Madame la présidente, je prends moi aussi la parole au sujet de la motion M-45 modifiée. Il ne faut pas perdre de vue ce qu'elle propose au juste. Certes, on y suggère que le gouvernement veille à analyser l’effet que les projets d'infrastructure fédéraux auront sur les émissions de gaz à effet de serre, mais on n'y indique pas les seuils d'émissions et on ne précise pas qui sera consulté à propos de ces seuils ni quand auront lieu les consultations. J'insiste là-dessus parce que les maires des grandes villes affirment que la situation des logements sociaux et abordables constitue une crise et qu'il leur faut du financement dès maintenant. Ils veulent savoir combien de temps ils devront attendre avant que les critères soient établis.
L'évolution vers la prise en considération d'un mode de vie plus durable suscite un vif intérêt partout au pays, y compris dans Edmonton Strathcona. L'administration municipale, sous la direction du maire Iverson et du conseil, ainsi que les jeunes de ma ville s'intéressent vivement à la création d'emplois dans le domaine des énergies nouvelles, y compris les infrastructures plus vertes.
La motion semble répondre marginalement aux recommandations formulées par la commissaire à l'environnement et au développement durable dans son rapport d'audit publié récemment. Elle n'offre qu'un cadre partiel pour la réalisation des engagements déjà pris par le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités en vue de réattribuer au moins en partie des fonds fédéraux vers l'écologisation des infrastructures.
Le problème, c'est que la motion ne prévoit aucun changement en profondeur aux lois en matière de réglementation ou d'évaluation qui rendrait obligatoire la prise en compte de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle ne tient pas compte non plus des propositions visant une réforme globale qui permettrait d'établir un processus d'évaluation environnementale digne de la prochaine génération, comme le proposent d'éminents spécialistes du processus d'évaluation environnementale et juridique, dont certains sont rattachés à l'Université Dalhousie, dans la circonscription du député d'Halifax.
Que réclamait au juste la commissaire à l'environnement et au développement durable? Elle réclamait des réformes plus en profondeur des façons dont le gouvernement fédéral investit dans les infrastructures municipales. Le printemps dernier, elle a publié son rapport d'audit sur les programmes d'infrastructure fédéraux destinés à améliorer la durabilité des collectivités sur le plan environnemental, y compris le Fonds fédéral de la taxe sur l'essence, le Fonds municipal vert et d'autres programmes d'infrastructure dont l'objectif est d'améliorer le rendement et la durabilité des collectivités canadiennes. Elle a déterminé que, dans les trois cas, le gouvernement n'avait pas atteint ses objectifs sur le plan environnemental, dont l'un visait l'adoption de mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques.
Qu’en est-il du Fonds fédéral de la taxe sur l’essence? La commissaire n’a rien trouvé qui prouve que les dépenses faites dans ce contexte ont contribué à l'assainissement de l’air ou de l’eau, ou encore à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Lorsque Jack Layton présidait la FCM, il a créé des critères de durabilité pour le fonds, les municipalités étaient tenues de préparer des plans de développement durable pour avoir droit à une partie des fonds du programme. Toutefois, les conservateurs, qui formaient le gouvernement précédent, ont éliminé toutes les références à la durabilité dans les ententes renouvelables du fonds.
Au cours de la dernière décennie, il n’existait aucune mesure adéquate du rendement, aucun processus de rapport, ni aucune reddition de comptes à l’égard des dépenses du fonds. La commissaire a recommandé qu’Infrastructure Canada travaille avec les destinataires des fonds en vue d’élaborer des mesures de rendement efficaces, d’apporter des correctifs ainsi que de faire rapport au Parlement et au grand public. La motion M-45 tient compte en partie de ces recommandations, mais uniquement pour l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre, et aucune mesure particulière n’est requise en ce qui concerne la reddition de comptes.
Qu’en est-il du Fonds municipal vert? Il s’agit d’un fonds de 500 millions de dollars dont le gouvernement a doté la Fédération canadienne des municipalités, ou FCM, au début des années 2000. La commissaire a déterminé que la FCM avait géré ce fonds de manière efficace, mais qu’elle avait besoin d’attentes en matière de rendement et d’objectifs clairs, ainsi que d’un engagement à plus long terme de la part du gouvernement fédéral. L’annonce du Fonds pour l’infrastructure verte règle une partie de ces problèmes, mais les critères particuliers ne sont pas encore connus. Le seuil, qui sera convenu plus tard, entraînerait le déclenchement d’une évaluation des émissions de gaz à effet de serre, mais encore une fois, ce seuil n’est pas connu. L’entente qui permet à la FCM d’obtenir le financement stipule déjà le souhait d’améliorer la qualité de vie des Canadiens en améliorant la qualité de l’air, de l’eau et du sol et en protégeant le climat. Les critères comprennent l’énergie. Encore une fois, il faut une plus grande certitude.
Qu’en est-il des préoccupations de la commissaire à l’égard des fonds fédéraux destinés à l’infrastructure en général? La commissaire a déterminé que le gouvernement avait négligé de tenir compte des risques environnementaux, notamment des changements climatiques, et qu’il avait omis de cerner, de gérer ou de réduire les risques environnementaux que le Fonds pour l’infrastructure verte est censé aborder, mais sans critères.
