Monsieur le Président, je constate que le projet de loi C-71 est revenu devant nous. J'imagine qu'on a ressenti un peu de honte du côté du gouvernement en raison de la façon dont on a géré ce dossier si important et si délicat.
Ce qui est clairement ressorti du débat entourant les armes à feu au cours des dernières années, c'est que trop souvent les gouvernements qui se sont succédé ont pratiqué la politique de la division en se servant d'une question qui touche fondamentalement au respect des collectivités. C'est une question de sécurité publique et, de façon plus générale, de respect envers tous les Canadiens, y compris, bien sûr, les propriétaires d'arme à feu.
Lorsqu'un libéral annonce, comme l'a fait le ministre, son intention de présenter un projet de loi qui vise à mettre en place ce qu'il appelle des mesures législatives sensées — et j'admets que c'est un pas dans la bonne direction —, pour ensuite décider d'imposer l'attribution de temps avant que j'aie même le temps, en tant que porte-parole de l'un des trois partis reconnus, de prendre la parole au sujet du projet de loi, cela démontre malheureusement un manque de sérieux à l'égard d'un problème très sérieux auquel nous devons trouver une solution adéquate en tant que parlementaires.
Après moins d'une heure de débat, on a attribué une journée seulement au débat sur ce projet de loi. Le ministre nous a lancé des fleurs en disant que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale pourrait se pencher sur les éléments techniques et que celui-ci comptait des députés compétents. C'est très flatteur, puisque je siège à ce comité, mais soyons sérieux. La très grande majorité des députés de la Chambre véhiculent des préoccupations au nom de leurs concitoyens par rapport à ce projet de loi.
Au NPD, nous reconnaissons que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, et nous y sommes généralement favorables, mais nous avons des questions à soulever dans le cadre du débat, et ce n'est pas uniquement ma responsabilité comme porte-parole, c'est la responsabilité de tous les députés. Ce n'est pas juste aux députés qui siègent au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de soulever ces préoccupations.
Alors, quand on dépose une motion d'attribution de temps après si peu de temps, c'est une approche qui va à l'encontre des principes véhiculés par le ministre de la Sécurité publique. D'ailleurs, comme ma collègue de Berthier—Maskinongé l'a mentionné pendant le débat sur cette motion, c'est un geste qui n'aurait même pas été posé par le gouvernement précédent, qui était pourtant connu pour son nombre record de motions d'attribution de temps et de bâillons.
Or, on met de l'avant ces principes après avoir multiplié les excuses. Les libéraux ont tenté de jeter le blâme sur l'opposition officielle en disant qu'elle a présenté une motion pour ajourner le débat hier. Qu'on approuve ou non les tactiques employées à la Chambre pour attirer l'attention sur des dossiers dans lesquels les libéraux se défilent, il n'en demeure pas moins qu'un parti a voté en faveur de l'ajournement du débat sur le projet de loi C-71, et c'est le Parti libéral. Les libéraux qui font du chahut devraient peut-être consulter les Journaux des délibérations d'hier. Ils verront que les libéraux sont les seuls à avoir voté en faveur de l'ajournement du débat sur le projet de loi.
En outre, des députés qui représentaient le Parti libéral dans des tables rondes, vendredi dernier, ont invoqué les décès dans leur circonscription comme raison de ne pas l'avoir encore soumis au débat, ce qui est honteux. Les libéraux sont au pouvoir depuis deux ans et demi et ont attendu jusqu'à récemment pour présenter ce projet de loi. Puis, ils ont choisi de mettre la faute sur tout le monde, sauf sur eux, concernant l'étude bâclée de ce projet de loi aux Communes. C'est très problématique. Comme je l'ai dit à maintes reprises et comme je continuerai de le répéter dans cette enceinte et ailleurs chaque fois que j'en aurai l'occasion, nous ne devrions pas instrumentaliser cette question pour semer la division, livrer une bataille procédurale ou faire des gains partisans. Nous devrions nous efforcer d'adopter un bon projet de loi.
