Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir pour la troisième fois à la Chambre des communes dans le débat sur le projet de loi C-7.
Je voudrais commencer par remercier grandement tous les membres de la Gendarmerie royale du Canada. Les hommes et les femmes qui font partie de la GRC sont essentiels pour notre sécurité.
À l'instar de nombre de mes collègues, dans mes interventions sur le projet de loi C-7, j'ai tenu à remercier les hommes et les femmes qui portent l'uniforme de la police nationale du Canada et qui assurent la paix et la sécurité d'un bout à l'autre du pays. Comme je l'ai mentionné dans mes interventions précédentes, dans plusieurs provinces et territoires de notre vaste pays, particulièrement dans les localités rurales, les membres de la GRC sont les seuls agents de première ligne chargés d'assurer la paix et la sécurité et, dans bien des cas, ils constituent le seul prolongement visible du gouvernement du Canada. Il va de soi que les députés saluent l'excellent travail de la GRC.
Compte tenu de l'existence de la Police provinciale, l'Ontario n'a pas dû retenir les services de la GRC par contrat, mais dans ma circonscription, plus précisément à Bowmanville, il y a tout de même un détachement de la GRC qui fait partie de la Division O. Ce détachement joue un rôle crucial dans certaines enquêtes et initiatives que dirige la GRC en matière de sécurité publique en Ontario et, comme je l'ai toujours maintenu, il constitue également l'épine dorsale de notre collectivité. Les hommes et les femmes de la GRC sont entraîneurs de nos équipes de soccer et de baseball et ils sont actifs au sein des organismes caritatifs de la collectivité. Leur contribution est appréciée. Je souligne que les membres de la GRC sont fiers de servir différentes collectivités partout au Canada et d'en faire partie. D'entrée de jeu, je tiens donc à leur exprimer nos sincères remerciements.
Comme je l'ai dit dans des discours précédents sur le projet de loi C-7, il a fallu tout un cheminement pour que le Parlement donne suite à une décision de la Cour suprême. Il faut admettre que le gouvernement a écouté certaines des préoccupations de l'opposition et que le comité de la sécurité publique a fait un travail important sur ce projet de loi. Toutefois, il reste des préoccupations au sujet du projet de loi C-7 parmi les parlementaires et, surtout, parmi les membres de première ligne de la GRC. Les préoccupations concernent plus particulièrement la précipitation et l'insuffisance des consultations auprès de ces membres de première ligne. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici à débattre et que le Parti conservateur, qui a essayé de collaborer avec le gouvernement tout au long de ce processus, demeure aussi insatisfait que certains des membres au Canada.
Je rappelle à la Chambre que nous en sommes là à la suite d'une décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire de l'Association de la police montée de l'Ontario qui s'est rendue jusqu'à la Cour suprême et que, disons-le, le précédent gouvernement conservateur avait déjà envisagée lorsqu'il avait prévu un programme de communication au sein de la GRC, dont un questionnaire pour obtenir les commentaires des membres de première ligne de la GRC sur leur syndicalisation. Malheureusement, ce fut la seule vraie consultation auprès de ces membres, d'où mes préoccupations persistantes au sujet du projet de loi C-7.
Toutefois, l'arrêt judiciaire est clair. La Cour suprême du Canada a dit qu'il y avait atteinte à la liberté d'association des membres de la GRC en vertu du paragraphe 2(d) de la Charte, du fait qu'ils étaient exclus de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La Cour a donné au Parlement un an pour créer un régime qui respecte la liberté d'association et le droit à des négociations collectives des membres de la GRC.
Voilà qui est important parce que la Cour suprême a accordé un délai d'un an. En toute équité envers le gouvernement actuel, il faut admettre que, dès son entrée en fonction, le nouveau ministre a demandé une légère prolongation du délai. Malheureusement, il n'a pas employé ce temps additionnel pour tenir des consultations substantielles auprès des hommes et des femmes de la GRC. Il y a là une omission passablement importante. Il y a eu de bons débats, et disons, en toute équité, que le ministre, la secrétaire parlementaire et le président du Conseil du Trésor ont comparu devant le comité et ont pris part au débat, et nous leur en sommes reconnaissants. Toutefois, il n'y a pas eu beaucoup de consultations directement avec les gens qui oeuvrent en première ligne, malgré la prolongation accordée, et je trouve que c'est inquiétant.
