Monsieur le Président, je tiens à féliciter tous les députés de l'excellent débat tenu jusqu'à présent. Je siège à la Chambre des communes depuis 2004. J'ai fait partie de l'Association parlementaire Canada-Europe et je suis fier d'être maintenant président de cette association. Nous avons beaucoup discuté avec nos homologues de l'Union européenne, tant avec des députés du Parlement — c'est-à-dire d'États membres, qu'il s'agisse de députés du Royaume-Uni ou de sénateurs d'Italie —, qu'avec des députés du Parlement européen, qui s'attendent à tenir un vote sur cette question, tout comme nous aujourd'hui, au mois de décembre. Dans quelques semaines, nos homologues à Bruxelles feront à peu près la même chose.
L'Union européenne est un partenaire économique très important, représentant la deuxième économie du monde, et le deuxième partenaire commercial du Canada après les États-Unis. Il s'agit donc d'un accord extrêmement important.
En outre, nous occupons le deuxième rang après les États-Unis à cet égard. Il faut aussi tenir compte du fait qu'il ne s'agit pas d'un accord bilatéral avec un seul pays, mais avec 28 pays. Le moins qu'on peut dire, c'est qu'il s'agit d'un accord global. Non seulement il nous faut négocier avec 28 pays membres de l'Union européenne, mais il y a également eu au cours des années une participation sans précédent de la part des provinces canadiennes dans le cadre des négociations.
Nous avons parlé de façon ponctuelle dans le passé de l'ampleur de la participation des provinces. On compte parmi nos réussites la conférence de Rideau sur l'environnement. Il y a eu des discussions sur l'accord de libre-échange avec les États-Unis à la fin des années 1980, mais les provinces n'avaient jamais participé autant. Si elles le font dans ce cas-ci, c'est qu'une grande partie de l'AECG a trait aux compétences provinciales. L'approvisionnement est l'un des éléments les plus importants. Il s'agit de l'une des exigences initiales de l'Union européenne, qui souhaitait, avec raison, discuter de la façon dont les provinces participeraient, de sorte que les provinces ne puissent pas faire fi de certains éléments prévus dans l'Accord.
Même si les provinces n'ont pas de pouvoir de ratification, je puis en toute honnêteté affirmer, d'un point de vue personnel, que, d'après ce que j'ai vu, elles ont toutes participé à fond aux négociations avec le gouvernement fédéral. J'ai parlé à des représentants de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, qui y ont participé assez activement.
Il y a eu des problèmes au début au sujet des produits de la mer, des produits du phoque et d'autres choses du genre ainsi que de certains embargos et interdictions commerciaux, mais tout cela est maintenant réglé. Je travaille encore à essayer de convaincre les parlementaires européens qu'ils ne devraient pas interdire les produits du phoque et qu'il faudrait envisager des modifications à cette mesure d'un point de vue commercial, mais ce sera une bataille pour une autre fois, comme on dit.
Mon collègue de la Colombie-Britannique a parlé de chiffres, notamment d'environ 21 milliards de dollars pour les fruits de mer. Réfléchissons-y un instant. Dans ma circonscription, j'ai eu une usine de transformation de la crevette nordique, la petite crevette. En Europe, on l'appelle la crevette à salade. Au Royaume-Uni, on en est particulièrement friand, et nous en exportons beaucoup.
Au cours des 15 à 20 dernières années, le secteur de la crevette a généré une grande partie des revenus de bon nombre de pêcheries dans l'ensemble du Nord-Est de Terre-Neuve, et une bonne partie du produit de cette pêche a été exportée en Europe. Ces exportations ont été dès le départ assujetties à des droits de douane de 20 %, ce qui a causé bien des difficultés. Nous avons vendu de forts volumes malgré cela, mais je ne peux m'empêcher de penser aux occasions manquées.
Dans ma circonscription, une grande usine de transformation de la crevette a fermé ses portes il y a environ quatre ans, à Port Union. Encore aujourd'hui, je suis absolument convaincu que, si on avait alors mis en place un accord qui aurait éliminé les droits de douane visant la crevette, l'usine serait encore ouverte aujourd'hui. Nous avons manqué de ressources dans le secteur de la crevette, mais je crois que cette usine en particulier aurait survécu si je me fonde sur les ventes qu'elle aurait pu réaliser dans l'Union européenne, en particulier en Europe occidentale, et c'est bien dommage. On a établi des critères qui prévoyaient l'imposition de droits de douane de 7 % au lieu de 20 % pour les 20 000 premières tonnes de crevette. Maintenant, grâce à cet accord, il n'y aura plus de droits de douane.
Par ailleurs, comme je l'ai souligné plus tôt, 96 % de ces droits de douane disparaîtront lorsque cet accord entrera en vigueur. C'est une occasion exceptionnelle pour le secteur des fruits de mer, en particulier pour les transformateurs, parce qu'il ne fait aucun doute que nous devrions créer des emplois dans nos usines.
J'ai entendu certaines interventions des députés au sujet de l'agriculture et, bien franchement, les chiffres fournis sont impressionnants, en particulier dans le secteur du porc. Cet accord commercial aura des retombées incroyables.
