Monsieur le Président, c'est la première occasion que j'ai de soulever une question de privilège. Elle a trait au programme Emplois d'été Canada de cette année. Nous venons de recevoir la liste, et elle met en évidence mes préoccupations. J'ai passé cette liste en revue et je vous fais part de mes préoccupations en soulevant une question de privilège à la première occasion.
Je soulève la question de privilège en ce qui concerne une question qui, comme le constateront les députés, se situe à l'extérieur des droits et immunités explicites, de sorte que la Chambre ne peut la considérer comme une atteinte au privilège, mais elle peut déclarer qu'il s'agit d'un outrage au Parlement, comme l'explique Joseph Maingot, à la page 236 du Privilège parlementaire au Canada. Il écrit:
En plus des droits et immunités explicites dont la Chambre et ses membres ont besoin pour s’acquitter de leurs fonctions législatives, « la Chambre des communes peut également examiner tout acte ou omission direct ou indirect autre qu’une atteinte à ses droits et immunités explicites, et si elle est d’avis que l’acte ou l’omission tend à entraver l’exercice de ses fonctions parlementaires ou celles des députés, elle peut déclarer qu’il s’agit d’un outrage au Parlement et exercer sa compétence pénale, même en l’absence de précédent ».
À la page 81 de Bosc et Gagnon, il est écrit ce qui suit:
Il existe [...] d’autres affronts contre la dignité et l’autorité du Parlement qui peuvent ne pas constituer une atteinte aux privilèges comme telle. Ainsi, la Chambre revendique le droit de punir au même titre que l’outrage tout acte qui, sans porter atteinte à un privilège précis, nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions, ou transgresse l’autorité ou la dignité de la Chambre... de ses députés ou hauts fonctionnaires.
Je m'occupe du programme Emplois d'été Canada depuis 14 ans. J'ai été élu en 2004. Les critères de valeur du gouvernement ont entravé mon rôle de député et j'aimerais dire à mes collègues de quelle façon ils l'ont fait.
Le programme Emplois d'été Canada de cette année a été mis en branle par le courriel du 8 décembre 2017 de Service Canada que j'ai reçu. Il s'agissait probablement d'un courriel collectif qui a été envoyé à chaque député. Il disait ceci:
À titre de député, vous aurez l'occasion de jouer les rôles suivants dans le cadre de la mise en oeuvre d'ECC:
1. promouvoir le programme d'ECC dans votre circonscription.
2. participer à l'établissement des priorités locales;
3. valider la liste des projets recommandés;
4. aviser les candidats retenus.
J'ai répondu à la représentante de Service Canada, qui a fait un excellent travail. Je lui ai parlé au téléphone et je lui ai demandé de me donner la définition des droits en matière de procréation se trouvant dans cette nouvelle condition relative à l'attestation. Elle ne pouvait pas me répondre. Je lui ai donc envoyé un courriel le 13 décembre, quelques minutes après lui avoir parlé au téléphone, pour préciser ce dont il avait été question. J'ai écrit:
Je suis d'accord avec les priorités d'Emplois d'été Canada 2018 pourvu que la nouvelle exigence relative à l'attestation n'empêche pas des organismes de recevoir du financement dans le cadre du programme Emplois d'été Canada 2018 s'ils s'opposent à la définition des droits en matière de procréation et qu'ils refusent de signer l'attestation. Il peut y avoir des questions controversées ayant trait à la procréation qui n'ont rien à voir avec leur demande de financement, et cela ne devrait pas rendre incomplète ou inadmissible leur demande. Vous avez été incapable de me donner la définition des droits en matière de procréation aux fins du programme, et j'attends avec impatience votre réponse. D'ici là, mon approbation est conditionnelle.
Quelques minutes plus tard, elle a confirmé avoir reçu mon courriel et elle a ajouté ce qui suit: « Je suis ravie de vous avoir parlé aujourd'hui. Merci de m'avoir envoyé le courriel aussi rapidement. Dès que j'ai une réponse à votre question, je communiquerai avec vous. Je suis impatiente de discuter avec vous au cours de la nouvelle année. »
Le message que j'ai ensuite reçu de Service Canada ne répondait pas à mes questions. C'était la liste. Par conséquent, je n'ai jamais reçu la définition des droits en matière de procréation qui se trouve dans les exigences.
Ensuite, j'ai reçu cette liste. Comme je l'ai dit, je m'occupe du programme depuis 14 ans. J'ai passé en revue les listes précédentes, soit celles de 2015, de 2016 et de 2017, et il arrivait souvent que les mêmes personnes présentent une demande et offrent des possibilités d'emplois incroyables à des jeunes de ma circonscription, Langley—Aldergrove. J'ai remarqué qu'elles faisaient toutes partie d'organismes sans but lucratif, et cela m'a vraiment plu. J'ai aussi regardé la note d'évaluation. Sur 100, elle est passée de 87 à 73 pour tous les organismes recommandés sur la liste approuvée.
Ensuite, j'ai regardé la liste de cette année, et elle ne correspond pas à ce qui est arrivé. Il y a tellement de personnes et d'organismes de ma circonscription qui ne figurent pas sur la nouvelle liste recommandée. Le code d'évaluation est passé de 87 à 73; il commence maintenant à 73 — taux d'évaluation beaucoup moins élevé — et descend à 48, ce qui représente un changement majeur. Un certain nombre de groupes constitutifs n'ont pas pu présenter de demande et ont été rejetés. Les groupes qui m'ont demandé de porter cette question à l'attention de la Chambre sont la Northwest Langley Baptist Church, la Christian Life Assembly, la Fort Langley Evangelical Free Church, la Brookwood Baptist Church, la North Langley Community Church, la Willoughby Church, la Riverside Calvary Chapel, Loft Country, Living Waters, et Power to Change.
Il y avait un autre groupe qui offrait des emplois à de jeunes femmes qui reprenaient leur vie en main. L'organisme leur apprenait à construire et à installer des armoires dans le cadre de leur programme de rétablissement. Malheureusement, il n'a pas non plus été en mesure de présenter sa demande.
Refuser à certains contribuables canadiens l'accès à des subventions ou à des programmes provinciaux en raison de leurs croyances, de leur foi, de leur conscience personnelle ou de leur opinion, qui sont tous des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, même si cela va à l'encontre des points de vue ou des politiques du Parti libéral du Canada, cela se veut une infraction et une atteinte au privilège, et cela nuit à ma capacité de représenter les gens et de gérer le programme d'Emplois d'été Canada au nom des électeurs de ma circonscription, comme je suis tenu de le faire.
Je crois que la Chambre peut considérer ces agissements du gouvernement comme un outrage. Dans Le privilège parlementaire au Canada, nous trouvons l'explication suivante à la page 231:
On peut donc dire que les « privilèges » de la Chambre ne peuvent pas être codifiés de façon exhaustive; il existe un grand nombre d'actes ou d'omissions potentiels que la Chambre serait amenée à qualifier d'outrages, alors même qu'ils ne lèsent aucun de ses droits et immunités explicites.
Monsieur le Président, si vous jugez qu'il y a de prime abord matière à question de privilège, je suis disposé à proposer la motion appropriée et à renvoyer cette question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je suis impatient de connaître votre décision.