Beaucoup de députés de mon parti en sont inquiets, eux qui entendent des hommes et des femmes de partout au pays exprimer leurs objections au sujet du projet de loi C-7, notamment en ce qui a trait aux dispositions relatives aux articles 40 et 42 — et je félicite le gouvernement d'avoir accepté d'apporter des amendements à cet égard —, mais également en ce qui concerne les questions exclues des négociations collectives. J'en parlerai brièvement tout à l'heure.
Néanmoins, comme c'est la dernière fois que je prends la parole dans le présent débat, il importe que je rappelle à la Chambre ce que la Cour suprême du Canada a dit. Elle n'a pas dit que les membres de la GRC devaient simplement se joindre à Unifor ou aux Métallos ou à un autre grand syndicat. En fait, elle s'est prononcée sur deux questions clés. Elle a jugé que la liberté d'association prévue à l'alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés était violée dans le cas des membres de la GRC. Elle considère que deux conditions doivent être remplies pour remédier à cette violation: les employés doivent avoir le choix, et leurs représentants doivent être suffisamment indépendants par rapport à la direction de la GRC. Ce sont les deux éléments cruciaux du jugement.
Les députés voient bien pourquoi ces éléments ont conduit le gouvernement à adopter une approche pragmatique, mais le manque de consultation l'a fait baisser dans l'estime des employés qui devront choisir un agent négociateur.
Il faut savoir que la Cour suprême du Canada précise bien que l'alinéa 2d) de la Charte ne protège pas tous les aspects de l'association et des négociations collectives. En fait, les modèles récents sur lesquels se fondent les relations de travail — à commencer par le modèle de Wagner, la structure qui a permis de l'élaborer et la formule Rand — continuent d'évoluer alors que les tribunaux demeurent les véritables gardiens du droit du travail.
Depuis l'adoption de la Charte, les garanties qu'elle prévoit, plus particulièrement celles qui concernent le droit aux négociations collectives, ont carrément supplanté le rôle que jouaient les tribunaux. La Cour suprême a dit que la GRC est une organisation quasi militaire bien particulière qui possède une chaîne de commandement et une structure disciplinaire, qui requiert l'obéissance aux ordres, qui permet les affectations et dont les membres doivent assumer une responsabilité illimitée. Les hommes et les femmes en uniforme à qui nous permettons d'outrepasser les droits d'autrui et qui courent eux-mêmes le risque d'être blessés ou tués ne sont pas des travailleurs comme les autres. Leur rôle est bien particulier. Nous sommes d'ailleurs reconnaissants aux membres de la GRC du travail spécial qu'ils accomplissent au Canada. La Cour suprême du Canada a bien précisé, toutefois, que la nature particulière de la GRC s'accompagne de besoins particuliers en matière d'organisation collective et de syndicalisation. Il faut donc retenir deux grandes conditions fixées dans cette décision: le choix des employés et une indépendance suffisante par rapport à la direction.
Le Programme des représentants des relations fonctionnelles était en vigueur depuis les années 1970, lorsque la GRC a été exclue de l'application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le Programme était la fonction interne de gestion des ressources humaines et il servait de lien entre la direction et le personnel de première ligne.
Paradoxalement, la plupart des membres de la GRC et des membres des associations qui luttent pour la syndicalisation ont fait partie du Programme des représentants des relations fonctionnelles. Ils en ont constaté la valeur. Ils ont vu comment il fonctionnait bien à certains égards. Toutefois, la Cour suprême a conclu, comme la plupart des témoins que nous avons entendus, que l'indépendance par rapport à la direction n'était pas suffisante pour protéger les droits que la Charte garantit aux membres. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. On ne peut pas dire que la GRC n'avait rien: elle avait le Programme des représentants des relations fonctionnelles, mais la Cour suprême a dit que ce programme n'était pas suffisamment indépendant de la direction. Il ne faut surtout pas l'oublier.
Je prédis à la Chambre — et la secrétaire parlementaire sera probablement d'accord avec moi — que bon nombre des représentants des relations fonctionnelles feront probablement partie des dirigeants syndicaux, quel que soit le syndicat choisi.
Côté positif, leur mémoire institutionnelle les rendra plus indépendants vis-à-vis de la direction lors des négociations collectives, en particulier celles qui concernent la rémunération. Nous entendons constamment que, par rapport aux 15 grands corps policiers, les agents de la GRC ont besoin d'un rattrapage salarial. Ce sera un élément critique des négociations.
