Monsieur le Président, je propose que le 66e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté le mardi 19 juin, soit adopté.
[Le député s'exprime en cri.]
J'aimerais partager mon temps de parole avec la députée de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill.
Je viens de dire dans la langue crie que je suis extrêmement fier d'être ici et que nous sommes tous apparentés. C'est une façon de dire bonjour à tous. D'ailleurs, cela ne s'adresse pas seulement à mes concitoyens du Canada, mais également à toutes les personnes avec qui je suis en relation. Il s'agit également de dire à toutes les personnes et à toute la création que nous sommes ensemble.
La langue et la culture sont extrêmement importantes. Elles sont indissociables. Les langues autochtones s'éteignent depuis maintenant plus de 150 ans. Elles ont été ignorées pendant des générations et activement réprimées par les gouvernements. Je suis fier de dire que cette période est révolue, car nous entrons dans une nouvelle ère. Nous aurons une chance de nous battre pour assurer la survie des langues autochtones.
Lorsque j'ai été élu pour la première fois à la Chambre des communes, j'avais un rêve, le rêve qu'une grand-mère, à partir de sa réserve, puisse allumer la télévision et regarder les grands débats du Parlement dans sa langue autochtone, que ce soit en cri, en anishinabeg, en innu, en langue iroquoise ou en toute autre langue autochtone du Canada. Il est extrêmement important que ce rêve se réalise, mais le défi est grand, car il n'y a pas d'autorité centrale pour permettre à cette grand-mère d'écouter la télévision dans sa langue. Même si nous offrons CPAC en français et en anglais, la diffusion n'est pas offerte dans les langues autochtones.
Dans les Premières Nations Little Pine, Moosomin, Mosquito Grizzly Bear's Head, Sweetgrass, Poundmaker et Red Pheasant, d'où vient ma famille, les gens disent depuis longtemps qu'ils aimeraient entendre parler des langues autochtones, comme la langue crie, ici, à l'assemblée du peuple. Pour que le rêve de tous soit réalisé au Canada, pour que la vision du pays qui se dégage de la Constitution et de la Charte se concrétise, les langues autochtones doivent avoir leur place à la Chambre. Il est grand temps. Je pense que tous les partis à la Chambre sauront convenir que, pour que nous soyons vraiment une grande nation, chaque personne devrait savoir que cette nation est la sienne, qu'elle soit ici depuis une journée ou que ses ancêtres soient ici depuis des temps immémoriaux, depuis que coulent les rivières et que pousse l'herbe.
J'aimerais remercier les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui ont passé d'innombrables heures à se battre pour que les langues autochtones soient utilisées à la Chambre. Ce sont les députés de Yukon, de St. Catharines, d'Halifax, de Laurentides—Labelle, de Winnipeg-Nord, de Brampton-Nord, de Coast of Bays—Central—Notre Dame, de York-Centre et de Kitchener-Centre, ainsi que la députée à présent ministre des Aînés. Ces députés, qui ne sont pas des Autochtones, se sont battus pendant d'innombrables heures pour les langues autochtones. Des députés de la loyale opposition ainsi que du troisième parti ont aussi passé d'innombrables heures à se battre pour les langues autochtones, même si cela ne présentait peut-être pas d'avantage pour eux, leur famille, leur histoire personnelle ou leur ancienne vision du Canada. Ils ont néanmoins défendu nos intérêts à tous.
Lorsque j'ai été élu pour la première fois, en 2015, je suis allé voir Annette Trimbee à l'Université de Winnipeg. Nous avons eu une rencontre plaisante et elle m'a informé qu'elle avait besoin d'aide pour quelques projets. Elle avait besoin de financement, mais l'Université de Winnipeg souhaitait également accroître sa formation linguistique.
Lorsque j'enseignais à l'Université du Manitoba, j'ai passé de nombreuses années à essayer d'augmenter le nombre de programmes linguistiques. L'Université de Winnipeg et Annette Trimbee s'intéressaient particulièrement à mes efforts parce qu'ils voulaient combiner ces programmes aux technologies et données modernes. Il leur manquait toutefois une grande quantité de métadonnées pour alimenter les algorithmes nécessaires pour obtenir une traduction adéquate qui permettrait aux ordinateurs de traduire correctement les langues autochtones. Il y a beaucoup de livres pour enfants, mais ils sont rarement écrits dans une langue vivante.
Je remercie Wab Kinew, qui était l'ancien vice-président adjoint des relations autochtones à l'Université de Winnipeg; M. Currie, le doyen de la faculté des arts; Glenn Moulaison, qui a également consacré énormément de temps personnel à l'apprentissage de langues autochtones; et Jacqueline Romanow, qui donne des cours crédités en cri et en ojibwé. Les professeurs de langue de la faculté incluent Darren Courchene, Annie Boulanger et Ida Bear.