Quelle est la réaction de la Fédération canadienne des municipalités à l’endroit de la motion? On m’a dit que la FCM était préoccupée par les effets des changements climatiques et qu’elle a déjà décidé de prendre des mesures concernant les émissions dont les municipalités sont responsables. Elle prend les devants en ce qui concerne la capacité d’adaptation aux changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, non seulement parce que c’est la bonne chose à faire, mais parce qu’elle n’a plus le choix. Dans ma province, les municipalités subissent le gros des effets des inondations et des incendies.
Des programmes sont mis en place partout au pays pour rendre les parcs de véhicules de transport en commun plus verts, pour moderniser les bâtiments et pour gérer les eaux de ruissellement de manière plus efficace. La Fédération s’inspire de certaines des meilleures pratiques canadiennes de réduction des émissions de carbone, notamment en investissant dans le chauffage municipal, dans le transport en commun actif, dans l’infrastructure destinée aux véhicules électriques et dans l’amélioration de la gestion des déchets. Pour elle, la souplesse est fondamentale. La FCM veut également faire entendre son point de vue pour toutes les conditions qui sont établies.
L’Association canadienne du transport urbain, qui est présente depuis quelques semaines sur la Colline pour discuter avec tous les représentants élus, a déjà adopté le concept de la durabilité dans le transport en commun, ce qui est encourageant.
Nos partenaires ont également emboîté le pas.
Quels sont les défis que doit relever le gouvernement en ce qui a trait au réacheminement des fonds fédéraux vers l’écologisation de l’infrastructure? Comme je l’ai mentionné plus tôt, le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités a dit devant le comité et à l’extérieur qu’il avait centré ses efforts sur trois secteurs stratégiques, soit le transport en commun, l’infrastructure verte et l’infrastructure sociale.
On ne sait toujours pas comment le gouvernement définit l’infrastructure verte et s’il faudra fournir une analyse directe de la manière dont le projet permettrait d’aborder ou de réduire les impacts environnementaux, y compris la réduction des gaz à effet de serre.
Plusieurs députés ont suggéré que nous avons besoin de critères juridiques. À quoi bon effectuer des évaluations s’il n’y a aucune obligation de respecter ces engagements?
Il semble que les directives du gouvernement soient quelque peu contradictoires. Le ministre a mentionné que sa lettre de mandat stipule que les transports doivent de nouveau mettre l’accent sur les fonds consacrés aux infrastructures liées au commerce, et pourtant, on manifeste aussi un certain intérêt envers l’écologisation. Les sommes seront-elles consacrées à la construction de viaducs, d’autoroutes et de gares, ou plutôt à l’écologisation de nos infrastructures?
Il est important de savoir qui déterminera les priorités. Je crois comprendre que le gouvernement libéral a dit qu’il ne cherchera plus à dicter leur ligne de conduite aux provinces ou aux municipalités. Pourtant, la motion à l’étude aujourd’hui même indique qu’il dictera les critères. La Fédération canadienne des municipalités a dit qu’elle souhaitait participer aux négociations sur les prochaines étapes dans ce dossier.
Comme mon collègue de Skeena—Bulkley Valley l’a recommandé dans son discours sur la motion, une évaluation du potentiel d’émission de gaz à effet de serre d’un projet d’infrastructure peut ne pas suffire. Il était d’accord avec la recommandation de la commissaire, à savoir qu’il fallait élaborer des mesures du rendement et des exigences en matière de production de rapports et de reddition de comptes. Je reprends les questions de mon collègue: les projets appartenant à ces catégories de financement seront-ils refusés s’ils ne réduisent pas les gaz à effet de serre? Cela signifie-t-il qu’on accordera la priorité aux projets qui proposent de réduire une plus grande quantité de gaz à effet de serre? Qu’en est-il des projets d’infrastructure qui ne réduisent pas les gaz à effet de serre, mais qui contribuent plutôt à réduire les effets des changements climatiques ou qui proposent de meilleures solutions?
Pourquoi s’en tenir seulement aux infrastructures? Le plus grand obstacle au respect de nos engagements internationaux en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre demeure notre principale industrie primaire. Est-il juste que nos municipalités soient soumises à un examen minutieux et à des conditions rigoureuses avant d’obtenir un financement fédéral alors que peu de conditions sont imposées à des sources plus vastes?
Les maires des grandes villes réclament un financement urgent pour le logement abordable et ils ont besoin de cet argent maintenant. Doivent-ils attendre ce critère? Doivent-ils attendre et être consultés relativement à ce critère?
Pourquoi ne pas procéder à une réforme plus profonde des lois touchant l’évaluation des impacts environnementaux? Beaucoup d’intéressés, y compris des spécialistes du droit de l’Université Dalhousie et de l’École de droit Schulich, préconisent un changement de prochaine génération plus substantiel qui met davantage l’accent sur les évaluations de la durabilité au lieu de ne considérer que les réductions des émissions de gaz à effet de serre. Ils veulent des conditions claires.
Il est plus que temps pour le gouvernement fédéral d’aborder la question des émissions croissantes de gaz à effet de serre. Cette motion apporte un début de réponse, mais ce n’est qu’une solution partielle. Nous appuierons la motion, mais nous nous attendons à ce que le gouvernement impose des conditions plus précises.