L’indépendance par rapport à la direction est essentielle, mais vu la décision des tribunaux, ce que la GRC estime tout aussi essentiel dans la syndicalisation, c’est le choix des employés. Pour les conservateurs, ce choix consiste à accorder à tous les agents, qu’ils travaillent à Windsor, à Winnipeg ou à Whitehorse, le droit de décider qui sera leur agent de négociation collective et, en fait, de décider s’il en faut même un. Comment le choix des employés peut-il le mieux se manifester? Par vote secret, comme c’est la tradition dans tous les syndicats du secteur public, qui sont en place depuis des décennies.
Je ne sais pas pourquoi le gouvernement répugne autant à l’admettre. Pourtant, c’est par scrutin secret que les Canadiens élisent les députés du caucus du gouvernement. Les ministériels estiment manifestement que c’est suffisant pour se faire eux-mêmes élire, mais ils ne veulent pas donner aux policiers canadiens la possibilité d'exprimer leur choix par vote secret.
Des agents de la GRC ont dit que je m’attachais à des détails. Ce n’est pas un détail. C’est fondamental pour un vrai choix, libre de toute influence exercée dans le milieu du travail, par le Parlement et par la direction. C’est un principe fondamental de notre démocratie dont jouissent les Canadiens depuis 1874. Les conservateurs expriment ces préoccupations depuis le premier discours que j’ai tenu en cette Chambre sur le projet de loi C-7. Nous sommes très déçus que le gouvernement n’y ait pas donné suite en accordant aux hommes et aux femmes à qui nous confions la protection des droits et la sécurité des Canadiens le même droit démocratique fondamental de choisir leur agent de négociation collective.
Pour ce qui est des exclusions, j’ai exprimé très clairement mon appui pour le gouvernement, ou du moins ma volonté de l’appuyer. Je sais que beaucoup d’agents de la GRC ont pris connaissance de mes discours sur le projet de loi C-7. La Cour suprême a bien précisé que tous les éléments de la convention collective ne sont pas négociables.
Pourquoi y a-t-il des exclusions? Elles découlent de la structure paramilitaire de la GRC et de certaines de ses particularités. En effet, la GRC a des caractéristiques uniques en matière d'affectations, de discipline, de grades opérationnels, d'uniformité des opérations et de comportements sécuritaires. Si toutes les affectations pouvaient faire l'objet de négociations ou de griefs, la structure opérationnelle de la force disparaîtrait. Il faut aussi garder à l'esprit les similitudes avec le monde militaire. Croyons-nous vraiment que dans les forces opérationnelles telles que la GRC et les forces armées, toutes les décisions en matière d'opérations ou de discipline devraient se prêter à des griefs? Ce ne serait pas raisonnable, selon moi. Pour avoir porté l'uniforme pendant 12 ans, je sais que ce ne serait pas raisonnable. En fait, la chaîne de commandement très particulière qui existe à la GRC, tout comme dans les forces armées, doit nécessairement s'éloigner de la dynamique traditionnelle des milieux de travail. J'en suis conscient. Quelques membres des associations de la police montée sont fortement en désaccord avec moi sur ce point, mais la plupart d'entre eux reconnaissent que la GRC est une organisation paramilitaire qui a une culture et des besoins particuliers.
On mentionne souvent la question du harcèlement, et tout le monde affirme que cet enjeu devrait être inclus dans les négociations. Si c'était le cas, tout serait considéré comme du harcèlement. Il faut avoir une tolérance zéro à l'égard du harcèlement et l'éliminer complètement. J'ai entendu les observations du ministre. Je sais qu'il attache une importance prioritaire à cet enjeu, comme le faisait le ministre précédent.
Le projet de loi C-42 présenté lors de la législature précédente, la Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, abordait précisément ce sujet et établissait des garanties et un processus entourant la tolérance zéro au sein de la GRC. Tous les députés sont d'accord sur ce point. Le harcèlement en milieu de travail ne doit absolument pas être toléré, notamment en raison de la chaîne de commandement qui place un officier supérieur, homme ou femme, en position de pouvoir. Cela peut créer de grandes difficultés en cas de harcèlement. L’utilisation de ce pouvoir pour harceler marque une absence de leadership de la part de ce supérieur.