Je sais que le ministre de la Sécurité publique est sincère dans ce dossier. Je l'implore de parler au leader de son parti pour que son approche soit bel et bien celle qui est mise de l'avant, car c'est le gouvernement qui est maître du programme législatif. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire fausse route dans ce dossier. Les néo-démocrates y consacreront tous les efforts possibles, que ce soit pendant le peu de temps qui leur est accordé dans cette enceinte ou lors des travaux du comité. Je peux m'y engager auprès des Canadiens, et il est certain que nous tiendrons parole.
Après avoir fait le point sur la façon dont le dossier a été géré et sur les questions procédurales, j'aimerais maintenant aller au coeur du sujet qui nous préoccupe par rapport au projet de loi C-71.
Le contrôle des armes à feu est une question qui soulève beaucoup d'émoi dans la population, et avec raison, puisque, de prime abord, il s'agit d'une question de respect envers ceux qui ont vécu des tragédies inimaginables. Ceux-ci voient dans ce projet de loi une occasion de défendre leur communauté et leurs voisins et de veiller à ce que plus personne ne vive de telles tragédies. Il y a aussi des citoyens respectueux de la loi qui vont à la chasse ou qui pratiquent des sports liés aux armes à feu. On veut également respecter ces citoyens dans les mesures législatives que l'on propose.
Il s'agit donc de trouver l'équilibre entre les deux tout en assurant la sécurité publique. C'est une approche qui doit être préconisée lorsqu'on aborde ces questions à la Chambre. Malheureusement, au fil des ans, on a plutôt vu des approches qui semaient la division. On s'est servi de ce sujet pour faire du financement politique et on a posé toutes sortes de gestes problématiques en abordant cette question de façon partisane.
Au NPD, une chose est claire: nous voulons assurer la sécurité publique tout en respectant tous les Canadiens et toutes les communautés interpellées par cette question.
Je vais tout de même accorder au ministre le mérite qui lui revient, puisque je vois dans ce projet de loi un pas dans la bonne direction à cet égard. Il contient des mesures sensées que nous pouvons appuyer. Je pense notamment aux vérifications des antécédents.
Actuellement, les vérifications concernant la personne qui souhaite obtenir ou renouveler un permis portent sur les cinq années précédentes. Toutefois, après avoir examiné rapidement les points de vue d'autres pouvoirs publics et les précédents établis devant les tribunaux, nous avons pu constater qu'il est tout à fait approprié, légal et respectueux des droits garantis par la Charte de faire porter ces vérifications sur la vie entière du demandeur, notamment sur le casier judiciaire et sur d'autres éléments pertinents. Les députés actuels et passés de tous les partis se sont montrés favorables à cette mesure. S'agissant des vérifications des antécédents, le projet de loi devrait essentiellement modifier la législation pour qu'elle soit conforme à la pratique qui est déjà en vigueur et qui a été considérée comme appropriée par les tribunaux. C'est une mesure raisonnable pour garantir la sécurité publique.
L'autre élément, qui a suscité beaucoup d'attention et qui constitue une pièce maîtresse du projet de loi, ce sont les dossiers tenus par les propriétaires de commerce qui vendent des armes à feu aux Canadiens. Je vais être clair. En ce qui concerne la tenue des dossiers, je conviens avec le ministre que la grande majorité des entreprises de bonne réputation le font déjà. Nous cherchons à uniformiser cette pratique, parce qu'elle deviendra partie intégrante de la loi. Nous cherchons également à faire en sorte que le gouvernement et les organismes d'application de la loi ne puissent pas avoir accès aux renseignements, à moins d'avoir obtenu au préalable un mandat auprès d'un tribunal. C'est la façon de procéder adoptée depuis longtemps aux États-Unis. Je ne crois pas, par conséquent, que cela impose aux entreprises un fardeau supplémentaire.
Cependant, lorsque le ministre a terminé son allocution avant la motion d'attribution de temps, je lui ai demandé quelles mesures seraient prises en vue de consulter les propriétaires d'entreprise, de sorte que l'uniformisation n'entraîne pas des coûts déraisonnables et qu'elle tienne compte des pratiques exemplaires. Au bout du compte, ce sont les entrepreneurs qui s'y connaissent le plus. Malheureusement, même si le ministre a reconnu qu'il y a du travail à faire en vue de l'uniformisation et que celle-ci tiendra compte des pratiques exemplaires, peu de détails ont été fournis. Nous allons par conséquent nous pencher sur la question pour veiller à ce que l'uniformisation des pratiques ne constitue pas un fardeau supplémentaire pour les entreprises. Bien entendu, ces entreprises devront peut-être modifier leurs pratiques actuelles afin que celles-ci s'alignent sur le processus légal établi par le gouvernement. Nous surveillerons la situation de près, tout particulièrement à l'étape de l'étude en comité.