Au début, nous avons discuté des reproches que nous faisait l'Union européenne, relativement entre autres aux directives sur la qualité des carburants et à la chasse au phoque, une question dont j'ai parlé. Mais nous sommes parvenus à surmonter tellement bien ces écueils que nous avons conclu non seulement un accord commercial, mais également un accord de partenariat stratégique. Essentiellement, cela revient à dire que, parallèlement à la mise en oeuvre de l'accord commercial, nous allons respecter les principes auxquels nous adhérons, en matière de respect des droits de la personne. Évidemment, si des violations des droits de la personne sont commises, il y aura remise en question de l'accord commercial également, ce qui est une bonne chose. Donc, à mon avis, l'accord constituera un modèle d'excellence à imiter pour les autres accords bilatéraux ou multilatéraux.
L'accord tient compte aussi des normes du travail et les normes environnementales. Évidemment, lorsque nous avons réglé les détails juridiques de l'accord, nous avons discuté du mode de règlement des différends. Personnellement, je me suis toujours intéressé aux dispositions de règlement des différends dans cet accord, car la présence de ces dispositions est inévitable. Voici un exemple qui le démontre.
Un ancien premier ministre provincial a exproprié une scierie dans ma circonscription. Une erreur a été commise et la province a voulu retirer à un moulin ses droits de coupe et relatifs à l'utilisation de l'eau, ce qui a eu pour effet de l'exproprier. L'affaire a donné lieu à une amende imposée en vertu de l'ALENA. Dans ce genre d'affaires, il faut régler des différends. Nous avons un tribunal à cet effet et j'y crois.
Bien sûr, le tribunal fait partie du 10 % de l'Accord qui entrera en vigueur une fois qu'il sera ratifié par les États membres. La plus grande partie de l'Accord, soit un peu plus de 90 %, prendra effet après avoir obtenu un vote favorable du Parlement européen et l'approbation de la Commission européenne.
Je veux mentionner d'autres points concernant l'Accord.
Les marchés publics représentent également une occasion en or de faire connaître nos compétences et d'exporter notre main-d'oeuvre spécialisée. Dans ma région du centre de Terre-Neuve et dans toute la province de Terre-Neuve-et-Labrador, y compris les régions rurales, notre main-d'oeuvre spécialisée constitue notre principale exportation depuis 20 ans.
À la suite de l'effondrement de l'industrie de la pêche à la morue en 1992, une multitude de petits collèges privés ont ouvert leurs portes parce que beaucoup de gens se faisaient payer pour suivre une formation. À l'époque, ces collèges ont été en mesure de guider les gens vers un nouvel univers — celui des secteurs pétrolier, gazier et minier —, où les métiers techniques sont en forte demande. Après avoir reçu une éducation et avoir travaillé dans ces secteurs pendant 10 à 15 ans, ces personnes, comme quelqu'un l'a souligné, ne se rendent plus aussi souvent au quai pour pêcher. Elles se rendent plutôt à l'aéroport et apportent avec elles leurs compétences dans des endroits comme l'Afrique, la Russie, la Norvège et l'Alberta.
La reconnaissance des compétences professionnelles dans cet accord est l'un de ses aspects qui me réjouissent le plus. Il y a un chapitre sur ce sujet qui, à mon avis, sera un autre modèle d'excellence pour ce qui est de faire connaître nos compétences et d'exporter notre main-d'oeuvre spécialisée vers d'autres marchés.
Toutefois, il y a une tendance alarmante qui s'observe. D'après le plus récent rapport de l'Organisation mondiale du commerce et d'autres institutions internationales sur les barrières commerciales, publié en juin, les économies du G20 ont adopté 145 nouvelles mesures restreignant le commerce de la mi-octobre 2015 à la mi-mai 2016. Il s'agit de la moyenne mensuelle la plus élevée depuis 2009. J'en ai moi-même été témoin.
Le mouvement anti-commerce et certaines de ces inquiétudes ont déjà été évoqués ici. Je partage ces inquiétudes, notamment en ce qui concerne le règlement des différends, les produits pharmaceutiques ainsi que l'industrie agricole et celle des fruits de mer. Je crois néanmoins qu’un accord commercial progressiste tel que celui-ci aidera le pays pour la simple raison que, comme on l’a probablement dit des centaines de fois aujourd'hui, le Canada doit jouer dans la cour des grands lorsqu’il s’agit de commerce. Nous n’avons pas d’autre choix.
Pour une nation de la taille de la nôtre, avec l’économie qui est la sienne et sa population de 35 millions d’habitants, il est presque ridicule de s'interroger sur le bien-fondé du libre-échange. On n’en est plus là. C’est comme si l’on débattait de la question à savoir si la terre est plate ou ronde. Non, nous sommes des libres-échangistes. Nous n’avons pas d’autre choix.
À mon avis, c’est un bon exemple de la façon dont nous devons procéder à l’avenir. Par exemple, nous savons que le Brexit va se concrétiser. J’encourage le gouvernement fédéral et les autres gouvernements à amorcer des négociations avec le Royaume-Uni pour s’assurer que les normes qui ont été établies dans l’Accord économique et commercial global continueront de s'appliquer dans ce qu'on pourrait appeler l'« après-Brexit ».
Cela dit, j’attends avec impatience questions et observations.