Monsieur le Président, je suis fière de me lever aujourd'hui pour parler du projet de loi C-62, qui examine un enjeu déterminant pour toutes celles et tous ceux qui tiennent à notre démocratie.
Au NPD, nous avons toujours défendu les droits des travailleurs et des travailleuses, mais surtout, nous travaillons pour le bien de tous et toutes, afin que personne ne soit laissé pour compte. C'est pourquoi il est important pour nous de continuer de jouer un rôle actif dans ce débat. Les syndicats sont les rouages essentiels de notre démocratie. Ils ont été de tous les combats et sont régulièrement à l'origine d'idées novatrices. Ils ont donné une voix et un rapport de force aux travailleuses et aux travailleurs. Je salue leur travail et leur dévouement indéfectible, et je tiens à ce que notre pays demeure une société égalitaire.
Durant la dernière décennie, nos fonctionnaires ont malheureusement été négligés, bafoués dans leurs droits, et trompés en raison de compressions draconiennes et de mesures législatives restrictives. Encore à ce jour, des milliers d'employés ne sont pas rémunérées correctement à cause de Phénix. Encore et toujours, le NPD s'est tenu aux côtés des fonctionnaires et des syndicats de la fonction publique tout au long du processus. Au NPD, nous souhaitons que les fonctionnaires et le gouvernement aient une relation fondée sur la responsabilité, la confiance et le respect, tant aujourd'hui qu'à l'avenir. C'est pourquoi nous proposons des mesures concrètes pour rétablir à la fonction publique un climat sain et une relation de confiance.
Nous proposons, entre autres, de protéger les dénonciateurs; de conférer des pouvoirs au commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada; d'adopter un code de conduite pour le personnel ministériel; et de restreindre le recours de plus en plus fréquent à des agences de travail temporaire au détriment des employés permanents.
Nous sommes toujours aussi déterminés à faire avancer ces importantes mesures. Il ne suffit toutefois pas de modifier quelques politiques ici et là. Nous avons vraiment besoin d'un réel changement d'attitude. Le NPD continuera à exiger de ce gouvernement qu'il rétablisse un processus de négociation collective libre et équitable au sein de la fonction publique, et qu'il sauvegarde les protections et les droits acquis par le passé.
Le 17 octobre 2016, le gouvernement présentait le projet de loi C-62, dont nous discutons aujourd'hui. J'ai bien dit en 2016. Ce projet de loi est plus que bienvenu. Il vise à rétablir des lois justes pour encadrer les relations de travail dans la fonction publique. Ce projet de loi suscite de très nombreuses attentes. En décembre 2013, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral a été modifiée de manière à supprimer le choix du mode de règlement des différends, y compris ceux qui sont mis à la disposition des services essentiels. Le NPD s'est opposé vigoureusement à ces changements sur lesquels les libéraux se penchent désormais.
Dans notre plateforme de 2015, nous avons promis aux Canadiens et aux Canadiennes que nous défendrions les intérêts des travailleuses et des travailleurs du secteur public.
C'est pour honorer cette promesse, que nous avons faite et que nous allons tenir, que nous donnons aujourd'hui notre appui au projet de loi C-62. Ce projet de loi abroge différentes sections de deux mesures législatives profondément antisyndicales adoptées par l'ancien gouvernement, soit le projet de loi C-59 et le projet de loi C-4. La première mesure législative du gouvernement Harper attaquée par le projet de loi C-62 est l'ancien projet de loi C-59, et plus particulièrement sa section 20. Ce projet de loi imposait unilatéralement aux fonctionnaires un système inférieur de gestion de l'incapacité au travail et des congés de maladie, ce qui constitue une attaque injustifiée et importante contre les droits des travailleurs du secteur public.
Il abrogeait aussi le droit des employés à la négociation de bonne foi, excluant ainsi les congés de maladie des conventions collectives de la fonction publique fédérale, pour qu'ils puissent être modifiés de façon unilatérale par l'employeur en dehors du processus de négociation.
Une disposition clé des conventions collectives des employés de la fonction publique porte aujourd'hui sur les congés de maladie. Elle permet aux employés à temps plein d'utiliser chaque année 15 jours de congé en cas d'accident ou de maladie.