Je suis impatient d'entendre le point de vue des entrepreneurs, qui sont les spécialistes dans ce domaine. Ils pourront nous dire comment procéder pour faire en sorte que la consultation proposée par le ministre soit faite de façon adéquate, c'est-à-dire d'une façon qui allégera le fardeau, qui est déjà trop lourd à certains égards, des petites entreprises. Je le dis tout en sachant que cela va au-delà de la question dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Il est très important de mettre l'accent sur l'aspect que j'ai soulevé il y a quelques instants en anglais, c'est-à-dire l'obtention d'un mandat.
Actuellement, c'est une pratique courante pour les entreprises de garder ces données. Après tout, c'est normal pour ces dernières de conserver les dossiers concernant les gros achats. Cela va au-delà de la question des armes à feu, et tout propriétaire d'entreprise responsable le fait déjà.
La précision importante apportée par le projet de loi est que cette information peut être obtenue seulement avec un mandat, soit dans le contexte d'une enquête criminelle en cours.
Comme je l'ai dit, nous allons poser des questions pour nous assurer que la consultation menée par le ministre fera en sorte que l'uniformisation des pratiques n'ajoutera pas un fardeau additionnel aux entreprises.
Les autres changements qui seraient apportés par ce projet de loi concernent le projet de loi C-42, qui avait été présenté par le gouvernement conservateur lors de la précédente législature. Il visait à accorder des autorisations automatiques de transport, à quelque fin que ce soit, des armes à feu à autorisation restreinte. Toutefois, des membres des milieux de l’application de la loi avaient estimé cette mesure problématique en raison de tous les cas où il leur serait difficile d’établir, lors de contrôles routiers, — et c'est là un point important — la présence d’une arme à feu dans le véhicule ou si les intentions d'une personne sont contraires à la loi.
Il s’agit donc de trouver l’équilibre pour les activités légitimes et routinières. C’est ce que permet le projet de loi. Ainsi, une autorisation automatique serait accordée pour le transport d’une arme à feu depuis l’endroit où elle a été achetée jusqu’à l’endroit où elle serait entreposée. L’autorisation s’appliquerait également pour le transport depuis le lieu d’entreposage jusqu’au champ de tir. D’autres questions se posent toutefois sur les conséquences de ces formalités administratives.
Les expositions d'armes à feu ou gun shows, comme on dit en anglais, en sont un exemple. Une personne devra transporter des armes à feu dans de telles situations. Ainsi, plusieurs personnes pourraient vouloir obtenir un permis à la dernière minute.
Le changement apporté dans ce projet de loi au sujet de l'obtention du permis et de la nécessité de passer par un processus est tout à fait approprié. Nous voulons maintenant savoir de quelle façon ce sera administré.
Dans le breffage technique, le ministre a mentionné plusieurs méthodes, par exemple, un portail Internet. Évidemment, tous ceux qui font affaire avec le gouvernement fédéral dans le contexte de leur travail de député, par exemple en s'occupant de dossiers de citoyens, savent que les réponses téléphoniques peuvent tarder à venir. Je ne parle pas seulement des questions liées aux permis d'armes à feu.
Si on crée ce fardeau additionnel, très approprié soit dit en passant, il est important que cela se fasse le plus facilement possible sans créer une bureaucratie trop lourde qui rendra la vie difficile aux citoyens qui veulent obtenir un permis dans ce contexte.
Il va sans dire que nous reconnaissons la pertinence des changements apportés et le fait qu'on abroge des éléments du projet de loi C-52 qui octroyait des permis de transport d'armes à feu restreintes en toutes circonstances. Lors de la dernière législature, le NPD s'est opposé au projet de loi C-52, mais les changements apportés ici sont appropriés pour assurer la sécurité publique.
