret. Nous choisissons nos représentants à la Chambre par scrutin secret. Tous les députés dans cette enceinte ont un emploi aujourd'hui, parce qu'ils ont été élus par scrutin secret. Qui plus est, la majorité des syndicats élisent leurs représentants par scrutin secret lorsqu'ils obtiennent leur accréditation. Tout le monde reconnaît que des décisions aussi importantes prises par un groupe d'employés dans un milieu de travail nécessitent un scrutin secret, à l'exception des personnes motivées par une idéologie qui vise à supplanter la volonté réelle des travailleurs et à leur imposer un résultat.
Je crois que les députés constateront qu'en réalité les personnes qui prônent l'élimination des scrutins secrets en milieu de travail sur la syndicalisation sont mécontentes du résultat que donnerait un scrutin secret et démocratique. Ce n'est pas une excuse. Une personne ne peut pas tout simplement s'opposer au processus démocratique, parce que le résultat ne lui plaît pas.
Voilà pourquoi nous, l'opposition officielle, félicitons le gouvernement pour le projet de loi C-7 en soi, qui se veut une approche juste et équilibrée en réponse à la décision de la Cour suprême sur le droit de négocier collectivement de la GRC. Cependant, j'aimerais proposer un amendement en vue d'améliorer le projet de loi et de permettre aux femmes et hommes courageux qui portent l'uniforme de la GRC d'être maîtres de leur propre destinée en leur accordant le droit de vote.