Le projet de loi C-59 des conservateurs permettait également de supprimer les jours de congé de maladie accumulés et d'imposer aux fonctionnaires fédéraux un régime d'invalidité de courte durée. Si cela ne suffisait pas, ils instituaient un délai d'attente de sept jours non rémunérés avant de toucher les prestations d'invalidité de courte durée.
Cela n'est pas acceptable. L'ancien gouvernement osait prétendre que ces mesures permettaient d'économiser 900 millions de dollars en dépit des abondantes preuves contraires.
Dans un rapport publié en 2014, le directeur parlementaire du budget disait:
[...] le coût supplémentaire des congés de maladie payés n’a pas été significatif financièrement et n’a pas représenté des sommes importantes pour les ministères de l’APC.
Cette citation parle d'elle-même. Cela signifie que la plupart des employés en congé de maladie ne sont pas remplacés, ce qui n'entraîne donc pas de coûts supplémentaires pour les ministères.
Le directeur parlementaire du budget confirmait que l'utilisation des congés de maladie par les fonctionnaires était comparable à celle observée dans le secteur privé. On note une moyenne de 11,52 jours de congés de maladie par année comparativement à 11,3 jours dans le secteur privé. Une différence de 0,2 jour n'est pas significative.
La section 20 de la partie 3 du projet de loi C-59 permettait également au Conseil du Trésor d'invalider les dispositions des conventions collectives en vigueur. Elle donnait à l'employeur le pouvoir de contourner plusieurs dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dont la période de gel des conditions de travail qui maintient le statu quo pendant les négociations collectives.
On sera surpris de ce que je vais dire maintenant. En effet, selon les dispositions du projet de loi C-59, les employés seraient forcés de choisir entre se présenter au travail même s'ils sont malades, ou bien perdre une partie de leur salaire dont ils ont besoin pour vivre.
Robyn Benson, présidente nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada dénonce ces mesures. Selon l'AFPC, le régime de congés de maladie de la fonction publique fédérale est essentiel, et il doit faire en sorte que les employés n'aient pas à travailler lorsqu'ils sont malades. Cela me semble évident, et je suis d'accord avec cela.
Je suis gestionnaire depuis 25 ans dans des administrations publiques; 25 ans dans le service public et dans de nombreuses organisations communautaires. J'ai dirigé de nombreuses équipes, une centaine d'employés si je fais le compte. Pour moi, comme gestionnaire et comme députée, c'est complètement inefficace qu'un employé se rende au travail s'il est malade. C'est plus inconcevable d'éliminer de plus de la moitié ses congés de maladie.
La seconde mesure législative du gouvernement Harper attaquée par le projet de loi C-62 est l'ancien projet de loi C-4, et plus particulièrement sa section 17. Ce dernier modifie radicalement les règles régissant la négociation collective dans la fonction publique, en permettant au gouvernement d'avoir pleinement un droit de regard sur les droits syndicaux, tels que le droit de grève et le droit à l'arbitrage. Le projet de loi C-4 retire en effet à l'agent négociateur le droit de choisir l'arbitrage comme moyen de résoudre les conflits de négociation collective, faisant de la conciliation le processus par défaut. L'arbitrage constitue pourtant une solution dans les situations où les membres peuvent vouloir éviter une grève, et doit donc être préservé.
La section 17 du projet de loi C-4 remet également en cause le droit de grève de manière à rendre illégale la grève, si au moins 80 % des postes d'une unité d'accréditation offraient un service essentiel, selon la définition de l'employeur. C'est bien évidemment au gouvernement que revient le droit de désigner les postes considérés comme essentiels, au lieu de négocier un accord sur les services essentiels avec l'agent négociateur.
Cette même section 17 portait atteinte au droit des travailleurs dans les cas où l'employeur consent à l'arbitrage en exigeant que les arbitres accordent la priorité à la situation fiscale du Canada par rapport à ses politiques budgétaires.
Enfin, les plaintes fondées sur la discrimination déposées par des fonctionnaires de la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne étaient tout bonnement effacées. Ces mesures sont inacceptables.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est temps d'agir. Celui-ci annule ou modifie les changements apportés à quatre lois au cours de la dernière décennie perdue en raison de violations des droits syndicaux par le gouvernement conservateur. Je fais ici référence à la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, la Loi canadienne sur les droits de la personne, et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
Le NPD s'est toujours fait un point d'honneur de s'opposer aux tentatives de l'ancien gouvernement conservateur de restreindre les droits des syndicats, et par-dessus tout le droit de grève des travailleurs du secteur public.