Un autre élément extrêmement important du projet de loi C-71 est la question de la classification des armes. C'est une question qui a souvent provoqué une polémique, mais la position du NPD a toujours été claire. En effet, selon nous, les gens les mieux outillés pour prendre les décisions sont les hommes et les femmes en uniforme qui assurent la sécurité publique dans la communauté, dans ce cas-ci la GRC.
Un changement apporté par le gouvernement précédent donnait au Conseil des ministres le pouvoir de changer la classification des armes restreintes. C'était problématique, et cela ramène au point que j'ai fait au début de mon discours. En fait, c'est un enjeu qui a été trop souvent politisé, qui a semé la division et pour lequel on n'a pas respecté l'expertise de ceux et celles qui ne sont pas politisés et qui prennent des décisions sensées pour la sécurité publique. Le NPD est donc heureux de constater que la GRC aura enfin le pouvoir de classification.
On constate dans les détails du projet de loi que le Conseil des ministres a encore quelques pouvoirs. On va donc étudier cela en comité pour s'assurer que cela n'ouvre aucune brèche permettant de prendre des décisions politiques où on se retrouverait dans des situations survenues dans le passé. À ce moment-là, on a constaté que les politiciens n'étaient pas outillés pour prendre ce genre de décisions, et que si on voulait assurer la sécurité publique dans le respect de tous les Canadiens et de toutes les communautés, il fallait que ce soit fait par les experts.
La deuxième partie du projet de loi concerne ce qui était le projet de loi C-52, déposé par ce même gouvernement, il y a plusieurs mois déjà. On y a simplement ajouté des éléments auxquels nous sommes favorables. On abroge des changements apportés par le gouvernement conservateur aux lois d'accès à l'information. On a apporté ces changements en raison d'un litige qui existe entre la commissaire à l'information et le gouvernement fédéral. Cela a été causé par le gouvernement précédent et c'est lié à des demandes d'accès à l'information concernant le registre des armes à feu. Quand ce registre a été détruit, on a constaté que le gouvernement précédent avait commencé la destruction des données avant même que le projet de loi soit adopté par la Chambre des communes et le Sénat.
À ce moment, on a constaté qu'il était illégal de détruire ces données. Sans revivre le dossier politique du registre, un citoyen avait néanmoins le droit de faire des demandes d'accès à l'information. Cela a conduit à ce litige entre la commissaire à l'information et le gouvernement.
Le gouvernement apporte maintenant ces changements à la loi que les conservateurs avaient mise en place pour rendre légal ce qui était illégal. Ce faisant, on corrige les erreurs du passé pour régler ce litige.
Il y a aussi le fait qu'on prend les données québécoises de l'ancien registre, les seules existant encore, et qu'on les fournit au Québec. L'Assemblée nationale est en droit de continuer le processus selon l'orientation qu'elle choisira et dans le respect d'un fédéralisme asymétrique.
On retourne maintenant à la décision de la Cour suprême dans ce dossier. Cette dernière avait conclu que le gouvernement fédéral avait le droit de détruire les données, mais que s'il voulait vraiment respecter un esprit de fédéralisme coopératif, il était fortement encouragé à redonner les données au Québec. C'est ce que le projet de loi fait, afin que l'Assemblée nationale fasse ce qu'elle veut avec les données. C'est son droit, bien entendu.
Je termine en disant que le NPD appuiera toujours des approches sensées et respectueuses de toutes les communautés et de tous les Canadiens, et qui garantiront la sécurité publique.
Ce dossier est trop important pour faire les choses à moitié ou pour faire les frais de la partisanerie.
Nous poursuivrons nos efforts en ce sens et maintiendrons l’approche que nous avons toujours eue. Je me réjouis à la perspective de collaborer avec des collègues représentant tous les partis, et notamment ceux de mon propre caucus, tant à la Chambre qu’en comité, pour trouver la solution, en consultation avec les électeurs. C’est un premier pas dans la bonne direction. Poursuivons dans ce sens.
Si le ministre a le coeur à la bonne place, il communiquera le message à la leader du gouvernement à la Chambre pour veiller à ce que nous ayons suffisamment de temps pour traiter les questions que j’ai soulevées et celles que soulèveront sans doute d’autres collègues.
Nous avons ici de bonnes mesures, que nous appuyons. Tout ce que nous souhaitons, c'est de bien faire les choses.