Nous pouvons nous attaquer au problème du harcèlement et instaurer la tolérance zéro, sans pour autant exclure certains éléments, afin d'éviter que tout ce qui a trait aux opérations, à la discipline, aux affectations et ainsi de suite ne fasse pas l’objet d’un grief pour harcèlement. Tout cela est possible.
Je rappelle aux membres de la GRC et à ceux qui vont continuer d’écouter mes discours sur le projet de loi C-7 qu'on en est encore aux vieilles façons de penser. Une fois qu'il y aura un syndicat indépendant, faute d'un meilleur terme, une de ces associations de la police montée à l'échelle nationale, elle se fera largement entendre dans le débat public et pas seulement à la table des négociations collectives. Tout comme l'APMO a intenté une action judiciaire et fait des déclarations publiques, une fois que la GRC aura un seul agent négociateur, les hommes et les femmes de cette organisation pourront jouer un rôle de premier plan dans les débats sur le maintien de l'ordre, les questions de politique publique, les questions de sécurité publique et de sûreté, et le harcèlement. Je dis aux membres de la GRC de ne pas penser à l'avenir en fonction du passé et du programme des relations de travail, qui n’était manifestement pas assez indépendant pour la direction, mais de penser à ce nouveau syndicat comme une entité indépendante de la direction.
Ne nous leurrons pas et ne pensons pas que nous pouvons traiter la GRC, avec sa chaîne de commandement, ses besoins opérationnels, sa discipline et ses affectations, comme n’importe quel autre ministère fédéral. Ce n’est pas le cas. Nous demandons beaucoup des hommes et des femmes qui portent l'uniforme de la police fédérale et, en retour, il existe un ensemble particulier de relations entre les employés et l’employeur. La Cour suprême l’a non seulement reconnu, mais elle nous a donné une feuille de route qui nous permet de dire que cela est possible et conforme à la Charte.
J’ajouterai, à propos des exclusions, qu’il y a aussi la Loi sur la gestion des finances publiques, qu’il y a un processus de traitement des plaintes par la voie civile et qu’il y a les lignes directrices du Conseil du Trésor sur tout un éventail de questions liées au travail. La table des négociations collectives n’est pas le seul endroit où la santé, le bien-être et les éléments professionnels du milieu de travail des membres de la GRC sont étudiés. Nous devons nous en souvenir.
Je voudrais féliciter brièvement le gouvernement d’être disposé à supprimer les articles 40 et 42 du projet de loi C-7. Le caucus conservateur — et le caucus néo-démocrate s’est joint à nous — a fait pression pour que ces articles soient supprimés. Ces dispositions n’étaient pas essentielles par rapport à la décision de la Cour suprême du Canada et à la nécessité d’un agent négociateur. À bien des égards, elles concernaient les hommes et les femmes de la GRC dont le gouvernement essayait de déléguer la santé et le bien-être au travail à des organismes d'indemnisation des accidentés du travail. Ce que je veux dire, notamment en ce qui concerne les blessures de stress opérationnel, qui vont en augmentant, c’est que nous n’avons pas besoin d’inégalités dans le pays lorsque nos hommes et nos femmes demandent des soins et une indemnisation à la suite de blessures. Une norme uniforme élevée est nécessaire pour notre force de police du plus haut niveau. Je félicite le gouvernement de nous avoir écoutés et d'avoir retiré ces dispositions du projet de loi C-7.
Parallèlement à l’examen du projet de loi C-7, notre comité de la sécurité publique entend également des membres des services en uniforme de tout le pays sur la question des blessures de stress opérationnel. Il est encourageant de voir tous les partis travailler sur cette question. Nous devons, dans ce domaine, prendre les enseignements venant des Forces armées canadiennes, d’Anciens Combattants Canada et de la GRC et en faire part à d’autres forces de police municipales, aux pompiers, aux ambulanciers paramédicaux et aux gardiens de prison.
Les conservateurs apprécient l’attitude du gouvernement sur certains fronts en ce qui concerne le projet de loi C-7. Cependant, sans scrutin secret et sans réelles consultations pour s’assurer que les hommes et les femmes aux premières lignes de la GRC comprennent les exclusions, ce sur quoi j’ai essayé de travailler avec le gouvernement, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle. Je demande au gouvernement d’accorder plus de temps pour que les hommes et les femmes de la GRC aient confiance dans le syndicat qui sera créé.