C'est donc naturellement que nous soutenons aujourd'hui les efforts du gouvernement pour annuler les dommages causés par le Parti conservateur et rétablir l'équité dans le code du travail du secteur public canadien. C'est aussi naturellement que le NPD soutient l'adoption du projet de loi C-62.
Attention, notre soutien n'est pas aveugle. En tant que membre de l'opposition, mon rôle de députée est de surveiller et de mettre en lumière les éléments à corriger dans ce projet de loi. C'est de la confrontation des idées, du partage des connaissances et du dialogue que naîtront les idées pour perfectionner et compléter ce projet de loi, et celui-ci en a bien besoin. C'est pourquoi je vais maintenant adopter un regard critique pour mettre en lumière les faiblesses de ce projet de loi.
Après tous ces débats et toutes ces enquêtes, les travailleurs et les travailleuses du pays méritent une mesure législative à toute épreuve qui rendrait les règles du jeu équitables pour toutes les parties et rétablirait la balance des pouvoirs. Bien que le projet de loi C-62 constitue une avancée, un premier pas, il ne permet pas de mettre en place l'ensemble des mesures souhaitées.
Aucun projet de loi ne devrait être qu'une solution de facilité aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il faut éviter cela. Le NPD s'est vigoureusement battu pour que le gouvernement abolisse l'initiative du gouvernement précédent de s'attaquer aux dispositions relatives aux congés de maladie des fonctionnaires. Le projet de loi C-62 est l'instrument permettant cela, grâce à l'abrogation de la section 20 de l'ancien projet de loi C-59 relative aux congés de maladie.
Pourquoi le gouvernement travaille-t-il en parallèle sur un nouveau régime de mieux-être qui repose sur des caractéristiques de régime d'invalidité de courte durée similaire à celui proposé par le passé par les conservateurs? Pour cette première raison, le projet de loi C-62 n'apaise donc pas toutes nos inquiétudes.
D'autres points me font sourciller. La plus grande faiblesse du projet de loi C-62 réside dans le fait qu'il ne renverse pas tous les changements négatifs apportés par l'ancien gouvernement à notre législation du travail. Alors que ce projet de loi vise à rétablir les droits qui avaient été arrachés aux syndicats des travailleurs et des travailleuses du secteur public durant le mandat de Stephen Harper, le projet de loi C-62 laisse certains éléments des projets de lois C-4 et C-59 intacts. Je fais référence ici à la section 5 de la partie 3 du projet de loi C-4.
Le gouvernement libéral semble adopter des demi-mesures dans un secteur où les attentes sont monumentales. Pour réellement démanteler l'héritage anti-travailleur du gouvernement Harper, le projet de loi C-62 doit faire mieux, d'abord, en rétablissant les dispositions du Code canadien du travail relatives aux droits des Canadiens de refuser d'effectuer un travail dangereux, comme la définition de « danger » de manière à en restreindre la portée aux situations de danger imminent.
Un autre point non examiné par le projet de loi C-62 suscite notre inquiétude. C'est celui du retrait des agents de santé et de sécurité du processus de refus d'exécuter un travail dangereux. L'employeur évalue plutôt d'abord la sécurité du travail, puis le travailleur doit interjeter appel directement à la ministre du Travail. La ministre peut simplement refuser de faire enquête, si elle estime que l'affaire est futile ou vexatoire ou encore si elle estime que le refus est entaché de mauvaise foi. Cette mesure du gouvernement Harper devrait être écartée définitivement avec le projet de loi C-62.
Enfin, nous pensons qu'il faut saisir l'occasion de ce projet de loi pour rétablir le salaire minimum fédéral et pour rétablir la Loi sur les justes salaires et les heures de travail abrogée par les conservateurs en 2013.
Il est aussi nécessaire de faire avancer l'égalité entre les sexes dans la fonction publique fédérale. C'est pourquoi le projet de loi C-62 doit présenter une véritable mesure législative fédérale proactive en matière d'équité salariale pour contrer l'effet des forces du marché sur le salaire des femmes.
Le projet de loi C-62 démontre prétendument l'engagement du gouvernement envers des négociations collectives équitables pour les fonctionnaires. Pourtant, les exclusions relatives à la négociation dans le projet de loi C-7 montrent que les libéraux n'ont pas constamment défendu la négociation collective équitable.