La faculté appuie aussi un programme intensif de deux semaines pour apprendre à parler l'ojibwé. Le programme est conçu pour enseigner l'ojibwé aux débutants et aux intermédiaires et inclut du travail en classe et sur le terrain. Le travail sur le terrain s'effectue au camp Medicine Eagle et comprend un enseignement traditionnel sur la médecine, le perlage et les tambours. Les fonds nécessaires ont été versés par Affaires autochtones et du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada.
Il y a aussi Cameron Lozinski, un étudiant de premier cycle de l'Université de Winnipeg, qui élabore actuellement une appli visant à rendre sa langue ancestrale, le maskegon, plus accessible.
Lorena Fontaine, responsable des études autochtones à l'Université de Winnipeg, a fait un doctorat sur les droits linguistiques des Autochtones au Canada. Elle a collaboré avec Rebecca Chartrand et avec la stratégie du Manitoba en matière de langues autochtones, le Collège Red River, le Collège universitaire du Nord, l'Université du Manitoba et le gouvernement provincial du Manitoba à la création d'un programme d'accréditation à l'intention des locuteurs de langues autochtones qui ne sont pas enseignants. Elle milite par ailleurs en faveur des droits linguistiques des Autochtones depuis 12 ans, à l'échelle nationale et internationale.
Par ailleurs, l'Université a invité le personnel enseignant, les étudiants et le public à venir écouter Anton Treuer, professeur d'ojibwé à l'Université d'État de Bemidji, et Octaviana Trujillo, professeure du programme d'études autochtones appliquées à l'Université Northern Arizona.
Le centre de formation Wii Chiiwaakanak de l'Université de Winnipeg continue d'offrir un programme communautaire qui comprend notamment des cours d'ojibwé à l'intention de la population. Ces cours sont offerts gratuitement chaque semaine. L'enseignant, Aandeg Muldrew, étudie la linguistique à l'Université du Manitoba, où il est aussi chargé de cours en ojibwé.
C'est un enjeu extrêmement important. Toutes ces personnes contribuent à la survie de nos langues. À l'heure actuelle, aucun organisme d'envergure, au sein du gouvernement ou ailleurs, n'assure une uniformisation des termes, ce qui nous permettrait par exemple, lorsque nous prenons la parole à la Chambre, d'avoir un mot convenu d'un commun accord pour désigner un député, otapapistamâkew. Si le Parlement du Canada pouvait nous permettre d'avoir davantage recours à la traduction, d'avoir accès aux services d'interprètes de partout au Canada pour la langue crie et de collaborer pour établir une terminologie précise et faire des langues autochtones des langues vivantes, comme le français et l'anglais, il assurerait du même coup la pérennisation de ces langues, que mes enfants pourraient entendre avec fierté à la télévision.
Tout a commencé non seulement par une conversation avec Anne Trimbee, mais aussi lorsque j'ai pris la parole à la Chambre pour une déclaration de député il y a un an et demi. J'ai parlé uniquement en cri de la violence envers les femmes, en appui au mouvement Moose Hide Campaign, dont je porte fièrement le bouton sur le revers de mon veston, et il y a eu des rires à la Chambre parce que personne ne comprenait ce que je disais. J'ai invoqué le Règlement pour vous demander, monsieur le Président, si on avait porté atteinte à mes droits. Vous avez consulté le Règlement pour voir s'il y avait eu atteinte à mes droits et vous avez déterminé qu'il revenait à la Chambre de décider. Vous avez pris la sage décision de demander au comité de la procédure de faire enquête et de présenter un rapport afin de recourir aux processus dont nous disposons ici pour prendre la bonne décision.
En plus de remercier les autres députés, je dois vous remercier, monsieur le Président, d'avoir pris la courageuse décision de clarifier cette question. Si vous ne l'aviez pas fait, monsieur le Président, j'aurais été très déçu. J'espère que, grâce à vos décisions, mes petits-enfants auront la possibilité de parler une langue autochtone, ce qui est le plus grand héritage que vous aurez laissé à la Chambre comme Président. J'ai hâte de lire les décisions que vous avez rendues et qui seront consignées dans l'ouvrage qui paraîtra lorsque vous aurez quitté vos fonctions. Cette décision, je pense, sera un précédent. Elle sera extrêmement importante en regard de l'histoire de notre nation et de ce que nous aurons montré que nous pouvions accomplir en cette enceinte.
J'aimerais vous remercier, monsieur le Président, en micmac, wo la la li uk, en cri, xsay, ekosani et en anishinabe, meegwetch. Je vous remercie du fond du coeur.
[Le député s'exprime en cri.]
[Traduction]