Le gouvernement doit s'engager à éliminer les exclusions prévues dans le projet de loi C-7, afin de respecter le droit des membres de la Gendarmerie royale du Canada de se réunir et de négocier collectivement comme le peuvent les fonctionnaires.
C'est pourquoi, en raison de toutes les explications précédemment énoncées, nous regrettons le manque d'ambition du projet de loi C-62. Il s'agit d'un manque d'ambition qui restreint la portée d'un projet de loi qui mérite davantage que ce que les libéraux nous proposent.
Cette déception semble partagée par la présidente nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Elle appelait récemment le gouvernement à faire plus que simplement présenter une loi pour corriger celles auxquelles avait recours le gouvernement conservateur pour réduire les droits de négociation des fonctionnaires.
Il est donc impératif de continuer à faire mûrir ce projet de loi. Nous devons aller beaucoup plus loin et exploiter davantage toutes ses potentialités. J'ai bien expliqué quelles seraient les mesures à conserver, les mesures dans lesquelles il faut aller beaucoup plus loin et les mesures carrément oubliées. Il faut vraiment que le gouvernement libéral abroge l'ensemble des mesures conservatrices.
Ce matin, j'ai entendu le président du Conseil du Trésor mentionner de très beaux principes. Cependant, si les libéraux veulent être cohérents avec les principes énoncés ce matin, ils doivent abroger l'ensemble des mesures anti-travailleurs que les conservateurs ont mis en avant. Il faut profiter de cette occasion.
On sait que ce projet de loi a été déposé à l'automne 2016, beaucoup de temps s'est donc écoulé depuis. Il y a des attentes monumentales. La fonction publique fédérale est dédiée à rendre service aux citoyens et aux citoyennes. Nous venons de fêter le deuxième anniversaire des problèmes liés au système de paie Phénix. Il faut amener le projet de loi C-62 aussi loin que possible pour nous permettre de régler ces problèmes avec lesquels nous vivons depuis trop longtemps.
Nous avons des amendements à proposer. J'ai fait état des mesures que nous voulons mettre en place. J'espère qu'à la suite de l'adoption du projet de loi C-62, nous aurons l'esprit à la collaboration et que nous pourrons tous dire fièrement: mission accomplie, nous avons permi la mise en place de conditions de travail adéquates aux fonctionnaires de la fonction publique fédérale, des conditions de travail sans inquiétude. J'espère que nous réglerons les inquiétudes liées au système de paie Phénix et que les fonctionnaires auront des conditions de travail qui leur permettront de travailler adéquatement.
On sait que le travail de première ligne est exigeant. C'est le quotidien dans certains ministères. Leurs employés écoutent des citoyens en situation difficile qui appellent pour avoir de l'aide ou pour régler leur dossier. On demande donc un travail très exigeant aux employés de la fonction publique fédérale.
Ici, nous adoptons des projets de loi. Ensuite, il faut les mettre en oeuvre. Nous devons nous assurer que les fonctionnaires sentent que les parlementaires ici, à la Chambre, collaborent pour leur offrir des conditions de travail leur permettant d'accomplir adéquatement le travail.
On a entendu parler de considérations budgétaires. Ce sera toujours un souci pour tous les élus, quel que soit leur palier de gouvernement, de s'assurer de prendre des décisions dans le respect des budgets. Comme je l'ai expliqué, plusieurs mesures ne coûtent rien. On le sait, les employés malades ne sont même pas remplacés; ces congés de maladie ne nous coûtent rien.
Pour cela, nous sommes impatients de collaborer pour parfaire et compléter ce projet de loi qui mettra officiellement fin aux mesures antisyndicales du passé.
Les projets de loi C-5 et C-34 du gouvernement actuel traînent au Feuilleton depuis leur dépôt. Nous avons donc espoir que leur fusion avec le projet de loi C-62 signifie que le gouvernement est enfin prêt à aller de l'avant.
C'est pourquoi je souhaite lancer un appel. Un appel à mettre de côté la partisanerie et à mettre en place une loi infaillible qui protège véritablement les droits de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Un appel au travail d'équipe et à la collaboration pour faire en sorte que les propositions de modifications, que j'ai ici présentées, puissent être considérées et acceptées.